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Critiques de Arcadi Strougatski (125)
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

il me reste de ce livre, lu il y a 40 ans,un souvenir de quelque chose de génial. Je suis contente de savoir qu'il est traduit. C'est rare que les auteurs russes contemporains sont traduits en français. Je veux dire, les BONS auteurs russes contemporains.

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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Tarkovski a adapté Solaris de Stanislas Lem, mon livre de SF préféré. Il a aussi adapté Stalker. J'ai vu Stalker il y a plusieurs années, bien avant de lire le livre. Il est instantanément devenu l'un de mes films favoris (bien plus d'ailleurs que Solaris, à mon sens un peu raté).



L'adaptation de Tarkovski est tout à fait différente du roman, comme souvent le maître a pris ses aises et donné une interprétation personnelle, très mystique, trop diront certains. Ayant lu le roman, je ne suis plus sûr d'aimer autant le film. Car Stalker (NB : le titre original Pique-nique au bord du chemin, est bien meilleur, mais encore une fois les traducteurs français y sont allés de leur grain de sel) réussit un équilibre rare entre les dimensions mystique/ métaphysique, émotionnelle et idéologique/ politique, que n'atteint pas son adaptation.



De plus, le roman se permet de posséder à la fois un concept très fort (des extraterrestres sont arrivés sur Terre et repartis sans interagir avec les hommes, laissant derrière eux des Zones dangereuses peuplées d'objets mystérieux) et des personnages et une histoire profondes, qui tiennent debout d'eux-mêmes.



Stalker est un roman anti-bourgeois et anti-totalitaire à la fois, d'un anarchisme individualiste très russe (les académiques, les dirigeants, les capitalistes et autres profiteurs sont tous renvoyés dos à dos). C'est aussi l'histoire d'un mari et d'un père qui, au contraire de ses semblables, n'a pas l'intention de tout sacrifier à la Zone pour d'utopiques connaissances ou de folles richesses, mais plutôt d'y prendre assez pour vivre et de repartir aussitôt.



Les frères Strougaski reprennent la lubie et le thème majeur de Lem : si d'autres intelligences existent dans l'univers, soit nous ne les comprendrons pas soit elles ne s'intéresseront pas à nous (comme nous ne comprenons ni nous intéressons guère aux autres êtres vivants qui peuplent cette Terre alors même qu'ils sont si proches). C'est donc un roman anti-humaniste dans le bon sens du terme, qui déchoit l'Homme de la place centrale qu'il s'est lui-même accordée dans l'univers.



Les Strougaski l'avaient compris : si nous en sommes "arrivés là", ce n'est pas par un manque mais par un trop-plein d'humanisme, par une croyance trop grande en nous-mêmes. Il ne s'agit pas de tout arrêter et de retourner dans nos grottes, juste de faire descendre de quelques degrés notre ego. Et cela, un Stalker le fait très bien.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Un autre regard. Une autre approche de la science-fiction. Plus réel, plus proche, et de ce fait , une fiction plus libre, poétique, onirique. Nous partons toujours principe qu’en cas de contact avec quelque entité extra terrestre nous serions prêts. Disposés, sachants, sages, savants, et conscients.

Mais si demain, l’humanité dont nous faisons partie, se retrouvait face au fait d’une civilisation extraterrestre, comment réagiraient nos civilisations ? Et si ces entités venues d’un autre espace ne cherchaient pas à nous rencontrer ? N’éprouvaient nul besoin, nulle nécessité à prendre contact ?

Et si elles nous ignoraient tout simplement ? Se posaient sur notre Planète comme on viendrait s’asseoir au milieu d’une prairie, au bord d’un chemin ? Venus, et repartis, laissant là quelque objets inconnus de nous. D’une réalité toute extra terrestre. Que serait notre intelligence, nos imaginaires, nos désirs, nos rêves nos comportements face à ces objets ?

On ne peut ignorer en lisant Stalker des frères Strougatski, le fait en que ces écrivains ont vécu, subi l’aire soviétique. Le sacrifice des uns au nom d’un bien collectif….

Cet écrit fut censuré par les autorités soviétiques, au grand questionnement des auteurs…. Mais on comprend que son contenu philosophique et métaphysique a pu mettre « mal à l’aise » les autorité de censure. Rien n’est directement dit, mais la recherche, la question d’un bonheur et d’une liberté individuels ne peuvent pas échapper à une réflexion politique.

Lire Arkadi et Boris Strougatski. Et regarder le film Stalker qu’Andreï Tarkovski, réalisa en 1979.

Voici une belle feuille de route.

Astrid Shriqui Garain

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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Stalker est un bon récit de SF dystopique, avec un monde anxiogène et des moments d'absurdité proche de ce qu'a pu produire K. Dick de son coté. Tout y est poisseux : les rapports entre humains sont rarement affectueux, les individus étant soit des paumés, des losers, des vendus ou des casse-cous un brin tarés ; le monde semble traumatisé après l'arrivée puis le départ d'aliens qui semblent n'en avoir rien à faire de l'humanité, laissant celle-ci dans une sorte de marasme de "sous-espèce". Des intérêts plus ou moins véreux se partagent dès lors les miettes de ce "pique-nique" extraterrestre.

Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est donc l'univers et son atmosphère pessimiste. Comme le souligne Ursula Le Guin dans sa préface (excellente) l'utilisation par les frères Strougatski de personnages "communs" permet de rendre davantage crédible cette vision d'un futur désenchanté.

J'ai tout de même quelques regrets : le jargon des "zones", rarement expliqué, m'a laissé un peu sur le côté. On comprend parfois les pièges qui peuvent attendre les stalkers... Et parfois on ne comprend pas grand chose à ce qui se passe ou ce qui peut être rapporté. Part de mystère pour certains, j'y vois plutôt une faiblesse narrative. Cela ressurgit d'ailleurs dans certains dialogues, peu compréhensibles lors d'une première lecture voir même de passages plutôt... anecdotiques (la troisième partie, bien en dessous des autres).

Un bon roman, peut être pas un "classique" à mes yeux mais des images qui restent en tête et surtout un concept déprimant au possible... Et ça c'est fort !



PS : Maintenant ne reste plus qu'à voir le film !
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Grand classique écrit en 1972, Stalker est plus qu'un roman. C'est un univers. C'est une atmosphère. C'est une sacrée expérience.

Il raconte l'histoire de Redrick Shouhart, un "stalker", qui récupère illégalement des objets de la "zone". Cette zone mystérieuse a apparemment été visitée par des extra-terrestres il y a longtemps, laissant derrière eux, dans cette vaste étendue, des reliefs de leur passage, comme des restes de repas (le titre alternatif du livre est d'ailleurs "Pique nique au bord du chemin"). La zone est donc soumise à d'étranges phénomènes au danger mortel et certains intrépides se sont fait spécialistes dans le pillage de cette technologie, à la barbe de l'armée. Si le mystère est de mise, on n'en saura pas beaucoup plus sur cette histoire, les auteurs ayant délaissé les explications pour un propos tout autre. Plutôt qu'un récit à enjeux, les frères Stougatski ont fait de cette histoire le portait d'une société. Stalker, c'est la désillusion poussée à l'extrême, c'est la désespérance la plus absolue, c'est une lecture particulièrement pesante. Le roman décrit un monde qui se délite, sous une perfusion bancale, dans lequel les personnages survivent tant bien que mal, mais s'abîment, et s'autodétruise. La zone a en effet une drôle d'influence autour d'elle et c'est toute une société qui s'en retrouve perturbée. A l'écriture à la fois crue et teintée d'une certaine poésie, minutieuse et inventive, Stalker est un roman d'ambiance particulièrement réussi. J'en suis ressortie vidée, moite et pas forcément très joyeuse, mais l'expérience en vaut la peine, et le livre me hante toujours, quelques semaines après sa lecture.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

''Stalker'' a une idée en commun avec ''Solaris'' et ''L'Invicible'' de Stanislas Lem : si d'autres formes de vie existaient dans l'univers, elles seraient tellement différentes que nous ne pourrions pas nous comprendre.



Ici, les extraterrestres sont venus sur Terre, mais ils n'ont même pas essayé de prendre contact avec nous. Tels des pique-niqueurs peu respectueux de la nature, ils ont pris leur déjeuner sur Terre, puis ils sont repartis en laissant trainer leurs déchets derrière eux. Quand on pense que tout le livre et l'existence même des stalkers reposent sur le fait de s'extasier sur chacun de ces déchets impossibles à comprendre, on se rend tout de suite compte du désespoir qui s'échappe de ce bouquin !



Ici, une bonne dose de crasse vient recouvrir le monde, envahit petit à petit les villes qui ont le malheur de se trouver trop près des Zones. Y entrer n'est pas anodin, survivre est un défi. Mais chaque fois qu'un stalker rentre chez lui, qui sait ce qu'il traine avec lui dans le sillage de ses pompes ? Des conséquences bien peu joyeuses, une condamnation qui vient autant de l'incompris que de l'humain lui-même.



''Stalker'' est un pur produit de la SF russe, une histoire sale de désespoir, d'étrangetés et de questions sans réponse. Les frères Strougatski n'entendent pas mâcher le travail aux lecteurs, beaucoup de réponses ne sont donc pas données et relèvent de la pure interprétation de ceux qui iront jusqu'au bout et sauront se défaire de leurs habitudes et de leurs idées pré-conçues pour réussir à plonger dans la Zone avec Red. Ce n'est pas un bouquin qui se comprend, c'est un bouquin qui se ressent. C'est un monstre mythique. Et qui sait, peut-être Red y a-t-il réellement trouvé le bonheur...



(A noter que les jeux vidéos tirés de ce livre sont plutôt pas mal, surtout le tout premier : "S.T.A.L.K.E.R.: Shadow of Chernobyl." qui offre une vision très intéressante et une série de fins à donner le vertige).
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Les frères Strougatski choisissent dans «Stalker» le thème de la confrontation à l’étrangeté absolue.

Ils décrivent une Zone qu’on suppose avoir été visitée par des extraterrestres, que personne n’a vus et qui ont ravagé les lieux par les «déchets» qu’ils ont laissés lors de leur passage éphémère. Le terrain est atrocement miné par des objets terrifiants, incompréhensibles ou miraculeux. La perversité des pièges dans cette nature stérilisée bien sûr, évoquent les dangers cachés dans nos technologies et notre destruction de la nature. Le récit met en scène les aventures des stalkers qui récupèrent illégalement les objets de la Zone et qui se confrontent à sa malfaisance et aux patrouilles policières qui en surveillent l’accès. Il y a péripéties et distillations d’angoisse… Le style est celui d’un thriller, sans vraie mise en perspective du thème. Le héros, un peu frustre, dont la motivation est apparemment l’appât du gain, est sans relief. On se dit qu’une nouvelle aurait suffit… Mais alors probablement elle n’aurait pas eu de postérité…

Etrangement, la grande force de ce roman c’est d’avoir eu un lecteur génial : Andrei Tarkovski qui en a fait un film. Librement, il a redéfini le périmètre métaphorique de la Zone, elle devient pour lui une sorte de matérialisation de la représentation humaine moderne. Une nouvelle verrue sur un ensemble déjà gigantesque qui semble menacé d’implosion. Cette Zone énigmatique est ce lieu mental dévasté des dérélictions modernes. Une rumeur incertaine, qui parait démente, assure qu’on peut encore atteindre dans la Zone un lieu des exaucements et des miracles, comme avant avec ce qu’on appelait la Foi? Seuls les stalkers, sortes de guides spirituels de la dernière chance connaissent le cheminement. Cette quête est souffrance, doute et désespoir. Il s’agit même d’une forme aiguë, car les gens qu’ils emmènent dans la Zone, manifestement ne sauraient quoi demander à la Transcendance, leurs esprits sont détruits et irrécupérables, rien ni personne ne peut les racheter ni les sauver. Et même on peut douter que les désespérés seraient entendus?

Lieu du désespoir ou du dernier espoir? La transcendance est désespérée… L’humanité doit muter…

… Enfin on peut aussi voir l’idée de la Zone comme une prémonition, elle est devenue une réalité sur terre, bien que différente de celle imaginée… Tchernobyl est bien la Zone, ce lieu du désespoir physique et psychique et elle a eu ses stalkers qui se sont sacrifiés pour qu’elle ne recouvre pas la terre entière.

Nous ont-ils aidés!?

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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

(...)

(...) Divisé en 4 longs chapitres se déroulant sur des années, le récit s’attarde sur les moments-clés dans la vie d’un stalker et de ses incursions dans la Zone, un des chapitres étant consacré à des réflexions plus philosophiques, sous forme de rencontres entre divers personnages.



Il y a finalement assez peu d’action, c’est parfois un peu contemplatif et il y a pas mal d’introspection. Le style est différent de ce à quoi je suis habituée, ce qui a renforcé l’impression de dépaysement. Le temps semble comme suspendu, les personnages n’ont qu’une obsession: la Zone et la façon dont elle influence toute leur vie.



ç’a été une lecture très particulière et j’avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne saurais pas dire si j’ai aimé ou pas, pour être honnête… C’est assez prenant et la façon dont c’est fait m’a semblé plutôt originale, mais en même temps je ne suis pas sûre d’avoir réellement compris quels étaient les enjeux, ni ce qu’est censée signifier la conclusion. Par contre, il y a des réflexions intéressantes sur la nature de l’intelligence ou sur les dangers des industries militaires, par ex.



Beaucoup de choses sont laissées à l’imagination du lecteur, mais c’est plutôt bien vu de ne pas les développer, du fait que les protagonistes n’ont pas de réponses à apporter. Comme eux, on reste dans le flou et on ne peut qu’observer leur comportement face à ce qui dépasse leur compréhension.



Dans l’ensemble, c’était plutôt intéressant à lire, mais j’ai eu du mal à me sentir investie dans le récit, du fait que ma relation avec ce roman n’a pas du tout été émotionnelle, mais uniquement centrée sur les réflexions abordées par les auteurs. Une découverte vraiment intéressante pour les amateurs de SF à thème.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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L'arc-en-ciel lointain

Il y a des gens qui semblent encore croire que l'U.R.S.S était un pays communiste malgré toutes les preuves historiques démontrant le contraire. Un fantasme probablement, une illusion certainement, une méconnaissance profonde une évidence.L'U.R.S.S était une bureaucratie totalitaire s'appuyant sur un capitalisme d'état où Marx ainsi que tous autres penseurs de la liberté auraient rapidement été envoyés au goulag. C'est dans ce contexte, où la parole n'était bien sur pas libre que durent s'exprimer Arkadi et Boris STROUGATSKI. C'est pourquoi, ils firent le choix de la Science-Fiction comme domaine d'expression. Tout en ayant l'air de parler d'autre chose et grâce à ce voile littéraire, ils purent ainsi en dire beaucoup plus que par d'autres voies . Des millions de russes de cette époque avaient appris à lire ainsi entre les lignes et suivaient donc les parutions des différents ouvrages des Strougatski avec le plus grand intérêt.De ce fait, ils furent souvent censurés mais purent néanmoins continuer à écrire, contrairement à la plupart des auteurs de l'époque stalinienne.

Voir : http://www.babelio.com/liste/621/Russie-La-revolution-assassinee
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Il est difficile d'être un dieu

"Ce que je crains le plus, c'est l'obscurité. Tout y devient gris" dit un ancien poète à Don Roumata lors d'un dîner officiel. A la différence de ce poète, Roumata n'est pas réellement de ce monde. C'est un Terrien, membre de l'Institut d'Histoire expérimentale, présent sur la planète Arkanar en tant qu'observateur. Sur cette planète, un empire est sous le joug de Don Reba, ministre de la Sûreté, lequel fait la chasse aux intellectuels et aux lettrés, les pourchassant et les éliminant sans que cela ne déclenche la moindre révolte. Tandis que la tyrannie accentue son emprise, Roumata hésite : doit-il ou non intervenir dans l'histoire de cette planète, lui dont les avantages technologiques lui confèrent le statut de quasi dieu ? Déjà, Roumata est intervenu à plusieurs reprises pour sauver d'illustres savants, utilisant ses armes futuristes et même un hélicoptère. Au fur et à mesure que le récit avance, qu'Arkanar s'enfonce dans le chaos, que les morts s'accumulent et que la menace sur ceux qui comptent pour Roumata s'accentue (son serviteur Ouno, la jeune Kira ...), le dilemme croît pour Roumata : rester dans son rôle d'observateur (et donc de dieu) et laisser faire la nature humaine ou utiliser ses pouvoirs (technologiques, il s'entend) pour faire basculer le destin des hommes de cette planète.



Les frères Strougatski livrent, avec Il est difficile d'être un dieu, une fable politique doublée d'une interrogation sur la nature et la volonté du divin. La fable politique prend corps dans cet Etat aux relents médiévaux qu'est cet empire sur lequel règne, de fait mais non officiellement, Don Reba. Homme froid, apathique, calculateur, c'est un tyran dans toute sa splendeur et toute son horreur. La scène de l'interrogatoire de Don Roumata, dans ses propres appartements, en est un exemple. Il y a effectivement, sur cette planète Arkanar, un régime qui ressemble aux pires régimes totalitaires que la Terre ait connus. La chasse aux lettrés, le nivellement par la bêtise, l'alliance avec les gangs brutaux font penser à l'URSS stalinienne. Le rôle des hommes d'Eglise dans la brutalisation de la société, notamment par l'établissement d'écoles de torture, rappelle les sombres heures de l'Inquisition espagnole au seizième siècle. La milice des Gris, dont on coupe bientôt les têtes, ressemble quant à elle aux divisions de SA sous le IIIème Reich.



Politiquement, le livre pose deux questions morales. La première concerne les peuples qui subissent les vilenies des puissants. Quelle doit être leur attitude ? La révolte est-elle, en certains cas, un devoir ? L'homme passif face à la tyrannie mérite-t-il autre chose, finalement, que la servitude ? Ce ne sont pas seulement les responsabilités des pouvoirs politiques qui sont ici mis en lumière, mais également celles des peuples qui, par leur silence, leur inaction, légitiment le régime totalitaire. On fera aisément le lien avec l'Histoire (terrienne, celle-là) contemporaine. La deuxième question concerne l'individu, en tant que membre du corps organique de l'Etat. Roumata, par son statut et sa nature véritable, incarne l'homme qui, individuellement peut agir. Représentant des élites, cette situation est à la fois l'occasion de légitimer son statut social et celle de prendre un parti contraire au sien naturel.



Cela dit, considérer Roumata à Arkanar comme un simple mortel, ce serait négliger son statut de demi-dieu. Ce statut se justifie par la puissance potentielle qu'il détient, et qui le fait craindre de Don Reba, ainsi que par son omniscience (sa connaissance des événements passés, sur Terre et sur Arkanar, et des probables événements futurs). Cependant, dans un dialogue avec le docteur Boudakh, Roumata révèle que l'action, même divine, ne mène à rien, sinon à un nouveau chaos. Pallier aux manques matériels ou punir les forts au nom d'une prétendue justice ne fera qu'émerger une nouvelle classe de dominants ; inculquer aux hommes le goût du travail et du savoir, c'est modeler un homme nouveau, donc différent de l'humanité vraie. Dieu n'a qu'une possibilité : laisser l'homme gouverner et sa vie, et les siens.



Œuvre pessimiste qui laisse à l'homme un rôle majoritairement passif et, donc, de victime, Il est difficile d'être un dieu n'est pas tant un classique de la science-fiction qu'un essai politique et philosophique romancé.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Je n'avais jamais entendu parler de "Stalker" et quand j'ai lu l'influence qu'il avait eu sur l'univers de la science-fiction, j'ai rapidement sorti une pièce de 7 euros de ma poche. Ce livre est un recueil de 4 nouvelles intrinsèquement liées qui, finalement, se lit comme un roman. J'ai été surpris car on ne saura finalement rien des "visiteurs" (rien à voir avec Christian Clavier et jean Réno, c'est déjà une bonne chose); "Stalker" se déroule après la visite et les seuls contacts extraterrestres se font via les nombreux et différents objets laissés par ces derniers dans la zone de pique-nique. Les personnages sont hauts en couleurs et on sent bien la patte russe dans l'écriture. Certains ont eu ou auront un peu de mal avec la relative ignorance dans laquelle les lecteurs sont laissé; pour ma part j'ai beaucoup aimé cet aspect qui donne un côté assez réaliste. D'ailleurs, il existe de nombreux objets extraterrestres dont on ne saura jamais l'utilité; "Stalker" mise sur l'influence de cette visite. D'autre part, la postface décrit les obstacles qu'ont rencontrés les auteurs entre l'écriture et la publication et ça aussi, ça vaut le détour.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

“Parce que dans la zone c’est comme ça ; si tu reviens avec la gratte, c’est un miracle ; si tu reviens vivant, c’est une réussite ; si tu as échappé aux balles de la patrouille, c’est une chance ; et tout le reste, c’est le destin…”



Les frères Strougatski, Arkadi (1925 – 1991) et Arkadi ( 1933 – 2012), les auteurs de SF russes les plus connus au monde - que je lis pour la première fois – furent publiés au USA et en UK en 1977, dans l’indifférence de la communauté américaine de la science-fiction. La pureté morale de ces réactionnaires vis à vis de l’ennemi idéologique fut préservée en ne lisant pas.”



La visite. Les visiteurs vinrent et repartirent. Ni contact, ni message. Rien. Ah si au milieu des villes détruites et des cadavres, les pique-niqueurs laissèrent derrière eux des objets ou des débris, nul ne le sait. A quoi peuvent-ils servir ? Certains sont mortels, d’autres décoratifs : la panacée bleue ou batterie éternelle, les creuses et les creuses pleines, les bracelets, les éclaboussures noires, les éponges, l’argile gazeuse, des épingles, la mortelle calvitie de moustique, l’omniprésente et létale gelée de sorcière, la terrifiante zinzine et la très recherchée boule d’or. Tels des animaux, les humains curieux cherchent et tâtonnent. Ils reniflent et font des expériences. Ils apprennent le danger par les morts violentes.

Ils ne peuvent pas plus en comprendre les usages que le chien, mâchonnant, pensif, cette balle de tennis bondissante, ne pourra connaître les règles, qui plus est anglaises, du jeu de tennis.



Les autorités ferment les Zones. Comme la Zone 51, nul ne peut y entrer sans y être autorisé. La mort y rode, des secrets aussi. l’Institut des cultures extraterrestres veille, l’ONU contrôle. Redrick Souhart est un stalker, de ces aventuriers venus de toute parts. Passeurs, pilleurs, ils rapportent de la Zone tous ces objets inutiles vendus très chers. Et si l’Art Moderne venait de la Zone ?



Un roman de science-fiction enlevé doté d’une imagination extraordinaire et de cette capacité d’absurde très russe. Les personnages sont riches, proches du lecteur. Le mystère et la mort rodent. Les rapports sociaux sont durs. Les amitiés fortes.



Seuls parmi la SF, les frères Strougatski posent la question de la relation de l’homme et de l’Univers en pariant que les Extra-Terrestres n’auraient aucun intérêt à communiquer avec les humains attardés, primitifs, inaudible, invisible, dangereux, pathétiques ?



Et si cela n’était qu’un message illustrant le mode de fonctionnement de la machine idéologique des années 70 ?

La Zone suit ses propres règles comme la bureaucratie tentaculaire.

Le marché noir, nécessité vitale en zone socialiste du bonheur planifié.

Premier ou second degré ? Critique des scientistes aveugles de leur ignorance et du matérialisme scientifique soviétique ou respect envers la science ?

“Ces savants doivent tout de même avoir plus peur que nous tous, les gens simples réunis. Parce que, nous, nous ne comprenons rien à rien, tandis qu’eux, au moins, ils comprennent à quel point ils ne comprennent rien.”





“Du bonheur pour tout le monde, gratuitement, et que personne ne reparte lésé ! ”

Ce bonheur ici-bas, promis par ces religions politiques au premier du rang desquelles nous trouvons l’Union Soviétique, n’est-il pas, en une phrase, dénoncé tout bas ?


Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Ce livre est un drôle d’objet littéraire, le récit est à la première personne dans la tête du héros , un stalker, qui est de moins en moins net au fil du récit.

On a donc droit à de longues phrases ou ses pensées alcoolisées sont livrées brutes et en désordre, ça rend le livre pénible à lire, mais ça colle avec la souffrance et la psychologie du « Rouquin »

L’idée centrale du livre, « le pique-nique d𠆞xtra terrestres «  est passionnante, l𠆚mbiance lugubre et oppressante est vraiment réussie, le côté métaphysique pousse vraiment à la réflexion.

Je me doutais que ça finirait en queue de poisson ..... et ce fut le cas ....
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Nous avons tous côtoyé la Zone. Comme beaucoup, je me suis longuement tenu sur le bord. Pas celle d'Harmont, dont on parle dans le livre. Une autre. J'ai humé, scruté, tendu le cou, arraché et goûté un brin d'herbe, guetté les mouvements de lumière, les sons et les odeurs. J'ai tenté d'en dégager un sens. Avant de revenir à la familiarité déprimante et rassurante des quartiers de la banalité.



Je n'ai jamais osé y entrer. Mais j'ai connu des stalkers. C'est le lot commun de se tenir au bord de l'inconnu mais seuls quelques-uns sont comme eux assez fous, assez désespérés pour y plonger. A leurs risques et périls. Beaucoup n'en reviennent pas. Leurs dépouilles familières balisent quelques itinéraires d'entrée dans l'indicible.



Ceux qui reviennent de la Zone en rapportent des miettes, des phénomènes qu'ils ne comprennent pas. Ceux qui sont restés en arrière, les pieds au chaud dans la routine, pourront peut-être apprivoiser ces bribes. Mais sans en comprendre vraiment la réalité.



Les stalkers, dans la Zone, l'auront-ils touchée, cette réalité ? Peut-être, mais sans plus la comprendre. Ils n'auront plus qu'à repartir. Retourner dans la Zone. La Zone qui les a marqués dans leur esprit et dans leur chair. Jusqu'à ce qu'ils se rangent ou y périssent. (Seul espoir, trouver la Boule d'Or. Mais existe-t-elle vraiment ? Et quel en est le prix ?)



Ce ne sont pas des héros, non. Il y a chez eux le même lot de grandeur et de mesquinerie que chez tout un chacun, et c'est le mérite de ce court roman de parler d'eux par la face nord, dans leur matière brute, sans rien ajouter ou retrancher à leur condition.
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Il est difficile d'être un dieu

Un livre de SF politique courageux, à une époque et dans un pays, ou il fallait en avoir...du courage et le reste aussi...Ainsi que l'intelligence de le formuler, de l'éditer aussi. Ce qui m'a étonné le plus...c'est que la censure n'ai pas sévit. Il est vrai que l'on voit plus aisément la poutre dans l’œil du voisin, et que d'y voir une critique des systèmes totalitaires passés et ennemis d'hier à du faire passer la pilule...

Le culte orthodoxe n'ayant pas repris son essor, alors, la parole en était encore plus libre..

Serait il toujours possible aujourd’hui 'hui d'écrire ce livre...pas sur !

Cependant un film récent et russe s'en inspire, je serai curieuse de voir si les propos sont rendus dans leurs "jus" premier. Mais juste pour satisfaire ma curiosité, de cinéphile, l'impact en terme d'entrées.

Parce qu'hélas je pense qu'il faut être russe pour apprécier le scénario. Comme le film "Les Visiteurs du soir" qui évoquait, sous couvert moyenâgeux, la résistance à l'oppresseur, il faut connaître l'histoire de France et du film, pour en reconnaître et apprécier toutes les subtilités. Ce roman et le film évoquent une période et l'histoire propre à la Russie d'hier et d'aujourd'hui.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Remarquable récit sur un cas de « visite ». Ce bouquin a superbement résisté au poids des années. J'étais vraiment pris dans cette ambiance glauque et mystérieuse. Et bravo au traducteur.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Ce livre est une sorte d’extra-terrestre… Le début est très surprenant : tout est déjà posé, tout s’est déjà passé mais rien n’est expliqué. On est plongé dans ce roman comme lorsqu’on plonge dans une piscine, de façon assez intense et brusque pour que l’on tourne les premières pages rapidement pour comprendre, pour voir. Les choses ne sont jamais clairement posées : on prend les informations et on en déduit ce que l’on veut… A la fois sur les personnages et à la fois sur ce monde particulier : on s’imagine des « creuses », de la « gelée de sorcière », des « calvities de moustiques »… La zone est ponctuée de jalons particuliers : Mollusque, Freluquet et bien d’autres, à présent des tas de vêtements, marquant les endroits où il ne faut surtout pas aller dans la « Zone »… On croise différents destins, différents personnages mais celui que nous suivons le plus est Redrick SHOUHART, dit le rouquin, une jeune homme de 23 ans, violent, alcoolique, qui ne semble avoir d’autres motivations que l’argent. Etrange personnage principal, ni sympathique ni attachant. On tarde à le comprendre et ce n’est vraiment qu’à la fin du roman qu’on comprend quel homme il est.



Au delà de l’histoire en elle-même, ce roman pose les questions sur l’humanité elle-même, sur sa façon d’appréhender la science, sur ce qui peut être acceptable pour comprendre… Sur ce que nous avons le droit de faire pour comprendre, sur ce que nous risquons… Il m’a fait me poser beaucoup de questions, j’y ai vu beaucoup d’analogies avec les questions actuelles sur la bioéthique, sur les OGM… Sur toutes ces questions où finalement nous avons assez peu de réponses et beaucoup de questions…



En somme, un roman de science-fiction à lire !
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Après la venue de visiteurs inconnus, des zones de la Terre sont devenus invivables. Ils ont laissé derrière eux des objets inconnus, aux effet terrifiants pour les uns merveilleux pour d'autres. Des phénomènes physiques curieux, mortels arrivent aussi. Certains intrépides, fous, voleurs, un peu des trois vont dans ces zones pour y récupérer des "choses" et les monnayer. C'est en 4 grands chapitres les aventures de l'un d'eux que nous raconte ce livre. Un bon livre de SF, on s'intéresse aux histoires racontées. Ouistiti en particulier m'a touché (je vous laisse découvrir). Un bon moment de lecture.
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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Une forme de vie extraterrestre est venue nous rendre visite mais elle n'a pas pris contact avec nous. Pourquoi? 



Et en plus elle a laissé tout plein de déchets derrière elle. En voilà une singularité, cette forme de vie a la chance d'atterrir sur la planète avec l'espèce vivante la plus intelligente de l'univers et elle n'en a cure. Mais pourquoi donc?



Voilà des questions qui ne trouveront pas de réponse dans ce livre mais qui amène le lecteur à repenser sa place dans l'univers.



Je conseille, le point de vue adopté est très original et vraiment malin.



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Stalker : Pique-nique au bord du chemin

Dans ce roman écrit en 1972, l'histoire commence dans un futur proche, en 2019.

La Zone : un endroit dangereux où des visiteurs venus de l'espace ont laissé diverses choses derrière eux sans jamais entrer en contact avec les humains.

Les stalkers vont dans la Zone récupérer des objets au péril de leur vie.

Redrick Shouhart est l'un d'eux, c'est l'adrénaline qui le motive, mais aussi l'argent. Pour Kirill il s'agit essentiellement d'un intérêt scientifique. D'autres n'y vont que pour l'argent que rapporte les objets qu'ils en ramène au péril de leur vie mais aussi au risque de finir en prison.



Redrick la tête brûlée, Kirill le scientifique et Tender le troisième larron obligatoire pour une virée dans la Zone, vont à la recherche d'une "creuse" pleine. Faut pas chercher à comprendre, il n'y a pas d'explication, tout comme pour les bracelets, la gelée de sorcière, les calvities de moustique… Les dangers auxquels tous ceux qui se rendent dans la Zone doivent faire face sont assez obscurs aussi. Dangers de mort dont les raisons restent floues… Certains moments plus dangereux que d'autres.

Et puis Ouistiti, l'étrange fille, enfant de stalker.

Et puis les morts… morts et pourtant…



Les indices sur ce qui advient sont à peine suggérés ce qui donne envie de poursuivre pour savoir. C'est une lecture agréable et pourtant étrange.

L'histoire se passe sur huit ans.

J'ai trouvé le tout un peu décousu.

J'ai eu l'impression de rester au bord sans jamais entrer dedans mais j'ai trouvé ça plaisant à lire malgré tout, cependant je pense qu'il ne m'en restera rien assez rapidement. de nombreux aspects font penser à Tchernobyl alors que ça a été écrit bien avant.

Par ailleurs, bien que l'histoire se passe dans le futur pour les frères Strougatski, la condition des femmes n'a pas bougé d'un iota. Pire, on se croirait dans les années 50. Les hommes seigneurs et maîtres chez eux, les femmes soumises et au foyer… ou putes ! En fait le roman m'a évoqué par certains aspects les vieux polars : ambiance sombre, personnages masculins qui fument constamment, picolent et sont grossiers.



Il ne me reste plus qu'à trouver d'autres romans de SF russe pour me faire une idée plus précise…
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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