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Citations de Boccace (113)


Que l'horreur de ce début ne vous soit autre chose que ce qu'est aux voyageurs une âpre et roide montagne, après laquelle s'étendrait une très belle et délectable plaine, qui leur est d'autant plus agréable que la fatigue de gravir et de descendre a été plus pesante. Et de même qu'au terme de l'allégresse prend place la douleur, de même les misères sont-elles dissipées par la joie qui survient. A ce bref ennui (...) succéderont bientôt la douceur et le plaisir que je vous ai auparavant promis, et que l'on n'attendrait guère sans doute, si je n'en parlais pas, à partir de telles prémices. En vérité, si j'avais pu honnêtement vous mener à ce que je désire par un autre chemin que cet âpre sentier, je l'eusse fait volontiers; mais étant donné qu'il n'était pas possible de montrer pour quelle raison ce qui se lira par la suite avait pu advenir, à moins que de passer par cette remémoration, quasi contraint par la nécessité je suis amené à l'écrire.
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(...) : la vie de ces jeunes gens, faite de beauté, de raffinement, de civilité, au rebours des excès et orgies que le désespoir déchaîne dans la cité martyre, mais aussi aux antipodes de la sévère Thébaide des Pères du désert, symbolise ainsi la volonté de restauration d'un ordre humain, avant tout ordre du discours, qui sera en effet celui des cours de la Renaissance.
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Ainsi déjà , sans parler des Mille et Une Nuits, le Roman des sept sages, autre recueil anonyme de la matrice orientale, bien connu du Moyen Age, alternait déjà récits à charge et à décharge dans un procès où il y allait de la vie d'un jeune homme accusé faussement d'avoir déshonoré l'impératrice; ainsi bientôt les Contes de Canterbury s'enchaîneront pour conjurer l'ennui sur le chemin d'un long pèlerinage.
Pierre Laurence. Préface
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Boccace a trente-cinq ans en 1348 quand, "juste effet de la colère de Dieu", éclate la grande peste qui flagelle l'Italie, brisant les attachements les plus forts (en cette année mourut la Laure de Pétrarque) et détruisant pour un temps tout lien social. Composé dans les années qui suivent, le "Livre des dix journées" s'ouvrira symptomatiquement sur ce tableau apocalyptique, dont la force grandiose et terrible, nourrie de la lecture de Paul Diacre, n'a rien à envier à la peste d'Athènes chez Theucydide ou de la peste de Norique au trosième chant des Géorgiques. c'est en effet dans ce contexte d'ensauvagement que sept jeunes filles courtoises et trois jeunes hommes qui ont conservé leur noblesse d'âme se retirent sur les pentes enchanteresses de Fiesole pour fuir la contagion de Florence, devenue un immense sépulcre, et pendant deux semaines se réunissent à l'ombre des bosquets, partagent le temps entre repas, danses et promenades et se distrayant chaque jour à l'exception des jours fériés par le récit de dix nouvelles, une pour chacun, tantôt sur un sujet libre, tantôt sur un sujet fixé à l'avance pour tous, Dioneo excepté, par la reine ou le roi de la journée.
Pierre Laurence. Préface
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Si les emprunts de La Fontaine au Décaméron n’ont servi qu’à nous donner le change sur Boccace, on peut dire également que les traductions qui en ont été faites en français sont insuffisantes pour nous faire connaître le chef-d’œuvre du grand prosateur Italien. Il n’en existe que deux ayant une certaine notoriété ; l’une et l’autre sont fort anciennes. La première a été écrite en 1545 et publiée, à Lyon, en 1548 ; elle a pour auteur Antoine Le Maçon, secrétaire de la reine de Navarre. Elle est exacte, faite avec beaucoup de goût et une parfaite connaissance de la langue italienne ; mais elle a deux inconvénients graves : elle est devenue très rare, malgré les deux éditions qui en ont été récemment publiées[2], et elle est d’une lecture peu facile pour les gens qui ne sont point familiers avec la langue du seizième siècle. Aussi n’est-elle connue que des érudits, et elle ne saurait satisfaire la juste curiosité de la masse des lecteurs.
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L’auteur du Décaméron est donc plus qu’un agréable et ingénieux faiseur de contes égrillards ; c’est un des maîtres peintres de l’humanité, et, après avoir écrit le dernier mot de son livre, il aurait pu s’écrier avec tout autant de fierté qu’Horace : exegi monumentum. C’est en outre un des plus grands écrivains de l’Italie ; il a fait de l’autre côté des Alpes, pour la prose, ce que Dante et Pétrarque ont fait, presque à la même époque, pour la poésie. De ces trois génies dérive tout ce qu’il y a de beau, de vrai et de grand dans les lettres italiennes.
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Dans un ordre d’idées non moins élevé, le Décaméron est une éloquente et courageuse protestation de bon sens et de l’esprit de libre examen contre l’abêtissement organisé en système par la scolastique de l’école et la superstition monacale. On a peine à croire que Boccace ait pu écrire sur le clergé de son temps les virulentes satires que son livre contient presque à chaque page, et qu’on dirait échappées de la plume d’un écrivain contemporain, tellement elles sont empreintes du sentiment de la liberté de conscience et de la dignité humaine. Il est allé plus loin ; non content de fustiger à tour de bras moines et prélats, il s’est attaqué au dogme lui-même. Il n’a pas craint de mettre sur le même rang les trois religions : juive, mahométane, chrétienne ; de leur donner une commune origine et de laisser entendre fort clairement qu’elles se valaient toutes les trois ; audace grande en face des bûchers de l’Inquisition. Les distinctions sociales, toutes de convention, n’imposent pas davantage à Boccace, et il y a tel passage de son œuvre où il n’hésite pas à déclarer que tous les hommes naissent égaux, et que la seule noblesse est celle de l’intelligence et de la vertu, non de la naissance et du hasard.
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Tel est le sujet du livre, mais il a une portée autrement grande que celle de simples récits destinés à distraire ou à émouvoir les belles lectrices auxquelles Boccace l’a spécialement dédié. C’est la peinture vivante de toute une époque, de la société telle qu’elle était au quatorzième siècle ; depuis le serf courbé sur la glèbe, jusqu’au très haut et très puissant baron qui n’a qu’un mot à dire, un signe à faire, pour envoyer impunément à la mort femme, enfants, vassaux ; depuis la courtisane qui se vend, jusqu’à la grande dame qui se donne, en passant par l’humble fille qui gagne sa vie en travaillant, et chez laquelle la passion souveraine, l’amour, n’agit pas avec moins d’empire que chez les princesses de sang royal ; depuis le pauvre palefrenier épris de la reine et parvenant, à force d’intelligence et de volonté, à satisfaire sa passion, jusqu’au roi bon enfant et paterne, qui se laisse cocufier comme un simple bourgeois de Florence ; depuis le moine fainéant et goinfre, coureur de femmes et montreur de reliques fantastiques, telles que les charbons du gril de saint Laurent ou les plumes de l’ange Gabriel, jusqu’au sinistre inquisiteur, « investigateur de quiconque avait la bourse pleine » ; jusqu’à l’abbé mîtré et crossé, détenteur de biens immenses et tenant nuit et jour table ouverte à tous venants. Et tous ces personnages ont une allure si naturelle, ils se meuvent dans un cadre si vrai, si bien ajusté à leur taille, que nous les voyons aller et venir comme si nous avions vécu au milieu d’eux en plein quatorzième siècle.
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Boccace n’a point écrit de contes, dans le sens du moins que nous attachons à ce mot. Il a laissé, entre autres ouvrages en prose et en vers, dénotant tous un écrivain de premier ordre[1], un livre intitulé le Décaméron, d’un mot grec qui veut dire les dix journées. Dans ce livre, son chef-d’œuvre et son vrai titre de gloire, Boccace nous dit comment, pour fuir la peste de 1348, sept jeunes dames et trois jeunes gens de Florence formèrent joyeuse compagnie et s’en allèrent vivre aux champs, au sein des plaisirs et des amusements de toutes sortes, dans l’oubli le plus complet des horreurs qui désolaient leur malheureuse cité. Il nous décrit leurs ébats à travers les campagnes enchanteresses de l’Arno ; puis, quand ils sont las des plaisirs de la table, du chant ou de la danse, de la promenade ou de la pêche, il nous les montre se rassemblant autour de quelque belle source d’eau murmurante, sous les grands arbres de quelque parc ombreux, pour raconter, chacun à son tour, à la mode florentine, des nouvelles sur les sujets les plus divers, mais dont le fond à peu près invariable est une histoire d’amour gaie ou triste, lamentable ou folle, suivant l’humeur de celui qui raconte, ou suivant le sujet imposé par le roi ou la reine de la journée.

Introduction
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Et de même qu'au terme de l'allégresse prend place la douleur, de même les misères sont-elles dissipées par la joie qui survient.
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Quelqu'un me dira peut-être qu'il n'y a rien de fort étonnant à ce qu'un roi marie deux jeunes demoiselles : j'en conviens ; mais si l'on ajoute que le roi est tout-puissant et amoureux, son action sera véritablement grande. Or, c'est ce que fit Charles Ier. Il sut honorer la vertu d'un gentilhomme, récompenser la beauté de ses filles, et, ce qui est plus estimable encore, se dompter lui-même.
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Tandis qu'il soupait joyeusement, et qu'il repaissait avec satisfaction ses regards des touchantes beautés de ce lieu solitaire, entrent deux jeunes filles, âgées de quinze ans, toutes deux blondes, toutes deux ayant les cheveux tressés avec grâce et couronnés d'une guirlande de pervenches. Leur visage était si poli, les traits en étaient si délicats, qu'elles ressemblaient plutôt à des anges qu'à des femmes. Elles portaient un petit habit de toile de lin, d'une blancheur éblouissante, et qui n'avait, depuis la ceinture jusqu'en haut, d'autres plis que ceux que leur donnait l'empreinte d'une taille élégante et d'une gorge arrondie par les mains de l'Amour ; le reste, en descendant, s'élargissait en forme de pavillon et leur descendait jusqu'aux pieds. La première portait d'une main des filets, et de l'autre un bâton ; l'autre avait une poêle sur son épaule gauche ; et sous le bras du même côté, un petit fagot et un trépied à la main : de la main droite elle portait un pot d'huile et un petit flambeau allumé. Le roi ne put voir sans étonnement deux si belles filles ; cependant il ne dit mot, impatient de voir à quoi aboutirait un semblable appareil.
Elles passèrent devant le roi, lui firent, avec timidité, une profonde révérence, et gagnèrent ensuite l'entrée du vivier. Elles posent à terre ce qu'elles portent, et s'étant munies, l'une du filet, l'autre du bâton, elles entrent dans l'eau et s'y plongent jusqu'au sein. Un des domestiques de Néri allume du feu, verse de l'huile dans la poêle, en attendant que les nouvelles naïades lui jettent du poisson. Il n'eut pas longtemps à attendre ; car, comme elles connaissaient les endroits, celle qui tenait le bâton eut bientôt fait entrer le poisson dans le filet que tenait sa camarade, et elles le jetaient au fur et à mesure qu'elles en prenaient, au domestique qui les mettait dans la poêle tout vivants. Les plus beaux furent jetés devant le roi, qui prenait beaucoup de plaisir à les voir frétiller, et qui, pour s'amuser davantage, en rejetait quelques-uns aux belles pêcheuses. Cette récréation dura autant qu'il fallait pour donner au cuisinier le temps de faire frire le poisson, qu'on servit ensuite comme un entremets aussi exquis et délicat que précieux pour la manière dont il avait été préparé. Les jeunes filles sortent enfin du vivier. L'eau, qui avait fortement attaché leurs habits sur leurs corps, en laissait voir tous les contours et toutes les parties. Elles repassèrent devant le roi, plus timides, parce qu'elles étaient plus belles. Chacun avait bien considéré, bien loué ces aimables nymphes ; mais elles ne firent sur personne une si profonde impression que sur le roi dont les yeux attentifs les avaient examinées avec tant de volupté, que rien n'eût pu l'arracher à une occupation si délicieuse. Lorsqu'elles ne sont plus devant lui, il s'en occupe encore, se rappelle leurs charmes, leurs grâces, leur touchant embarras ; il sent que l'amour se glisse insensiblement dans son coeur, mais il ne sait encore laquelle il préférera, toutes deux se ressemblent, toutes deux feraient son bonheur.
Après avoir rêvé pendant quelque temps, il demanda à messire Néri quelles étaient ces deux demoiselles. "Sire, répondit celui-ci, ce sont mes filles jumelles ; l'une se nomme Genèvre la belle, l'autre Iseul la blonde. Le roi vanta de nouveau leurs charmes et conseilla à Néri de les marier. Il s'en excusa sur la médiocrité de ses facultés.
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Mais comment pourrons-nous avoir des hommes ? Les maris de la plupart de nous sont morts.
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Dans le jeu, l’amusement n’est pas réciproque : presque toujours l’un des joueurs s’impatiente et se fâche, ce qui diminue beaucoup le plaisir de son adversaire
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Chacun se retira dans sa chambre et se jeta sur un lit parsemé de roses.
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Mener grand bruit à propos d’une offense reçue n’en diminue pas la douleur, mais en accroît la honte.
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Le trompeur est bien souvent à la merci de celui qu'il a trompé.
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Ces jeunes gens, se voyant très riches en fonds de terres et en argent comptant, ne se gouvernèrent que par eux-mêmes, et commencèrent par prodiguer leurs richesses en dépenses purement superflues. Grand nombre de domestiques, force chevaux de prix, belle meute, volières bien garnies, table ouverte et somptueuse, enfin non-seulement ils avaient en abondance ce qui convient à l’éclat d’une grande naissance, mais ils se procuraient à grands frais tout ce qui peut venir en fantaisie à des jeunes gens ; c’étaient chaque jour nouveaux présents, nouvelles fêtes, sans parler des tournois qu’ils donnaient de temps en temps.

Un train de vie si fastueux devait diminuer bientôt les biens dont ils avaient hérité. Leurs revenus ne pouvant y suffire, il fallut engager les terres, puis les vendre insensiblement l’une après l’autre pour satisfaire les créanciers. Enfin, ils ne s’aperçurent de leur ruine que lorsqu’il ne leur restait presque plus rien. Alors la pauvreté leur ouvrit les yeux que la richesse leur avait fermés.
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Le roi ne manqua pas d’arriver le lendemain comme il l’avait fait dire, et fut honorablement reçu de la marquise. Il fut enchanté de l’accueil qu’elle lui fit ; et voyant que sa beauté surpassait encore ce que la renommée lui en avait appris, son amour augmenta à proportion des charmes qu’il lui trouvait. Il la loua beaucoup, et ses compliments n’étaient qu’une faible expression des feux qu’il éprouvait. Pour se délasser, il se retira ensuite dans l’appartement qu’on lui avait préparé ; et l’heure du dîner étant venue, Sa Majesté et la marquise se mirent seuls à une même table.

La bonne chère, les vins choisis et excellents, le plaisir d’être auprès d’une belle femme qu’il ne se lassait point de regarder, transportaient le roi. S’étant toutefois aperçu, à chaque service, qu’on ne lui servait que des poules, préparées, à la vérité, de diverses manières, il parut un peu surpris de cette affectation. Il avait remarqué que le pays produisait d’autres espèces de volailles et même du gibier, et il ne pouvait douter qu’il n’eût dépendu de la dame de lui en faire servir. L’esprit de galanterie, qui le conduisait, l’empêcha cependant de témoigner aucun mécontentement. Il se félicita même de trouver, dans cette multiplicité de mets composés d’une seule et même viande, l’occasion de lâcher quelques gentillesses à la marquise. « Madame, lui dit-il avec un air riant, est-ce que dans ce pays seulement les poules naissent sans coq ? » faisant sans doute allusion à ce que, dans cette quantité de poules, il n’avait trouvé ni poulet, ni chapon. Madame de Montferrat comprit très-bien le sens de cette demande : et voyant que c’était là le moment de lui faire connaître ses dispositions, elle lui répondit avec courage sur-le-champ : « Non, sire ; mais les femmes y sont faites comme partout ailleurs, malgré la différence que mettent entre elles les habits et les dignités. »
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Combien l'amitié mérite de respects et d'éloges! C'est elle qui fait naître, qui nourrit et entretient les plus beaux sentiments de générosité dont le cœur humain soit capable.
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