Citations de Adèle Tariel (47)
Cette année, il l'a décidé, les coups de tondeuse, ce sera sans lui.
Il va s'évader.
Le prof rougit, je vois sa mâchoire se serrer.
Gêné, il tourne le dos et reprend son cours à mi-voix, comme si ça allait passer plus vite si on ne l'entendait pas. Certains toussent fort exprès, aucune chance de suivre le cours. La sonnerie retentit, on a déjà rangé nos affaires depuis cinq minutes. On bondit hors de la classe a,ors qu'il débite encore son cours. Re-morts de rire. Un mur de rire contre lequel Fauchon [le prof] ne peut rien.
Personne dans le port.
Personne à l'aéroport.
Personne chez Supercash Decor.
L'oursonne s'approche et se tient devant elle
- Tu dois te battre, petite! murmure Aleqa.
Leurs regards se sont perdus loin devant eux. Qu’est-ce que leur réserve l’avenir ? Quoi qu’il arrive, ils seront là les uns pour les autres, ensemble dans ce monde nouveau, le leur.
« Le temps passait, les peupliers grandissaient encore mais mon papi, lui, rapetissait. Son dos se courbait. L'écorce des arbres se fendillait et des lignes se creusaient sur son visage. Parfois, il me murmurait des secrets à moi aussi. Il me disait que c'était la terre qui nous avait tout donné. Et qu'un jour, elle nous reprendrait. Je souriais, mais je ne comprenais pas vraiment. »
À quel point faut-il être lâche pour ne pas réagir devant des faits qui nous révoltent, simplement pour se faire aimer des autres ? Car, au final, ce n'est pas ce prof dont il est question, mais la place de chacun dans la hiérarchie de ce lycée, les winners dans la cour de Sa Majesté Théo, et les autres. La cour n'apprécie pas que l'on trouve plus intéressant qu'elle.
» La Meute a désormais un public, une communauté qui attend le prochain épisode du feuilleton. On se sent admirés, aimés. C’est un sentiment grisant, qui fait tourner la tête, comme l’alcool. Deux cent abonnés. Le nombre de followers de mon compte perso explose aussi. Ça y est, j’existe dans ce lycée. »
« Elle dit que je ne peux pas être neutre, que si je ne fais rien, je cautionne, je suis complice. Elle dit que je suis « spect-ACTRICE », selon sa formule. Elle m’impressionne, elle a l’air libre, assumée, indépendante. Je l’admire. Mais si elle était tombée dans cette classe de fous, aurait-elle vraiment fait différemment? Est-ce moi qui n’ai aucun courage? À quel point faut-il être lâche pour ne pas réagir devant des faits qui vous révoltent, simplement pour se faire aimer des autres? Car, au final, ce n’est pas ce prof dont il est question, mais la place de chacun dans la hiérarchie de ce lycée (…). »
Puis, un matin d'hiver, il n'a plus cheminé vers la vallée. On m'a pourtant dit : "Il est parti". Je n'ai pas osé demander où ni jusqu'à quand. Peut-être avait-il tellement rapetissé qu'une petite brise l'avait emporté ? Ou peut-être s'était-il caché ? J'ai cherché mon papi farceur dans son potager et près de ses peupliers. Mais pas de papi. Alors j'ai compris : cette fois, il ne reviendrait pas.
« Tout le monde voulait passer de l'autre côté parce qu'on se doutait que la vie était plus facile ici. Mais c'était très compliqué, il y avait des barbelés, des gardes, des tapis de clous entre les deux murs. La zone était même éclairée toute la nuit. Certains ont essayé de creuser des tunnels et d'autres ont même sauté en parachute. Trois de nos amis sont morts, les gardes leur ont tiré dessus... »
« Léon a les dents longues et un seul rêve : être riche et célèbre. Il veut par-dessus tout être photographié, admiré, adulé, adoré. Vu, connu, reconnu. Célèbre, quoi. Et il a trouvé le moyen pour ça : passer à la télé, dans l'émission « La fosse aux lions ». Enfermé et filmé 24h/24. Célébrité garantie, mon kiki! »
Je ne veux plus être seule. Seul, tu n'existes pas, tu ne vaux rien.
– Ils bossent comme des fous depuis le début de ce bordel, personne ne les remercie. Il manque des gens dans leur service, ils ne sont pas remplacés, alors ils taffent encore plus. Moi je dis, c'est eux qu'on aurait dû faire défiler le 14 juillet, soupire-t-il. Et tu sais pas ce que j'ai découvert ce matin dans la boîte à lettres ?
– Dis.
Tom sort un petit bout de papier de sa poche, le déplie et lit à voix haute : Comme vous travaillez à l'hôpital avec des personnes contaminées, vous présentez un risque pour vos voisins. Nous vous demandons de déménager.
– Je sais pas ce qu'on va devenir, tout s'écroule là... Toute l'économie s'effondre, y aura jamais de boulot pour nous, soupire Ahmed.
– Moi, je me suis dit que j'aimerais devenir cuistot en fait, reprend Tom. J'aurais dû faire un CAP en apprentissage, ça m'aurait trop plu. Mais avec tous les restos fermés, laisse tomber. Imagine, ça dure des années...
Nell tente de le rassurer :
– Mais si, faut que tu t'accroches, ça va repartir un jour ! Tu peux reprendre un CAP l'année prochaine, ça laisse le temps de chercher un employeur. Je t'aide à faire la liste et à écrire la lettre, si tu veux.
Personne nulle part.
Seul le piaillement de quelques moineaux dans une mangeoire.
Et demain ? Retour au grand étouffement ? Vraiment ?
- Nous voulons l'égalité des poules et des poulets.
- Vous perdez la boule, les poules. Les poules doivent s'occuper du nid, un point c'est tout. C'est moi qui porte la crête ici, c'est moi qui décide.
Le brave insecte à carapace
ne comprend pas ce qui passe.
Mais il accepte sans condition
d'aider le petit grillon.
« Quand je jouais, je fermais les yeux et je rêvais que je volais au-dessus du mur. Un jour j'ai vu maman fermer les yeux en m'écoutant. J'étais heureux de la faire voler aussi. »