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Critiques de Arno Bertina (83)
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Une nuit à Manosque

Ce recueil de nouvelles, publié chez Gallimard, rassemble plusieurs auteurs invités du festival Les Correspondances de Manosque. À l'occasion des 20 ans du festival, il leur a été demandé d'écrire sur le thème d'une nuit à Manosque, et pas moins de 22 auteurs et autrices ont répondu à l'appel. Certains textes sont presque mélancoliques, d'autres décrivent parfaitement la ville, l'ambiance qui y règne pendant le festival fin septembre, tandis que d'autres font froid dans le dos à coups de légendes et de fantômes qui hantent des lieux dans la ville.





La fiction se mêle aux réelles expériences des auteurs et j'ai trouvé cette double dimension très attirante. On ne sait pas ce qu'il s'est passé, on ne le saura sans doute jamais, reste à deviner ce qui est complètement inventé…





C'est un bel hommage au festival, à Manosque même, qui fait voyager les lecteurs et donne envie d'en découvrir plus sur la ville. le seul petit bémol à mes yeux est que les nouvelles sont souvent trop courtes, ressemblant plus à des extraits de romans qu'à de véritables histoires avec un commencement et une vraie fin. Mention spéciale toutefois à « Rencontre avec un personnage », de Miguel Bonnefoy.
Lien : https://www.instagram.com/av..
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Une nuit à Manosque

Ce recueil de nouvelles, publié chez Gallimard, rassemble plusieurs auteurs invités du festival Les Correspondances de Manosque. À l’occasion des 20 ans du festival, il leur a été demandé d’écrire sur le thème d’une nuit à Manosque, et pas moins de 22 auteurs et autrices ont répondu à l’appel. Certains textes sont presque mélancoliques, d’autres décrivent parfaitement la ville, l’ambiance qui y règne pendant le festival fin septembre, tandis que d’autres font froid dans le dos à coups de légendes et de fantômes qui hantent des lieux dans la ville.





La fiction se mêle aux réelles expériences des auteurs et j’ai trouvé cette double dimension très attirante. On ne sait pas ce qu’il s’est passé, on ne le saura sans doute jamais, reste à deviner ce qui est complètement inventé…





C’est un bel hommage au festival, à Manosque même, qui fait voyager les lecteurs et donne envie d’en découvrir plus sur la ville. Le seul petit bémol à mes yeux est que les nouvelles sont souvent trop courtes, ressemblant plus à des extraits de romans qu’à de véritables histoires avec un commencement et une vraie fin. Mention spéciale toutefois à « Rencontre avec un personnage », de Miguel Bonnefoy.
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Ceux qui trop supportent

Les catastrophes qui nous sont rapportées ici étaient évitables, le cynisme dont font preuve certains dirigeants et politiques également, le récit qu'en fait Arno Bertina est nécessaire. Il met en évidence ce qu'on appelle le courage, la lutte des classes contemporaine.
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Ceux qui trop supportent

Un livre atypique me semble-t-il. À la fois récit chronologique du combat des GSM, une dénonciation en creux de l'absurdité du néo-libéralisme mais aussi (surtout?) un hommage aux individus, à la singularité et à l'intelligence collective de la classe ouvrière. AB d'une grande humilité, garde une distance adéquate tout au long du récit.

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Ceux qui trop supportent

Ce récit documentaire raconte la lutte des travailleurs de GMS (équipementier automobile de la Creuse) contre la fermeture de leur usine entre 2017 et 2020.



L'issue, connue, pourrait refroidir les ardeurs : dépecée morceau par morceau par les "repreneurs" successifs (en réalité des charognards alléchés par les aides publiques), l'usine a fini par fermer. L'auteur l'annonce d'entrée de jeu : on est ici "dans Shakespeare quand les gagnants sont des minables, des bandits, des criminels"...



Les manœuvres des "repreneurs" mais aussi celles des donneurs d'ordre (Renault, PSA...) sont narrées par le détail de même que les promesses dilatoires des gouvernements successifs qui tout en se gargarisant de défendre "l'intérêt public" cautionnent et rendent de fait possible les machinations financières des premiers.

Pour qui s'illusionnerait encore sur le rôle de l'Etat, "arbitre impartial", l'histoire des GMS constitue une implacable leçon de choses...

"Leur cynisme n'est pas une découverte hein, c'est même pas une surprise. La stupeur si tu veux, et la colère, c'est de constater l'impunité de ceux qui font ça. Renault et Peugeot versent des dividendes extravagants à leurs dirigeants, des retraites-chapeau et des parachutes dorés de plusieurs millions d'euros. Et quand nous on demande 20.000 euros pour pas crever, on obtient des coups de matraque et des gaz lacrymogènes"...



Au pouvoir de décision des actionnaires et aux matraques de l'Etat, il faut encore ajouter la difficulté à organiser des luttes collectives dans une société où chacun est incité à se défier de celui et de celle pour qui et aux côtés de qui il aurait tout intérêt à se battre.

"Coloniser les esprits jusqu'à les rendre incapables de penser hors du champ individuel et du registre paranoïaque... Ce qui a été tué ou blessé : notre capacité à penser en termes collectifs et à agir en conséquence. On s'indigne parfois mais on fait peu. Cette blague efficace pour résumer la victoire des forces de l'ordre : celui qui gagne 10.000 euros explique à celui qui en gagne 2.000 que son ennemi est celui qui en gagne 800"...

Les GMS en font l'amère expérience lors d'une tentative de blocage d'un site PSA, se heurtant à l'hostilité de leurs pairs manipulés par leur direction par l'entremise d'un syndicat "maison"...



Est-ce à dire qu'on risque de sortir de cette lecture plus résigné encore devant l'ordre établi qu'au moment d'y entrer ?

En fait non. Car toute la force du récit de Bertina - toute la force en réalité de la mobilisation des GMS - réside dans l'humanité de ses protagonistes, leur créativité et leur inextinguible détermination à dire "non" quand tout devrait au contraire les pousser à capituler.

Bertina élucide avec beaucoup de justesse la parfois galvaudée "fierté ouvrière". Fierté du travail accompli d'abord, comme lorsque les ouvriers reconditionnent eux-mêmes pour d'autres tâches des machines sinon vouées au rebut à cause des calculs commerciaux erronés des polytechniciens de Renault ("voilà ce que ramasse le mot fierté : la surprise et la joie de s'être sorti d'une situation nécessitant de l'intelligence plutôt que des réflexes, du courage ou de la force ; se découvrir créatif") ; fierté de la lutte collective ensuite, quand on déploie mille trésors d'inventivité pour défendre ses intérêts en même temps que ceux de toute la collectivité.



Pour ne rien gâcher, le récit de cette lutte prolongée, multiforme et pleine d'abnégation compte aussi son lot de moments cocasses et de répliques savoureuses : tel salarié faisant mine de chercher la caméra cachée de Marcel Béliveau dans le bureau d'un Benjamin Griveaux déconfit pour lui faire sentir tout le bien qu'il pense des "avancées" que ce dernier vient de lui annoncer ; ou bien tel autre brocardant un policier en civil chargé de les filer discrètement avant une entrevue avec Bruno Le Maire : "Vous pouvez dire au ministre qu'on est bien arrivés, merci d'avoir assuré notre sécurité". 😂



Par ailleurs, en professionnel des mots, Bertina dévoile la perversion et l'hypocrisie du langage néo-libéral. Ainsi des PSE ("plans de sauvegarde de l'emploi") : "bijou de langue managériale, créolisée par les tenants de l'ordre social : émousser les mots qui disent trop nettement la réalité, les travailler jusqu'à ce qu'on entende "emplois sauvés" en lieu et place de "licenciements"...



L'auteur conclut son récit sur la nécessaire unité des luttes des travailleurs de toutes catégories, de l'intermittent du spectacle au métallo - là où les puissants les voudraient séparés ("nous ne serions que des individus, des solitudes..."). Face au discours atomisant des puissants, il faut donner à voir le réel. "On ne saurait donc laisser la description du monde à ceux qui nous dirigent." Et dans cette perspective les récits de luttes sont essentiels, quelle que soit leur issue. "Les œuvres les plus sombres ne dépriment pas ; on ne sort pas abattus du Voyage au bout de la nuit ou d'Apocalypse now, mais enthousiastes. On ne sort pas abattus du combat des GMS." On peut en dire autant de ce beau livre d'Arno Bertina.
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Des châteaux qui brûlent

Des châteaux qui brûlent est un roman écrit par Arno Bertina publié aux Editions Verticales en 2017.



Il s'agit d'un huis clos qui prend place dans une usine d'abattage de volaille. Les salariés, désespérés par le fait que leur usine va devoir fermer car sans repreneur, occupent les locaux et prennent un secrétaire d'État en otage.



J'ai trouvé ce sujet très intéressant et d'actualité. L'auteur réussi à balayer plusieurs types de personnalité et de point de vue dans son roman. Malheureusement, j'ai eu beaucoup de mal avec le rythme du récit que j'ai trouvé écrit à bâton rompu. Même si je pense avoir compris les différents messages qu'a voulu faire passer l'auteur, j'ai vraiment eu l'impression de passer à côté de cette lecture. Le style d'écriture est trop saccadé à mon goût, cela manque grandement de fluidité et je me suis surprise à sauter des passages entiers.



Malgré cet avis en demi-teinte, je salue le travail de l'auteur qui s'est lancé dans un roman moderne et militant qui témoigne de la position épineuse de certains salariés dans la société actuelle. Arno Bertina a également fait un portrait incisif de nos politiciens et cela est vraiment très drôle.
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Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne, t..

Reçu, un peu en avance, en guise de cadeau pour la fête des mères, parce que je suis une inconditionnelle de Linda Lê.



Ce court ouvrage collectif, dont chaque texte est précédé par une (si belle !) photo de l'autrice ou de l'auteur, est un livre qu'on peut qualifier de livre de commande. En effet, « depuis 2017, la Maison des écrivains et de la littérature invite des autrices et des auteurs à jouer au « Livre en question », en écrivant un texte librement inspiré par la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (BIS) ».

Dans la préface, Laurence Bobis, rappelle la force de ces textes rédigés entre 2020 et 2021 : « Malgré les circonstances, ces cinq textes sont des messages d'espoir ou des invitations à ne pas désespérer. » (p. 8), tandis que Sylvie Gouttebaron, nous propose une définition ludique de la bibliothèque : « La bibliothèque est un jeu de patience, mais aussi un jeu de l'oie – sans puits ni prison –, une marelle, un labyrinthe (c'est connu) – sans autre destination ou issue que la satisfaction d'un désir de savoir, de connaître toujours recommencé, jamais exaucé –, tous jeux aussi tentants que le diable gisant dans chaque détail insoupçonné de ses méandres en relief, véritablement habités. » (p. 11)

C'est Linda Lê qui a eu l'honneur d'ouvrir le bal, avec « La langue de l'éternel questionnement » (pp. 15-30). Pour elle, les livres s'enchaînent les uns aux autres et elle extirpe de l'oubli et de la BIS, grâce à Iouri Tynianov, un certain Alexandre Griboïedov, auteur malheureux d'un pièce de théâtre intitulée « Le Malheur d'avoir trop d'esprit ». Linda Lê fait remarquer que : « Le fil qui relie Nadejda Mandelstam à Iouri Tynianov, puis à Pouchkine et à Griboïedov, c'est l'évocation des temps troublés. » (p. 25). Elle mentionne « à la BIS, deux thèses consacrées à Griboïedov, en 1907 et en 1965 » (p. 26). Selon elle, « Chez Griboïedov, la langue de l'éternel questionnement oscille entre le cynisme des uns et l'effacement des autres » (p. 29), car « il ne reste aux « purs » qu'à battre en retraite » (p. 28). Ainsi, pour elle, « La question demeure : le livre en question serait-il une énigme à résoudre, l'objet d'une enquête qui mène à un autre livre ? » (p. 30)

Arno Bertina, s'est penché (pp. 31-46), quant à lui, à la BIS, sur la question « Des tracts et des affiches ». D'entrée de jeu il affirme que : « Mondialement célèbre, ce lieu est éminemment labyrinthique, insaisissable » (p. 31), et constate que le rôle de conservation d'une bibliothèque est « d'opérer un tri drastique entre ce qui relève du savoir, de la culture et ce qui est pauvre, circonstanciel, non autorisé » (p. 34).

Muriel Pic, dédie son «  Manicules (à la BIS) » à la mémoire de Jacques le Brun. Elle relate sa longue expérience de lectrice en s'intéressant notamment à l'ensemble des annotations et plus particulièrement aux stigmates laissés par certains lecteurs. Pour la définition des manicules on peut retenir le passage suivant : « La manicule est une petite main que dessinaient jadis les lecteurs sur les joues pâles des livres, à distance de l'axe vertical des textes qui va du blanc de tête au blanc de pied, et distribue les mots de gauche à droite sur toute la surface du rectangle d'empagement. C'est un geste de lecture pour indiquer ce qui a retenu l'attention, doit être gardé en mémoire ou sera commenté plus tard. La manicule est une trace en forme de petite main que l'on trouve dans les marges des manuscrits et des incunables à partir du neuvième siècle. Elle a l'index pointé sur une phrase articulée par une bouche imaginaire, dont les deux hémi-lèvres se touchent en forme d'arc de cupidon. Tout texte a son propre visage, ses propres mimiques, sa propre tache de naissance. Grâce à elle, on comprend qu'un livre a été pris en main. Un lecteur fait signe sur la surface diaphane du parchemin. Une motion intérieure affleure sur la peau animale, chèvre, mouton, veau » (pp. 50-51), tandis que pour les stigmates, on retiendra surtout ceci : « Il est remarquable que les ouvrages portant les marques de lecture les plus sauvages aient trait à des sujets politiquement délicats. C'est en tout cas le constat que l'on peut faire si on ouvre l'armoire des livres détérioré de la Sorbonne, sachant qu'il n'y a pas de limite à la fantaisie dans le domaine de la destruction des livres. le plus frappant a été pour moi d'y trouver l'ouvrage d'Annette Wieviorka littéralement dévoré sur les bords par je ne sais quel animal anonyme soudain doué d'une haine qu'ignorent en temps normal les bêtes » (pp. 87-88).

On se souviendra que les fantômes sont aussi des « revenants » avec le magnifique texte de Jean-Christophe Bailly (pp. 101-118).

Dans le dernier texte « Comme un cygne » (pp. 119-130), Jean-Marie Gleize nous parle de poésie, et plus amplement d'Alphonse de Lamartine.

La dernière phrase est sublime : « Il pourrait n'être pas absurde de dire qu'il s'agit, dans cette « Mort de Socrate », de quelque chose comme le suicide de la philosophie par absorption d'un poison qui n'est autre que le chant romantique, le chant des cygnes ou des signes, la très suave ciguë de l'harmonie poétique et religieuse. » (pp. 129-130)



Un court recueil donc avec des auteurs (à l'exception de Linda Lê) inconnus pour moi qui a été aussi l'occasion de garnir généreusement de futures listes de livres à lire. Un bel hommage à ce lieu d'exception qu'est la BIS !
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Ceux qui trop supportent

Arno Bertina est écrivain, de récits, de romans, membre du collectif Inculte. Ses fictions empruntent au réel, ses vues du terrain se font littérature, celle du réel, et ici plus que jamais la prolétarienne contemporaine, celle qui dit, dénonce et soutient.



Pour ce livre, il a suivi, entre 2017 et 2020, le combat des salariés de GM&S, usine d’équipements automobile qui en a vu de toutes les couleurs au fil des changements successifs de direction, reprises diverses, plans sociaux, sursauts vérolés. Car c’est finalement bien de ce dont il s’agit, du portrait d’une gestion financière abjecte, avec des investisseurs prêts à prendre où il faut quitte à faire de bonnes coupes, pour réinjecter dans les porte-feuilles personnels déjà bien garnis. Ces portraits là donc, qui se confrontent aux silhouettes de ceux qui se prennent ça en pleine face, l’incertitude croissante face à la redondance des suppressions d’emploi, au bon vouloir de ceux qui en veulent toujours plus et auxquels on laisse la possibilité de s’épaissir encore et toujours.



Arno Bertina ne livre pas un essai sociologique ni une étude journalistique. Comme pour le Congo avec L’âge de la première passe, il entre dans le groupe, interroge, avec la spontanéité de celui qui retient une gaffe au passage, observe, s’inscrit, pour un récit documenté et documentaire à teneur littéraire, avec un agrandissement de l’angle, des passerelles ajoutées, des références appelées, et beaucoup d’empathie. Car c’est aussi et surtout une gloire à l’intelligence collective, au poids du groupe solidaire face au poids des deniers, face à la violence de ceux qui tiennent les rênes à la manière d’une partie de petits chevaux, la voix du peuple face à ceux qui la font méchamment à l’envers sans même hausser un sourcil.



En 2017, Arno Bertina publiait le roman Des châteaux qui brûlent, dans lequel il était déjà question de luttes sociales, avec l’histoire, imaginée, de salariés d’un abattoir qui occupaient le terrain pour ne pas perdre leur emploi. La fiction a rejoint la réalité, sur l’invitation des salariés de GM&S de voir de près ce que ça pouvait donner, tout ça, concrètement. Le voilà donc à La Souterraine, dans la Creuse, et dans cette boîte qui fait tourner le bled, à se faire non pas porte-parole mais bien observateur, de comment les choses tournent.



Donner la voix à ceux qui en manque, d’autres l’ont déjà fait avant, et récemment Joseph Ponthus avait fait cela admirablement avec A la ligne, l’accent poétique en plus. Pour le coup le salariés de GM&S n’en manquaient pas, de voix, leur combat a été médiatisé, c’est même un conflit social qui a marqué le début du quinquennat Macron. Les ex-GM&S ont déjà fait l’objet d’un film, On va tout péter ! de Lech Kowalski, et d’une BD, Sortie d’usine de Benjamin Carle et David Lopez. Et pourtant, malgré la route parcourue, malgré les batailles judiciaires, cela n’a pas suffit à enrayer le rouleau compresseur.



Pendant quatre ans, Arno Bertina est allé à la rencontre des salariés, a recueilli les témoignages de ce combat des hommes face aux stratégies économiques. Un sacré boulot, et une lecture absolument nécessaire, surtout en ces temps pré-électoraux… Alors on sait tout ça, mais visiblement pas encore suffisamment puisque l’impunité semble sans limite, toujours en quête d’un nouveau modèle juteux à tester, façonner, mettre en place. Le capitalisme et le libéralisme sont pleins de ressources, mais ne doutons pas qu’en face nous avons les mêmes. Puisse ce genre de récit faire ouvrir les yeux encore collés devant la réalité du monde qui nous entoure, on peut toujours rêver, et à défaut soutenir, et lutter.
Lien : http://casentlebook.fr/ceux-..
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Ceux qui trop supportent

Lorsqu'on commence la lecture d'un récit on s'attend pour le moins à ce qu'il nous révèle une certaine vision de la réalité, voire nous délivre une part de vérité. Une part romanesque pourrait paraître surprenante ou malvenue comme si elle risquait d'en dénaturer l'authenticité. Pourtant, lorsqu'au détour d'un chapitre, l'attachement aux personnages fait son effet, que même si le dénouement est connu le déroulement de l'intrigue suscite toute votre attention et les émotions affleurent, on ne peut nier qu'il s'agit de littérature. Ce n'est pas de la fiction, mais c'est un roman. De la littérature de non-fiction.



Peut-être est-ce le sujet qui m'a particulièrement captivé, peut-être est-ce parce que c'est indéniablement bien écrit, mais cette chronique du démantèlement d'une d'usine est aussi un pamphlet implacable contre le capitalisme.

Patrons voyous avec la complicité de l'État contre la fierté ouvrière. Transformation d'une gestion industrielle à l'éthique paternaliste en management cynique aux seules visées financières. Le mépris face à la solidarité comme réflexe humain de survie. Des corps exténués. Une région siphonnée par la désindustrialisation. La morgue des puissants. Le désenchantement de "Ceux qui trop supportent". La chronique entre espoir et désespoir d'un peuple malmené. Cela ressemble à un sermon d'église, peut-être la foi inébranlable d'une "communauté de destins reliant ceux que l'État bourgeois maltraite". Résister encore et toujours.



Je remercie Babelio et les editions Verticales pour cette lecture qui n'a pas fini de me marquer.
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Ceux qui trop supportent

Arno Bertina a suivi pendant 4 ans les ouvriers de GM§S en lutte pour garder leur usine et leurs emplois. Le livre est le résultat de son enquête et il était prêt à être publié quand ces anciens salariés ont obtenu une indemnisation pour licenciement illégal.

Cette usine de pièces automobiles, La Souterraine, est située en Creuse. Placée en redressement judiciaire en 2016, elle a connu reprise, licenciements, changements de nom, licenciements.

Arno Bertina en tant qu'écrivain écoute, accompagne le mouvement, analyse. Il nous livre ainsi des témoignages émouvants d'ouvriers, fait le récit de leurs déplacements (à l'Assemblée, sur d'autres lieux de lutte), de leurs rencontres et décortique les moyens mis en place par les grands groupes ( Peugeot, Renaud ) pour détourner l'argent public et laisser aux sous-traitants le soin de licencier. Les politiques parlent et oublient ou s'en désintéressent.

Il rend compte de la solidarité de ces hommes, de leur capacité à réagir, voire à proposer des solutions. Mais avant tout il témoigne de leur dignité alors qu'ils se heurtent à beaucoup de mépris.

A lire avant les élections pour mieux comprendre le fonctionnement du libéralisme économique !
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Ceux qui trop supportent

Arno Bertina célèbre le combat et le courage, la solidarité et l’intelligence de salariés qui tentent de sauver leur outil.
Lien : https://www.lalibre.be/cultu..
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Ceux qui trop supportent

Fort d’une écoute sensible et généreuse, réajustant sans cesse les outils du scribe qu’il devient ici, il réussit à montrer, au-delà de la détresse sociale, l’émergence d’une intelligence collective nourrie d’impulsions individuelles.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Ceux qui trop supportent

Dans un récit empathique, l’écrivain salue l’intelligence collective des salariés de GM&S en lutte pour leur emploi depuis 201.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Ceux qui trop supportent

Au plus près de la lutte sociale pour la survie et pour la fierté, une compréhension humble et intime de ce qui peut et doit nous mouvoir, contre tout ce qui serait promis et inévitable.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/25/note-de-lecture-ceux-qui-trop-supportent-arno-bertina/



Quatre ans après son grand roman « Des châteaux qui brûlent » (dont une nouvelle adaptation théâtrale est en cours grâce à Anne-Laure Liégeois, après celle de Julien Campani en 2020), et après deux précieux intermèdes de bouleversant récit documentaire intime (« L’âge de la première passe », 2020) et de fascinante mise en fiction collective d’un intense travail de terrain (« Boulevard de Yougoslavie », 2021, avec Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe), Arno Bertina revient sur ce qui s’affirme de plus en plus comme l’un de ses champs d’action privilégiés, à savoir la défense acharnée conduite par des salariés contre la fermeture absurde et avide de leur usine, triste balise de notre contemporain s’il en est. À la différence du fictif (mais très documenté) élevage/abattage de poulet finistérien du précédent roman, le travail au corps et au cœur des témoignages et des analyses pratiqué dans « Ceux qui trop supportent », publié en octobre 2021 chez Verticales, concerne une situation bien réelle, celle de la société GM&S, sous-traitant automobile (principalement au profit du groupe PSA), spécialisée dans l’emboutissage et installée à La Souterraine, la deuxième ville de la Creuse, société placée en redressement judiciaire en 2016 et confrontée depuis à d’épiques et le plus souvent fort crapuleux « repreneurs », dans un contexte de licenciements massifs, de fermetures programmées et d’aides détournées, dans un silence cauteleux de la part des donneurs d’ordre et d’une partie des pouvoirs publics.



Dans le panorama mouvant et morcelé d’une littérature prolétarienne contemporaine toujours à renouveler, pour tenter de franchir les murailles épaisses de l’intérêt individuel bien compris et de l’indifférence, et bien que son œuvre, dans son ensemble, s’en irrigue profondément sans se réduire à un combat, ce qui distingue peut-être Arno Bertina – et qui, disons-le tout net, fait une partie de sa grande force de pénétration -, assez loin finalement des envolées épiques n’hésitant pas à mettre en jeu la caricature (et devant tant sans doute aux scénographies plus anciennes d’un René-Victor Pilhes) de Gérard Mordillat, plus proche certainement de la complicité d’un François Bon envers la vie matérielle, de l’intériorité en confrontation douce d’un Joseph Ponthus, de l’attention extrême portée aux tenants et aboutissants d’une Élisabeth Filhol, ou du sens technique de la lutte d’un François Muratet, c’est peut-être bien son extrême pudeur et son humilité respectueuse, s’informant le moment venu en capacité à instiller le sens du temps, y compris dans des situations d’urgence extrême et de lutte potentiellement acharnée. Comme il nous l’avait déjà montré avec tant de talent dans « La borne SOS 77 » et dans « Numéro d’écrou 362573 », et beaucoup plus récemment – et avec quel éclat feutré ! – dans « L’âge de la première passe », Arno Bertina recueille de tout près de la parole vraie, prend le temps de la comprendre et pas seulement de la saisir (et on se souvient de la modestie intelligente de sa tentative d’appréhension de cet enjeu dans son journal de résidence de 2013, « SebecoroChambord »), pour pouvoir lui donner juste ce qu’il faut de contexte, sans glose et sans tentation essayiste, et de se mettre ensuite en situation de traduire pour nous, au plus profond, le mélange de résignation et de rage qui caractérise désormais certaines luttes indispensables.



À l’heure où plus que jamais une mondialisation pour nantis, dont l’industrie automobile a pu être particulièrement emblématique, secrète des requins affairistes à l’affût de tours de passe-passe à effectuer avec l’argent public, des spécialistes des ripailles versaillaises et de l’évasion en étui de contrebasse, des délocalisateurs, relocalisateurs et reclasseurs en tout genre dont le mantra de « mobilité » masque toujours bien mal la volonté de réduire de véritables personnes à des flux aussi volatils que ceux, rêvés, des capitaux, « Ceux qui trop supportent », dussent-ils parfois offusquer le chaland et le préfet aux ordres par la combustion de quelques pneumatiques et la menace éventuelle d’explosions de carburants, nous rappellent que la violence exercée presque en permanence aujourd’hui par l’alliance, opportuniste ou structurelle, d’une puissance publique dévoyée et d’un capital jamais rassasié, n’a pas grand-chose de légitime, quand bien même elle se draperait, comme à l’accoutumée, dans la légalité.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Ceux qui trop supportent

Bravo et merci de ce récit qui fait chaud au cœur. Heureux d’avoir fait la connaissance de ces camarades creusois. Cet hommage à la résistance sonne juste. La juste distance de Arno Bertina et sa posture toujours questionnée et raisonnée épousent l’honnêteté foncière de cette lutte . Les chants les plus désespérés sont les chants les plus beaux ? Le discours de la préfète et son analyse raisonneront longtemps en moi.
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Boulevard de Yougoslavie

J'ai habité ce quartier une quinzaine d'années dans les années 60-70. J'espérais trouver dans ce livre une monographie historique et sociale du quartier, de ses évolutions, de sa population. Or il n'y a même pas un portrait complet de la zone du Blosne lors de l'écriture du livre. Seulement des touches pointillistes guère éclairantes et aucune peinture d'ensemble. Sur l'évolution du quartier, quelques observations très generales, qu'on peut faire mutatis mutandis pour tous ceux qui ont été édifiés à la même époque. Mais aucun effort de les contextualiser dans le cadre de ce quartier précis sur lequel nous n'appartenons rien. Rien ? Enfin si : le projet de l'auteur a été retoqué et il est vexé. Il n'ose pas traiter les habitants d'imbéciles mais le coeur y est.

Ce qui est dommage, c'est que l'auteur juge aussi inutile de nous présenter son projet. Peut-être ne serions nous pas capables de les apprécier à leur juste valeur. Parce que quand même les conceptions architecturales de l'auteur sont un peu inquiétantes. Il loue Le Corbusier à longueur de pages, allant jusqu'à défendre son fameux projet de rénovation de Paris au début des années 50 : démolition totale de la ville et construction de quelques dizaines de gratte-ciels à la place.

On se dit que finalement les habitants du Blosne ont peut-être eu quelques bonnes raisons de chahuter l'architecte.

Mais l'auteur a trouvé la solution pour retomber sur ses pieds : ce n'est pas son projet qui est mauvais ce sont les habitants du quartier qui ne sont pas les bons. Parce qu'il y a, nous dit-on, deux catégories d'habitants au Blosne : les mauvais, des Blancs petits-bourgeois ; ce sont eux qui ont participé à l'enquête et qui n'ont pas aimé le projet. Par stupidité et égoïsme. Et les bons habitants, les immigrés. Eux, ils auraient peut-être aimé le projet, sait-on jamais ? Mais ils ne sont pas venus donner leur avis. Parce qu'ils n'ont pas osé. A cause des Blancs. Sûrement. En tout cas, si le peuple vote mal, il faut changer de peuple. Après quoi l'architecte part en mission auprès des habitants (les bons, bien sûr) afin de recueillir leur parole. Ça n'a plus rien à voir avec l'urbanisme ni avec la structure et le fonctionnement du quartier. Parce qu'en réalité, cela transparait dans les interviews, ils se foutent complètement des projets de réaménagement.

Donc, finalement, c'est vrai, ils ne sont pas contre. Mais le réaménagement, on en parle à peine. A la place, l'auteur expose ses vues sur la société. Et on a déjà lu ça mille fois. C'est toujours le même tissu d'apitoiements et d'indignations convenus, la même stigmatisation de l'égoïsme de notre société. Bref, pour moi, ça devient très emmerdant. Alors j'ai arrêté ma lecture. Mon lecteur le plus distrait a sans doute déjà compris que l'architecte ne m'est guère sympathique. C'est vrai. Outre ce que je lui ai déjà reproché, il fait preuve d'une belle hypocrisie : l'intraitable disciple de le Corbusier nous révèle que son cabinet se situe dans un immeuble mi-modern style mi-art déco du centre- ville. Selon lui, cet immeuble est immonde, mais si on voulait le démolir, la coalition des conservateurs de tout poil monterait sur les barricades. Mais au fait...qui donc contraint ce malheureux à garder ses bureaux à un endroit qui le fait tant souffrir dans sa pureté architecturale?

Ce sera mon mot de la fin.

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Boulevard de Yougoslavie

Trois écrivains non-rennais délivrent le fruit de leur travail après une résidence de quatre ans dans un quartier du sud de Rennes. Pas mal du tout ! Bien fichu, bien écrit. Un travail entre l'écrivain et le journaliste.

Un livre qui intéressera les curieux, les Rennais et les personnes intéressées par la rénovation urbaine et les limites de la démocratie participative.
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Boulevard de Yougoslavie

Le formidable roman choral, très intime et très politique, d’une rénovation urbaine contemporaine, et de ce que peut encore, peut-être, le volontarisme intelligent et pragmatique du vivre-ensemble.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/07/13/note-de-lecture-boulevard-de-yougoslavie-arno-bertina-mathieu-larnaudie-oliver-rohe/



Années 2010 : Le Blosne, quartier périphérique de Rennes, la capitale administrative bretonne, issu des années 1960, doit (enfin) être rénové en profondeur, après plusieurs décennies de mesurettes d’accompagnement, tolérables car le design initial et la qualité de la construction d’époque s’étaient révélés solides, à la différence de beaucoup de réalisations urbaines de ces années dites « glorieuses ».



Aux commandes du processus de rénovation en préparation, la mairie de Rennes bien entendu, et le jeune cabinet d’urbanisme et d’architecture local de Youcef Bouras et de son associée : c’est sur eux que s’abat au premier chef la révolte apparente des habitants du quartier lors de la présentation de l’audit qui vient d’être réalisé. En un rétablissement lumineux, l’adjointe chargée du logement propose alors un processus inédit de démocratie participative, en demandant aux administrés de prendre en charge eux-mêmes la conception de la rénovation, avec le soutien technique de l’université de Rennes, soutien payé naturellement par la Mairie.



Pour la lectrice et le lecteur, aux côtés de Youcef Bouras lui-même, spectateur sceptique de ce processus né d’un désaveu qu’il digère particulièrement mal, qui sera pourtant notre principal guide au cœur de ces mois fébriles de réorientation inhabituelle d’un programme « descendant », on trouvera Saïd Layachi, lycéen passionné de cinéma qui arpente volontiers en bicross les moindres recoins qu quartier, Nicole Pierre, dame âgée et membre du club informel des « tricoteuses », aussi discret que souterrainement influent, Nadine Gaulthier, travailleuse sociale, Luis Horacio Rios, psychologue praticien, Leslie Ferrand, jeune universitaire détachée sur le « nouveau » projet, et enfin Ayham Azzam, réfugié syrien fraîchement débarqué sur les bords de la Vilaine et de l’Ille, pour organiser sous nos yeux une fascinante appréhension à facettes de la ville comme quotidien et comme politique.



À partir d’un véritable projet de rénovation urbaine, de l’un de ces exemples d’une politique de la ville trop souvent aléatoire, projet qui n’a rien de fictionnel, en mettant à profit une résidence littéraire au long cours (à l’opposé de la pratique répandue des séjours de un, deux ou trois mois qui prévalent en la matière) et en organisant entre eux trois une sorte de course de relais efficace, Arno Bertina, Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe nous offrent, avec ce « Boulevard de Yougoslavie » (du nom de l’une des principales artères quadrillant le quartier du Blosne) publié chez Inculte Dernière Marge en mars 2021, un roman passionnant, une mise en fiction entraînante qui pousse vraiment à la réflexion de fond, à propos de l’urbanisme contemporain dans ce qu’il a de plus vivement politique, et, naturellement, à propos de bien d’autres choses qui en procèdent directement ou indirectement. Mêlant, croisant et fusionnant avec une extraordinaire habileté des thèmes souterrains plus spécifiquement travaillés auparavant par chacun des trois auteurs, déracinement (Oliver Rohe : « Défaut d’origine » en 2003 ou « Terrain vague » en 2005), heurs et malheurs de l’improvisation autogestionnaire (Arno Bertina : « Des châteaux qui brûlent » en 2017) ou détours performatifs de la parole politique (Mathieu Larnaudie : « Acharnement » en 2012 ou « Les jeunes gens » en 2018), notamment, « Boulevard de Yougoslavie » nous force avec une surprenante bienveillance, mais sans jamais relâcher sa pression littéraire et politique, à regarder dans les yeux les conséquences intimes de nos prises de décision passées et présentes, de nos actions et de nos inactions, dès lors qu’il s’agit bien de vies communes et de société opérante, capable de se projeter vers un avenir autre que celui de l’effondrement à déchirures terminales promis par l’aveuglement capitaliste persistant. Et c’est ainsi sans doute, avec une aussi belle médiation par la littérature, que, en paraphrasant la phrase précieuse d’Yves Lacoste, la géographie – dans ses acceptions les plus larges – peut bien servir d’abord à autre chose qu’à faire la guerre.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Boulevard de Yougoslavie

Ce livre est venu à ma rencontre par hasard sur l'étagère de ma librairie... La couverture m'avait attirée ainsi que l'éditeur que j'apprécie beaucoup... Et lorsque j'ai lu la quatrième de couverture, je n'avais plus le choix, il fallait que je le lise !

Ce livre est issu d'une résidence de 3 auteurs pendant 4 années dans le quartier du Blosne en ZUP sud de Rennes où j'ai grandi. J'y ai retrouvé les noms de rue, la description du quartier, de ses tours, de ses espaces verts, des regroupements de jeunes, du Triangle qui était ma bouffée d'oxygène avec sa bibliothèque, des relations de voisinage parfois tendues, du multiculturalisme... Quartier que j'ai fuit adulte notamment pour sa misère et sa violence, avant qu'il ne se métamorphose...



En dehors de cette donnée géographique qui m'a nécessairement captivée, ce que j'ai apprécié ce sont les portraits d'habitants, les anecdotes pour essayer de les comprendre au-delà des apparences et des préjugés... Ces morceaux de vie sont contés avec pudeur et bienveillance.

Et pour finir, ce qui m' a le plus interpellé est la réflexion sur la démocratie participative : comment impliquer pleinement les citoyens dans un projet ? Comment constituer un échantillon représentatif de la population ? Comment réussir à donner la parole et faire s'exprimer des personnes dans l'ombre de la société, bâillonnées par la non maîtrise du français et de nos codes culturels ?

Le portrait de l'urbaniste, expert dans son domaine après des années d'études était saisissante : accepter de remettre son travail en cause et son savoir, faire preuve d'écoute et co-construire le projet était vécu par le personnage comme une deconstruction de sa vie et de ses principes.

Une belle lecture qui me suivra longtemps personnellement et professionnellement.
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L’âge de la première passe

Comme je veux écrire des récits de vie, depuis quelques temps, je vais dans un centre de réinsertion de l’association Notre Dame des sans-abris à Lyon et que je recueille, avec bien des difficultés et des hésitations, des récits de vie de ces hommes fracassés mais debout, souriant, à l’air tranquille, malgré toutes les tempêtes et les horreurs qu’ils ont traversées et qu’il traverse encore, dans les bâtiments majestueux d’un ancien couvent de franciscaines, je m’interroge sur le rôle du scribe, de l’écoutant, sur sa légitimité, sur sa place, sur sa perversité de voyeur, bref et j’entends parler du récit d’Arno Bertina, vite, dès la fin du confinement, je l’achète.

Lui, il est sur un terrain encore bien plus dangereux, plus impliquant, il est allé plusieurs fois au Congo invité par l’association ASI, Actions de solidarité internationale « une ONG modeste. Créée en 1985, ASI a peu de moyens et doit parer au plus pressé en ciblant des personnes les plus vulnérables (entre les femmes et les hommes, ce sont les femmes ; parmi elles, ce sont le plus jeunes et s’il y a des mineures, ce sont celles qui sont déjà mamans). ASI vient au secours des « filles vulnérables » que les infirmières approchent dans les lieux de prostitution. Elles leur proposent de fréquenter un foyer, dans le quartier de Tié-Tié où elles peuvent suivre des cours d’alphabétisation et des focus sur les questions de santé les concernant, ou leurs enfants qui ont moins de 5 ans, ces derniers sont pris en charge par une puéricultrice, ce qui permet aux bénéficiaires de souffler un peu dans la journée. Le déjeuner est offert aux mères comme aux enfants, ce qui leur assure au moins un repas par jour pendant la semaine, ainsi que des soins. ( …) L’ambition était celle-ci : animer un atelier d’écriture qui donnerait à ces mineurs l’occasion de parler d’elles. Car l’écriture peut écarter la honte, à moi de les aider à rejoindre leur histoire malgré la violence incrustée comme un destin auquel, à 13, 14 ans, elles commencent à croire dur comme fer. Ce serait une marque d’infamie. A 13, 14 ans, elles commencent à désespérer, et c’est poignant. Mon rôle, les aider à éclater, par l’écriture, ces concrétions qui phagocytent et paralysent l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.»

Il précise encore « écrire pour desserrer les mâchoires de certains mots, « abandon » fait pleurer, « putain » donne envie de disparaitre). Et en débusquer d’autres, au fil des brouillons, véhicules d’un regard tout neuf sur leur histoire et leur personne, ou même leur corps.



Tendre l’oreille, observer. Essayer de tout comprendre (…)

Tendre l’oreille, essayer de tout noter, de voir -essayer- car je sais que je manquerai beaucoup de signes ou que j’interprèterai de manière biaisée ceux qui m’alertent. »

Donc, il raconte ces différents séjours à Pointe Noire au Congo dans ce foyer, dans la ville aussi où il accompagne la tournée des infirmières qui vont à la rencontre des filles sur leurs lieux de prostitution. Il raconte et il fait parler, il insère alors leurs récits de vie dans ses descriptions, des quartiers, des rencontres, dans les récits de ses voyages précédents, dans ses réflexions sur lui-même, ses complexes, sa tristesse morbide, son incapacité à garder un amour, ses interrogations constantes sur la misère en Inde, ou en France, sur les prisons.

Il s’interroge sur sa place dans cet endroit : « Quelle est ma place dans ce bordel ? Dans la désolation des terrasses ou l’agitation des rues, dans l’obscurité des cours intérieures et des chambres de passe... ? Dans la cour du foyer des filles vaillantes… apparemment, je suis invisible.»


Lien : https://www.maryse-vuillerme..
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