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Critiques de Alain Testart (25)
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Contrairement à l’idée longtemps admise selon laquelle l’apparition de l’agriculture représenterait un tournant, voire une « révolution », et serait à l’origine du développement des inégalités, Alain Testart (1945-2013) met en évidence le rôle déterminant du stockage des ressources et de la sédentarisation.

(...)

Exposé extrêmement rigoureux qui propose une nouvelle histoire des origines de l’humanité et apporte une nouvelle interprétation de l’apparition des inégalités.



Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Le grand livre d'Alain Testart, "Les chasseurs-cueilleurs ou l'origine des inégalités", paru en 1982, est réédité dans la collection Folio-Histoire, et précédé d'une préface qui retrace l'influence de cet ouvrage sur la préhistoire et l'ethnologie. L'auteur se recommande particulièrement par sa maîtrise du bon style, clair, argumenté et surtout sans jargon, ce qui le distingue des plumes habituelles dans le domaine des sciences humaines, souvent illisibles ou du moins pénibles. Son titre se réfère à l'essai de Rousseau sur l'origine et les fondements de l'inégalité, tout comme son très beau livre sur les morts d'accompagnement, réflexion sur l'esclavage, se référait à La Boétie ("La servitude volontaire"). Par ces allusions et reprises, Alain Testart a soin d'ancrer sa réflexion ethnologique et ses observations de terrain dans le mouvement plus large de la philosophie occidentale.

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On a longtemps cru que l'inégalité entre les hommes naissait de l'agriculture, et de la sédentarisation des groupes humains, autrement nommées "révolution néolithique". L'auteur s'attache à montrer que ces termes, agriculture, sédentarité, inégalité, ne sont pas liés entre eux par un lien nécessaire, en expliquant que les sociétés de chasseurs-cueilleurs, pré-agricoles, connaissent aussi l'inégalité ainsi que la sédentarité, avant même de pratiquer la moindre culture des sols. La clé de tout cela est la possibilité de stocker les denrées récoltées, le produit de la chasse et de la cueillette : les groupes humains qui ne stockent pas, pour des raisons essentiellement climatiques, ne connaissant ni la sédentarité, ni l'inégalité. Ceux qui stockent, en revanche, peuvent se permettre de s'établir à proximité de leurs ressources alimentaires, et les inégalités apparaissent en même temps que le stockage et la spécialisation artisanale. Tout ce processus complexe n'a que peu à voir avec l'agriculture. L'auteur précise : "le caractère révolutionnaire attribué au néolithique a plus à voir avec l'établissement d'un système sédentaire à stockage qu'avec l'agriculture ... (p. 311)

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Bien sûr, le livre ne se réduit pas à ces abstractions, qui en fait ne se formulent qu'après de longues enquêtes et descriptions de sociétés de chasseurs-cueilleurs, stockeurs ou non. C'est ce qui fait son charme et son intérêt principaux, et on lira ce tour du monde pour la satisfaction qu'il donne à la curiosité de l'amateur. Comme il corrige au passage de nombreuses erreurs, des préjugés enracinés, l'instruction rejoint le plaisir. Ceux que cela intéresse pourraient lire ensuite "Le premier temple, Göbekli Tepe", de Klaus Schmidt (CNRS éditions) , essai de description archéologique d'un monument bâti par des chasseurs-cueilleurs.

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Tous mes remerciements à Masse Critique pour ce volume.
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Entendons-nous bien, il s'agit là d'un livre d'anthropologie. Bien écrite, claire et concise, cette étude très complète, nous éclaire sur l'aube de l'humanité et sa propension à l'appropriation, et aux inégalités qui en découlent.



Alain Testart nous prouve, à partir de fait indéniables, que ce n'est pas l'agriculture elle-même qui a dévoyé l'humanité, mais bien le stockage de denrées indispensables, déjà mis en place par les chasseurs-cueilleurs sédentaires.



Le stockage de richesses entrainant la thésaurisation, qui induit de fait le pouvoir, qui lui-même assoie les inégalités... La naissance de notre monde remonte à si loin, qu'on en avait oublié les fondements.
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Avant l'histoire : L'évolution des sociétés, de..

Comme l’exprime son titre, ce livre traite de la Préhistoire, plus précisément de la longue période du Paléolithique supérieur (de -30 000 à -10 000 ans pour simplifier) et du Néolithique (de – 10 000 ans à - 2000 ans, après c’est l’histoire de l’Antiquité). Entre les deux, une « invention » déterminante, celle de l’agriculture, c'est-à-dire la domestication de nombreux animaux et plantes et la sédentarisation.



L’auteur, chercheur au CNRS, tente une histoire des sociétés, avec les faibles moyens qui sont à la disposition des préhistoriens : pas d’écriture, pas de transmission des traditions orales, mauvaise conservation des objets en bois, prédominance de « l’invisible » en archéologie. Au moins peut-on observer des sociétés contemporaines (ou subactuelles, c'est-à-dire disparues à la suite de la colonisation), qui nous donnent une idée des sociétés paléolithiques. Certes, mais l’auteur nous montre toutes les erreurs auxquelles cette pratique mal maitrisée peut conduire.



Il ne nous surprend pas moins en décrivant la complexité des lignages de parenté, comme encore aujourd’hui chez les Aborigènes d’Australie. Et au passage il nous explique indirectement le conflit majeur qui bloque la cohabitation entre Aborigènes et Anglo-saxons en Australie. Plus tard, la sédentarisation liée à l’agriculture développera la cellule familiale, la communauté locale (plus ou moins démocratique), et les Etats, dotés, inévitablement, d’un système fiscal.



Mais direz-vous, qu’en est-il de la société idéale, égalitaire et pacifique du « Bon sauvage » décrite par Jean Jacques Rousseau dans le Discours sur l’origine de l’inégalité (1755) ? Chimères, nous dit l’auteur, pour qui l’idée de sociétés égalitaires n’a aucun sens (p. 413).



Bref, on fait dans ce livre des découvertes passionnantes. Un seul regret : l’auteur ne prend pas toujours la peine d’expliquer des mots ou expressions rares (par exemple, p. 334, PPNA, soit « pre-pottery neolithic A », pour désigner une période du Néolithique ou encore le mot « lévirat » pour la coutume obligeant le frère d’un homme décédé à reprendre et protéger sa ou ses épouses).



De même, il manque au livre une échelle des temps préhistoriques. Bien sûr, ce n’est pas un ouvrage de vulgarisation, mais son contenu est si intéressant qu’il serait utile de le mettre à la disposition d’un public plus large.
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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

Deux contre-vérités à infirmer et un immense corpus anthropologique : 1. que les femmes n'auraient, de tout temps et partout, que minoritairement investi l'espace extra-domestique ou limitrophe pour le travail, et 2. que la répartition sexuée de celui-ci répondrait à des explications « naturalistes » donc rationnelles (par ex. les entraves de la gestation ou de l'allaitement, ou une moindre force physique relative) ; le corpus : l'enquête du chercheur américain G. P. Murdock (1973) sur la répartition des tâches entre hommes et femmes dans cent quatre-vingt-cinq sociétés traditionnelles-préindustrielles, qui s'avère coïncider presque exactement avec la répartition des métiers masculins et féminins en France, mesurée en 1982 et en 2002...

Ce court essai surprend d'abord pour les constantes de ces répartitions, qui apparaissent très vite comme le résultat de processus d'exclusion des femmes – exclusions relatives ou absolues selon les circonstances ; l'explication de celles-ci est pluri-factorielle et comprend à la fois des éléments issus du matérialisme historique (l'appropriation des instruments de production dès lors que la tâche se « technicise », ou bien l'émergence d'une classe sociale, comme l'artisanat, et sa prise de pouvoir éventuelle) et d'autres éléments issus de l'anthropologie classique : croyances, mythes, superstitions qui encodent des injonctions symbolisées et se rattachent à des structures sociales de vaste envergure, comme, principalement, l'exogamie.

Aussi, un premier groupe de tâches dont les femmes sont exclues, mais aussi la classe sacerdotale là où un sacrifice sanglant est mis en jeu – y compris le prêtre catholique en relation avec l’Eucharistie – regroupe celles qui concernent le surgissement du sang : la chasse du gros gibier, l'abattage du bétail, les métiers de la guerre. Il est question ici du tabou de la menstruation à cause de l'interdit du mélange des sangs. L'auteur, en examinant des cas très universels ainsi que ce qui semblerait constituer des exceptions, parvient à un système assez complexe qui concerne : le sang du sacrifice (ou du Christ), le sang de la guerre, le sang menstruel, et celui du gibier, mais seulement au moment de leur surgissement : la femme ne tuera pas le cochon mais fera donc du boudin, ou s'occupera d'équarrissage, de tannage, tiendra la caisse du boucher son mari, etc. À noter un chapitre sui generis qui rattache ce même interdit aux « façons féminines, façons masculines de mettre fin à ses jours » (ch. 7). Trois contre-exemples sont examinés : la divinité féminine de la chasse gréco-romaine Artémis-Diane, mais elle était notoirement « vierge, défendant farouchement sa virginité » ; les Amazones, guerrières sans seins ; Jeanne d'Arc, dont les minutes du procès nous informent qu'elle était non seulement « Pucelle », mais atteinte d'aménorrhée ! Dans le monde entier, de toute manière les restrictions relatives aux femmes ne s'appliquent jamais aux pré-pubères ni aux ménopausées.

Par analogie avec le sang, certaines superstitions demeurent concernant l'interdiction de certaines tâches de la viticulture (non la vendange mais par ex. la taille des vignobles et la vinification!), de la salaison, et même de certaines cuissons et préparations avec les œufs (dont le jaune est nommé rouge dans plusieurs langues), par les femmes à certains moments, y compris la mayonnaise !

Par analogie avec d'autres fonctions ou caractères attribués à la femme, indépendants du cycle menstruel, lui ont été très universellement proscrits les métiers de la mer (navigation, pèche, sous-marins cf. cit. infra, etc.) et ceux de la métallurgie-sidérurgie dès lors que le fourneau est anthropomorphisé en femme qui accouche.

Suivent trois chapitres nommés par des verbes à l'infinitif qui définissent des activités masculines ou féminines : « creuser », « couper » masculines ; « moudre, pilonner, écraser » féminines. Ici, l'explication est fondée sur les outils concernés : tranchants ou lancés réservés aux hommes – hache, herminette, javelot, flèche, poignard – ; écrasants ou posés réservés aux femmes – pilon, battoir, molette de meule à grains, broyeur, presse, bâton à fouir, râpe, aiguille à coudre, poinçon, grattoir, racloir, couteau. La mouture fait l'objet d'une métamorphose d'attribution genrée en relation avec la technologie.

Par conséquent, selon cette logique parfois assez absconse, seront réparties les tâches agricoles : le laboureur sera homme, la semeuse femme, le moissonnage à la faux – outil de percussion linéaire lancée – appartiendra à l'homme, à la faucille – outil de percussion linéaire posée – à la femme, le battage sera masculin (sauf battage à fléau), le vannage et la fenaison féminins. De même, le ciseau du menuisier ou du sculpteur est réservé aux hommes (percussion lancée), alors que les ciseaux (de couture, coiffure et surtout de tonte) sont principalement féminins.

Enfin, deux cas complexes sont représentés par la poterie, où « le potier supplanta la potière » avec l'apparition du tour – invention proche de la roue, apparue dans la ville d'Uruk, en Mésopotamie, aux environs du IVe millénaire av. J.-Ch. mais absente en Afrique noire, Océanie, Amérique) ; et celui du tissage, contrairement à la filature, où les évolutions techniques et socio-économiques semblent avoir été déterminantes dans une première masculinisation en Europe entre XIe-XIIe s., puis à une nouvelle féminisation à l'époque industrielle ; cependant la diversité de la répartition sexuée du tissage hors Occident – Proche-Orient jusqu'en Iran (féminin), Inde (masculin), Extrême-Orient (féminin), Amériques (féminin), Afrique pré-coloniale (variable selon la forme d’État), est aussi expliquée par des raisons matérialistes-historiques liées au pouvoir.

La conclusion insiste sans la nommer sur la notion de domination. Mais il ne s'agit pas de domination de l'homme sur la femme – qui est une donnée implicite et pré-existante, Alain Testart étant l'un des scientifiques qui a infirmé le mythe de la société matriarcale originaire – mais de domination de l'homme sur l'homme, avec relégation de la femme hors de ses attributions de pouvoir, dans la mesure de ses possibilités (toutes relatives et toujours réversibles) de se passer du labeur de celle-ci.
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La servitude volontaire, tome 1 : Les morts..

Nul besoin d'être spécialiste pour entrer dans les deux volumes de cette oeuvre écrite pour ouvrir des horizons au lecteur profane, patient et curieux. L'auteur commence par décrire avec précision le phénomène universel, et si étonnant, de "la mort d'accompagnement", à savoir du rite funéraire qui consiste à sacrifier, aux funérailles d'un grand personnage, ses serviteurs, son entourage, ses fidèles, censés l'accompagner dans l'autre monde. L'enquête, remarquablement complète, passe en revue les cinq continents et tous les témoignages archéologiques de toutes les sociétés possibles. C'est en soi une découverte fabuleuse pour nous, qui sommes mis en face de tant de sociétés si diverses, et qui pourtant se rejoignent en des similitudes ou parallélismes troublants.



De là, l'auteur va interroger en détail le type de lien social qui motive la mort d'accompagnement : relations de service, d'esclavage, de captivité, d'alliance, d'amitié avec le chef. Enfin, il aborde la question plus abstraite des origines de l'état, telle qu'elle s'articule aux liens personnels qu'il a décrits. L'ouvrage progresse donc du plus concret au plus abstrait, du descriptif au théorique, mais comme nous sommes guidés à chaque étape, tout reste clair et stimulant.



Non seulement le lecteur fera le tour du monde des sociétés, mais il verra l'universalité des questions d'autorité, l'universalité de la pratique esclavagiste, étudiée de près, et ce que signifie pour une société l'abandon de la mort d'accompagnement au profit d'une nouvelle relation moins personnalisée, construite autour de la notion d'état. L'essai, passionnant, rédigé dans une langue claire, se lit facilement et dissipe un grand nombre de préjugés au passage.
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Eden cannibale

Hans Stabben, un ethnologue hollandais, se retrouve face à une série de meurtres aux îles Trobobar imaginaires. En même temps qu'il découvre le fonctionnement de ses habitants, il essaye de découvrir leur secret...

J'ai assez aimé la façon dont l'histoire était racontée : sous forme de pièce de théâtre avec des chapitres à la place d'actes. Une petite présentation des personnages et lieux en acte I ; des intringues, une intrigue policière et une course au trésor, des suspects dans les actes suivants et un dénouement, un peu prévisible, en acte V.

Une enquête assez originale et rigolote !

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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

D'où vient en effet cette division du travail entre les sexes ? Pourquoi en effet les métiers de la mer ou du fer peinent encore à s'ouvrir aux femmes; sans parler de la chasse ? Testard essaie de remonter le fil des symboles et notamment celui du sang. Est-ce le sang en lui-même ou ce qu'il représente qui est banni de certaines professions ou tâches dans les sociétés primitives ? Et pourquoi la mer ? Et certaines matières comme le fer ?

C'est en nous prenant par la main et au fil de ces/ses interrogations qu'il essaye de comprendre ces différences. Cela donne un essai court et bien documenté, accessible à tous et qui pose les jalons de cette questions cruciale (avec une bibliographie vraiment intéressante). Les effets des séparations datant d'avant l'ère industrielle (rappel : les femmes ont TOUJOURS travaillé) se font encore sentir sur les orientations des jeunes gens notamment, mais aussi sur les représentations que nous avons des métiers et de leurs tâches. Et surtout sur la place des femmes, toujours subordonnées.

Eh oui, tout cela remonte à loin et si comme il le dit, cela ne fut pas créé pour dominer les femmes, avec l'introduction du pouvoir et du commerce, c'est bien ce qu'il s'est passé. Et il serait peut-être temps de revenir sur le tabou du sang des femmes (souvent inconscient) pour permettre à tous les sexes de faire ce dont ils ont envie.
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Art et religion de Chauvet à Lascaux

Alors pour ne pas spoiler, je ne vais pas dévoiler les fondements de ce livre qui sort aujourd'hui (que j'ai pu acheter lors du colloque en son nom il y a deux semaines).

Alain Testart remets en cause toutes les interprétations classiques de l'art du Paléolithique occidental. le chamanisme de Jean Clottes est mis au placard et les méthodes de Leroi-Gourhan, tant qu'à elles, sont plus ou moins reprise.

Nous avons donc le droit à une nouvelle interprétation des signes et des relations entre animaux (plutôt espèce).

La grotte représente la femme et un processus de différentiation des formes et du réalisme existe entre le fond de la grotte et l'ouverture.

Bref, nous avons le droit à une critique et explication de l'art avant une mise en abîme de la religion possible. Une bonne suite à Avant l'histoire : l'évolution des sociétés
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Avant l'histoire : L'évolution des sociétés, de..

Une synthèse puissante sur l'évolution des sociétés humaines entre la paléolithique supérieur et le néolithique.

Une première partir méthodologique expose les principaux concepts qui seront utilisés par la suite pour caractériser les sociétés et leur évolution : l'évolution, la société, la culture, les arbres, la convergence et la diffusion, , le clade, les causalités technologique, environnementale, démographique, religieuse, le darwinisme, les chasseurs-cueilleurs, nomades et sédentaires, stockeurs, l'art des cavernes et le totémisme, les causes et origines de l'agriculture, l'apparition de la richesse, les modes d’exercice du pouvoir dans les sociétés ploutocratiques ostentatoires, les démocraties primitives et les sociétés à lignage.

Des rapports inédits apparaissent entre la richesse et l'état, entre les modes d'accès aux femmes par le mariage et les relations entre les générations, ....

D'une lecture parfois exigeante cet ouvrage est très stimulant.



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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

Ce petit livre confirme de manière aussi simple que documentée la thèse de Françoise Héritier en insistant en premier lieu sur la prégnance de la symbolique sur notre inconscient collectif, et ce depuis des millénaires. Cela dit il n'est pas toujours facile de suivre le raisonnement (parfois un peu tiré par les cheveux) de l'auteur dans la relation entre le symbole et la mise à l'écart des femmes dans certains travaux ou métiers.

Le style est facile à suivre et l'expression est concise, mais ça tourne vite à l'énumération.
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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

Dans cet essai, Mr Alain Testart explique sa théorie (très capillotractée de mon point de vue) sur l’évitement constant des femmes de certaines activités. Cela n’est du ni à la force, ni au courage, ou autres qualités qui pourrait manquer dans l’ADN féminin…mais cela est une conséquence du principe de l « évitement de la conjonction du semblable au semblable ».

Ainsi, les femmes auraient été évincées de toutes activités où leur nature se trouvait en résonnance avec ladite activité. « […] pas plus qu’elle ne peut se mettre en contact avec des éléments fortement perturbés ou qui risque de l’être […] » Qu’elle ne puisse perturber la matière de façon brusque ». Cette nature interne changeante, c’est le sang. Le sang pendant ses menstruations, son dépucelage ou pendant l’accouchement.

Voyant une similitude entre cet état récurent chez la femme et non chez l’homme, la femme se serait vue (sic) écartées des activités pouvant causer les mêmes conséquences (dans certaines interprétations s’entend …) A savoir :

- La chasse dite sanglante, c’est à dire la chasse où des armes punectiformes sont utilisés. Armes à percussions, tranchantes où le sang jaillit. A l’opposé des femmes, qui elles pratiqueraient une chasse systématiquement non sanglante (assommoir, collets, …)

- La mer et toute autre activité y ayant trait. Car la mer présente les mêmes similitudes qu’une femme d’instabilité et de changements internes violents

- La vinification. Le sang, le vin, le sang de la terre, le sang du christ

- La salaison (toujours pas compris pourquoi …)

- Tout objet tranchant dans sa fabrication ou son utilisation

C’est un fait, que beaucoup de sociétés ont mis des interdits, des tabous sur le sang des femmes et par ricochet sur les femmes. Mais est ce aussi systématiques et systémique que Mr Testard veut bien le dire ?

Forcément, son développement arrive à une conclusion positive à cette question. Mais certaines incohérences peuvent être relevées :

- Des déesses de la chasse féminines pour les plus grandes civilisations connues de l’antiquité : Artémis pour les grecs et Diane pour les romains. Situation tout à fait valide dans l’argumentation de Mr Testar car ces 2 personnages ne seraient pas vraiment femmes (sic .. repetita) car Vierge …

(la femme n’est femme, et elle n’existe qu’en tant que femme, entre la perte de sa virginité et sa ménopause)

- Des analyses statistiques faussées ou incomplète:

o l’analyse comparative chiffrée des 185 sociétés traditionnelles ne cite aucune périodes, époque, région ni référence des travaux ou on pourrait trouver ces informations

o l’appel en argument de poids sur la liste des 100 métiers érigés en corporation … en 1691. Soit bien après (40 ans) la fondation du collège de France et ses amis phallocrates dont l’une des missions était de masculiniser la langue française (c’est grâce à eux qu’on doit notre chère règle grammaticale « Le masculin l’emporte sur le féminin »)

- Un flou complet sur l’agriculture puisque dans ce domaine la théorie vacille franchement. Les analogies avec la femme sont nombreuses, on devrait être dans le schéma de l’«évitement du semblable au semblable ». Mais non. Il eut été difficile de prétendre le contraire au vu des nombreuses tapisseries paysannes.

- Des oublis ? ou des méconnaissances ? Les accoucheuses, les prêtresses effectuant des sacrifices (Amérique du sud), les guerrières celtes, etc …



Pour conclure sur la forme, le biais permanent de l’androcentrisme m’a fortement gêné : Une structure grammaticale où la femme est dépossédée de l’action, elle est passive « la femme s’est vue écartée », sans d’autre choix que de subir. Ce qui traduit une position de dominée. Déjà.

Pourtant, il faut reconnaitre le volontarisme de Mr Testart sur la cause féministe : il n’a de cesse de démontrer que la femme n’est ni faible, ou peureuse ou paresseuse. Cela aurait été d’autant plus crédible qu’il ne demande pas aux femmes de prouver qu’elles étaient tout autant capable que les hommes « Et la dénonciation ne sera effective que lorsque les femmes, promues aux plus hauts niveaux, auront montrés que, dans des métiers traditionnellement réservés aux hommes, elles étaient capable de faire aussi bien qu’eux. »

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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

Alors je ne suis pas à ma première lecture de feu Alain Testart. J'ai lu de nombreux essais anthropologiques et plusieurs articles. Je connais donc bien sa méthode.

Ce livre, L'amazone et la cuisinière nous proposes de réfléchir sur la division sexuelle du travail, et pourquoi certains travaux sont plus masculin que féminin.

L'auteur se sert d'une source documentaire exceptionnelle faites par un anthropologue américain répertoriant plus de 150 peuples non-industrielle selon différents critères. Il ne s'agit pas d'un classement (aucune société n'est au-dessus d'une autre) mais plutôt de montrer les différentes solutions sociales, religieuses, économiques... utilisés par différents peuples.

Alain Testart se sert donc de cette base de données pour questionner le rapport de la femme dans divers secteurs économiques : la poterie, la métallurgie ; mais aussi sur différents faits comme le suicide.

Il en arrive à la conclusion que certains métiers sont prohibés pour les femmes dans certaines cultures à cause du sang (là on peut aussi rapproché certains travaux de Marcel Mauss sur la magie, ou de Lévi-strauss par exemple). Dans de nombreuses sociétés toutes actions où la femme doit couper et faire sortir le sang (boucherie, chasse...) sont prohibé car cela rappelle l'évènement mensuel. La coexistence de ses deux sang n'est pas possible. Il y a le même interdit pour l'homme qui aurait tuer un autre homme. Il ne peut aller chasser. Pour ce qui est de la métallurgie, les différentes sociétés fabriquent des fours de réductions qui sont désignés par anthropomorphisme. Ainsi lorsque le fer sort, le ventre du four accouche. Cela rappelle la femme.

Bref beaucoup de métiers sont prohibés à cause de différentes croyances autour de la femme, et on lui interdit certains gestes nécessaires à certaines activités. Les percussions lancés ne sont pas autorisés pour elle par exemple.

L'histoire montre d'ailleurs que certains métiers féminins sont devenues masculins par complexification des outils (poteries, métier à tisser...), puis de nouveau en majorité féminin après la révolution industrielle.

Ainsi le monde actuel où nous vivons montre un arrêt des prohibitions contre les femmes dans certains métiers. Peut-être qu'à l'avenir l'équilibre entre hommes et femmes se fera dans chaque travail, mais en attendant de nombreux travaux sont fait que ou presque par un sexe.

Ce livre est très bien pour comprendre les interdits sous-jacents à la division sexuelle du travail, que l'on peut retrouver par exemple dans la religion. Mais si comme moi vous connaissez des contre-exemple à ce que Testart veut comme universel, vous nuancerez vous aussi ses propos.
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Avant l'histoire : L'évolution des sociétés, de..

Je ne suis pas à ma première lecture des écrits anthropologiques de feu Alain Testart. Je pense qu'il est d'ailleurs nécessaire d'avoir une bonne connaissance de ses divers livres et articles pour bien comprendre cet ouvrage.

Il tente d'expliquer le mode de fonctionnement des sociétés de nos ancêtres à travers ses études des sociétés actuelles et ethnologiques.

Dès lors, avec ce genre d'étude, il est obligatoire de se faire beaucoup d'ennemis. Les ethnologues disent que sa vision de la société est trop simpliste. Les archéologues lambda boivent ses paroles et essayent d'appliquer ses concepts détaillés dans les schémas.

Pour ma part, j'essaye ici de faire la part des choses en vous disant qu'il a mis en place des concepts très intéressants, concepts auxquels beaucoup d'ethnologues ne pensent pas vraiment, mais qu'il lui manquait peut-être 5 ou 10 ans de travail pour lui permettre de faire un texte non attaquable.

Ceci est bien dommage pour les archéologues qui manquent encore de clés pour faire des hypothèses sur les sociétés anciennes, mais ce texte est tout de même très intéressant.
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Eléments de classification des sociétés

Alain Testart s'attaque ici à l'explication des éléments permettant, dans son esprit, de classer les sociétés considérées anciennement comme pré-moderne ou sociétés premières.

il nous explique selon des concepts qui sont propres qu'à lui, à ma connaissance, la structuration des différentes sociétés, afin de pouvoir les schématisées.

Il s'adresse ici aux archéologues, anthropologues et historiens et il est bien dommage que cet ethnologue qui se réfugiait dans les livres ait disparu. Son apport aux concepts en archéologie est fondamental quand l'on compare l'angle d'approches des autres spécialistes du domaine.
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Avant l'histoire : L'évolution des sociétés, de..

Cet ouvrage d'Alain Testart (1945-2013, directeur de recherche en anthropologie sociale au CNRS), intéressera tout curieux qui souhaite comprendre la démarche des chercheurs (pré-historiens, anthropologues et ethnologues, archéologues et sociologues) qui tentent de reconstituer et décrire l'organisation sociale des humains entre -30 000 et - 10 000 ans. La première partie est un cours sur les notions et l'évolution de la méthode scientifique dans ce domaine. Ensuite, chapitre après chapitre, l'auteur fait un état des questions et des réponses apportées par la recherche et expose ses opinions. Le propos est érudit, pointu parfois quand on découvre le sujet en amateur, mais intéressant et clair.
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

C’est dans la collection folio histoire que ce livre est réédité, quarante ans après sa première parution en 1982, mais il s’agit plutôt d’un livre d’anthropologie économique. Et sous ce vocable un peu ronflant, c’est un livre à la fois érudit et facile d’accès qui se cache.

J’ai fait un peu d’anthropologie économique lors de mes études, c’est donc un cheminement de pensée duquel je me sens proche. Je me souviens de ce prof qui nous disait que tous les traits d’une société pouvait être expliqué par une raison économique. C’est peut-être un peu exagéré mais je n’en suis pas sûre, et il s’agit bien des grands traits d’une société, pas des comportements individuels, et d’une analyse basée sur la rationalité économique, et non financière. Je semble m’éloigner un peu de ce livre, mais pas tant que cela, car Alain Testart met en œuvre ce type d’approche rationnelle pour tenter de voir ce que peut nous enseigner l’étude de ce que la plupart des anthropologues avant lui ont considéré comme une exception : les chasseurs-cueilleurs sédentaires. En tentant de comprendre plutôt que d’écarter d’un revers de main et en s’appuyant sur une masse impressionnante de sources, il remet en cause de nombreuses théories et idées reçues.

Comme le titre le suggère, il montre en effet que ce n’est pas l’agriculture qui est la cause nécessaire et unique de la sédentarisation et de l’apparition des inégalités. Il existe en effet des cultures de chasseurs-cueilleurs sédentaires, ce que, dans ma grande ignorance, je n’avais jamais réalisé avant d’ouvrir ce livre. L’opposition entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs-pasteurs est donc immédiatement battue en brèche, tout comme la lecture historique qui en est faite et Alain Testart remet quelques vérités en place, an particulier l’importance du stockage comme préalable à l’apparition de sociétés stratifiées ; une réinterprétation de la fin du paléolithique et du mésolithique comme une période charnière particulièrement riche en innovations techniques et en changements sociaux. Au cours de sa démonstration, il s’intéresse à la définition de la sédentarité, à la typologie des techniques de stockage, il effleure les questions de tributs, dons, partages des produits de la chasse…

En un mot, difficile de résumer ce livre foisonnant et passionnant, que j’ai trouvé toujours d’actualité 40 ans après qu’il ait été écrit. L’élaboration du discours théorique est convaincant, appuyée sur une abondante littérature, dont les apports et les limites sont discutées ; la théorie est mise à l’épreuve de ses limites de façon convaincante. Je ne suis qu’une néophyte dans ce domaine et je peux donc difficilement contester l’utilisation qui est faite de cette masse de données, mais j’ai trouvé la construction théorique solide, convaincante et stimulante. Le lien entre stockage d’un côté et sédentarité et apparition des inégalités d’autre part me paraît éclairant. Seul petit bémol pour moi : si je comprends que le stockage nécessite l’existence d’une ressource abondante (ainsi que, bien sûr, la connaissance des techniques de collecte et de stockage nécessaire), je n’ai pas bien compris pourquoi Alain Testart faisait de la saisonnalité de cette ressource une obligation pour l’apparition d’un stockage qui permet l’accaparement du travail ou de la richesse produite par autrui, mais c’est là un point probablement mineur et les observations de terrain donnent raison à Testart puisque les sociétés à stockage sans saisonnalité ne semblent pas particulièrement inégalitaires dans les exemples qu’il décrit.

Voilà donc un livre intéressant, stimulant, avec une théorie qui complexifie et donne de la profondeur à ma compréhension du monde qui m’entoure, et que c’est agréable de se sentir plus intelligent après la lecture d’un livre, grâce au travail de conceptualisation et de vulgarisation hors pair dont ce livre témoigne.



Merci aux éditions Folio de m’avoir permis de lire ce livre dans le cadre de la masse critique Babelio.
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La déesse et le grain : Trois essais sur les ..

Le néolithique avec son appropriation de la terre et donc la filiation pour l'héritage, la volonté de "contrôle" du ventre des femmes, la nécessité d'un esclavage féminin au foyer qui en découle, soit.

Mais la réfutation quasi systématique d'un matriarcat primitif, pire, l'interrogation sur les représentations de déesses mères qui ne seraient que des symboles de fertilité, voire la "pornographie de l'époque', interrogations orientées vers une réfutation plus vaste de mythes et de cultes primitifs pourtant attestés par G.Dumézil, Robert Graves, Claudine Cohen, Jean Markale, (certes, lui, controversé), J.Bottéro et tant d'autres...

Très orienté néolithique et trop occultant du reste et des cultes pourtant attestés chez les civilisations de l'Indus, Sumer, les proto-sémitiques, ect...
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L'institution de l'esclavage

Les peuples de tous les continents ont eu des esclaves. Dans son essai L'Institution de l'esclavage, l'anthropologue Alain Testart retrace l'histoire globale de ce phénomène, qui a pris des formes différentes selon les époques et les cultures.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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L'amazone et la cuisinière : Anthropologie de..

Je trouve cette étude intéressante aussi bien au niveau de son contenu que la forme utilisée. L’auteur cherche ici à montrer que la volonté du non mélange des sangs a eu de nombreuses conséquences durant toute l’histoire de l’homme. Il s’appuie donc pour cette réflexion philosophique notamment sur une étude reprenant les habitudes de peuples peu civilisé mais surtout ayant encore une culture non impactée par la nôtre. Ainsi il montre comment ce non mélange dans sang a donné lieu au cour du temps à l’écartement des femmes d’un certain nombre de tâche.
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Un peintre- Un tableau

Ce tableau représente le plus jeune fils du peintre, Claude, au domaine des "Collettes" à Cagnes sur mer. Il avait acheté ce domaine pour sauver les oliviers: "Ce sont les arbres les plus beaux du monde, d'une majesté rare, alliée à une légèreté aérienne". Ce peintre avait trois fils: l'ainé fut comédien, le deuxième réalisateur et Claude est devenu céramiste. Il a changé plusieurs fois de style. "Le déjeuner des canotiers" est l'une de ses toiles les plus célèbres. Il s'agit de:

Claude Monet
Alfred Sisley
Edouard Manet
Gustave Caillebotte
Auguste Renoir

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