Khéméia B.

Mais lorsque je lève enfin le visage vers l’autel, tout au bout, c’est l’expression arrogante de Dario qui me saute aux yeux et me comprime la trachée. Terriblement élégant et charismatique dans son costume trois pièces taillé sur mesure, à n’en pas douter. Incontestablement roi parmi les rois. À la beauté que même le diable ne possède pas et qui cache une âme pétrie de noirceur. Ses traits émaillés d’un sourire en coin séducteur, il me renvoie toute la force de son statut en pleine face.

𝓐𝓷𝓷𝓪 𝓮𝓼𝓽 𝓶𝓪𝓵𝓵é𝓪𝓫𝓵𝓮, 𝓹𝓸𝓾𝓻 𝓵’𝓲𝓷𝓼𝓽𝓪𝓷𝓽, 𝓶𝓪𝓲𝓼 𝓹𝓸𝓾𝓻𝓻𝓪𝓲𝓽 𝓽𝓸𝓾𝓽 𝓪𝓾𝓼𝓼𝓲 𝓫𝓲𝓮𝓷 𝓼𝓮 𝓶𝓸𝓷𝓽𝓻𝓮𝓻 𝓲𝓶𝓹𝓻é𝓿𝓲𝓼𝓲𝓫𝓵𝓮, 𝓳𝓮 𝓵𝓮 𝓼𝓮𝓷𝓼. 𝓣𝓸𝓾𝓽𝓮𝓯𝓸𝓲𝓼, 𝓮𝓵𝓵𝓮 𝓷𝓮 𝓺𝓾𝓲𝓽𝓽𝓮𝓻𝓪 𝓳𝓪𝓶𝓪𝓲𝓼 𝓬𝓮 𝓶𝓪𝓷𝓸𝓲𝓻, 𝓳𝓮 𝓵𝓮 𝓿𝓮𝓾𝔁 𝓪𝓲𝓷𝓼𝓲. 𝓒’𝓮𝓼𝓽 𝓶𝓸𝓷 𝓳𝓮𝓾, 𝓶𝓪 𝓹𝓻𝓸𝓲𝓮, 𝓮𝓽 𝓳𝓮 𝓭é𝓼𝓲𝓻𝓮 𝓹𝓸𝓾𝓿𝓸𝓲𝓻 𝓮𝓷 𝓭𝓲𝓼𝓹𝓸𝓼𝓮𝓻 𝓬𝓸𝓶𝓶𝓮 𝓫𝓸𝓷 𝓶𝓮 𝓼𝓮𝓶𝓫𝓵𝓮, 𝓳𝓾𝓼𝓺𝓾’𝓪𝓾 𝓬𝓸𝓾𝓹 𝓯𝓲𝓷𝓪𝓵.

La seule musique qui m'a toujours ravie, plus qu'aucune autre, ce sont les vibrations de sa voix à mon oreille. Graves, mélodieuses, ensorcelantes.

Je me laisse aller à mon tour, inspire l'odeur de Ruby comme un baume salvateur, enivrant. Puis tout s'apaise. Ne reste que nos corps enchaînés l'un à l'autre. Nos gestes timides. Nos respirations hésitantes. Le chaos en nous reflue, abandonne la partie. Pour un court instant. Une seconde, une minute, une heure, peu importe. Je ne sais plus trop pourquoi je suis venu ici la voir, la respirer, m'aliéner à ses courbes. Des sentiments confus se disputent la place, émergent au gré des sensations de sa peau contre la mienne.

Je ressens sa souffrance autant que la mienne. Elle gonfle au creux de mon ventre. Se répand par vagues dans mes veines. Tantôt fuyante, tantôt prégnante. Mais elle est là.
Son flux nous unit, nous scelle l'un à l'autre, nous parle avec des mots que nous connaissons bien.

Finalement, on a peut-être plus de choses en commun qu'il n'y paraît, elle et moi.
Des putains de secrets.
Des putains de chaos en nous.

Et son sourire, bon sang... son sourire vaut tous les matins du monde.

Ça ne dure pas longtemps. Juste assez pour que je prenne conscience que cet instant est important, qu’il laissera une trace, qu’il modifiera mon avenir.

C’est Charlie qui croque à pleine dent dans la pomme.
Moi, je ne fais que l’acheter et la poser sur un meuble pour la laisser pourrir.

- C'est...
- Une prison, oui. Sentez-vous l'atmosphère s'imprégner dans vos veines ? susurre-t-il à quelques centimètres de mon oreille. Parce que moi, je peux sentir l'histoire de cette geôle à travers ma peau, entendre les cris des suppliciés, leurs suppliques, voir leur sang se vider de leur corps, leurs poignets rongés par les fers, entendre le murmure de leur souffle chaotique...
Ses mots provoquent des tremblements dans mes membres, agitent mes organes contractés. Le Prince me montre toute l'ampleur de sa cruauté, elle dégueule à travers son ton suave et presque excité. Peut-être même bande-t-il à cette seconde.
« Tu as vu les photos, les lacérations profondes effectuées sur ces femmes innocentes, leurs corps désarticulés, alors souviens-t'en quand tu seras là-bas, ne baisse jamais ta garde, Anna, jamais. », s'insuffle encore la voix de mon mentor dans mon esprit.

Vous pouvez aimer et être aimé, mais tenez-vous prêt à souffrir également. Au même titre que la couleur blanche existe, il y aura toujours la noire en opposition. Et moi, je veux vivre avec plus de blanc, je veux que le noir ne soit plus qu’une petite touche insignifiante sur le tableau de ma vie.

J’agonise de frustration, de colère et... d’un désir sauvage et carnassier que je m’efforce de contrôler depuis des jours. Et elle… elle me plante un pieu en pleine poitrine en deux enjambées.

J’ai surtout mal de ressentir, d'être tenté, de vouloir tes caresses. Ça fait plus mal que les bleus étalés sur ma peau, plus mal que de crever la dalle, plus mal que de se faire dégommer la tête et plus mal que de dormir dans le froid sur une surface dure. Te désirer, c’est vivre, et moi je n’en ai pas le droit !

Les personnes abîmées par la vie respirent-elles le même air ? Marchent-elles sur les mêmes traces ? Se reconnaissent-elles ?

Sa manière de jouir cette nuit dégageait quelque chose d'unique. De rare. De précieux.
J'y ai pensé une bonne partie de la journée.
Et ça le rend encore plus attirant à mes yeux. Parce que sous le flic sûr de lui, sous le fou qui gueule avant de parler, il y a... une homme avec ses forces, et surtout ses faiblesse.
Et l'une d'entre elles, il me l'a confie, là , à l'instant, alors que nos regards se perdent l'un dans l'autre et que nos pénis batifolent comme les deux soeurs Ingalls dans leur foutue prairie