L'écrivain et poète Pierre Vinclair a répondu au décalé et intimiste Questionnaire de Trousp, autant inspiré par celui de Proust que des questions de Bernard Pivot.
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Chapitres:
0:08 Comment faire pour fabriquer des poèmes qui soient le plus lisibles possible, accessibles en même temps que mystérieux?
0:35 Avec quel poète ou écrivain aimeriez-vous passer une soirée au coin d'un feu?
0:44 Que pensez-vous de cette citation? «Un bon poète n'est pas plus utile à l'état qu'un bon joueur de quille.» François de Malherbe
0:56 La poésie est-elle toujours affaire d'émotion, de sensation ou de sens?
1:35 Qu'est-ce que la poésie par rapport à la prose ne peut pas ou ne sait pas dire?
2:40 Pensez-vous que la poésie sauvera le monde?
2:45 Vous souvenez-vous de votre premier poème?
3:31 Que pensez-vous de cette citation? «Plus que mode de connaissance, la poésie est d'abord mode de vie.» Saint-John Perse
5:56 Remerciements
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1. L’AMOUR DU RHONE
[Désir de fleuve
pour mont
vu de train]
extrait 8
Drame au long court
aveugle à la vision des trains
de containers fugaces
cristallisés (zones industrielles,
ronds-points, virgules,
massifs de fleurs plantées
dans le bourdon automobile)
désorienté – partout des routes
et partout par les routes
toutes directions –
peau de bête étendue
dans le malheur de Lyon.
p.20
(6)
Tu manges sans gluten... Je suis flexitarien.
Tous les soirs, je mitonne (incroyable il y a peu)
humblement – tarte, tian, lasagnes... – quelque plat.
On a beau se connaître, on ne se prévoit rien.
Je n’imaginais pas parler le japonais
en partant pour Kyoto... moins encore être en Chine...
Et dans un mois je passe un C1 de chinois !
(Mais si je change, c’est parce que je prends racine.
Car alors qu’à Hong Kong on m’écartait d’un poste
pour lequel je n’avais aucune compétence –
à Shanghai, son patron encourageait Clémence
à un énième tour de piste. Chaque année,
Jean-François, je te dis que je pars – et je reste :
chaque nouvel effort tourne la même vis.)
Complainte de l’endeuillée
Quand on – “ t’as passé une
bonne journée ? ” – lui parle d’autre chose,
ou que l’on se montre oubliant
son chagrin, l’endeuillée
qui n’a évidemment rien fait
que préparer l’enterrement,
nous mord
1. L’AMOUR DU RHONE
[Désir de fleuve
pour mont
vu de train]
extrait 2
UN TALUS S’INTERPOSE : halte-là !
épines de buissons, orties
stimulant la douleur de voir
le fleuve et l’œuvre vraie du monde –
d’une main mâle un Coulant caresse la terre
s’offre en surface
et tient la montagne serrée
l’étourdissant du geste chaud
de son limon – en la frôlant
elle lui rend émue par nuages de pluie
la chair de poule
piquant le reflet bleu de leur romance
doucement.
p.14
(43)
Je traverse la ville au milieu des sonates
de Beethoven — fin du vacarme. Les moteurs,
les cris ont disparu. Je suis devenu sourd
au-dehors, seul avec la musique au-dedans.
Seul, ou te regardant dans ton salon, Manu,
penché sur le laqué noir, étal, du piano
s'éveillant, rugissant, jument sous tes experts
chatouillis — c'est l'opus 106, "Hammerklavier"?
Je suis en train de l'écouter. On est déçu,
presque, à l'idée qu'un tel mouvement ait des règles,
réponde à une partition — à du solfège !
On se croirait plutôt en haut d'un précipice
où, de sa pointe infime, un affect libre trace
aux nuées les contours virevoltants de l'être.
// à paraitre le 04 janvier 2019
EN ALLUMANT LE gaz,
EN ALLUMANT LE gaz,
tu te rappelles le geste par lequel, dans sa caverne froide,
un peuple peu poli entretient le feu qu’il a nourri depuis l’éclair ;
le gros frigidaire ronronne,
heureux d’arracher lui aussi pour son propriétaire
le droit de s’absenter puis de manger son repas
célébrant l’inconséquence sacrée
de la trahison des éclairs calligraphiés au ciel noir de sa race.
Ses pleurs étaient tels que la montagne verdoyante devint aride et que les fleuves et la mer se desséchèrent tous. Ainsi les voix des kami envahirent tout comme, les mouches au moment du repiquage du riz, et d'innombrables désastres se produisirent.
1. L’AMOUR DU RHONE
[Désir de fleuve
pour mont
vu de train]
extrait 5
TOI MON AMOUR que je fais femme
homme de moi
ignorant la parade
fluviale, sache qu’un Rhône danse
sous les sommets fragiles
esquivant l’étreinte d’argile
aux pics mouillés plantés, couteaux en chair
touchant de nonchalance et grâce
pénétrée, se moquant des
tunnels
allant, venant où nous filons
oublieux des histoires anciennes
sirènes, bateliers.
p.17
1. L’AMOUR DU RHONE
[Désir de fleuve
pour mont
vu de train]
extrait 3
LONGTEMPS ILS SE découvrent
peau liquide se cherchent
se réclament peau dure
s’embarrassent
varient de positions
sous l’œil gras du soleil
du ciel gris et s’embrassent, embrassent
l’oubli de tout
ce qui les mène – où ça ?
le néon intérieur ne réfléchit plus sur ma vitre
que l’arc-en-ciel
d’une interrogation.
p.15
1. L’AMOUR DU RHONE
[Désir de fleuve
pour mont
vu de train]
extrait 4
DE QUEL POINT de vue la montagne
croit-elle
dominer le Rhône puissant ?
fictions des mots d’amour
le fleuve en se laissant aller
a creusé la forme des lieux
pour qu’elle l’admire, se cambre
à son passage
qu’elle le rive au clou
de leur désir, clémence
de ce désir, désir de ce désir
qui nous fait être.
p.16