Amélie Antoine

On ne conserve aucun souvenir de notre petite enfance, aucune image, aucun fragment de parole, mais est-ce a dire que ce passé n'a laissé aucune trace sur nous?

Depuis qu’elle avait revu Matthias, elle avait l’impression d’être à nouveau vivante, comme si le sang s’était remis à circuler dans ses veines, et ce sentiment était si entier, si intense, qu’elle n’envisageait pas une seconde qu’il puisse être répréhensible. C’était comme si elle avait vécu en noir et blanc depuis deux décennies et que la couleur avait subitement fait sa réapparition.

Quand on a une histoire comme la sienne, on a tout intérêt à l’ignorer.

Je vais vous dire: même aujourd’hui, même après ce qu’il vient d’arriver à des milliers de kilomètres, je ne vois toujours pas en quoi ces informations auraient eu la moindre utilité.

Il y a des choses qu’il vaut mieux éviter de trop remuer.

Et le passé de cet enfant en fait partie, croyez-moi.

Les cinq années qui survirent, je vécus avec un couple en symbiose totale, un couple où le mot " complicité " est un euphémisme. Une relation privilégiée où tout est facile, quand seul le regard suffit, quand c'est le cœur qui parle. Emmanuelle Artero

On croit pouvoir écouter les autres de façon impartiale, mais c'est faux. On juge, toujours. On approuve ou on désapprouve, on félicite ou on condamne, on absout ou on lynche.

Personne ne peut comprendre sans juger, jamais. On croit pouvoir écouter les autres de façon impartiale mais c'est faux. On juge, toujours. Même si on voudrait ne pas le faire, on n'y parvient pas. On approuve ou on désapprouve, on félicite ou on condamne, on absout ou on lynche. Ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs ou des naïfs.

N'y touche pas.
N'y touche pas.
Tant que personne ne déplacera cette tasse et ce ramequin sales, c'est que tout est normal, c'est que tout ira bien, c'est qu'ils reviendront et que tout sera comme avant.
Comme avant.

Parce qu'elle était comme vous tous, au fond. La seule chose qui l'intéressait, c'était de connaître l'histoire de A à Z, de saisir l'enchaînement logique des événements, de faire entrer le moindre détail dans une jolie petite case pour pouvoir, à la fin, refermer la boîte de Pandore en ayant le sentiment d'avoir tout compris.

On juge, toujours. Même si on voudrait ne pas le faire, on n'y parvient pas. On approuve ou on désapprouve, on félicite ou on condamne, on absout ou on lynche.

« Depuis sa naissance, j’avais l’impression d’être une zombie. Qu’elle était un vampire qui suçait toute mon énergie, et qu’en plus, j’aurais dû en être heureuse. »

L'enfant du milieu. Il paraît que ce n'est pas la meilleure place, dommage qu'on ne puisse pas choisir. J'aurais préféré être l'aînée adulée ou la benjamine à qui l'on pardonne tout. Tout plutôt que cette place bancale dans la fratrie, celle où on n'existe pas, ou seulement en comparaison des deux autres.

Rien ne va bien mais personne ne le voit, personne ne l’entend. Je coule au fond de l’eau noire et personne ne fait un infime mouvement pour attraper ma main désespérément tendue.

Dans la vie, Maël, il faut avoir à la fois la force d'accepter ce qu'on ne peut changer et le courage de désobéir quand c'est nécessaire.
page 369.

La pitié c'est juste une façon pathétique de gérer la culpabilité qu'on commence à ressentir, la culpabilité d'avoir fermé les yeux, de n'avoir rien fait dès le début.

Sur la table, à l’abri des regards, j’ai gravé au cutter mon prénom en lettre majuscules.
Pour que personne ne m’oublie.
Pour qu’ils sachent que j’existe. Que j’ai existé.

Parfois, quand on est au plus mal, on fait en sorte que les choses tournent au vinaigre. Consciemment ou inconsciemment. Pour se punir, pour se prouver que rien ne va…

- Je trouve ça génial, papa...C'est un peu comme si tu étais un super-héros qui se fait passer pour quelqu'un de normal aux yeux de tout le monde ! Je m'exclame avec enthousiasme.
Mon père m'ébouriffe les cheveux en souriant.

Longtemps, j'ai vécu sans que l'écriture soit au centre de ma vie, sans qu'elle soit essentielle au point de me définir.
Longtemps, j'ai vécu en me sentant en permanence en décalage avec les autres, le monde.
Et puis, un jour, par le plus grand des hasards (mais s'agissait-il vraiment d'un hasard?),je me suis retrouvée sur un chemin qui n'était pas prévu. Même pas rêvé, en un sens.
Un chemin qui m'a semblé familier.
Comme si, enfin, j'étais chez moi.
Comme si, enfin, j'étais moi.

Je crois qu'il n'y a pas de plus belle chance que celle de parvenir à se trouver.
Et peut importent les doutes permanents, l'insécurité de ne jamais savoir de quoi demain sera fait, le sentiment de ne pas être à la hauteur ou de ne pas être légitime, le syndrome lancinant de l'imposteur.
Peu importe, au fond, car je crois qu'on est jamais un imposteur quand on est intimement persuadé de se trouver exactement là où l'on doit être.

Nos parents allaient sympathiser et rire ensemble sans rien soupçonner de ce qui se passait depuis des mois sous leurs yeux.

Je déglutis avec difficulté, comme si ma gorge était soudain tapissée de papier de verre.