Citations de Amélie Antoine (615)
A quoi bon ? Se lancer dans une compétition pour déterminer qui souffre le plus n’apportera rien de positif. Et elle n’a pas besoin de prouver à qui que ce soit que la plus grande douleur siège dans ses tripes à elle. Puisqu’elle est la mère. Puisqu’elle est la mère qui a égaré son enfant. Puisqu’elle est la mère qui ne mérite pas d’en être une.
C’est plutôt incroyable de t’imaginer transi d’amour, à déprimer dans le noir parce que quelqu’un a eu la bonne idée de te larguer.
Je ne t’ai pas élevé comme ça, et tu sais que je m’inquiète pour toi ! Myriam m’a dit samedi dernier que tu avais une peine de cœur, et depuis je n’arrive pas à te joindre. Tu pourrais avoir pitié de moi, quand même. Pense à tous les cheveux blancs que je me fais pour toi !
Malgré tout, même la colère et l’incompréhension n’étaient pas suffisantes pour lui donner le courage de passer à autre chose. Il se sentait honteux et ridicule, à cuver comme ça son chagrin dans la chaleur étouffante de son appartement. Mais il ne parvenait pas à reprendre le dessus.
Elle continuait de l’obséder.
Je t’aime, ma chérie, mais si on m’avait dit à quel point on perdait sa liberté en devenant mère, je ne suis pas sûre que j’aurais signé, à l’époque. Ça n’a rien de personnel, c’est un simple constat. Un enfant, ça enchaîne. Ça handicape.
Elle passe devant la maternité et, pour la première fois depuis des années, elle ne détourne pas la tête à l’idée qu’il puisse en sortir une femme enceinte ou, pire, une jeune maman avec un nourrisson.
Parce qu’elle aussi, dans quelques mois, elle aura enfin un gros ventre bien rond.
Parce qu’elle aussi, dans quelques mois, elle tiendra un bébé dans ses bras. Son fils, ou sa fille.
Parce qu’elle aussi, elle pourra dire qu’elle est une mère.
Tout semble tellement plus léger. Mathilde a l’impression de respirer plus facilement, comme si un poids lui avait été retiré de la poitrine. Un poids qu’elle ne sentait même plus, en réalité, mais qui prenait pourtant toute la place dans sa cage thoracique.
Adrien commence à s’énerver. Le matin, il a besoin d’être tranquille. Il aime que personne ne lui adresse la parole, et surtout que personne ne lui demande de parler. Mathilde a l’habitude de l’ignorer tant qu’il n’a pas pris sa douche, tant qu’il n’a pas complètement émergé de sa nuit de sommeil.
Elle se dit qu’elle aurait peut-être mieux fait d’attendre, en fin de compte. Ils vont réussir à se disputer avant même qu’elle ait pu prononcer plus de deux phrases d’affilée, alors que c’est bien la dernière chose qu’elle souhaite à ce moment précis.
Après tant d’années, elle s’est habituée à la douleur qui revient, lancinante, mois après mois. Elle la connaît bien, cette souffrance amère qui l’éloigne des autres, qui s’est érigée comme un rempart autour d’elle. On pourrait presque dire qu’elle l’a apprivoisée.
Parfois, les frontières entre sa vie réelle, sa vie imaginée, et même sa vie rêvée semblent floues, comme spongieuses. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qu'elle a imaginé ? Il arrive que Mathilde ne soit plus vraiment capable de le dire.
Les souvenirs sont des choses précieuses, aussi imprévisibles et étincelantes qu'une étoile filante. Pourquoi tel ou tel moment reste-t-il à jamais gravé dans la mémoire de quelqu'un ? Pourquoi d'autres s'effacent-ils au fil du temps, malgré le souhait qu'on pourrait avoir de ne pas les perdre ?
Lorsque tout bascule, dans la vie, n'est-ce pas à chaque fois intimement lié à un petit détail qui aurait pu être différent, un détail insignifiant qui aurait pu changer toute la donne sans que jamais on ne puisse s'en douter ?
Et j'en viens à me demander comment je vais réussir à oublier mon père s'il passe son temps à surgir dans mon quotidien.
Peut-être qu'on peut suffoquer à cause de toutes ces paroles qu'on a vainement attendues depuis l'enfance et qui ne viendront plus jamais,à présent.
Et si là-haut, quelqu'un s'amusait à lui faire croire qu'il était sur la bonne voie pour que la dégringolade n'en soit que plus douloureuse ? Il faut bien se hisser en l'air pour tomber, être aspiré dans un trou béant.
Une mélancolie profonde, la même qui l'étreint aujourd'hui dès qu'il n'est pas occupé à faire rire quelqu'un.
"Bien sûr, il s'est égaré, il s'est perdu en chemin puisqu'on ne prend conscience de son bonheur qu'après l'avoir méprisé, qu'après l'avoir piétiné pour chercher quelque chose d'autre, plus haut, plus loin, toujours un peu plus loin, parce que rien ne semble jamais suffisant."
Certains avaient immédiatement admiré son art du mime, sa manière de camper n’importe quelle émotion à la vitesse de l’éclair, d’être un caméléon capable de faire défiler en lui toute une galerie de personnages aux caractères bien trempés. D’autres avaient parlé du fait que ses sketches semblaient universels ; chacun pouvait immédiatement y retrouver un pan de son quotidien, chacun pouvait, simplement, se reconnaître.
« Dans cette vie, y a pas de place pour ceux qui hésitent, va bien falloir que tu t’en rendes compte ! »
La peur s’infiltre au point qu’il lui devient presque douloureux de simplement avaler sa salive. La nausée ne le quitte pas, même si son estomac est désormais vide. Les bouffées de chaleur sont si fortes qu’il jurerait que sa peau est brûlante, tandis que les sueurs froides qui leur succèdent l’obligent à vérifier trois fois, dix fois, vingt fois, que ses vêtements ne sont pas imbibés de transpiration.
Prendre le train était toujours un moment très anxiogène pour lui ; il avait systématiquement peur d’arriver en retard à la gare, il fallait qu’il regarde plusieurs fois le quai indiqué sur le panneau d’affichage pour être sûr de ne pas se tromper. Paris Saint-Lazare : voie 3. Il vérifiait le numéro du train sur son ticket, puis sur l’écran de télévision accroché en l’air. Plusieurs fois. S’assurait qu’il se trouvait bien sur la voie 3. Plusieurs fois. Et, arrivé dans l’Intercité, il ne pouvait s’empêcher de demander au premier passager croisé : « Est-ce que ce train va bien à Paris ? » Enfin rassuré, il allait s’installer contre la fenêtre, sa casquette toujours vissée sur le crâne, sans même songer à retirer ses lunettes de soleil. Étrangement, la célébrité qu’il avait tant désirée n’avait fait qu’accroître son besoin d’anonymat.