Amélie Antoine

"Qui est on quand on ignore d'où l'on vient ?"

Léa n’a peut-être encore jamais mis les pieds en Pologne, mais Ludmilla lui racontera, et elle verra, à travers le cœur de sa mère.

- J'ai rêvé que je me noyais, j'essayais de rejoindre le rivage, mais chaque fois que je m'en approchais, il reculait, et je me retrouvais toujours de plus en plus loin du bord... A la fin, je n'avais plus la force de nager, et j'avais l'impression que quelque chose me tirait vers le fond..., murmura-t-elle en claquant des dents.

[p59]

...J'ai l'impression d'être dans l'immédiat, comme s'il n'y avait plus de futur ni de passé, seulement un instant T qui se prolonge indéfiniment.

On passe des années
A bâtir
Ce qu'on pense être un château fort
Et il suffit d'un instant
Un instant à peine
Pour se rendre compte
Qu'il ne s'agissait finalement
Que d'un château de cartes,
Un vulgaire château de cartes.

On devrait toujours faire les choses au moment où l'on a envie de les faire, sans tergiverser, sans vouloir être raisonnable, sans remettre à plus tard. Parce qu'on ne sait jamais s'il y aura un plus tard en réalité. Et il suffit d'un minuscule grain de sable pour que le "plus tard" se transforme en "trop tard", pour que l'espoir se métamorphose en regrets. La pire erreur qu'on puisse faire, dans la vie, c'est d'être raisonnable. De temporiser, de douter, d'attendre. Au lieu de se contenter de vivre.

(...) il déteste les cérémonies de toutes sortes qui ont lieu à l'église : même s'il respecte les idées et croyances de chacun, il ne peut s'empêcher de trouver tout ça absurde et d'un ennui atroce. Il sait d'avance qu'il va falloir s'asseoir et se relever à intervalles réguliers, chantonner des paroles dont personne ne cherche vraiment à comprendre la signification, et écouter un curé hors d'âge baragouiner des passages de la Bible qui ne font sens pour personne, ou en tout cas, pas pour lui.

Ce qu’il éprouve pour cette femme, il ne l’a peut-être bien jamais ressenti pour qui que ce soit. Cette impression étrange et déroutante d’avoir trouvé celle qu’il lui faut. De n’avoir, en quelque sorte, fait qu’errer depuis des années en attendant d’enfin tomber sur elle et de savoir, presque dès le premier regard, qu’elle était celle qu’il espérait depuis tout ce temps. Cette peur sourde, au creux des côtes, que l’intensité et la fulgurance de ses sentiments ne soient malheureusement pas partagées. Cette certitude dérangeante que cette femme qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam il y a moins de deux mois a désormais le pouvoir de le démolir et de lui briser le coeur d’une pichenette. 

Lorsque Édouard avait eu fini d'entasser dans un sac de voyage l'ensemble de ses vêtements, son cadet avait murmuré d'une voix presque inaudible : "Alors tu m'abandonnes ?" Édouard, qui savait parfaitement que son départ devait se faire rapidement pour être le plus indolore possible, comme un pansement qu'il fallait avoir le courage d'arracher d'un coup sec, avait hésité une fraction de seconde, avant de décider, le coeur déchiré, de faire comme s'il n'avait pas entendu Jonathan.

(...) Peut-être devrais-je parler à l’imparfait ? Je ne sais pas, j’ai l’impression d’être dans l’immédiat, comme s’il n’y avait plus de futur ni de passé, seulement un instant T qui se prolonge indéfiniment.

On ne devrait jamais confronter des souvenirs forcément enjolivés et emplis de nostalgie à la dureté du présent et du temps qui passe.

Il a prononcé ces quatre mots et ils étaient aussi légers qu’une plume, aussi doux que le duvet d’un oisillon. C’est comme s’il venait d’ouvrir la porte de la cellule dans laquelle je m’étais enfermée moi-même ; comme si, enfin, je pouvais me redresser et en sortir sans crainte que la lumière du jour ne m’éblouisse à force d’être restée dans le noir le plus complet.

A-t-on conscience, lorsqu'on vit quelque chose, que ce moment se transforme en un souvenir qu'on chérira de toutes nos forces plus tard ? La plupart du temps, non. Mais parfois, tout au fond de soi, on sent que quelques instants de joie sont en train de se graver dans notre mémoire au moment même où ils se produisent, on est capables de ressentir ce processus d'enregistrement, de se dire qu'on ne les oubliera pas.
Qu'un jour, c'est à ces bribes de vie qu'on se raccrochera à tout prix.

Elle avait tellement espéré ce [deuxième] enfant qu'elle l'avait surnommé son 'bébé miracle', lui qui était arrivé au moment où elle commençait à se résigner, à se recroqueviller dans son chagrin solitaire puisque son mari avait déclaré qu'après tout, un enfant, c'était déjà mieux que rien, et que ça faisait certainement deux fois moins de bruit, en plus.
(p. 25)

Longtemps, on est persuadé que nos parents sont surpuissants, qu'ils savent tout. En réalité, ce ne sont que des êtres humains aussi paumés que nous, qui essayent simplement de ne pas trop se planter.

Si on ne redresse pas la barre avec des bandes-annonces plus glamour, les téléspectateurs vont se désintéresser du jeu, et on risque de passer en deuxième partie de soirée. Ce serait horrible de finir aux oubliettes après tant de travail...

Les écrits ont plus de poids que les paroles.

La vie n’a de valeur que parce qu’il y a la mort au bout… Si l’être humain était immortel, qu’aurait-il à construire, à conquérir ?
Si l’homme a inventé les voitures, les trains, les avions, les autoroutes, c’est bien parce qu’il est mortel, et qu’il veut faire et voir le plus de choses avant de ne plus être. Si l’homme a inventé le téléphone, le courrier, et internet, c’est parce qu’il est mortel. S’il cherche des vaccins, des traitements, et des médicaments, c’est parce qu’il est mortel.
Et comme l’être humain est mortel, ce qui a finalement le plus de valeur, c’est le temps.

On nous apprend que ne sont jamais les méchants qui gagnent.
Pas comme dans la vraie vie.

Certains mots peuvent fissurer.