Citations de Alfred de Musset (1307)
Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d’argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; à droite et à gauche […] toute une légion de monstres se suspendent à son manteau et le tiraillent de tous côtés pour lui faire perdre l’équilibre. […] S’il regarde en bas, la tête lui tourne ; s’il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui feront pas renverser une goutte de la coupe joyeuse qu’il porte à la sienne. Voilà ma vie…
Le souffle de ma vie est à Marianne ; elle peut d’un seul mot de ses lèvres l’anéantir ou l’embrasser. Vivre pour une autre me serait plus difficile que de mourir pour elle.
Cœlio était la bonne partie de moi-même ; elle est remontée au ciel avec lui. C’était un homme d’un autre temps ; il connaissait les plaisirs et leur préférait la solitude ; il savait combien les illusions sont trompeuses, et il préférait ses illusions à la réalité. Elle eût été heureuse la femme qui l’eût aimé.
Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? […] Qu’est-ce après tout qu’une femme ? L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule.
Je crois que Marianne a des amants. […] Oui ; il y a autour de ma maison une odeur d’amants […].
L'hirondelle de mer, qui tournoie dans l'azur des cieux, plane ainsi du haut de la nue sur le brin d'herbe où elle a fait son nid.
Je m'attendais à voir en elle presque une religieuse, du moins une de ses femmes de province qui ne savent rien de ce qui se passe à deux lieues à la ronde, et qui vivent dans un certain cercle dont elles ne s'écartent jamais. J'avoue que ces existences à part, qui sont comme enfouies ça et là dans les villes, sous des millions de toits ignorés, m'ont toujours effrayé comme des espèces de citernes dormantes ; l'air ne m'y semble pas viable ; dans tout ce qui est oubli sur la terre, il y a un peu de la mort.
L'insensé veut posséder le ciel ; le sage l'admire, s'agenouille, et ne désire pas.
Quand je vous dis que je vous aime, vous croyez donc que je n'en sens rien ? Quand je parle de deux ans de souffrance, vous croyez donc que je fais comme vous ? Eh quoi ! vous me brisez le cœur, vous prétendez vous en repentir, et c'est ainsi que vous me quittez ! La nécessité, dites-vous, vous a fait commettre une faute, et vous en avez du regret ; vous rougissez, vous détournez la tête ; ce que je souffre vous fait pitié ; vous me voyez, vous comprenez votre œuvre ; et la blessure que vous m'avez faite, voilà comme vous la guérissez !
Les hommes ne m’avaient fait ni bien ni mal ; mais j’étais bon, et, pour mon malheur éternel, j’ai voulu être grand. Il faut que je l’avoue : si la Providence m’a poussé à la résolution de tuer un tyran, quel qu’il fût, l’orgueil m’y a poussé aussi. (Laurent / Lorenzo / Lorenzaccio)
Qu'importe le propos d'un Julien ? (...) Où en sommes-nous, si l'insolence du premier venu tire du fourreau des épées comme les nôtres ? (Philippe Strozzi)
- Comment se fait-il, me dit-elle, que vous me l'annonciez en riant ?.
- Il y a, lui dis-je, une maxime d'un poète persan : "Celui qui est aimé d'une belle femme est à l'abri des coups du sort"
Je ne compte rien faire qui puisse choquer personne. Je compte d'abord faire ma déclaration ; secondement, écrire plusieurs billets ; troisièmement, gagner la fille de chambre ; quatrièmement, rôder dans les petits coins ; cinquièmement, prendre l'empreinte des serrures avec de la cire à cacheter ; sixièmement, faire une échelle de corde, et couper les vitres avec ma bague ; septièmement, me mettre à genoux par terre en récitant la Nouvelle Héloïse, et huitièmement, si je ne réussis pas, m'aller noyer dans la pièce d'eau ; mais je vous jure d'être décent, et de ne pas dire un seul mot, ni rien qui blesse les convenances. (Valentin, II, 1)
Je ne rêve, je ne sens plus que l'horrible, l'extravagant. Je poursuis l'impossible. Oh ! c'est affreux ! Se consumer, s'abrutir dans des déceptions ! Désirer toujours, n'être jamais satisfaite. Mon imagination me tue. C'est être bien malheureuse !
Ah ! Celui-là vit mal qui ne vit que pour lui.
Le coeur d'un homme vierge est un vase profond :
Lorsque la première eau qu'on y verse est impure,
La mer y passerait sans laver la souillure,
Car l'abîme est immense et la tâche est au fond.
Amour, fléau du monde, exécrable folie.
Venise
Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge ;
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot.
Seul, assis à la grève,
Le grand lion soulève,
Sur l'horizon serein,
Son pied d'airain.
Autour de lui, par groupes,
Navires et chaloupes,
Pareils à des hérons
Couchés en ronds,
Dorment sur l'eau qui fume,
Et croisent dans la brume,
En légers tourbillons,
Leurs pavillons.
La lune qui s'efface
Couvre son front qui passe
D'un nuage étoilé
Demi-voilé.
[…]
Qu'y a-t-il, en effet, au monde, de plus impatientant pour une femme que d'être jeune, belle, riche, de se regarder dans son miroir, de se voir parée, digne en tout point de plaire, toute disposée à se laisser aimer, et de se dire : "On m'admire, on me vante, tout le monde me trouve charmante, et personne ne m'aime."
Si l'extravagance de Croisilles lui paraissait inconcevable, elle n'y voyait du moins rien d'offensant ; car l'amour, depuis que le monde existe, n'a jamais passé pour offense.