Citations de André du Bouchet (176)
Face de la chaleur
BATTANT
La meule de l’autre été scintille. Comme la face de
la terre qu’on ne voit pas.
Je reprends ce chemin qui commence avant moi.
Comme un feu en place dans l’air immobile,
l’air qui tournoie au-dessus du chemin.
Tout a disparu. La chaleur déjà.
Souffle l’orage sans eau. Se perd l’haleine des glaciers.
Sans avoir enflammé la paille qui jonche le champ.
Cette maison dans l’autre orage. Comme un mur froid
au milieu de l’été.
Vers la paille. Vers le mur de plusieurs étés, comme un
éclat de paille dans l’épaisseur de l’été.
feu
feu
comme une main ouverte
auquel je renonce à donner un nom
J’aime
la hauteur qu’en te parlant
j’ai prise
sans avoir
pied.
( L'ajour)
LE FEU ET LA LUEUR
extrait 2
Au début de la poitrine froide et blanche où ma phrase
se place,
au-dessus du mur, dans la lumière sauvage.
À la fois le vent et le corps de la pierre, bec par où la
terre se dessine, ou plutôt disparaît.
Dans l’immense feu blanc qui me sert de chambre,
l’air manque, l’air demeure aride.
Paroi d’air
au-dessous de la terre soulevée
hors des atteintes de l’air
tout est détruit
comme un peu d’air
dans une main ouverte
montagne
presque rien
montagne
dont nous suivons la montée
vert-de-grisée.
SOL DE LA MONTAGNE
Le courant force
se risquer dans le jour
comme dans l’eau
froide et blanche
dure
pour le motocycliste
comme un couteau déplacé par le souffle
les montagnes sortent à peine de terre
quand la route casse
je change de pied
elle est couverte de neige
Du bord de la faux
Extrait 1
I
L’aridité qui découvre le jour.
De long en large, pendant que l’orage
va de long en large.
Sur une voie qui demeure sèche malgré la pluie.
La terre immense se déverse, et rien n’est perdu.
À la déchirure dans le ciel, l’épaisseur du sol.
J’anime le lien des routes.
la route s’empare de qui, un instant, marche à son côté
ICI EN DEUX
Extrait 6
.
si
la main
la longue main
avait pu donner
fraicheur
au feu
elle se serait tendue.
.
dans l’amas des montagnes
fraîchir
sous le marteau
ou
la fraction
du temps.
Attente glacée
de moi ou du jour
qui va durer
je ne suis que de la terre éteinte
mais la clarté rouge glisse
encore à travers ses doigts
comme un jus de mûres
LE GLACIER
1
Vent
grand visage
glacé
agité
la pierre
ou le faîte
le vent.
2
La porte, l'air blanc.
3
Sur la terre compacte où je continue de brûler, l'air
nous serrant à mourir, nous ne reconnaissons plus le
mur. J'occupe soudain ce vide en avant de toi.
4
Au deuxième tournant, la vague aveuglante d'un
glacier, quelques brins d'air.
5
Je m'alimente d'un feu de pierre
je renonce
il y a une main
tendue
dans l'air
tu la regardes
comme si tu la tenais de moi
partout nos traits
éclatent.
p.22-23-24
Ajournement
J'occupe seul cette demeure
blanche
où rien ne contrarie le vent
si nous sommes ce qui a crié
et le cri
qui ouvre ce ciel
de glace
ce plafond blanc
nous nous sommes aimés sous ce plafond.
p.169
L'AIR SOUDAIN
Au pied de ce mur que l'ombre défait, l'ombre
attend,
de ce ciel.
Cette blancheur furieuse, la nuit,
le souffle
qui me sépare de mon lit.
L'horizon diffus,
à la coupure du souffle. J'avance dans
le jour retentissant.
La maison s'anime, l'air se fend.
p.44
Fleurs
Pas plus haut,
où elles s’arrêtent, ces eaux
bleues ! Que le premier escarpement des fleur tout à coup transpirant dans l’air froid,
et aussi rude.
Mais le baiser, venu
par les fonds raboteux, où, poussiéreuse brassée, je disparais dans le jour qui attend le soleil.
Qu’elles ne l’arrêtent pas, la façade
sera rendue, elle, aux pierres.
Parmi les fleurs, encore, ceinturée par la chaleur
du nuage, puis par le vent, au cœur des routes,
le nuage ! Se heurtant à
ce qui a fleuri.
S’il faut, pour qu’elles grandissent, avoir
croulé
jusqu’au bleu,
la sauge,
à quelque route.
Plus tard, comme le pas,
la nuit, les voit, leurs faces maintenant tendues,
linge dans l’air ras !
L’air –
sans atteindre au sol, seulement- sous la foulée,
revient »,
par cela même
qui,
au fur et à mesure
qu’elle s’énonce, lui
sera
soustrait …
LA NUIT, c’est.…
…dire…entendre.… ce qui sur le pas brille,
Par instants crisse, espacé.…
(« Poussière sculptée », l’ajour)
Quand la nuit tombe
Quand la nuit tombe,
la route inutile est couverte de pays noirs
qui se multiplient.
[laisses]
Je reste sur le jour comme un corps après soi.
reste, tout ayant disparu, reste ce qui scintille dans les interstices de la relation passagère suspendue.
il y a
dans l'endormi une paupière ouverte, dans la disparition en
cours ici et là une chose éveillée dès l'instant
où elle est entrevue, veillant sur son sommeil comme à l'arrêt
d'un mot.
entre
les mains, la fraîcheur à nouveau de l'air quand elles sont
quittes.
"sans cela, le froid, le
vent, le vide seraient sans épaisseur." parce que j'avais
voulu
avoir eu sur le vide, le vent,
saisie – pour que le froid soit chaleur, compact le vide,
et que ayant duré, finalement, le vent tombe.