Tout naturellement, en tant qu'anglophile, je ne pourrais pas me passer des poètes anglais pour vivre.
Shakespeare,
John Keats,
William Blake,
Lord Byron,
Wordsworth,
Coleridge, les soeurs Brontë ou
Oscar Wilde sont d'étern
elles sources d'inspirations et de plaisir pour moi. Vous l'aurez peut-être noté, rien que dans ma liste, les poétesses n'ont pas une grande place dans toute anthologie qui se respecte ce qui confirme ce qui disait
Virginia Woolf dans
Une chambre à soi sur la difficulté que représente l'accession au statut de poète pour une femme sans un minimum de conditions matéri
elles favorables.
J'ai une tendresse toute particulière pour
Emily Brontë et
Emily Dickinson (dire qu'il faille traverser l'Atlantique pour trouver une poétesse digne de ce nom) qui, en plus de leur prénom, partage une même aura mystérieuse autour de leur vie et de leur
oeuvre. Si vous l'avez l'occasion de vous procurer
La dame blanche de
Christian Bobin, vous aurez en main ce qui m'a donné envie de découvrir
Emily Dickinson grâce à cette très belle biographie plus ou moins romancée.
Toutefois, c'est d'une poétesse beaucoup moins connue que j'ai envie de vous présenter, qui a eu une vie (à mon sens) très romanesque et que j'ai découverte grâce à
Virginia Woolf :
Elizabeth Barrett Browning.
Virginia Woolf a le chic de sortir de l'anonymat des auteurs inconnues (la soeur de
Shakespeare,
Christina Rossetti ou Sara
Coleridge pour ne citer qu'
elles) et de nous donner envie de les lire sur le champ ! Ça a été mon cas avec
Elizabeth Barrett Browning, femme du poète
Robert Browning et dont les vers de ses
Sonnets portugais ont donné furieusement envie à
Rainer Maria Rilke de les traduire en allemand. Vous avez peut-être entendu parler de Flush de
Virginia Woolf (l'une de mes prochaines lectures pour le challenge
Virginia Woolf) et c'est par ce biais que j'ai été séduite par
Elizabeth Browning sans même lire une seule ligne de cette biographie du point de vue du chien de la poétesse ce qui déjà aiguiserait la curiosité de n'importe quel lecteur.
Passage obligé quand on lit de la
poésie anglaise, j'ai découvert les
Sonnets portugais dans son édition bilingue de la NRF (la même que j'ai pour les
poèmes d'
Emily Brontë bien que j'ai fait l'acquisition récemment d'une version audio des
poèmes de la famille Brontë, un régal, mes amis !) et, comme d'habitude, la traduction est pourrie (pardon pour la traductrice, Lauraine Jungelson) mais permet de sauver les meubles quand le sens d'une strophe nous échappe vraiment. Par contre, l'appareil critique est comme toujours très instructif surtout pour une poétesse aussi peu populaire. La préface est remplie d'anecdotes, d'extraits de correspondances (quand on sait qu'Elizabeth et Robert ont échangé 574 lettres, rien que ça !) en retraçant l'histoire du couple et la postérité des
Sonnets portugais.
D'ailleurs, qu'est-ce qui est à l'origine des
Sonnets portugais ? Il faut avant tout comprendre qui était Elizabeth Barrett avant et après avoir écrit ces
sonnets. Avant ça, atteinte d'une étrange maladie incurable , mélancolique depuis la mort de son frère préféré, recluse dans la maison familiale à Wimpole Street et destinée apparemment à rester vieille fille toute sa vie sous la pression d'un père autoritaire, elle va tout de même publier un recueil de
poèmes qui la rend célèbre en Angleterre et outre-atlantique et ce recueil va arriver dans les mains de Richard Browning.
Il va lui écrire, passionnément, et comme tous les gens célèbres qui reçoivent des lettres d'amour, elle va gentillement le refouler et elle ne lui offre que son amitié. Ils vont mettre du temps à se rencontrer en personne (à cause des réticences d'Elizabeth visiblement qu'il soit déçu de cette rencontre à cause de sa maladie). Après une première demande par écrit qu'elle refusera tout en reconnaissant que cet homme l'obscède sans y voir encore de l'amour, après de nouv
elles rencontres en l'absence de son père (qui, forcément, ne voit pas l'arrivée
Robert d'un bon oeil dans la vie monacale de sa fille), accepte finalement sa proposition à la seule condition que sa santé s'améliore, ce qui retarde encore un peu plus leur union. Finalement, le mariage est précipité en septembre 1846 dans le plus grand secret et sans le consentement du père. Comme dans tous les romans qui se respectent après un tel événement, ils décident de s'enfuir en Italie, à Florence.
C'est de cette rencontre décisive, autant amoureuse que humaine qu'Elizabeth Barret va écrire ses
Sonnets portugais jusqu'à son mariage, à l'insu de Robert Browning et forcément de sa famille. Ces
Sonnets from the Portuguese décrivent l'évolution de ses sentiments, comme un relevé presque journalier ce qui en fait une magnifique étude sur l'amour et la place de plus en plus envahissante de la passion dans la vie d'une femme amoureuse qui, enfin, vit pleinement les choses. Je ne crois pas que le titre de ce recueil soit une référence aux célèbres
Lettres portugaises de
Guilleragues, présentées faussement comme la traduction de lettres d'une religieuse portugaise à un officier français, longtemps attribuée à une vraie religieuse. La coïncidence est tout de même assez troublante car Elizabeth Barrett, vivant comme une femme recluse, dialogue dans ses
Sonnets avec l'être aimé où
elle suit le même parcours évolutif de doute, de confiance et d'amour sauf qu'il était rapportée dans les
Lettres portugaises à la foi et non à l'amour charnel.
Selon moi, un recueil de
poésie se lit différemment par rapport à toute oeuvre littéraire. J'aime délibérément sauter des
poèmes, lire certains plusieurs fois quand ils me touchent plus que les autres ce qui représente une lecture presque aléatoire. J'aime bien aussi piocher dans un recueil un poème au hasard, ce qui veut dire que je prends chaque poème pour lui-même et pas forcément dans sa relation avec tout le recueil. Parfois, c'est une lecture qui fonctionne, parfois non mais c'est sûr que ce n'est pas très académique et scolaire. de même, si on voit ces
poèmes comme un parcours linéaire vers l'amour, ce n'est peut-être pas la lecture la plus judicieuse mais je n'en ai pas moins aimé les vers d'
Elizabeth Browning et la sincérité de ses sentiments sans avoir besoin de retracer un parcours figé.
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