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Citations de Antoine Sénanque (249)


Laudes
Languedoc. Monastère de Verfeil. 11 février 1367.

— On se gèle les couilles, frère Antonin.
— Ce ne sont pas des paroles de moine.
— Ce ne sont pas les paroles qui font le moine, mais la vérité… et la vérité c’est qu’on se gèle les couilles.
— Il fait effectivement très froid.
— « Effectivement très froid… » C’est sûr, on n’a pas été élevés dans les mêmes étables, frère Antonin. Maudit froid d’Anglais.
— Je dirais plutôt « froid de Franciscain ».
— Ces merdeux.
— Arrête, Robert.
— Heureusement, Dieu les protège pas plus que nous et donne bonne récompense à leurs leçons de misère. Hiver maudit mais juste, on dit qu’ils crèvent comme des sauterelles, sous la bénédiction de leur chère mère nature, cette cargne…— Dépêche-toi, on est en retard.
— On serait pas en retard si t’avais pas traîné une heure aux latrines.
— Mes intestins.
— C’est vrai que la bouffe est dégueulasse.
— C’est toi qui la prépares…
— Je peux pas faire de miracles avec ce qu’on me donne. Je suis pas Jésus, Antonin, je peux pas changer le purin en liqueur de rose.
— Écoute… On nous appelle.
— Putain, le sacristain !
La voix sévère perçait le brouillard. Ils accélérèrent le pas à travers le cloître. Des larmes de glace pendaient des nids d’hirondelles congelés au coin des arcs. Ils dépassèrent un vieux moine qui boitait sur la route de la chapelle pour le premier office du jour, les laudes, louanges à l’aurore et à la résurrection.Trois heures et demie. Le soleil était loin d’être levé. Les laudes étaient le premier martyre des moines.
— C’est à cette heure qu’ils doivent arriver…
— Qui ?
— Les démons qui viennent te chercher le jour de ta mort… Aux laudes.
— Tais-toi, il est là…

(INCIPIT)
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Il n’éprouvait pas de mal-être majeur […] mais il observait un fait indiscutable : la quantité d’alcool qu’il ingérait quotidiennement suivait une courbe ascendante d’année en année. Ce qui n’était pas le symptôme le plus reconnu de la tranquillité intérieure. (p. 27-28)
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Antoine Sénanque
Les grandes histoires d'amour ne s'usent pas avec le temps. On ne les abîment pas. On leur fait seulement porter un masque. De ruine. Elles le retirent sur nos tombes.
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Je me surveille avec les mots. Je crois à leur réalité, à leur nature matérielle, légère, délicate, subtile. Je ne veux pas leur manquer de respect. Je me dis qu’ils jouent peut-être un rôle dans la maladie, en bien ou en mal. Ils doivent savoir se fixer sur des récepteurs, emprunter des circuits et déclencher des réactions chimiques. On devrait les étudier de plus près, essayer d’en extraire des substances, des médicaments, comme d’une plante. On devrait les filtrer, ne retenir que les purs, les beaux, les utiles, en faire du cristal.
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Dans la mémoire du prieur Guillaume, les souvenirs formaient des croix, plantées sur les dépouilles des actes qu’il avait laissés s’accomplir. Le temps les avait brûlées, mais les croix marquaient leur place. Toutes les mémoires étaient recouvertes de croix de cendre, de grands cimetières d’actes dont l’oubli avait emporté les ombres. Chacun pouvait prétendre renier leur existence. Mais les croix demeuraient, elles prouvaient qu’on ne décidait pas du destin de nos actes et qu’aucune trace ne s’effaçait jamais de la surface de la terre.
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Combien de croix de cendre à tracer sur le sol de nos cellules pour nos désillusions ?
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Le pape serrait dans son poing la note du Conseil. Le financement de la nouvelle croisade qu’il avait promise à la chrétienté était examiné. Examiné… Comment osaient-ils ? Il ne tolérait plus le pouvoir de ce cercle sur ses propres décrets. Ses membres ne craignaient pas d’en débattre en sa présence. Ils se croyaient son égal. Son égal ! Lui, le successeur de l’apôtre Pierre, le souverain pontife et le vicaire du Christ sur terre dont l’autorité n’était soumise qu’à Dieu. [...]

Sa fonction avait fait de son existence un espace stérile, un lieu vide de probité et d’affection. Personne n’en recevait autant de faux témoignages. Fidélité, loyauté, dévouement… Il n’était entouré que d’âmes serviles et trompeuses.
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Tu voulais savoir la différence entre Platon et Aristote ? Demande au lion.
Pour le sculpter, Platon l’aurait cherché dans sa tête, Aristote dans la pierre. L’un croyait que la mémoire contenait le modèle de toutes choses, l’autre que rien ne pouvait exister sans la matière. Platon aurait demandé à l’artiste de copier le lion qui posait dans son esprit, Aristote lui aurait dit de l’extraire du marbre où il attendait sa main habile pour le libérer. L’un va chercher la beauté hors du monde, l’autre la trouve ici-bas. Tu as compris ?
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"On enviait les pires assassins à force de les traiter en être d'exception, "monstres", "prédateurs", "génies du mal", sans jamais souligner la vérité de leur nature: la médiocrité. Les métaphores étaient les auréoles de ces rebuts du monde. Leur gloire diffusait comme une eau sale portant les germes que la morale ne consommait pas, mais qui désaltérait les angoisses. Des hommes croupis."
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Les chambres de garde sont toujours les mêmes. La laideur y est cultivée avec obstination. Les graffitis obscènes rehaussent le joyeux gris des murs, les draps sont sales, les cafards habituels. L’idée est de repousser l’interne au-dehors, vers les urgences, de le déloger de son terrier, en l’enfumant, psychologiquement, par sinistrose.
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La merde et la médecine, ça peut surprendre, mais ce sont des mots qui peuvent faire bon ménage. Ils n’ont pas l’air d’être faits l’un pour l’autre, c’est un couple improbable, mais qui dure comme beaucoup d’autres.
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L'histoire, c'est elle qui emportait Eckhart. La puissance spirituelle s'inclinait peu à peu devant la puissance temporelle. Le temps n'était plus aux ambitions mystiques. Le monde regardait vers la terre. Le peuple avait faim et froid. Il ne voulait pas s'unir à Dieu mais nourrir ses enfants et les abriter sous un toit. Il n'attendait pas l'aide des frères mendiants qui lui proposaient des confessions, mais celle des laïcs qui lui promettaient du travail. Ce n'était pas l'archevêque le plus grand ennemi d'Eckhart, mais la déspiritualisation du monde.
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Le deuil de soi-même... Voilà à quoi servait la vie.
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La délation était sainte en France, et rétribuée par des indulgences.
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La vie est sèche, Antonin, c’est pour ça qu’il faut pleurer dessus. Pour qu’on puisse y faire pousser quelque chose.  
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Des chats filaient entre ses jambes. Le chemin de ronde était leur territoire. Pendant la grande épidémie, la rumeur avait couru que les monastères qui accueillaient les chats étaient protégés. Le prieur Guillaume, qui n'accordait en règle générale aucune valeur aux rumeurs, avait validé celle-ci, et l'avait défendue au concile régional des Dominicains.
Personne ne savait comment les chats chassaient les miasmes de la peste, mais au moins, ils chassaient les rats. Peut-être voulait-il se débarasser de ces bêtes dont il avait la plus puissante horreur. On aurait dit que les rats grouillaient dans ses souvenirs, tant le dégoût qu'ils lui inspiraient semblait le tourmenter.
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Depuis la naissance des ordres mendiants, les moines se soumettaient au carnet de privations. Robert, qui s'était arrondi depuis sa mission dans les cuisines du couvent, avait été tancé par le prieur. « La croix porte des corps légers », disait-il, ceux qui n'offrent pas de résistance à leur montée au ciel.
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 Ma nuit se compose de deux parties : l’une où je cherche le sommeil, l’autre où je ne le trouve pas. 
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La médecine science est un mythe dont on ne mesure pas la force. Les plus grands sceptiques seront comme les autres, au rendez-vous de la maladie, en attente d’une médecine exacte, euclidienne. Je n’ai jamais rencontré d’exception, d’ailleurs il n’en existe pas. On ne discute de ces choses que lorsqu’on est en bonne santé, c’est-à-dire pendant une durée assez courte de la vie.
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Le soir, quand il franchit les portes de l’hôpital, la nuit lui sembla coagulée et les rues de Creil injectées comme des veines. Il haussa les épaules devant le spectacle particulièrement sinistre de l’Oise livide dont il devait longer le quai pour rentrer chez lui. Le fleuve n’avançait pas sous la pluie. Et d’ailleurs rien n’avançait. Les parapluies couvraient des passants raides et marchaient sans eux. Il entra dans un café et commanda un double cognac. Le patron le servit avec un « docteur » au bout. Tout le monde se connaissait dans cette ville qui lui apparut comme la salle d ‘attente d’une gare d’où les traine ne partaient pas. Il regarda les têtes autour, rougeaudes, devant les écrans où des chiffres défilaient : loto, tiercé, Euromillions… Des chèques encadrés commémoraient des victoires. Larbeau contempla toutes ces bouches à qui il manquait des mégots. Les paquets étaient ouverts sur les tables, les cigarettes grillées dehors dans les courants d’air.
Les hommes lui parurent épais et mortels.
Retour au pays des viandes vivantes, se dit-il
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