Citations de Arni Thorarinsson (195)
La génération de nos parents a bâti sur les mottes d'herbe et la morue une société qui était tout de même quelque chose. Ma génération a voulu transformer ce quelque chose en tout. La génération suivante a transformé ce tout en rien.
Un rapport sur les causes de l'effondrement de l'économie a été publié par la commission d'enquête de l'Althingi, notre Parlement national. Tout le monde est d'accord pour dire que ce document dévoile la vérité dans ses grandes lignes. Mais dès qu'il a été question de déterminer les responsabilités, toutes les personnes impliquées sont bien vite rentrées se cacher chez elles, elles s'y sont enfermées à double tour, ont tiré les rideaux et montré du doigt la maison du voisin.
Ma mauvaise conscience se dilue dans les effluves grisants de la célébrité Made in America et dans l'avant-goût de cette richesse importée de l'étranger.
Au fait , papa , tu n'as pas quelqu'un , je veux dire , a part Snaelda ? demande Gunnsa au moment où nous sortons du restaurent et remontons la rue Kaupvangsstraeti.
.Ma fille me lance unsourire narquois , snelda est une perruche jaune pas plus grosse que la paume d'une main qui faisait partie des meubles de mon appartement quand je me suis installé ici et que , dans ma solitude j'avais décrété femelle.
Je prends la mesure de la situation : les technologies de l'information constituent un réseau mondial. Celui qui peut le diriger peut nous diriger. Les institutions internationales censées fixer les règles du jeu et les lois sont en général sous l'emprise de ceux qui ont le pouvoir et la volonté de les enfreindre.
On se demande parfois si la seule chose qui unit cette nation ne se résume pas à un ensemble de signaux GSM, de conversations téléphoniques, de SMS, de photos ou de vidéos prises avec des portables, et je ne sais quoi encore. Qui a besoin de liens familiaux alors qu'il possède un portable?
Nous avons passé la faille de Víkurskard, le lac de Ljósavatn, la chute de Godafoss, la lande de Reykjaheidi et nous sortons de la province de Mývatn dont nous traversons les terres désertes en direction d’Egilsstadir, la grande ville de l’est du pays. Joa me guide en s’aidant de la carte routière. Bien que capable de trouver les yeux fermés n’importe quel troquet de Reykjavik, je suis complètement perdu dans tous ces noms de lieux.
- Et ce n'est pas parce qu'on envie d'une saucisse de temps en temps qu'on veut se retrouver avec tout le cochon sur les bras !
Les mauvais traitements que cette femme s'infligeait à elle-même depuis des années ont-ils fini par réclamer leur dû ? A-t-elle été victime d(un infarctus ? D'une hémorragie cérébrale ? Son corps aurait -il abandonné la lutte juste au moment où elle se décidait enfin à suivre un traitement ? Au moment précis où c'est décidée à" régler ses problèmes. "
Les illusions dont on se berce nous façonnent. En langage moderne, on appelle ça le développement personnel, cela donne un emploi à bon nombre de gens et entraîne certaines dépenses pour d'autres. C'est l'année du chat et je suis insouciant, mais lorsque mon inquiétude revient, je récite la prière de l'humilité: mon Dieu, donne-moi la force...
Ceux qui croient en la force du destin ont évidemment toutes les excuses pour ne rien changer. Mais qu'est-il advenu de l'antique maxime qui affirme que chacun est l'artisan de son propre bonheur ?
[...] La première fois que je suis venu à Reydargerdi, c'était en plein hiver. La lumière du jour disparaissait dès le début de l'après-midi comme si on avait éteint une ampoule électrique et le village de bord de mer se blotissait sous la neige en redoutant que les montagnes ne viennent en déverser encore plus. Quelques malheureuses âmes marchaient sur les sentiers où la neige avait été déblayée entre les maisons. J'étais le seul client de l'hôtel.
Sa voix était plus alcoolisée qu'avant, mais il se contrôlait parfaitement. Il était capable de garder le contrôle très longtemps, des jours et des jours durant. Jamais elle ne l'avait vu ivre ni perdre la maîtrise de ses actes. D'une manière ou d'une autre, il conservait toujours sa bonne humeur. (...) Hlynur affirmait pour sa part qu'il se sentait toujours aussi soûl, aussi plein et aussi vide.
(p. 51-52)
Asa (...) lui demande ce qu'il étudie. Il répond qu'il est en fac de psycho.
- Ça m'intéresse de savoir pourquoi les gens sont comme ils sont et font ce qu'ils font. (...) Et s'ils sont malheureux d'être comme ils sont ou de faire ce qu'ils font, poursuit-il, sincère, presque puéril. J'ai envie de les aider à mieux vivre.
(...)
Je lui murmure à l'oreille avec un sourire : les gens qui s'inscrivent en psycho le font surtout pour régler leurs propres problèmes, non ?
(p. 62-63)
On croit toujours découvrir de nouvelles choses mais on tombe en réalité que sur des reflets de nos désirs.
La religion c'est ce qui empêche les pauvres d'assassiner les riches.
- Ce type-là, c’est un vrai salaud ?
- Ce serait peut-être aller un peu loin, ma petite Gunnsa. C’est un homme, naturellement, comme tout le monde.
Elle bâille.
- Mais il est responsable de la crise ? Il est partie prenante de toute cette corruption ?
Je bâille également.
- En effet. Même s’il n’était pas propriétaire d’une grande banque à laquelle il aurait fait payer tout ce qu’il achetait. Lui et ses sociétés apparaissent dans le grand rapport d’enquête du Parlement, que ce soit pour des emplois fictifs ou pour des contributions mirifiques versées à divers hommes politiques. Mais tâche de lui témoigner un respect total et d’agir en professionnelle. Nous sommes des hôtes qu’il reçoit chez lui et nous représentons le journal. Tu es photographe, donc tu prends des photos, point. End of story.
Hier, tandis que nous déjeunions à Grillhusid, nous avons discuté de l’effondrement de l’économie et de la crise. Il a été question de la responsabilité des politiques, de celle des banques et des hommes d’affaires, de celle de tout un chacun. J’ai bien senti que Gunnsa s’efforçait de comprendre le pourquoi et le comment de tout ça. Raggi n’a pas dit grand-chose, mais ses yeux noirs et pétillants d’intelligence montraient clairement qu’il n’en pensait pas moins. Derrière la joie de vivre et l’insouciance qu’ils affichent tous les deux se forme peu à peu une pensée personnelle sur les choses sérieuses de la vie, je dirais même une conscience politique.
Alors que je ne suis toujours pas endormi vers une heure du matin, j'attrape l'exemplaire usé de Loftur le Sorcier posé sur ma table de nuit. Je m'attaque au début du troisième acte où se trouve une réplique placée dans la bouche du personnage principal et que j'ai lue dans l'article à la mémoire de la jeune lycéenne décédée :
"Le savoir et l'innocence ne sauraient faire bon ménage."
Oh ma mère dans l'enclos à brebis,
Ne te lamente pas ainsi
Mes guenilles je te prêterai
Pour que je puisses danser , danser.
Everybody's cryin' 'bout the seventh son
In the whole round world there is only me
And I'm the one , I'm the one
I'm the one , I'm the one
The one they call the seventh son ...
Je reconnais le morceau dès les premières mesures , bien que je n'aie en réalité jamais prêté attention au texte . Assis devant mon ordinateur avec mon casque sur les oreilles , j'écoute Willlie Dixon interpréter son blues sur ce septième fils qui possède le pouvoir de prédire le destin autant que la pluie , et qui perçoit le moment où une femme tombe amoureuse d'un autre homme :
I can tell your future before it comes to pass
I can do things to make your heart feel glad
Look at the skies and predict the rain
I can tell when a woman's got another man
I'm the one , yes , I'm the one ...
Sept .
L'idée du septième fils plonge ses racines dans le pouvoir magique et le caractère sacré associé au chiffre sept . C'est un nombre entier , composé du trois , symbole de la sainte trinité et du ciel , ainsi que du quatre , le chiffre qui forme un carré , symbole de la terre . Le chiffre sept est donc celui de l'univers , du ciel et de la terre . Il est celui de la vie .
Rie que ça .
- Peuh, lance t-il. Ce que je te dis, c'est qu'il y a trente ans, la société islandaise était simple et ses contours clairement définis. Pour maintenir l'ordre à Akureyri, nous ne disposions et, d'ailleurs, n'avions besoin que de cinq flics. Aujourd'hui, cette société sombre dans une foutue déliquescence générale. Elle est gangrénée par toute sortes d'oppositions, d'extrémismes et de puissances néfastes importées de l'étranger. Malgré tout nous n'avons toujours que cinq flics ! Cinq !