AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Annabel Abbs (179)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Miss Eliza

J'ai des préventions à l'égard des bouquins aux couvertures girly, je n'ai que rarement envie de lire des romans étiquetés féminins, c'est comme ça. Autant dire que quand j'ai reçu cette Miss Eliza dans le cadre du jury Grand Prix des lecteurs Pocket 2023, avec sa petite marmite et ses arabesques fleuries sur la couv', son titre très fifille et son sujet cuisine anglaise, bof niveau envie de lecture. Et ben j'avais tort : je me suis régalée !



Miss Eliza est une fiction romancée s'inspirant de quelques fait établis concernant la vie d'Eliza Acton, poétesse et autrice d'un best seller publiée en 1845, considérée comme le plus grand livre de recettes britannique, un des premiers livres de cuisine à l'usage de tous, innovant avec sa liste ingrédients précises et mesurés. Une vie peu documentée hors grandes lignes, ce qui permet à Annabel Abbs de se glisser dans les interstices et de faire parler les silences. Elle imagine avec beaucoup d'intelligence un personnage fictif en la personne de son assistante Ann Kirby.



Les chapitres à la première personne alternent la voix d'Eliza avec celle d'Ann, deux femmes très différentes dont l'amitié est improbable : Eliza la bourgeoise déclassée dont la faillite du père l'oblige à monter une pensionnat pour riches à Tonbridge dans le Kent, et à assumer le rôle de cuisinière malgré les objections de sa mère ; et la toute jeune Ann, née dans un milieu misérable, parlant du chaos de sa vie avant de rencontrer Eliza, entre un père alcoolique et une mère aliénée :



Le chaos « c'est quand votre mère ne vous reconnait pas, ne peut contrôler ses boyaux et porte sans raison un couteau à ses cheveux. Quand votre père doit être séparé de votre mère avant qu'il la tue. Quand votre estomac n'a pas été rempli depuis plusieurs jours. Et quand vos seuls souvenirs sont ceux de vos frères et soeurs en train de mourir et de votre père criant toutes les nuits dans son sommeil. Puis je songe à cette cuisine paradisiaque, propre et bine rangée. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai toujours rêvé d'être cuisinière, de prendre des aliments disparates et d'en faire des plats savoureux. »



Au fil de leurs recettes à quatre mains que l'on voit prendre vie, la narration met en évidence leurs différences et surtout leurs similitudes : deux femmes qui cherchent à échapper à leurs conditions et aux assignations définies par la société victorienne.



Au-delà d'une très belle célébration du pouvoir de l'amitié féminine, j'ai vraiment apprécié la façon subtile qu'à l'autrice d'aborder les inégalités sociales anglaises sans pour autant délaisser le ressenti et la vie intime des personnages. Comme si Annabel Abbs convoquait aussi bien Charles Dickens ( notamment les chapitres consacrés à Ann et sa famille ) que Jane Austen ( notamment les chapitres éclairant la vie amoureuse d'Eliza et ses relations avec sa mère ) selon les tonalités qu'elle souhaite donner à son roman.



Un roman vivant, incarné et très sensoriel donnant à voir et sentir les recettes d'Eliza et Ann conçues comme des poésies.









Commenter  J’apprécie          10315
Frieda

Lady Chatterley a réellement existé. Ou plutôt la femme qui a inspiré ce personnage à D.H.Lawrence. Elle s'appelait Frieda von Richthofen, Allemande née baronne. C'était sa muse, celle qui lui a inspiré quasi tous les personnages féminins de ses romans. Celle qu'il a épousé en 1914 et qui vécu à ses côtés jusqu'à sa mort en 1930.



Cette biographie romancée commence en 1907 par la visite très cruelle de la soeur de Frieda qui déplore le « mauvais » mariage de sa soeur avec un philologue anglais sans gros revenu, qui exhibe ses bijoux et lui balance à la figure sa vie joyeuse et sans entrave à Munich, l'exhortant à se retrouver avant de se perdre. On découvre une Frieda engluée dans un mariage qui ne lui convient avec un mari austère et pudibond, enfermée dans la maternité, alors qu'on sent que cela bouillonne en elle, qu'elle a un feu sacré au fond d'elle qui ne peut s'exprimer.



Annabel Abbs est très forte pour susciter une empathie immédiate pour cette Frieda poussée à la marge de sa vie dans une tristesse muette. Comme dans L'Amant de Lady Chatterley, l'amour et le liberté ne font qu'un avec l'expérience de la transformation. C'est à Munich, auprès de ses soeurs que la métamorphose de Frieda s'opère vers un complet épanouissement sexuel, intellectuel et créatif. Le contexte historique est très bien rendu. Munich était une ville d'avant-garde, attirant écrivains, artistes, libres-penseurs, bohèmes. C'est là qu'elle est « initiée » par le psychanalyste Otto Gross à la sexualité désinhibée, c'est là qu'elle découvre qui elle est. Lorsqu'elle rencontre le poète D.H Lawrence quelques années plus tard, elle est prête à choisir sa vie.



En fait, tout le récit s'articule autour de la question du sort de la muse dans l'ombre de la gloire littéraire. Frieda fait le choix de soutenir entièrement Lawrence, présenté comme despotique et capricieux, voulant Frieda rien que pour lui car il sent que sans elle, il ne pourra mener à bien sa volonté de marquer la littérature de son empreinte. Frieda paie un prix déchirant pour sa liberté, celui de renoncer à toute prétention légale sur ses trois enfants.



Annabel Abbs a un vrai talent pour dresser, à côté du portrait tout en sensibilité de Frieda, le tableau sombre de la condition féminine au début du XXème siècle, tout en évoquant le point de vue des enfants grâce à la narration très touchante de Monty, fils aîné de Frieda que l'on voit grandir en s'interrogeant sur sa mère et en souffrant de son absence. L'auteure sait également très bien peindre les hommes qui gravitent autour de Frieda. Le personnage du mari m'a particulièrement touché, étonnamment, figure d'abord terne et agaçante tant il ne comprend rien à la puissance de sa femme, puis vacille au bord de la folie lorsqu'elle le quitte. Un mari, en fait, complètement inhibé, victime de la pudibonderie de l'époque, ne supportant pas que ses enfants marchent pieds nus dans l'herbe, choqué lors de sa nuit de noce par la sensualité débordante de son épouse si fougueuse.



Une excellente lecture dévorée en quelques jours, qui m'a permis de découvrir un personnage passionnant, scandaleusement en décalage avec son temps, sans pour autant être dans le moule du féminisme actuel #MeToo, entièrement elle en tout cas. Comme un envie de relire L'Amant de Lady Chatterley ...
Commenter  J’apprécie          1017
Miss Eliza

Ce roman est inspiré de personnes réelles. Eliza Acton a vraiment existé.



Entre 1835 et 1845, elle a rassemblé et testé des centaines de recettes, et écrit avec l'aide de son assistante Ann Kirby, certainement le livre de cuisine qui a révolutionné l'histoire du livre de cuisine. C'est elle, la première ,qui a eu l'idée d'inscrire la liste des ingrédients (même si elle les plaçait à la fin de la recette...), elle qui a eu l'idée des mesures exactes et non approximatives. Vendu à plus de 125 000 exemplaires, il a été ce qu'on peut appeler un best seller national et international ! Ce livre raconte cette période , la rencontre entre les deux jeunes femmes. Et s'il existe des traces historiques de la vie qu'a pu mener Eliza Acton, poétesse au départ, l'auteure prévient qu'elle a beaucoup brodé pour celle de Ann...





Ce serait un éditeur lui refusant ses poémes (jugés indécents et impudiques pour une jeune femme de la bonne société) qui lui a suggéré d'écrire un livre de cuisine poétique..

A partir de là, Eliza (36 ans ) ne quittera plus sa cuisine, son seul et véritable amour.. Son père ruiné s'est réfugié en France pour échapper au déshonneur de la prison, et Eliza et sa mère se voient obligées d'ouvrir une pension de famille. Pour l'aider , elle engage Ann (17 ans) , dont la pauvreté est un gouffre immense. Ann qui découvrira l'abondance , une forme de sécurité en même temps que la cuisine.



Mis à part Ann que nous suivrons lors de ses visites sur ses jours de congé, on ne sort pas beaucoup de cette cuisine, de cette maison.

Et si la vie de Ann (de part ses parents est tumultueuse), le ron-ron s'installe un peu, rythmé par les casseroles à récurer, la volaille à plumer, les épices à tester. Comme on parle de nourriture, c'est forcément gourmand, même si les recettes m'ont un peu" dépassées "! Les mots sont poétiques et évoquent un autre temps, une époque où les maitresses de maison ne "foutaient" pas un pied dans cette pièce, jugée trop "peuple". Et si les mots sont poétiques et mystérieux, les recettes me sont abstraites : Oeuf de cygne sur lit de salade.. Pêches en saumure...Ortollans garnis de crêtes-de-coq.... Bassine de bouillon épaissi à l'arrow-root... Crumpets à l'orange...Meringué de poires Bon- Chrétien... Oui vraiment, les mots sont poétiques, même si certains sont "opaques".



La chaleur du four, les mains rougies d'avoit trop frotté, les semelles des bottines qui se décollent...

L'ambiance d'une cuisine, les moeurs : Annabel Abbs a produit un travail remaquable pour s'immerger dans ce XIX° siècle. La condition des pauvres défiait l'imagination, les asiles faisaient froid dans le dos... Etre une femme célibataire était difficile et souvent humiliant. Etre domestique donnait les pleins pouvoirs à certains hommes. Ne pas faire partie de la bourgeoisie signifiait bien souvent une vie précaire , à la merci de la gentillesse ou pas , de la bonne société. Annabel Abbs le montre parfaitement.

Je n'ai rien à redire au niveau historique, au niveau gourmandise, l'auteure a respecté le cahier des charges qu'était la vie d'Eliza, et du coup a reporté sur l'autre figure féminine de quoi nous distraire, en essayant d'insuffler un peu de suspens, et de souffle narratif dans cette (inventée) de Ann.



Il se passe des tas de choses dans leurs vies en dehors de la cuisine, et pourtant je suis resté bloquée sur le seuil de cette pièce ...

Je n'ai pas été emballée plus que cela. Je ne suis pas passionnée par la cuisine , c'est sans doute pour cela , et aussi, parce que mes lectures se passant dans des cuisines du XIX ° siècle, impliquent le plus souvent une histoire policière ou une histoire d'amour en plus, quand ce n'est pas les deux...

Pas assez corsée et épicée pour moi, cette histoire de cuisinières !
Commenter  J’apprécie          512
La fille de Joyce

1929, Paris. Lucia, jeune et talentueuse danseuse de vingt ans, fille du grand poète et romancier irlandais James Joyce, connaît un beau succès. Elle se produit dans les plus beaux opéras et avec les plus grands artistes. Son nom commence à être connu dans le milieu de la scène. Elle a beaucoup de talent. Un bel avenir se dessine.



1934, Küsnacht (Suisse). Après plusieurs séjours en hôpital psychiatrique et sanatorium, Lucia suit une thérapie auprès du Docteur Jung. Elle a vingt-cinq ans. Sa carrière est terminée. Sa famille est loin. Que lui est-il arrivé en l'espace de cinq années ?



Il est temps pour Lucia de raconter son histoire.



"La fille de Joyce" fait partie de la sélection du Grand Prix des lecteurs Pocket 2022 que je remercie pour cette lecture.



Il s'agit d'un roman biographique écrit à partir de faits réels par Annabel Abbs dont le résultat est le fruit de longues recherches et de lectures pointues. L'autrice nous conduit sur les traces de James Joyce, Samuel Becket et le monde littéraire de l'entre deux-guerres à travers le destin d'une femme, d'une fille désireuse de s'émanciper.



James Joyce, illustre écrivain, est connu dans le monde littéraire depuis les années 1920. "Ulysse", son œuvre majeure, fait aujourd'hui partie des romans les plus importants de la littérature anglophone. L'homme de lettre a construit sa vie autour de son art. Toute la famille doit le suivre et s'adapter à son rythme. Entre l'Irlande, l'Italie, la Suisse et la France, les Joyce déménagent souvent. Femme et enfants doivent suivre. Sauf qu'en 1929, Lucia et Giorgio, son frère, commencent leur vie d'adulte. Giorgio s'oriente dans le chant, Lucia dans la danse et la chorégraphie.



La jeune femme rêve d'ouvrir une école de danse. Mais, que ce soit en amour ou professionnellement, dès qu'un projet se concrétise, ses parents y mettent un terme. Ils lui coupent systématiquement les ailes. Et, il en est ainsi à chaque étape de sa vie. Lucia étouffe dans cette famille où tout tourne autour de James. La situation empire après la fin d'une histoire d'amour dans laquelle elle voyait un échappatoire.





"Ma vie était une lutte permanente contre mes parents, leurs convictions, leurs attentes. Le simple fait d'en parler me fatigue."

"La fille de Joyce" est une belle surprise de cette sélection. C'est un livre que je n'aurais peut-être pas découvert sans le Grand prix. L'histoire dévoile une femme peu connue, qui a pourtant eu des moments de gloire. Alors que Lucia est pleine de vie et de désirs, ses ambitions ont complétement été annihilées par celles de son père et par la rigidité d'une mère ultra conformiste. Eprise de liberté dans sa vie de jeune femme et dans son art, Lucia sombre progressivement dans la folie tant cet emprisonnement familial la pèse.



Un portrait de femme, un destin tragique, un rêve brisé, des déceptions

dans les années folles parisiennes.

Une très bonne lecture.




Lien : http://labibliothequedemarjo..
Commenter  J’apprécie          360
Frieda

***Vie de femme sacrifiée sur l'autel du génie littéraire !!...



Encore un immense MERCI aux "camarades-libraires" [ Librairie Caractères/ Issy-les-Moulineaux ] qui m'ont fait l'agréable surprise de me prêter les épreuves non corrigées de "Frieda" [ La véritable histoire de

Lady Chatterley ], à paraître le 2 avril 2020... Biographie romancée et

très "sérieusement" documentée, d' Annabel Abbs, que je m'étais déjà notée...

Ainsi, je vais avoir la chance de la lire en avant-première, tout en découvrant cette maison d'édition, Hervé Chopin !!





"Un pavé"...foisonnant, dévoré en quatre jours...en apportant la précision, que j'ai éprouvé le besoin de prendre de nombreuses notes , de faire des recherches... car ayant lu, il y a fort longtemps de nombreux textes de D.H. Lawrence, pour lequel j'avais le plus vif intérêt, en ayant débuté, comme tant de lecteurs , le dit "sulfureux" "Amant de Lady Chatterley", lu dans une sorte de gêne ou de confidentialité conspiratrice...très vite , j'ai lu d'autres textes de l'un des auteurs le plus censurés" de l'histoire littéraire, grâce à d'autres sujets très finement décrites et analysés dont la psychologie féminines, dans une époque moralisatrice, hypocritement "religieuse" ou "machiste", où les Hommes et les conventions sociales mènent la danse !!

Un autre sujet est omniprésent dans les écrits de Lawrence, qui avait fortement retenu mon intérêt: la colère quant aux cloisonnements, préjugés, inégalités induites par l'origine sociale [ "Fils de mineur", Lawrence subit de plein fouet, le rejet, le handicap de ne pas être né dans la bonne partie de la société...]



Ce récit commence par le tableau conjugal et familial de Frieda Weekley,

née Baronne de Richthofen, mère très aimante de trois jeunes enfants,

épouse d'un professeur- linguiste fort brillant, mais combien ennuyeux et conservateur dans sa vie personnelle et d'époux !

Un tableau assez tristounet et provincial qui laisse la baronne, personnalité

aussi expansive que sociable, très frustrée, oubliant comme elle peut ,sa grande solitude dans une boulimie de lecture et dans l'expression de son immense amour pour ses enfants !!!



Un couple que l'on sent mal assorti; le mari, Ernest, en dépit de son attachement amoureux, ne fait rien partager de ses recherches

intellectuelles à son épouse; une femme devant se contenter de rester

dans son rôle traditionnel de mère, d'épouse, de femme au foyer... Mais

surtout qu'elle ne se mêle pas des "choses sérieuses" des hommes. Il ne

manquerait plus que cela...!!!



Ernest est coincé, rempli des règles morales et des rigidités de l'époque !!



Frieda fit d'abord un voyage en Allemagne, rencontra les milieux progressistes et révolutionnaires de Münich, dont Otto Gross, psychanalyste, et personnalité avant-gardiste, qui affirmait son rejet de la monogamie, du mariage et de toutes les règles sociales conformistes , restrictives,pudibondes...

Frieda aura une liaison passionnée avec Otto, s'intéressera à ses travaux .

Elle en sera transformée à jamais comme si cette remise en cause de son

existence de femme au foyer (interdite de vie intellectuelle personnelle...)

préparait sa rencontre future avec l'auteur de "L'Amant de Lady Chatterley"...



Plus tard, Frieda croisera par hasard D.H. Laurence par le biais de son mari, Ernest, dont il était un ancien étudiant pauvre mais des plus prometteurs...Au bout de très peu de temps, cela sera comme un coup de foudre total, une évidence absolue pour ces deux êtres aussi dissemblables que possible, en apparence...Un fils de mineur, sans le sou, avec une baronne !



Dans un premier temps, il ne sembla pas effrayé le moins du monde

par les trois jeunes enfants de Frieda, il souhaitait qu'elle divorce,

se marie avec lui, mais Frieda montre une détermination certaine, elle ne tient pas à un autre mariage... Les idées de liberté prônée par Otto Gross ont fait leur chemin....





J'avais en tête comme beaucoup , qu'elle aimait tant Lawrence, qu'elle

avait tout abandonné dont ses enfants... mais c'est faux... Les représailles

de l'époque concernant une "femme adultère", faisait que la " femme et

la mère " perdait tous ses droits... Elle en aura le coeur brisé, elle fera

moult tentatives pour amadouer son ex-mari, pour voir en cachette

ses filles et son fils... Cela restera son crève-coeur... elle restera toutefois

auprès de Lawrence, le soutiendra, le soignera, l'encouragera dans tous

ses projets d'écriture...dans son oeuvre !



On ne peut qu'être complètement admiratif devant autant de courage,

d'indépendance d'esprit, en dépit des chagrins, de l'épreuve lancinante de

l'absence de ses enfants, ...elle assumera vaillamment et honnêtement

tous les choix très difficiles ,décidés, dont assumer de surplus, aux

yeux de la société, une mésalliance sociale absolue...réprouvée violemment par tous.



Une biographie romancée captivante qui m'a fait découvrir moult éléments du parcours créatif de Lawrence, grâce à une femme hors du commun..., dont la genèse incroyable d'"Amants et Fils" [lecture qui m'avait enthousiasmée ]... largement encouragé par Frieda, qui lui suggéra jusqu'au choix du titre !



Elle collaborait abondamment aux écrits de son "amoureux"...Elle semble d'ailleurs avoir supporté infiniment en contraintes, humiliations, bagarres

pour aider Lawrence à "accoucher" de son grand oeuvre dont elle était absolument convaincue !



"D'après Robert Lucas, premier biographe de Frieda, " sans doute jamais auparavant, ni jamais depuis un grand écrivain n'a-t-il été aussi intensément et constamment influencé par une femme que l'a été Lawrence par Frieda von Richthofen... et jamais auparavant une femme, telle qu'elle a été interprétée par un poète, n'a-telle changé aussi radicalement le climat moral de son temps". Frieda a aussi joué un rôle important dans l'écriture, l'édition et le choix des titres des romans les plus encensés de Lawrence. " [p. 445 - Repère historiques ]



Après cette lecture totalement captivante, les notes et précisions historiques de l'auteur, à la fin de l'ouvrage ont ajouté des éclaircissements fort précieux, dont un passage sur toutes les censures ayant frappé les oeuvres de D.H. Lawrence ! [ que j'ai choisi de mettre dans

la partie "citations" ] .Des éléments biographiques , présentés, sur tous les personnages de cette histoire humaine, amoureuse et intellectuelle, à peine croyable !!



J'achève par cet extrait qui montre très justement la détermination de Frieda d'être une femme à part entière: une collaboratrice, une égale , tant intellectuellement que sentimentalement...

Pour l'époque, ces exigences semblaient être juste de l'ordre de l'Utopie !!.... Et même , aujourd'hui, il reste toujours du chemin à parcourir !!!



"Je [Otto Gross ] suis en train d'écrire un article sur les types de personnalité. Veux-tu le relire ?

Elle se demanda si elle l'avait bien entendu. Ernest [son époux] ne lui avait jamais demandé de relire le moindre de ses travaux. Elle s'était proposée à plusieurs reprises au début de leur mariage en lui demandant de lui faire part de ses recherches, de ses discussions avec ses étudiants. Il avait ri en balayant cette idée d'un revers de main, comme si elle

inimaginable, voire grotesque. Un jour, il lui avait dit que son esprit n'était "pas suffisamment formé", une formule qui lui faisait encore froid dans le dos." (p. 91)



Merci à l'auteure, Annabel Abbs, d'avoir rendu et "justice" et la place réelle (qui n'était pas des moindres) à la compagne, épouse de D.H. Lawrence..., sans oublier des remerciements à l'éditeur, Hervé Chopin...



Je souhaite sincèrement un "beau succès et destin" à cet ouvrage de

qualité, qui secoue et remet à leur juste place, des images trop réductrices, superficielles de ce couple "hors-norme" d"une complexité rare ! Couple quasi-mythique, "explosif" lorsque le sexe, l'Amour, la Révolution des idées et la Création littéraire sont aux "avant-postes" !!!











Commenter  J’apprécie          348
Miss Eliza

Qui a dit que les Anglaises ne savaient pas cuisiner ? 😉 Si vous goûtez les plats concoctés par Eliza Acton et son second Ann Kirby, vous risquerez d'être bien surpris et même d'en redemander ;-)



Avec "Miss Eliza" qui se révèle être un récit romancé, Annabel Abbs revient sur la vie d'Eliza Acton, poétesse et cuisinière du XIXème siècle qui va être l'une des premières femmes à avoir écrit des livres de cuisine en Angleterre. Accompagnée d'Ann Kirby, les deux jeunes femmes vont travailler ensemble pour revisiter les classiques de la cuisine et donner l'envie à de nombreuses personnes d'enfiler leur tablier et de se mettre aux fourneaux.



Alors que je pensais me régaler avec un tel thème, j'ai eu beaucoup de mal à me plonger dans ce récit en ne comprenant pas d'où résidait le succès de ce livre. Après une première partie que j'ai trouvée assez lisse et qui a failli me faire abandonner cette lecture, j'ai finalement découvert des mets agréables en bouche dans une deuxième partie plus rythmée et où des touches d'épices se font sentir.



Comme c'est malheureusement de plus en plus souvent le cas, je me rends compte que j'apprécie de moins en moins les nouveautés qui ont énormément de succès auprès d'autres lecteurs. Je pense qu'inconsciemment je m'imagine découvrir des pépites et finalement ceux-ci se révèlent pour moi subir la malédiction du soufflé retombé.



Néanmoins, je retiendrai le côté historique de ce récit que j'ai trouvé intéressant car j'ai trouvé qu'il dépeignait bien une époque où la révolution industrielle et technique est visible en Angleterre.
Commenter  J’apprécie          321
Miss Eliza

Entre ode à la cuisine et peinture de l'angleterre victorienne, Miss Eliza s'inspire de la vie d'Eliza Acton, poétesse et autrice d'un livre cuisine à la rédaction duquel elle a consacré dix années de sa vie. L'autrice nous raconte ces dix années dans la société très rigide de l'Angleterre du XIXème siècle où les femmes de bonne famille sont censées se marier et non se consacrer à l'écriture, qu'il s'agisse de poésie ou de recettes de cuisine. Et les femmes du peuple ne sont pas plus libres bien que les contraintes ne soient pas les mêmes...



J'ai surtout été touchée par l'histoire d'amitié entre les deux femmes au cœur du roman. C'est une amitié un peu "déséquilibrée" étant donné leur différence d'âge et de classe sociale, sans compter qu'Ann est l'employée d'Eliza. Cependant un véritable lien se crée entre les deux femmes et, malgré la retenue et quelques secrets de part et d'autre, il y a aussi de jolis moments de complicité.



Le récit alterne le point de vue des deux femmes dans des chapitres assez courts portant chacun le titre d'une recette mentionnée dans le chapitre. Cela donne un récit bien rythmé qui nous entraîne d'une pension de famille à une masure décrépite, en passant par les prestigieuses cuisines d'un club londonnien, un pub miteux de campagne ou un asile d'aliénés, avant de nous ramener à chaque fois dans la cuisine. En effet, la cuisine est au cœur du récit et comme la cuisinière est aussi poétesse, les plats et leur confection sont racontés de manière très évocatrice.



Un bémol quand même pour l'épilogue qui dénote un peu



J'ai cependant passé un très bon moment avec Miss Eliza et la plume très agréable d'Annable Abbs.
Commenter  J’apprécie          320
Frieda

Von Richtofen ? Weekley ? Chatterley ? Qu’importe le nom, puisque toutes sont Frieda, jeune baronne allemande du début du siècle dernier à la vie épique, qui inspira le grand D.H. Lawrence pour son best-seller sulfureux (mais si : L’amant de Lady Chatterley !). Et cette biographie romancée de Annabel Abbs – traduite par Anne-Carole Grillot - est loin d’être dénuée d’intérêt, tant la part de recherches historiques y apporte du contenu, transformant ce qui n’eut pu être qu’une simple bluette en un pageturner historique parfaitement sourcé.



Côté cœur, la Frieda fait du bovarisme à Nottingham, depuis le jour où elle quitta, sans dot, les bords de la Moselle pour se marier avec Ernest, lettré quasi-ermite ne rêvant que d’une chaire à Cambridge et perpétuellement reclus dans son bureau à terminer son anthologie de l’étymologie. Plusieurs devoirs conjugaux annuels plus tard, la voilà mère de trois beaux enfants qui deviennent le centre de sa vie. Jusqu’à…



Jusqu’à ce que sur l’insistance de sa sœur, un bref retour au pays loin de la prude Albion ne la mette au contact de la vraie vie et de ce nouveau monde qu’elle découvre comme une révélation : libertarisme des idées, débuts de la psychanalyse, émancipation féminine et libertinage sexuel. Pleinement incarnés par Lawrence, ancien élève de son mari, ces principes ne demandent qu’à être vécus et Frieda va quitter Ernest – et ses enfants - pour le jeune écrivain, devenant sa muse et inspirant ses futurs livres.



Côté esprit, Annabel Abbs nous immerge totalement dans cette révolution des mœurs et des sociétés du début du siècle dernier, où dans les cafés enfumés les conventions s’aplanissent, les esprits se libèrent et les idées circulent et se challengent. À travers Frieda, les femmes ne sont pas en reste et prennent toute leur part à ce nouvel ordre qui se dessine, payant au passage un lourd tribut à cette liberté soudaine par la perte de leurs droits sur leurs enfants éloignés. Si le corps de Frieda exulte et que son esprit exalte, son cœur de mère saigne…



Une lecture parenthèse, instructive, rafraîchissante et bienvenue entre deux nouveautés de cette rentrée littéraire.
Commenter  J’apprécie          242
Méfiez-vous des femmes qui marchent

C'est bien connu, l'histoire est écrite par des hommes. On y trouve peu de femmes célèbres. Si Rousseau, Kant ou Nietzsche sont connus pour avoir eu des idées géniales en marchant, on en sait beaucoup moins sur les marcheuses féminines.



Ce bouquin tente de réparer cet oubli, à travers le portrait d'une poignée d'entre elles. Simone de Beauvoir, que l'on se représente volontiers discutant et fumant à une terrasse de café de St Germain, était une grande marcheuse. Comme Georgia O'Keefe. D'autres m'étaient complètement inconnues, telle Gwen Jones. Le livre esquisse leur biographie tumultueuse et leur volonté d'indépendance, leur recherche de la solitude - qui est comme le dit l'auteure, le contraire de l'esseulement. Il faut pas mal de courage pour marcher seule, surtout au 19ème siècle, quand on se voyait refuser l'accès à une auberge pourtant vide, ou pourchasser par les assiduités de mâles priapiques.



Annabel Abbs a eu l'intelligence d'alterner les histoires de ces femmes avec la sienne propre, ses recherches, ses randonnées. Ce qui donne lieu à quelques passages savoureux. Par exemple, lorsqu'elle découvre que les chemins si fréquentés il y a un siècle par des marcheurs, ont disparu de la carte, ou bien, au contraire, ont été remplacés par des voies rapides bordées de trottoirs ridiculement étroits, de la largeur d'une chaussure.

Tous ceux qui ont eu le plaisir mêlé d'un peu de peur en randonnant de manière itinérante, en déchiffrant les cartes, en se perdant, retrouveront ici des pensées qui les ont certainement effleurées alors. La découverte de ce que peut être un paysage. La vulnérabilité. L'obscurité et la clarté des étoiles. L'étonnement de découvrir que l'on peut se passer d'un smartphone, et qu'un sac de 12 kilos suffit à contenir l'essentiel. Nos ancêtres étaient des nomades, y compris les femmes qui marchaient en moyenne 16 km/jour, portant les enfants jusqu'à 4 ans.



Cerise sur le gâteau, l'auteur a du style, simple, précis et émouvant sans être trop recherché. Elle transmet efficacement les sentiments qu'elle a éprouvé. Ses descriptions des petits tableaux de Gwen John en particulier touchent juste, au point que je suis allé les contempler sur le ouaibe. On trouvera aussi dans son livre des références à des études scientifiques montrant comment la marche peut nous faire du bien à la fois sur le plan physique et sur le plan mental.

Commenter  J’apprécie          221
Frieda

J'attendais beaucoup de ce roman lorsque je l'ai sélectionné dans le cadre de la Masse Critique de Babelio. J'en attendais tellement que je crains de me retrouver dans une situation complexe oscillant entre le coup de cœur et la déception. Cela peut paraître étrange, j'en conviens.

Le personnage de Frieda me fait beaucoup penser à Emma Bovary : affublée d'un mari qu'elle ne supporte plus, dévastée par l'absence de passion, négligée par les hommes qui l'entourent, désireuse de briser son quotidien morne et grisâtre, etc.

De fille, Frieda est devenue épouse puis mère. Elle répond, depuis toujours, aux attentes de ceux dont elle dépend. Enclavée par tous ceux qui pensent pouvoir décider pour elle de ce qui lui convient le mieux, elle se retrouve systématiquement enfermée. La cage dorée et la serrure changent, la captive reste la même.

C'est dans son rôle de mère que Frieda trouve la force de continuer. Ses enfants sont sa raison d'être, et tout particulièrement Monty, son fils.

Mais, pour pouvoir reprendre les rênes de sa vie, elle va sacrifier grand nombre de choses. Frieda veut exister sexuellement et intellectuellement.

Les hommes qu'elle rencontre sont visiblement épris de sa beauté, de ce qu'elle représente pour eux mais, finalement, bien peu de ce qu'elle est intrinsèquement.

Elle est toujours indispensable pour eux : réaliser une utopie, un roman, etc.

Frieda se perd, elle souffre terriblement et j'ai eu beaucoup de peine pour elle. Elle n'aspire à rien d'autre qu'à exister librement et chaque choix qu'elle fait, chaque décision qu'elle prend, l'enferme et la condamne davantage aux yeux de ses parents et ses sœurs, de son mari et sa belle famille, de ses enfants même.

Voila un très beau roman qui laisse un goût amer.

Commenter  J’apprécie          211
Miss Eliza

Bon clairement si on a un petit creux il ne faut pas ouvrir ce livre car cela ne va pas s'arranger.; J'ai reçu ce livre dans une box et c'était une bonne surprise car spontanément je n'aurais pas été vers ce roman.

Eliza est plutôt issue de la bourgeoisie mais la famille est ruinée. Elle aime écrire de la poésie qu'elle présente à un éditeur qui lui dit que la poésie n'est pas l'apanage des femmes, qu'elle ferait mieux de lui ramener un livre de cuisine.

Bah oui le bon vieux cliché des femmes aux fourneaux qui nous suivra encore pendant des dizaines d'années.

Aidée de Ann, elle va effectivement écrire ce livre car la cuisine peut également être poétique.
Commenter  J’apprécie          180
Miss Eliza

J'ai eu l'opportunité de découvrir ce roman de #litteratureetrangere dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs 2024. Il nous plonge dans l'histoire captivante d'Eliza Acton, pionnière de la cuisine moderne, à travers une couverture à la fois fraîche, pétillante et empreinte d'un charme ancien.



Ma lecture, bien qu'intéressante, ne s'est pas révélée être un coup de cœur. Le récit, porté par deux voix distinctes - celle d'Ann, à la vie qu'on ne peut envier, et celle d'Eliza, une bourgeoise confrontée au déclassement - offre un côté féministe, soulignant comment ces femmes ont surmonté les barrières sociales et défendu leurs convictions avec bravoure.



Au fil des pages, nous suivons leur collaboration pour créer et répertorier une multitude de recettes, marquant ainsi une nouvelle ère culinaire où les ingrédients sont détaillés, bouleversant les traditions.



Si vous aussi, vous êtes adepte des fiches recettes, je serais ravi d'en découvrir de nouvelles, de préférence saines ❤



Malgré mon attachement aux deux femmes, je dois avouer que la prédominance de l'univers culinaire a fini par me lasser. Bien que l'écriture soit superbe et que les révélations sur le passé enrichissent le récit, j'ai regretté le manque de diversité. Une lecture plaisante mais qui aurait pu l'être encore plus avec un peu plus de variété.
Commenter  J’apprécie          170
Frieda

"L'Amant de Lady Chatterley" m'avait transportée. le récit de la vie de celle qui inspira le très beau personnage de Constance me laisse avec un gout amer.



Avec "Frieda", Annabel Abbs a entrepris de rédiger la biographie romancée de Frieda von Richthofen qui fût la maîtresse puis l'épouse et enfin l'égérie de l'immense D.H. Lawrence, auteur ô combien scandaleux s'il en fut au début du XX°siècle.

Je me méfie toujours des intitulés de type "romans biographiques", craignant d'y trouver trop de romanesque au détriment de l'exactitude et de la précision biographiques où au contraire une succession un peu sèche de faits et de dates qui me feraient préférer une biographie en bonne et due forme. Avec "Frieda", l'auteur fait de la très belle ouvrage et nous offre un livre parfaitement dosé, très complet et bien écrit, par dessus le marché.

La rigueur historique est de mise et on sent tout le travail de recherches et d'analyse réalisé en amont de l'écriture: l'oeuvre est sérieuse. Pour autant, donc, elle est aussi très bien rédigée, fluide et se dévore. Enfin, les quelques notes historiques ajoutés après l'épilogue apportent au tout un éclairage supplémentaire et expliquent certains choix narratifs. Parfait!

L'histoire de Frieda peut ainsi se dérouler sous nos yeux. On sent qu'Annabel Abbs s'est profondément attachée à son personnage dont elle fait une héroïne lumineuse, attachante, complexe. Déchirante aussi parfois. Souvent. Elle dissèque et explore ses sentiments et ses ambiguïtés avec beaucoup de clairvoyance et d'humanité. Avec le destin de Frieda, elle livre aussi aussi un plaidoyer aussi magnifique qu'actuel sur la condition féminine et la difficulté pour une femme d'assumer ses désirs et les affres de l'amour et de la maternité tout en se détachant du poids des conventions sociales.

Frieda est une jeune fille issue de l'aristocratie allemande qu'elle a choqué en épousant un homme bien en dessous de sa condition. Ernest est anglais, enseignant sans fortune qui s'escrime à rédiger un ouvrage d'étymologie. De ce mariage d'amour sont nés trois enfants que Frieda aime profondément. Les années passent cependant et la jeune femme s'ennuie: son époux ne la touche plus et la regarde à peine, pas plus qu'il n'accorde de l'importance à ses opinions. Pendant ce temps, à Munich un vent d'émancipation souffle, libérant les instincts et la sexualité. Quand Frieda retourne dans son pays natal visiter ses soeurs, elle épouse ces idées nouvelles et entame une liaison avec un disciple de Freud, Otto Gross qui, non content de l'initier à la théorie de la révolution sexuelle, lui enseigne aussi la pratique. Frieda prend conscience de son corps, de ses désirs, de son besoin de les assouvir en même temps que de celui d'être enfin elle-même, ce que ne lui autorisent ni la très prude Angleterre ni son très puritain époux qui la surnomme affectueusement son "perce-neige". Sa fougueuse liaison avec Otto sera pour Frieda un élément fondateur de sa nouvelle vie et elle ne reviendra pas en arrière. Elle veut être elle, libre et libre de son plaisir. Lorsqu'elle rencontrera quelques années plus tard D.H. Lawrence, un ancien étudiant de son époux, plus jeune qu'elle et pas encore l'auteur génial qu'il sera, elle n'écoutera dès lors que son désir et finira par quitter son mari et ses enfants.

Ce sera pour elle le point de départ d'une vie nouvelle aux côtés de celui qu'elle n'aura cesse d'inspirer et qui l'aimera avec autant de passion que de violence.

On touche avec cette relation à ce qui fait l'amertume du livre: certes, Frieda s'est libérée sexuellement, des chaînes d'un mariage raté et de la rigidité de son monde étriqué mais en suivant Lawrence, j'ai eu l'impression douloureuse qu'elle délaissait une prison pour une autre. Elle fait certes le choix de la passion et de l'exultation des corps mais à quel prix? Lawrence lui fait autant de bien que de mal. Oui, elle est sa muse, sa compagne et il lui dédiera des pages splendides, il l'invitera à collaborer à ses textes mais il est aussi violent, possessif, égoïste, capricieux et ne recule devant rien pour obtenir ce qu'il veut. Frieda se voulait libre: elle est contrainte par son amant à un mariage qu'elle rejetait. Elle était une mère et il ne comprendra jamais sa douleur d'avoir perdu ses enfants. Il y a quelque chose de la descente aux enfers dans la vie de cette femme qui voulait tout et surtout être elle-même, mais qui a fini par se perdre aussi auprès de l'écrivain qui devait la libérer.

Plus qu'un roman sur la libération sexuelle comme le laisse entendre la quatrième de couverture, Frieda est le récit de l'impossibilité pour une femme au début du XX°siècle d'être une mère et une amante, le récit des turpitudes d'une égérie sacrifiée sur l'autel de la création artistique qui n'aura pas pleinement réussi à recoller tous les morceaux d'elle-même pour être enfin en paix, malgré son audace incroyable, sa modernité étincelante et son appétit de vivre foudroyant. Le récit enfin, d'une impossible émancipation dans une société faite par et pour des hommes.

J'ai profondément apprécié ce livre pour ce qu'il raconte, pour Frieda, pour la multiplicité des points de vue qu'il met en place, pour la peinture riche et complète du contexte. Pour ses personnages enfin: Frieda bien sûr déchirante et flamboyante, mais aussi ses enfants qui m'ont touchée, pour son époux que je ne suis pas parvenue à détester complètement. Pour moi, il est -comme sa femme- une victime de son époque et les pages relatant sa souffrance sont déchirantes. Quant à D.H. Lawrence -Lorenzo-, je l'ai détesté.

Il est de ces artistes qui remettent au coeur du débat l'éternelle question de la séparation de l'homme et de l'oeuvre... Je crois que je n'arrêterais pas d'aimer les livres de Lawrence, mais les lirais-je toujours avec le même plaisir maintenant que je sais...? En ferais-je totalement abstraction?
Commenter  J’apprécie          140
Méfiez-vous des femmes qui marchent

Annabel Abbs choisit de se mettre dans les pas de pionnières, marcheuses précoces dont les noms ont été enfouis sous la notoriété des illustres mâles dont on cite les récits. Il a fallu partir à la chasse côté documentation mais elle existe. Tenter de refaire les itinéraires empruntés au 19ème siècle ou début du 20ème par Gwen Jones ou Nan Shepard, s'en tenir aux équipements sommaires de Simone de Beauvoir - espadrilles, robe et sac à dos aux lourdes armatures en fer - ce n'est vraiment pas évident. Mais c'est par ce biais qu'elle parvient à se glisser dans leur peau, aidée par ses lectures pour mieux comprendre ce qui a pu se jouer par l'exercice de la marche dans leur construction personnelle. Là aussi il est beaucoup question de conquête d'une liberté qui ne va pas de soi : s'autoriser à marcher seule alors que c'est mal vu, fuir les regards, les obligations en tous genre. L'idée de ce livre a germé alors qu'Annabel Abbs habituée à marcher s'est retrouvée immobilisée après un accident, réduite à l'immobilité et au confinement. Dans les pas de ces femmes - Frida von Richtofen dont elle a écrit une biographie romancée, Gwen Jones, Nan Shepard, Daphné du Maurier ou encore Georgia O'Keeffe - on chemine au plus près de leurs pensées et de leurs aspirations qui font écho à celles, parfois enfouies, de l'autrice. C'est captivant de les découvrir à travers ce prisme et la dichotomie entre psychologie et considérations plus pratiques vient parfaitement compléter les considérations plus théoriques de Rebecca Solnit (L'Art de marcher), dans un autre style.

Marcher, disent-elles. Et c'est un mot d'ordre équivalent à une invitation à se libérer, à se découvrir au rythme de ses pas et d'un corps à corps avec les paysages traversés. Une aspiration à l'ailleurs pour mieux se rencontrer soi-même.

"Virginia Woolf pensait que les femmes avaient besoin d'une chambre à elles. May Sarton croyait qu'elles avaient besoin de temps à elles. Et moi ? Moi, je crois que les femmes ont besoin d'un trajet à elles. En plein air. Loin de l'enfermement bétonné de la grande ville. Entre ciel et terre. Au bord de l'eau".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          120
Miss Eliza

Férue d'émissions culinaires, je le suis beaucoup moins de romans historiques, qui finissent généralement par m'ennuyer. Je suis pourtant tombée totalement sous le charme de ce récit inspiré de l'histoire d'Eliza Acton, auteure du premier livre de cuisine moderne en Angleterre.



Tout y est : l'écriture poétique et rythmée, les personnages attachants tout en nuances, un message fort sur la sororité et l'indépendance des femmes, et bien sûr la gourmandise... Sans parler de cette sublime couverture, qui sert d'écrin à un texte si joliment écrit, facile à lire en raison de sa division en chapitres courts. Les points de vue alternent entre Eliza, poétesse bourgeoise au caractère indépendant, et Ann Kirby, sa jeune assistante, intelligente mais éprouvée par les drames familiaux et la pauvreté. Nos deux héroïnes vont, grâce à leur passion commune et leur détermination, nourrir une amitié hors du commun autour de l'écriture d'un livre de cuisine, malgré la pression sociale qui s'exerce sur les femmes dans ce XIXème siècle en pleine mutation.



Je ne peux que recommander ce livre à toute personne adepte de romans historiques documentés, mais aussi aux lecteurs appréciant les histoires de secrets de famille, de cuisine et d'amitié. J'ai même trouvé qu'il y avait un petit air de Jane Austen dans certaines scènes. Par ailleurs, le dossier à la fin du livre est un vrai plus et apporte un éclairage sur l'écriture du roman et les personnages. J'ai aussi apprécié les petites illustrations et noms de recettes associés à chaque chapitre.



Il s'agit donc d'une très jolie découverte, pour laquelle j'adresse un grand merci à Babelio et aux éditions Hervé Chopin.
Commenter  J’apprécie          120
Frieda

La biographie romancée, quand c'est bien fait, c'est un vrai plaisir. Et j'ai beaucoup aimé ces heures passées en compagnie de Frieda, née von Richthofen, morte Ravagali et qui aura aussi porté les noms de Weekley et de Lawrence. D.H. Lawrence, oui. L'écrivain et poète anglais dont elle fut la muse et bien plus que ça. Une sacrée femme, cette Frieda dont Annabel Abbs livre un portrait charnel, sensuel et libre. S'inspirant bien entendu de faits réels, la forme romancée lui offre l'opportunité de laisser parler son instinct, la façon dont elle perçoit Frieda d'après ce qu'elle a pu lire et recueillir sur cette femme qui a déjà tous les attributs d'une héroïne de roman, et bien sûr son admiration que l'on sent affleurer à chaque étape de la narration. S'engouffrer dans les pas de Frieda, c'est sentir souffler très fort le vent de la liberté...



Frieda est donc née von Richthofen, troisième fille d'un baron un peu trop joueur, sorte de vilain petit canard et garçon manqué sur les bords. Lorsque Ernest Weekley, professeur à Nottingham lui demande de l'épouser, sa vision romantique d'une éventuelle complicité intellectuelle et son envie "d'autre chose" brouillent certainement son jugement, tout comme ce fut le cas pour la Dorothea de Middlemarch vis à vis de M. Casaubon. Bref, la voici bientôt mère de trois jeunes enfants, installée dans une vie austère, toutes flammes éteintes. Sa sœur aînée l'ayant convaincue de venir lui rendre visite à Munich, Frieda va découvrir des façons de vivre totalement différentes auprès de chantres de la liberté de mœurs qu'elle ne tardera plus à expérimenter elle-même. Ce séjour sera fondateur pour cette femme qui n'aura de cesse de creuser ce sillon pour conquérir plus avant cette liberté qui passe par le plaisir intellectuel autant que charnel. Nous sommes en 1907 et l'on imagine bien ce que cela implique pour une femme, particulièrement dans la pudibonde Angleterre, bien éloignée de l'avant-gardisme munichois. Lorsqu'elle rencontre D.H. Lawrence en 1912, il est un étudiant de son mari. Leur liaison, puis leur fuite feront scandale, couteront très cher à Frieda mais les années qu'ils passeront ensemble influenceront toute l’œuvre de Lawrence, pas seulement L'amant de Lady Chatterley.



Et c'est ce que l'auteure met formidablement en scène, composant des tableaux de toute beauté, imprégnés d'une relation charnelle à la nature. Où l'on apprend d'ailleurs que la forêt de Sherwood pouvait abriter bien d'autres ébats que les entraînements au tir à l'arc des compagnons de Robin des bois. Sans nier la difficulté du parcours, depuis l'intransigeance du mari jusqu'à la relation parfois violente et excessive avec Lawrence, Annabel Abbs prend le parti de Frieda et de sa volonté farouche d'être en accord avec elle-même. Documenté et passionné, ce portrait d'une femme hors norme est aussi agréable à lire qu'instructif. Il donne très envie de se trouver une petite clairière dans les bois, à l'abri des regards pour aller se rouler un peu dans la végétation, si possible bien accompagné...
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          120
Miss Eliza

Selon The New York Times c'est "L'un des meilleurs romans historiques de l'année". Personnellement, l'aspect historique du récit ne m'a pas convaincue. L'auteur prend des libertés considérables, dont son principal protagoniste : Eliza, voit sa vie personnelle et son caractère imaginés à partir de certains de ses poèmes. De plus, le second protagoniste est entièrement fictif, sans compter le manque de dates, de lieux et de liens entre fiction et réalité.



Malgré tout, en tant qu'amatrice de cuisine, j'ai été contente de lire ce roman. Car c'est avec beaucoup d'élégance que l'auteur dépeint l'incroyable palette gustative et les saveurs que nous rencontrons. Elle nous fait prendre conscience que la cuisine peut être une forme d'art, même si la mienne est loin d'atteindre ce niveau.
Commenter  J’apprécie          110
Frieda

Il s’agit de la biographie romancée de la femme qui a inspirée D.H. Lawrence pour L’Amant de Lady Chatterley (et beaucoup d’autres de ses livres). Le mot-clé ici, c’est « romancée » (pas dans le sens « romance », dans le sens « roman »). ça rend la lecture beaucoup plus digeste que la plupart des biographies, parce que l’autrice ne s’attarde pas sur les périodes où il ne se passait pas grand chose dans la vie des personnages, par ex. Et il y a évidemment beaucoup de dialogues.



Pour moi le point négatif, c’est que l’autrice dit avoir pris pas mal de libertés avec la réalité pour que son roman soit plus intéressant. Mais elle ne laisse pas ses lecteurs faire des suppositions et explique pourquoi elle l’a fait et quels sont les évènements qu’elle a modifiés dans la postface. On trouve également une description des personnes citées dans le livre et quelques repères chronologiques en fin d’ouvrage.



L’histoire est racontée du point de vue de plusieurs personnages, même si on suit essentiellement Frieda, ce qui permet non seulement de savoir ce qui se passe à différents endroits en même temps, mais aussi et surtout de comprendre les sentiments d’autres protagonistes en plus de ceux de l’héroïne.



Les chapitres sont courts, le style est agréable et fluide, les pages se tournent facilement. On est assez rapidement immergé-e-s dans l’histoire et il est facile, en tant que femme du 21e siècle, de ressentir de l’empathie envers Frieda, opprimée par la société de son époque, même si on ne comprend pas toujours certains de ses choix.



Il m’a manqué quelques repères temporels pour être totalement satisfaite de ma lecture: l’autrice prend soin de préciser la date au début de chaque partie et on a quelques références faites aux vêtements portés par les personnages. Mais en dehors de ça, on reste dans le flou pour ce qui est du contexte politique, social ou artistique, par exemple. J’en aurais voulu un peu plus sur cet aspect.



Une bonne lecture, qui dessine un portrait de femme très intéressant et touchant.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
Commenter  J’apprécie          113
La fille de Joyce

Lu dans le cadre du grand prix des lecteurs Pocket.

Ce roman donne la voix à Lucia Joyce, fille du célèbre romancier irlandais James Joyce, étoile montante de la danse contemporaine à la fin des années vingt à Paris, qui aura passé une grande partie de sa vie en institut psychiatrique.

La jeune femme tomba amoureuse de Samuel Beckett, qui travaillait à cette époque avec son père. La carrière de danseuse qui s’offrait à elle fut brutalement interrompue par les premiers signes de désordres mentaux qui se manifestèrent chez elle.

Dans cette biographie romancée, l'auteure retrace les événements qui ont conduit à son internement.

Victime des mœurs de son époque et d'un entourage toxique avec des relations complexes et ambiguës avec ses parents et son frère, Lucia a fini brisée et on ne peut que ressortir bouleversée de cette lecture.

Si la plume est agréable, j'ai trouvé quelques longueurs mais j'ai été contente d'avoir l'occasion de découvrir l'auteure et ce roman vers lequel je ne serais pas aller spontanément en librairie.
Commenter  J’apprécie          100
Miss Eliza

Miss Eliza par Annabel Abbs, Éditions Pocket



Alors qu'Eliza Acton souhaite voir publier son recueil de poèmes, l'éditeur lui propose plutôt d'écrire un livre de recettes de cuisine. Mais Eliza n'y connaît rien dans ce domaine. Jusqu'à ce que son père soit ruiné et fuit ses créanciers en se réfugiant en France et laisse son épouse et ses enfants se débrouiller. Eliza et sa mère se retrouvent donc à la tête d'une pension et Eliza est bien décidée à découvrir la cuisine. Elle embauche Ann, une jeune fille vivant dans la misère....



Grâce à Annabel Abbs, j'ai découvert la vie d'Eliza Acton, une jeune poétesse devenue cuisinière malgré elle et qui a écrit le premier livre de recettes de cuisine anglaise à succès.

Dans ce roman, les chapitres s'alternent entre la vie des deux protagonistes de l'histoire.

D'un côté, Eliza Acton, qui si nous regardons de loin , n'est pas trop à plaindre. Malgré la ruine de son père, elle ne semble pas manquer de grand chose. Mais , de plus près, elle n'est pas si heureuse que cela , surtout avec une mère envahissante comme la sienne. Elle s'attache beaucoup à sa seconde Ann qui semble la comprendre.

De l'autre côté, Ann, jeune fille née dans la misère et qui s'en sortira grâce à Eliza. Même si elle restera servante, Eliza lui a permis de travailler et d'obtenir un salaire.

L'amitié entre ces deux femmes m'a beaucoup touchée. Elles sont vraiment attachantes et j'ai eu du mal à lâcher ma lecture.

Une seule chose m'a déçu : la fin un peu trop expéditive. Une cinquantaine de pages pour la développer ne m'aurait pas gênée.

Merci à mon amie @lespalsdemousquetaire pour cette lecture commune.
Commenter  J’apprécie          90




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Annabel Abbs (521)Voir plus

Quiz Voir plus

Les femmes et la littérature

Quel est le nom du roman de Marie NDiaye qui lui a valu le prix Goncourt en 2009 ?

Alabama song
Trois femmes puissantes
Les Heures souterraines
Trois jours chez ma mère

10 questions
5178 lecteurs ont répondu
Thèmes : Femmes écrivains , femmes , HéroïnesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}