Citations de Sapphô (65)
Ah! ce désir d'aimer qui passe dans ton rire.
C'est pour cela qu'un grand frisson saisit mon coeur.
Dès que je te regarde, je ne peux plus parler.
Écrit sur une jolie carte trouvée en librairie, célébrant le 23 ème Printemps des Poètes consacré cette année au désir...
Une fleur est accrochée à ma poitrine ;
Qui me l'a accrochée ? - Je ne sais plus.
Ma faim est insatiable
De tristesse, de passion, de mort.
Par le violoncelle, le grincement
Des portes et le tintement des verres,
Et par le cliquetis des éperons
Et le cri des trains de nuit —
Par le coup tiré à la chasse,
Par le grelot des troïkas —
Vous m’appelez, vous m’appelez,
Vous, que je n’aime pas !
Il est pourtant un délice :
J’attends celui qui le premier
Me comprendra enfin
Et tirera à bout portant.
M. TSVÉTAÏEVA - 22 octobre 1915
Ôtez tout - reste
La seule chose digne d'un larcin -
L'Immortalité -
Emily DICKINSON
SOLITUDE
On m'a jeté tant de pierres,
Que plus aucune ne m’effraie,
Le piège s’est fait haute tour,
Haute parmi les hautes tours.
Je remercie ceux qui l’ont construite,
Qu’ils cessent de s’inquiéter, de s’attrister.
De tous les côtés je vois l’aube plus tôt.
Et le dernier rayon du soleil triomphe ici.
Souvent dans les fenêtres de mes chambres
Entrent les vents des mers du nord,
Et le pigeon mange dans mes mains du grain…
Cette page que je n’ai pas finie,
La main brune de la Muse,
Divinement calme et légère,
Y inscrira le dernier mot.
A. AKHMATOVA
ÉLÉGIE
Je m’ignorais encor, je n’avais pas aimé.
L’amour ! si ce n’est toi, qui pouvait me l’apprendre ?
À quinze ans, j’entrevis un enfant désarmé ;
Il me parut plus folâtre que tendre :
D’un trait sans force il effleura mon cœur ;
Il fut léger comme un riant mensonge ;
Il offrait le plaisir, sans parler de bonheur ;
Il s’envola. Je ne perdis qu’un songe.
Je l’ai vu dans tes yeux, cet invincible amour,
Dont le premier regard trouble, saisit, enflamme ;
Qui commande à nos sens, qui s’attache à notre âme
Et qui l’asservit sans retour.
Cette félicité suprême,
Cet entier oubli de soi-même,
Ce besoin d’aimer pour aimer,
Et que le mot amour semble à peine exprimer :
Ton cœur seul le renferme, et le mien le devine ;
Je sens à tes transports, à ma félicité,
Qu’il veut dire à la fois bonheur, éternité,
Et que sa puissance est divine.
Marceline DESBORDES-VALMORE
Ode à Aphrodite...
Toi dont le trône est d'arc-en-ciel,
immortelle Aphrodita, fille de Zeus, tisseuse de ruses,
je te supplie de ne point dompter mon âme,
ô Vénérable, par les angoisses et les détresses.
Mais viens, si jamais, et plus d'une fois,
entendant ma voix, tu l'as écoutée,
et, quittant la maison de ton père,
tu es venue, ayant attelé ton char d'or.
Et c'était de beaux passereaux rapides qui te conduisaient.
Autour de la terre sombre ils battaient des ailes,
descendus du ciel à travers l'éther.
Ils arrivèrent aussitôt, et toi, ô Bienheureuse,
ayant souri de ton visage immortel,
tu me demandas ce qui m'était advenu,
et quelle faveur j'implorais,
et ce que je désirais le plus dans mon âme insensée.
« Quelle Persuasion veux-tu donc attirer vers ton amour ?
Qui te traite injustement, Psappha ?
Car celle qui te fuit promptement te poursuivra, celle qui refuse tes présents t'en offrira, celle qui ne t'aime pas t'aimera promptement et même malgré elle. »
Viens vers moi encore maintenant,
et délivre-moi des cruels soucis,
et tout ce que mon cœur veut accomplir,
accomplis-le, et sois Toi-Même mon alliée.
- Traduction de Renée Vivien -
Il me parait égal aux dieux l’homme qui, assis en face de toi, écoute ta douce voix et ton rire charmeur qui affole mon cœur.
Moi, à ta vue, je reste sans voix, ma langue se brise, la fièvre me brûle, mes yeux se brouillent, mes oreilles bourdonnent, je sue, je frissonne, je verdis, je crois mourir,
Mais il faut oser…
L'horloge arrêtée
Horloge d'où s'élançait l'heure
Vibrante en passant dans l'or pur,
Comme l'oiseau qui chante et pleure
Dans un arbre où son nid est sûr,
Ton haleine égale et sonore
Dans le froid cadran ne bat plus:
Tout s'éteint-il comme l'aurore
Des beaux jours qu'à ton front j'ai lus?
Marceline Desbordes- Valmore
Je ne prononce pas de prophéties;
La vie est claire comme un torrent de montagne,
Simplement je n’ai pas envie de chanter
Au son des clés qui ferment les prisons.
Anna Akhmatova
Rafale, rafale
Aux mille pétales,
Aux mille coupoles,
Rafale-la-Folle !
Toi une, toi foule,
Toi mille, toi râle,
Rafale-la-Saoule
Rafale-la-Pâle
De’bride, de’telle,
De’sole, de’tale,
À grands coups de pelle,
À grands coups de balle.
Cavale de flamme,
Fatale Mongole,
Rafale-la-Femme,
Rafale: raffole.
Marina Ivanovna Tsvétaïéva
RYMES XXI
Si le servir mérite récompense,
Et récompense est la fin du désir,
Toujours voudrais servir plus qu'on ne pense,
Pour non venir au bout de mon plaisir.
Pernette du GUILLET - 1518-1545
Je vis, je meurs : je me brule et me noye.
J'ay chaut estreme en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ay grans ennuis entremeslez de joye:
Tout à un coup je ris et je larmoye,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure :
Mon bien s'en va, et à jamais il dure :
Tout en un coup je seiche et je verdoye.
Ainsi Amour inconstamment me meine :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me treuve hors de peine.
Puis quand je croye ma joye estre certeine,
Et estre au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Louise Labbé
Il me semble l'égal des dieux cet homme
qui devant toi est assis
et, proche, t'écoute parler doucement,
et rire en suscitant le désir ;
cette vision dans ma poitrine a ébranlé mon cœur ;
si je te regarde même un instant, je ne peux plus parler,
mais ma langue se brise,
un feu subtil aussitôt court sous ma peau,
avec mes yeux je ne vois plus rien,
mes oreilles bourdonnent,
sur moi une sueur glacée se répand ;
un tremblement m'envahit toute ;
je suis plus verte que l'herbe
et d'une morte j'ai presque l'apparence.
Mais déjà, la vieillesse a ridé toute ma peau, mes cheveux noirs sont devenus blancs, mes genoux ne me portent plus, moi qui étais pareille à une biche.
Qu’y puis-je ? C’est inévitable : l’aurore aux bras de rose nous emporte sous terre. Mais j’aime encore la volupté et l’amour a pour moi la beauté du soleil.
Elle s'endort. (...) Elle voudrait pousser un cri, mais le son s'arrête à la gorge. Le chat-huant immobile la regarde toujours. Elle a peur. Un tremblement nerveux la secoue. Son cœur n'est qu'un frissonnement continu. (...) A demi-soulevée elle n'ose se dresser entièrement ni se recoucher dans l'herbe. Son corps est couvert dune froide sueur. Si au moins Phaon venait (...) Elle écoute. Rien. Pas un bruit. Rien que les heurts précipités de son cœur dans sa poitrine. (...) Il lui semble percevoir, très loin, une rumeur indistincte et monotone. C'est comme le bourdonnement d'une abeille, de milliers d'abeilles voltigeant autour d'invisibles ruches...
Gabriel-Auguste Faure, La dernière journée de Sapphô, 1900.
L’amour a ébranlé mon cœur, tel un vent de montagne s’abattant sur des chênes.
Il me parait égal aux dieux, le mortel qui, assis près de toi, peut entendre ta douce parole, et voir ton gracieux souris. C'est là le charme qui jette le trouble dans ton ame. Dès que je te vois, je ne puis plus parler, ma langue se glace, un feu subtil circule dans mes veines ; mes yeux ne voient plus ; un bruit confus bourdonne dans mes oreilles ; une sueur froide coule de mon corps ; toute tremblante, plus pâle que l'herbe flétrie, je respire à peine ; il me semble que je vais mourir.
Mais il faut tout oser, puisque, dans la nécessité...
M. Bréghet du Lut, Odes d'Anacréon suivies de Poésie de Sapho, traduites en français et en prose, Paris, 1835.
Soir qui ramène tout ce qui chasse l'aurore.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je ne sais pas …
Je ne sais pas ce que je possède,
Je ne sais pas où m’en alléger,
Viens mon Ami, accours à mon aide.
Prends mal et bien, prends tout ce que j’ai.
Un bonheur plein de telle détresse
Qu’il brisera la vie en mes mains ;
Un malheur plein de telle tendresse
Qu’il guérira les pires chemins.
Je ne sais pas si je te courrouce
Déshéritée ou riche, te plais …
Peut-être suis-je en pleurant plus douce
Qu’en souriant une autre ne l’est.
Je ne sais pas, … sache-le toi-même,
Si je te puis être chère ou non …
Je ne sais pas si je vaux qu’on m’aime …
Je ne sais pas … je ne suis qu’un don.
//Marie Noël