François Angelier
Journaliste, producteur de l'émission « Mauvais genres » sur France Culture, essayiste, biographe et auteur de romans fantastiques. Il travaille depuis vingt ans sur les sujets les plus divers, de
Jules Verne à
Georges Bernanos, des mystiques catholiques aux écrivains fin de siècle. le Drageoir aux épines ou l'intime souffrance de
Joris-Karl Huysmans, 1993 ;
Saint-François-de-Sales ou Monsieur des abeilles, Pygmalion, 1997 ;
Paul Claudel : chemins d'éternité, 2001 ; Claudel ou la conversion sauvage, Édition Salvator, 2003 ;
Bloy ou la fureur du Juste, le Seuil-Points, 2015. Sa biographie
Georges Bernanos, la colère de la grâce aux Éditions du Seuil paraîtra en septembre 2021.
Il est l'auteur de l'album
Jules Verne dans La Pléiade, Gallimard, 2012.
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« Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit. »
Il n'y a pas plus de différence entre l'Évangile écrit et la vie des saints qu'entre une musique notée et une musique chantée.
écrit en 1608 :
Il est [ ] mieux d’entreprendre de savoir vivre sans
colère que de vouloir user modérément et sagement de
la colère, et quand par imperfection et faiblesse nous
nous trouvons surpris d’icelle, il est mieux de la repousser
vitement que de vouloir marchander avec elle ; car
pour peu qu’on lui donne de loisir, elle se rend maîtresse
de la place et fait comme le serpent, qui tire aisément tout son corps où il peut mettre la tête.
Il faut considérer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ait ses ennuis, ses amertumes et dégoût ; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement résignés en la volonté de Dieu, chacun voudrait volontiers changer sa condition à celle des autres : ceux qui sont Evêques voudraient ne l'être pas ; ceux qui sont mariés voudraient ne l'être pas, et ceux qui ne le sont le voudraient être.
Celui qui n'est pas tenté, que sait-il ?
Que faut-il faire ? En un mot, parler affectionnément [avec affection] et dévotement [avec ferveur], simplement et candidement et avec confiance. Etre bien épris de la doctrine qu’on enseigne et de ce qu’on persuade. Le souverain artifice, c’est de n’avoir point d’artifice. Il faut que nos paroles soient enflammées, non pas par des cris et des actions démesurés, mais par l’affection intérieure. Il faut qu’elles sortent du cœur plus que de la bouche. On a beau dire : mais le cœur parle au cœur, la langue ne parle qu’aux oreilles
Presque tous ceux qui ont traité de la vie spirituelle l'ont fait à l'intention de personnes qui vivent loin des affaires du monde ; ou, du moins, en ont traité pour les conduire à cet éloignement. Mon intention, au contraire, est d'instruire tous ceux qui vivent dans les villes, dans les maisons, à la Cour, ceux qui ont une famille et doivent mener une vie extérieurement semblable à celle des autres. C'est à eux que ce livre s'adresse, car bien souvent, - comme aucun animal ne veut goûter de la graine de la plante nommée palma Christi - ils ne veulent pas même envisager d'entrer dans une vraie vie spirituelle, sous prétexte que cela demeure impossible tant que l'on vit au milieu des affaires de ce monde. Or, je veux leur montrer ceci : de même que certaines perles vivent dans la mer sans prendre une goutte d'eau salée ; de même qu'autour des îles Quélidoine coulent des sources d'eau qui demeurent douces au milieu de la mer ; et que les papillons appelés pirautes volent dans les flammes sans y brûler leurs ailes, - de même une âme constante et forte peut vivre dans le monde sans en prendre l'esprit, s'abreuver aux douces sources de la piété au milieu des eaux amères de ce siècle, et survoler les flammes des convoitises terrestres sans y brûler les ailes de ses saints désirs.
Le bruit fait peu de bien, le bien fait peu de bruit
L'amour tendant à posséder ce qu'il aime, s'appelle convoitise ou désir ; l'ayant et possédant, il s'appelle joie ; fuyant ce qui lui est contraire, il s'appelle crainte ; que si cela lui arrive et qu'il le sente, il s'appelle tristesse ; et partant ces passions sont mauvaises, si l'amour est mauvais ; bonnes, s'il est bon.
Les amoureux qui aiment d'un amour humain ne cessent de penser à la personne qu'ils aiment ; pour elle, leur coeur déborde et leur bouche est remplie de louanges ; en son absence, toute occasion est bonne pour lui écrire et exprimer leur passion. Il n'est pas d'arbre sur l'écorce duquel ils n'en graveraient le nom. Ainsi, ceux qui aiment Dieu ne peuvent cesser de penser à lui, de respirer pour lui, d'aspirer à lui, de parler de lui. Ils voudraient, s'il était possible, graver sur tous les coeurs le nom saint et sacré de Jésus. Tout les y invite : pas une créature qui ne chante les louanges de leur Bien-Aimé ; et, comme le dit saint Augustin après saint Antoine, toutes les choses de ce monde, en un langage silencieux mais fort intelligible, les confirment en leur amour et sucitent en eux d'heureuses pensées qui engendrent à leur tour de grands désirs et de grands élans vers leur Dieu.