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Critiques de Antonin Artaud (114)
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

C'est dur d'expliquer l'émotion qui vous prend à la gorge en lisant ne serait-ce qu'une seule phrase d'Antonin Artaud. Il y a, déjà, le moment propice pour le lire. Etre réceptif à Artaud, c'est d'abord trouver le moment spécifique, car il y a des situations ou des états d'âmes qui ne s'y prêtent pas du tout. Mais quand chaque élément concorde à vous embarquer dans le fleuve Antonin, il y a de fortes chances pour que vous y couliez. C'est mon cas, et je sombre encore, emportée par la folie du bonhomme et son chant puissant.



Je ne me sens pas capable d'expliquer Antonin Artaud. Pour plusieurs raisons probablement, d'abord parce qu'il me semble vraiment très complexe de parler d'une littérature comme la sienne : polyphonique, épineuse, polymorphe, dense et hermétique. Ensuite parce que sa parole ne se prête pas tellement à l'explicitation, à l'analyse ni à l'étude. Elle est close sur elle même, ne renferme qu'elle même et ne prêche rien qui serait bon à écrire ou à décortiquer. Et enfin, les exubérances, les douleurs et les cris d'Antonin me paraissent parfois si proches de moi que les frissons mêmes n'arrivent plus à réguler ni ma température ni l'angoisse qui me monte à la gorge en songeant à ce que je partage -malheureusement- avec cet homme.



Je n'ai pas non plus envie, de décrypter Antonin Artaud. De lui ôter ses ailes, de lui faire perdre sa magie. Je n'ai pas envie de dénaturer ce bruit en des accords, certes plus éclairés et mieux agencés, mais loin de l'original, de la pureté initiale, disons de la lucidité divine du texte primitif. Je lis Artaud par brèches, comme j'observerais par des trous de serrure afin de voir, d'un certain point de vue nouveau et singulier, le monde et la réalité. Je lis Artaud comme des failles, douloureuses et sanglantes, mais néanmoins indispensables pour laisser passer un filet de lumière. Je lis Artaud comme je ris et comme je pleure, dans des moments où l'émotion souvent me dépasse, me surpasse et m'enlève à mon esprit, me ravit à mon corps pour un court instant, et me laisse béate une fois revenue en moi, dans le quotidien aveugle et sourd de la vie.
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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

Emblématique figure de la Rome décadente, Héliogabale d'Émèse (l'actuelle ville de Homs en Syrie) est sans conteste pour Antonin Artaud, un personnage digne d'intérêt. L'espèce de fièvre avec laquelle l'auteur remonte les siècles pour composer ce documenté et poétique essai, est sans doute le signe de l'engouement obsessionel d'Artaud pour l'Empereur. Pourquoi cette fascination pour Héliogabale ? Qui était donc celui qu'Artaud dénomme sous le titre d'"anarchiste couronné" ? A quoi renvoie ce mystérieux surnom ? Qu'est-ce qui au delà de la réputation sulfureuse de l'Empereur a déclenché la passion d'Artaud ? Qu'est-ce encore qui chez Héliogabale a inspiré et nourri les questionnements de l'initiateur du "Théâtre de la cruauté"? Selon J.M.G. Le Clezio, l'Héliogabale d'Artaud est le livre "le plus construit et le plus documenté des écrits d'Artaud et aussi le plus imaginaire". Quoiqu'il en soit, ce texte n'en demeure pas moins un texte hybride et sybillin où se mêlent lyrisme, mysticisme et métaphysique...



Prêtre paien adorateur du Soleil et roi anarchiste, Héliogabale fascine Artaud par son règne tyrannique tissé de débauches et perversions sexuelles. Né dans le stupre, élevé au rang d'empereur par les femmes de sa famille et disparu dans le plus parfait anonymat, le controversé Héliogabale est partagé entre la culture gréco-romaine et la barbarie. Sa pédérastie religieuse n'a pas d'autre origine qu'une lutte obstinée et abstraite entre le Masculin et le Féminin." (p.67). Son anarchiste tyrannie ne souffre aucune entorse. Il "se conforme à la loi divine, à laquelle il a été initié, et il faut reconnaître qu'à part quelques excès ça et là, quelques plaisanteries sans importance, Héliogabale n'a jamais abandonné le point de vue mystique d'un dieu incarné, mais qui se conforme au rite millénaire de dieu." (p.107). Voilà grossièrement décrites les principales idées de ce texte. La pensée d'Artaud manque de limpidité et tend parfois aux digressions mais son travail documenté (cf. les appendices et les mutilples notes en fin d'ouvrage) mérite le détour. Le regret que j'ai, est de ne pas avoir su en apprécier toute la teneur. J'ai de loin préféré Van Gogh le suicidé de la société à Héliogabale ou l'anarchiste couronné.
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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

La légende dit qu’Héliogabale est né dans « un berceau de sperme. » C’était en 204 après J.C. à Antioche, en Syrie. Et toute son existence sera un long sacrifice de sexe et de sang. Héliogabale était un roi fou et excessif, baignant dans le stupre, la débauche et la démesure. Il a conquis Rome avec violence et est monté sur un trône de sang. Anarchiste couronné selon Artaud, le tyran, empereur de Rome, n’a de cesse de tendre vers l’unité, à sa façon. « Et Héliogabale, en tant que roi, se trouve à la meilleure place possible pour réduire la multiplicité humaine, et la ramener par le sang, la cruauté, la guerre, jusqu’au sentiment de l’unité. » (p. 45) Que voulait-il réunir ? Tous les contraires, tout simplement. L’unité à laquelle il tente de parvenir passe par la réunion du principe féminin et du principe masculin. Il se veut représentant des deux. « Héliogabale, le roi pédéraste et qui se veut femme, est un prêtre du masculin. Il réalise en lui l’identité des contraires, mais il ne la réalise pas sans mal, et sa pédérastie religieuse n’a pas d’autre origine qu’une lutte obstinée et abstraite entre le Masculin et le Féminin. » (p. 67)

Dans un monde où la cruauté est ritualisée, institutionnalisée et légitime, Héliogabale se veut en rupture. Il est « un anarchiste-né, et qui supporte mal la couronne, et tous ses actes de roi sont des actes d’anarchiste-né, ennemi public de l’ordre, qui est un ennemi de l’ordre public. » (p. 96) Mais encore une fois, cette rébellion est organisée. Le tyran tend toujours à l’unité du monde et c’est en le retournant qu’il compte l’organiser. De l’anarchie naît une nouvelle unité, conforme aux goûts de l’empereur. « Rien de gratuit dans la magnificence d’Héliogabale, ni dans cette merveilleuse ardeur au désordre qui n’est que l’application d’une idée métaphysique et supérieure de l’ordre, c’est-à-dire de l’unité. » (p. 108) Ce que propose Héliogabale, ce n’est rien d’autre qu’une cosmogonie à son image : violente et unie dans la violence.

Héliogabale est l’empereur qui incarne le plus profondément la décadence de Rome. « Il poursuit systématiquement, […], la perversion et la destruction de toute valeur et de tout ordre. » (p. 121) Héliogabale va dans le sens de la décadence, il accompagne, accentue et précède ce mouvement descendant, cette chute de la société. Brutale fut sa vie, brutale fut sa mort, dans une continuité, une unité de cruauté. Il est mort comme il a vécu, incarnant sa propre vision du monde. « Ainsi finit Héliogabale, sans inscription et sans tombeau mais avec d’atroces funérailles. Il est mort avec lâcheté, mais en état de rébellion ouverte, et une telle vie, qu’une pareille mort couronne, se passe, il me semble, de conclusion. » (p. 127)

Héliogabale ou El Gabal, « Celui de la Montagne », porte un nom composite et trompeur pour les lecteurs d’aujourd’hui. « Héliogabale rassemble en lui-même la puissance de tous ces noms, où l’on peut voir qu’une seule chose, celle qui nous vient d’abord à l’esprit, le soleil, n’intervient pas. » (p. 89) Sa religion était celle de l’astre solaire, mais jamais Héliogabale ne s’est nommé d’après le soleil. Ce sont les Grecs qui, transcriptions après traductions de sa légende, ont modifié le nom du tyran. Une autre preuve, s’il en fallait, que l’histoire d’Héliogabale échappe aux historiens.

L’histoire d’Héliogabale est le prétexte à une certaine histoire de Rome, celle d’un empire sur la voie de la décadence, loin des empereurs fabuleux des temps classiques. Cette partielle histoire antique est aussi le prétexte à une réflexion théologique et métaphysique. Antonin Artaud oppose la religion d’Héliogabale, pourtant monothéiste, au christianisme. Ce qu’il appelle religion d’Ichtus est mauvaise : elle sépare l’homme du mythe, du magique, du religieux et du sacré. Les religions qui ont précédé le christianisme offraient davantage à leurs adeptes. « Les religions antiques ont voulu jeter dès l’origine un regard sur le Grand Tout. Elles n’ont pas séparé le ciel de l’homme, l’homme de la création entière, depuis la genèse des éléments. » (p. 55) Artaud est formel : les humains ont besoin de savoir. En creux de l’histoire d’Héliogabale, il faut lire une critique du christianisme et de l’obscurantisme dans lequel il a plongé ses fidèles.

Éblouissante et torturée, la vie d’Héliogabale était de celles qui méritent un hommage. C’est avec un talent éblouissant qu’Artaud s’est prêté à l’exercice. Ce n’est pas un texte facile. Les propos philosophiques et métaphysiques sont complexes. Mais ils répondent sans cesse à la vie du tyran qui a son tour se fait source de réflexions. Une lecture étourdissante.

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Les Tarahumaras

Antonin Artaud naquit dans un corps malade.



Il essaya de conjurer cette souffrance constante par le recours aux drogues et par l'élaboration d'une métaphysique de révolte contre les institutions et surtout la religion.



Le chemin de croix que lui imposa sa maladie, ses errances d'hôpitaux psychiatriques en cures de désintoxication et en séances d'électrochocs administrées avec une brutalité inouïe, font partie de l'image, vraie hélas, d'Artaud auprès du grand public.



Ce prosateur génial et excessif, génial parce qu'il osait l'excès, a forgé une véritable spiritualité fondée sur le rejet du christianisme né d'une imposture : Dieu ne peut être le créateur de toute chose puisque le le grand ordre universel, lui pré-existait nécessairement sous forme d'Idées.



Dieu, «ce lâche», précise Artaud, a envoyé sur la terre un bouc émissaire bien soumis afin de ne pas compromettre sa divinité dans les affaires salissantes des hommes : il a trompé les humains en leur adressant un pseudo messie, né de la génération sexuelle, de laquelle proviennent le mal et la souffrance puisqu'elle assigne l'âme à une enveloppe : elle se retrouve ainsi enfermée dans un faux «je» cerné de toute part par les illusions du monde sensible.



Nul doute qu'il se projetait lui-même sur l'image christique, à la fois dupe et victime du grand traquenard divin.



Les rites chrétiens sont en outre impuissants à tirer l'âme vers le vrai, loin des illusions du dualisme qui distingue l'âme du corps qu'elle habite et avec lequel elle ne fait qu'un ; et la laissant ainsi errer dans un magma fait de Bien et de Mal mélangés sans lui donner le moyen de les discerner.



Comment distinguer la bonne voie dans cet océan de faux-semblants ?



En 1936 Artaud se rendit au Mexique où il rencontra la tribu des Tarahumaras, amérindiens à l'écart de la civilisation occidentale dite «dégénérée". Ces indiens vivaient, ( et vivent toujours), dans l'Etat de Chihuahua.



Ces hommes, proches de l'humain éternel, communiquent avec le grand Tout au moyen de transes permises par l'usage du Peyotl et par des rites de danse cosmiques. Les sorciers purifiés grâce à un parcours initiatique de trois ans peuvent seuls conduire ces manifestations collectives d'union avec le monde vrai. Artaud, après quelques mises à l'épreuve, obtint la permission d'observer ces rites et même, d'après ses dires, d'y participer.



Il les décrivit dans divers récits regroupés dans le présent volume sous le titre «Les Tarahumaras» et les évoqua dans de nombreux courriers adressés à ses éditeurs.



La civilisation des Tarahumaras n'a pas évolué depuis son début, puisque déjà parfaite et non susceptible d'amélioration. Ses membres tiennent la vie ici-bas pour peu de chose et ne sont nullement attachés à leur corps. Seule la philosophie les intéresse, et la vraie spiritualité. Artaud concède du bout des lèvres l'influence du catholicisme importé par les espagnols lors de la conquête : ainsi ils reconnaitraient le voile de sainte Véronique. Mais l'absorption des images extérieures du culte occidental n'a été que superficielle et la pureté de leur vraie foi n'en a pas été affectée. Certains doutent de la réalité du voyage d'Antonin Artaud chez les Tarahumaras. Je me rangerai à l'avis de J.MG le Clézio pour qui la réalité effective de ce voyage n'a pas d'importante au regard de son message métaphysique et de son expérience spirituelle.



On distingue à travers ces essais de mystique immanente un Artaud pénétré de philosophie platonicienne, biblique et orientale, même si sa lecture est très critique.



Quant aux expériences à travers les drogues en général, et le peyotl en particulier, elles n'étaient pas rares chez les surréalistes (il appartint à ce mouvement et s'en fit exclure, ou s'auto-exclut au moment de l'adhésion de ses membres au Parti Communiste) : Henri Michaud André Breton…. et d'autres aussi tels Aldous Huxley et Carlos Castaneda …



Ce qui m'a le plus frappée est la puissante poésie qui innerve l'écriture d'Artaud : j'ai reproduit quelques extraits dans les citations.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Publié en 1947, le livre de l'écrivain-artiste Antonin Artaud, diagnostiqué fou et asilaire pendant neuf ans, possède une double portée. Il s'agit à la fois d'un hommage au peintre Vincent Van Gogh, et d'une virulente attaque contre les psychiatres suite à son long séjour en asile achevé en 1946. Tout au long de cette courte oeuvre, on ne cesse de se demander si Van gogh est le pretexte pour attaquer la psychiatrie ou si le diagnostic commun aux deux hommes est un pretexte pour honorer le talent de Van Gogh. Il serait tentant de croire en la première hypothèse, mais probablement plus juste d'affirmer que l'auteur a voulu faire d'une pierre deux coups sans privilégier l'un ou l'autre aspect. Tout en affirmant que les psychiatres de Van Gogh étaient bien plus fous que le peintre lui-même (ce qui reste rationnel si l'on se base sur les écrits d'Artaud), l'auteur marque son admiration pour celui qu'il considérait comme "le plus peintre de tous les peintres", parce qu'il était le seul, en quelques mots, à avoir su réveiller l'âme du monde en y projetant sa propre tourmente, assimilée ici à de la lucidité.

Le style d'Artaud et la conviction qu'il semble mettre dans chacun de ses mots ne peut que nous persuader de prendre son parti, du moins momentanément. Il est vrai que l'on a du mal à dissocier la grande maîtrise littéraire du fond du propos et à ne pas haïr nous aussi les psychiatres de ces artistes qui, pourtant, ont également provoqué le meilleur tableau de Van Gogh peint trois jours avant sa mort: Les Corbeaux.
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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Apaisé par la drogue, remède souverain à ses angoisses existentielles, cet opium absorbé en 1917 lors d'un internement en maison de santé, alors qu'il peignait, Antonin Artaud, toute sa vie, malgré des cures de désintoxication, aura besoin de laudanum "seule substance capable de l'amener à un état normal".

Voilà ce qu' affirme dans L'ombilic des limbes ce poète maudit né en 1896 qui à seize ans brûle tous ses textes et offre ses livres à ses amis.

Dépression. Semi -guérison sur Paris.Publication de ses premiers poèmes en 1920(Le tric trac du ciel). Grande période théatrale de 1922 à 1924.

Adhésion au groupe surréaliste et publication de L'ombilic des limbes essentiellement en prose et parfois en vers, agrémenté de fragments de dialogues de théâtre dans lequel, Antonin Artaud égrène en images sa douleur interne.

Véritable catharsis, l'angoisse mise en mots "pince la corde ombilicale de la vie".

Le "poète noir, un sein de pucelle te hante, poète aigri, la vie bout et la ville brûle", c'est lui, avec sa solitude d'enfant malade,ses prières de mystique, sa révolte d'homme dépossédé en quête incessante d'identité, ses troubles de schizophrène auxquels la création littéraire sert d'étayage.

"Qui suis je? D'où viens je?"

Anarchie, désordre. "Je souffre" dit il "que l'Esprit ne soit la vie et que la vie ne soit pas dans l'Esprit".

"Je ne suis rien, je serai quelque chose "affirme t il comme pour s'adresser à sa mère magnifiée.

Quête de l'existence dans la non existence. Impossible harmonie du corps et de la pensée.

Marginal, poète,peintre,metteur en scène,comédien, Antonin Artaud après avoir quitté le groupe des surréalistes "Ils aiment la vie autant que je la méprise"), aura (entre 1927 et 1939) une intense période d'activité littéraire (L'art et la mort, Le moine, Héliogabale,Le théatre de la cruauté,Le théatre et son double...)

Son livre Les révélations de l'être sera publié en 1937.

Il mourra en 1948 dans un asile psychiatrique.

Triste fin pour ce poète fou mais génial qui dans La femme et l'oiseau (poème de L'ombilic des limbes écrivait:

Elle est l'horizon d'un quelque chose qui recule sans cesse.

Elle donne la sensation d'un horizon éternel.
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Le théâtre et son double

Il y a un soubassement métaphysique chez le père Artaud qui me botte bien. J'en ai eu des frissons en lisant certains passages, tellement ils coïncident avec ce que je ressens (je commence à comprendre pourquoi les gens me trouvent bizarre, un peu comme lui, le génie en moins. Par contre, je n'ai jamais été persécutée par les Initiés, mais ça je ne le regrette pas, pauvre Antonin !)



Je recopie un passage où tout est dit : il en découle clairement que l'homme est un pantin, un "acteur" qui mime la vie sauvage, naturelle, impulsive, qui s'agite dans nos tréfonds et partout autour de nous. L'homme est le "double" des forces matérielles et pulsionnelles qui agitent l'univers, ces forces inexorables et irrépressibles malaxant le pauvre pantin désarticulé muni d'une conscience pour son plus grand malheur. Et cette conscience ressent la Cruauté, revers dans la sensibilité humaine de l'indifférence cosmique.

---

Voici donc le passage en question :



En ce qui concerne "La Cruauté" :



"J'aurais dû spécifier l'emploi très particulier que je fais de ce mot, et dire que je l'emploie non dans un sens très épisodique, accessoire, par goût sadique et perversion d'esprit, par amour des sentiments à part et des attitudes malsaines, donc pas du tout dans un sens circonstanciel ; il ne s'agit pas du tout de la cruauté vice, de la cruauté bouillonnement d'appétits pervers et qui s'expriment par des gestes sanglants, des excroissances maladives sur une chair déjà contaminée : mais au contraire d'un sentiment détaché et pur, d'un véritable mouvement d'esprit, lequel serait calqué sur la vie même ; et dans cette idée que la vie, métaphysiquement parlant, et parce qu'elle admet l'étendue, l'épaisseur et l'alourdissement de la matière. Tout ceci aboutissant à la conscience et au tourment, et à la conscience dans le tourment. Et quelque aveugle rigueur qu'apportent avec elle toutes ces contingences, la vie ne peut manquer de s'exercer sinon elle ne serait pas la vie ; mais cette rigueur, et cette vie qui passe outre et s'exerce dans la torture et le piétinement de tout, ce sentiment implacable et pur, c'est cela qui est la cruauté.

J'ai donc dit "cruauté" comme j'aurais dit "vie" ou comme j'aurais dit "nécessité" parce que je veux indiquer surtout que pour moi le théâtre est acte et émanation perpétuelle, qu'il n'y a rien en lui de figé, que je l'assimile à un acte vrai, donc vivant, donc magique."



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Le théâtre et son double

Le plus beau livre qui parle du théâtre dans toute sa poésie, sa force et sa cruauté.

Toute la folie d'Artaud au service de la folie du théâtre qui est une folie contrôlée, un rêve de la réalité ou la réalité du rêve et une ouverture sur le théâtre Balinais, sur les cultures du monde.

Il est dommage que l'on ne cite pas suffisamment cette ouvrage pour le travail d’apprentissage du théâtre...



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Le Moine (de Lewis)

"Le Moine" est un roman gothique emblématique qui a suscité un grand intérêt à sa publication en raison de ses thèmes controversés et de son contenu scandaleux pour l'époque. L'histoire suit la vie du moine espagnol Ambrosio, un homme respecté et pieux, mais dont la vertu est mise à l'épreuve par la tentation et les péchés.

Lewis crée une atmosphère oppressante et sombre, avec des éléments tels que les abbayes sinistres, les apparitions fantomatiques et les complots diaboliques ; qui contribue à l'effet de terreur et de suspense tout au long de l'histoire.

Le personnage d'Ambrosio est complexe : il oscille entre la sainteté et la dépravation. Son combat intérieur entre la vertu et la tentation dépeint une étude psychologique intrigante du bien et du mal, de la nature humaine et des désirs interdits.

Une des caractéristiques les plus controversées de "Le Moine" est la représentation graphique du péché et de la dépravation, y compris des scènes de violence et de débauche sexuelle. Éléments qui ont valu au roman une réputation scandaleuse à l'époque, et la censure dans certains pays.

En termes de style d'écriture, Lewis utilise une prose descriptive et émotionnelle pour immerger le lecteur dans un univers sombre et cauchemardesque. Son utilisation des éléments surnaturels et du thème du pacte avec le diable ajoute une dimension gothique à l'ensemble de l'œuvre.

En conclusion, "Le Moine" de Matthew Gregory Lewis est un roman gothique captivant, qui explore les thèmes de la tentation, du péché et de la dualité humaine. Avec sa prose émotionnelle et ses éléments surnaturels, il a marqué ce genre .

Il reste une lecture fascinante pour ceux qui s'intéressent aux histoires sombres et énigmatiques de cette époque.

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Van Gogh, le suicidé de la société

Peu importe qu’ici, Van Gogh soit Artaud. Peu importe le nom, il suffit que ces silhouettes d’antiques bouchers assagis se mettent à vous traquer.
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Van Gogh, le suicidé de la société

Quand on lit Antonin Artaud, il faut le croire, sinon ce n'est pas la peine : il faut remiser la rationalité qui nous serine que ce n'est pas la folie qui a oeuvré en lui, mais une lucidité à l'état pur, tranchante comme le diamant, insoutenable, et qui peut-être, l'a rendu fou : et il faut reconnaître que la société, représentée par ses livides bourgeois malvoyants comme des taupes (et cyniques), a traqué en lui le génie en le qualifiant de fou pour mieux l'émasculer et l'interner.



C'est ce qui arriva aussi à Van Gogh en qui Artaud reconnut son frère "suicidé de la société".



Car le "fou" du docteur Gachet a accouché dans la souffrance de son art, au moyen de simples tubes de peinture et nous a envolé loin des spiritualités factices.



Ses corbeaux "couleur de musc, de nard riche, de truffe comme sortie d'un grand souper" nous mènent vers l'aveuglant point de bascule : le soleil du néant.



C'est le 2 juillet 1947 qu'Antonin Artaud visita comme une trombe la rétrospective du peintre à l'Orangerie des Tuileries. Paule Thévenin qui l'accompagnait, peina à le suivre, et crut qu'il boudait l'exposition.



Dès le lendemain, Artaud se mit à rédiger son compte-rendu intitulé "Van Gogh, le suicidé de la société" qui reçut en 1948 le prix Sainte-Beuve de la critique.



Paule Thévenin s'était trompée : il avait tout vu.































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L'Ombilic des Limbes suivi de Le Pèse-nerfs e..

Antonin Artaud ou Le témoignage d’un corps sans organes



En lisant Antonin Artaud, j'ai ressenti le témoignage d'un être qui a terriblement souffert de ne pouvoir s'incarner pleinement.



Le corps est très présent dans ses écrits, mais c'est un corps presque "vide", "un corps sans organes" pour reprendre l'une de ses formules ; comment dire, c'est un corps "renié" en quelque sorte.



Comme si sa chair n'avait été pour lui qu'un vague manteau enfilé sur ses épaules, et qu'un tailleur maladroit aurait fait trop grand ou trop petit.



C'est peut-être là l'un des plus grands drames de sa vie, cette quête inaccomplie pour "faire corps" avec lui-même – et c'est ce qui me touche tant dans ce que j'ai pu lire de lui.



Il écrivait d'ailleurs, et ce n'est pas anodin : « Et en guise de choix d'un corps, je dis merde à tout et je m'endors. »



Artaud n’est pas un écrivain des bas-fonds, des remugles, de la "subversion" – comme d’aucuns pourraient le croire.



Ne nous y trompons pas : quand il évoque le stercoraire, Artaud n’en fait pas l’éloge, loin de là.



Il me semble bien plus proche de Saint Augustin, qui écrivait : « Inter faeces et urinam nascimur » (« Nous naissons entre la merde et l’urine »).



Me vient l’idée que l’auteur de "L’Ombilic des Limbes", n’a jamais pu accepter certaines fonctions primaires du corps telles que le fait d’uriner, de déféquer, d’éjaculer, etc.

Et c’est d’ailleurs évident à la lumière de ses écrits.

La sexualité lui faisait horreur.



Ainsi le formule-t-il en 1947 :



« un homme vrai n'a pas de sexe / il ignore cette hideur / et ce stupéfiant péché / mais il connaît le parachèvement que l'être / par définition / ne connaîtra jamais »



Tout entier dans un certain refus d’incarnation, la vie d’Artaud fut quête de pureté.



Il le clame, de manière très précise, dans un écrit de 1947 :



« cette histoire vraie / qui est la mienne / est affreuse / c'est celle / d'un homme / qui voulut / être pur / et bon / mais / dont / personne ne voulut jamais / parce que l'homme n'a jamais pu s’accommoder d'autre chose / que de l'impureté »



Artaud a été comme "foutu" dans l’existence sans son consentement.



Serait-ce ce désir de pureté presque absolue, qui entraîna Antonin Artaud dans une chute dont sa conscience ne devait pas se relever ?

Je ne sais.



Toujours est-il que son aventure terrestre, aussi dure qu’elle fut, demeure une leçon terrible, un témoignage brûlant.



Face à une incarnation "obscène" et qui lui faisait horreur, Artaud aura tenté, toute sa vie, de se "ré-incarner" dans un être "pur".



Son expérience, indissociable de son œuvre, est de celles qui ne peuvent s’oublier.



De cette lutte existentielle pour la pureté, nous restent des mots de feu, une poésie sans concessions ; "de la multiplicité broyée et qui rend des flammes", pour le dire avec ses mots.



Pour renaître hors de toute souillure, Artaud s’est lavé dans les flammes de son propre verbe.



© Thibault Marconnet

le 05 octobre 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Messages revolutionnaires

Avant que le mot "révolutionnaire" ne devienne marketing, Artaud le sacralisait avec toute la modernité qui manque au XXI eme siecle.
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Le théâtre et son double

L'ouvrage "Le Théâtre et son Double" a été écrit par Antonin Artaud en 1938. C'est un texte majeur du théâtre du XXe siècle qui a profondément influencé le monde de l'art dramatique. Artaud y expose sa vision radicale du théâtre en tant que force primitive et vitale, capable de libérer l'inconscient et de transcender les limites de la performance traditionnelle.



Dans cet ouvrage, Artaud critique le théâtre occidental contemporain, qu'il juge trop rationaliste, intellectuel et dénaturé. Il prône un théâtre de la cruauté, basé sur l'expérience sensorielle et émotionnelle brute, visant à bouleverser et à choquer les spectateurs pour les amener à une prise de conscience nouvelle.



Artaud défend l'idée que le théâtre doit agir directement sur le corps et l'esprit de l'audience, en brisant les conventions et en confrontant les spectateurs à leurs instincts primordiaux. Il insiste sur l'importance du langage corporel, des sons, des gestes et des éléments visuels pour communiquer des émotions et des vérités profondes qui dépassent le discours rationnel.



En fin de compte, "Le Théâtre et son Double" est un plaidoyer passionné pour une forme de théâtre radicale, ritualiste et transcendantale, qui cherche à renverser l'ordre établi et à révéler les mystères de l'existence humaine. Il a inspiré de nombreux artistes et théoriciens du théâtre avant-gardiste et continue d'exercer une grande influence sur la pensée théâtrale contemporaine.
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Héliogabale, ou, L'anarchiste couronné

Je retrouve un nouvelle fois un texte d'Antonin Artaud et de sa plume enflammée. Je dois admettre que ce n'est pas son texte que je préfère. C'est un essai, aujourd'hui mal sourcé, sur un empereur-prêtre presque oublié : Héliogabale. Ce n'est pas un récit très marquant, mais qui est sauvé par son auteur lui-même.
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Le théâtre et son double

Cet essai regroupe plusieurs textes d'Artaud centrés sur ses recherches et ses désirs autour d'un théâtre nouveau, un théâtre qui se débarrasserait de ses apories bourgeoises, qui abandonnerait ses traditions psychologiques et la souveraineté qu'il accorde au texte et à l'auteur. Nous sommes dans le contexte des années 1930, époque où le cinéma à les faveurs du public au détriment d'un théâtre apparaissant comme moribond.

Artaud souhaite revenir à un théâtre magique et liturgique (il fait souvent référence à un exorcisme, à une transe), un théâtre qui aurait pour but de faire vivre les âmes des spectateurs, un théâtre de vibrations et de résonnances.

Si cette conception est tout à fait juste, Artaud se perd souvent dans des élucubrations mystiques et kabbalistes qui n'ont aucun sens (pour moi, en tout cas) et nuisent à son propos.
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Oeuvres complètes, tome 1.1

CRI

Le petit poète céleste

Ouvre les volets de son cœur.

Les cieux s’entrechoquent. L'oubli

déracine la symphonie...
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Van Gogh, le suicidé de la société

Bof, ce livre ne m'a pas réellement amené des faits que je ne connaissait déjà sur la vie ou la mort de Van Gogh...... Je pensais en voyant ce titre qu'il pourrait me donner les réponses aux questions, sur le pourquoi de son suicide.

Juste de belles phrases et de beaux mots qui qualifient très bien l'artiste.

Qui peu mieux comprendre un fou qu'un autre fou ( pour reprendre le mot utilisé par A. Artaud)!

Le style est pour moi trop pompeux et grandiloquent.

Je n'ai pas tellement apprécié.
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Oeuvres

Minéral, surréaliste, coupant comme un silex.

Je parle du poète, le reste m'est inconnu.
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Dessins et portraits

Dès le livre reçu, je me suis précipité sur la découverte des dessins et particulièrement des portraits. Un régal déjà (un titre au hasard: dessin à regarder de traviole...).



Mais les textes sont loin d'être de simple "faire valoir" des tableaux. Du coup j'ai pris le temps de les savourer en détail, en liaison avec certain des portraits commentés.Bon, pour être honnête, certains passages de Derrida sont restés énigmatiques pour moi..., ce qui ne pas empêcher d'apprécier d'autres passages où il aligne des mots au sens proche avec gourmandise.



Parmi ces commentaires, pas mal de textes sur l'admiration de Antonin Artaud pour Van Gogh: " le seul qui d'autre part, absolument le seul, ait absolument dépassé la peinture, l'acte inerte de représenter la nature pour dans cette représentation exclusive de la nature, faire jaillir une force tournante, un élément arraché en plein cœur".



Il est question de portraits aussi:  " on le voit bien, en dernière analyse, c'est de l'expression qu'un tableau tire sa valeur" ou encore, "visage humain: champ d'une bataille effrénée o forces de vie et de mort s'entrechoquent".



Quant aux dessins écrits ("des phrases qui s'encartent dans les formes afin de les précipiter"), .... un délice. Mariage lettres et crayons : je ne saurais résister ...
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🎬 Alors qu'il s'apprête à démissionner de ses fonctions de shérif pour se marier, Will Kane apprend qu'un bandit, condamné autrefois par ses soins, arrive par le train pour se venger. Will renonce à son voyage de noces et tente de réunir quelques hommes pour braver Miller et sa bande. Mais peu à peu, il est abandonné de tous... Ce film de Fred Zinnemann, avec Gary Cooper s'intitule "le train sifflera ... "

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