AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072851605
272 pages
Verticales (05/03/2020)
3.09/5   11 notes
Résumé :
«Ceci n'est pas un essai sur le Congo. Cinq longs séjours, à l'invitation d'une ONG, ne permettent pas d'écrire sur un pays. Ce n'est pas non plus un récit de voyage. Alors quoi? C'est assurément un livre sur les filles des rues que j'ai rencontrées à Pointe-Noire et Brazzaville, dont j'ai voulu décrire la force et les blessures. Mineures n'ayant pas d'autres ressources que la prostitution, souvent orphelines et déjà mères, elles se métamorphosent dès la nuit tombée... >Voir plus
Que lire après L’âge de la première passeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Brillant d'intelligence et de justesse !
Il faut un talent certain, une démarche empreinte d'honnêteté, d'humilité, une exigence de neutralité, une capacité à se départir de son bagage socio-intellectuel, à avouer sa perplexité et sa complexité pour porter un regard juste sur ces femmes qui « font la vie », et nous faire entendre leurs pensées, leurs douleurs, leurs désarrois mais aussi leurs espoirs et leurs courages. Il faut un talent certain pour éviter tous les écueils de tomber dans le voyeurisme, le pathos, le sensationnalisme, et se tenir sur une corde raide pour faire ressentir l'émotion, le trouble face à ces vies maltraitées sans sensiblerie ni sentimentalisme. Pour faire ce récit, Arno Bertina a endossé le rôle d'ethnographe pour observer et celui d'écrivain pour relater et donner vie au « foyer des filles vaillantes » en s'efforçant de trouver les mots justes. Dans « L'âge de la première passe », l'écrivain s'est donc employé à décortiquer les mécanismes de violence imposés à ces jeunes femmes pour célébrer leur force, leur énergie, leur dignité, leur vaillance. Pour lui, comprendre ; et pour nous, apprendre. Et c'est sans jamais se départir d'une forme d'auto-dérision, d'une mise en abîme ironique et lucide qui n'est pas là pour alléger le propos mais plutôt pour le rendre davantage vivant et vibrant. Alors ce texte, il faut prendre le temps de lire, le temps de s'arrêter, de faire des pauses, parce qu'on ne peut rester insensible face à certaines souffrances mais prendre le temps surtout pour que le sens des phrases s'inscrive au-delà de notre frontière rétinienne, pénètre et imprègne notre cortex cérébral.
Alors voilà, je ne sais pas qui je suis, ni d'où je parle, pour vous dire de lire ce texte brillant, mais je prends la liberté de le dire ! Lisez « L'âge de la première passe » !!
Commenter  J’apprécie          60
Comme je veux écrire des récits de vie, depuis quelques temps, je vais dans un centre de réinsertion de l'association Notre Dame des sans-abris à Lyon et que je recueille, avec bien des difficultés et des hésitations, des récits de vie de ces hommes fracassés mais debout, souriant, à l'air tranquille, malgré toutes les tempêtes et les horreurs qu'ils ont traversées et qu'il traverse encore, dans les bâtiments majestueux d'un ancien couvent de franciscaines, je m'interroge sur le rôle du scribe, de l'écoutant, sur sa légitimité, sur sa place, sur sa perversité de voyeur, bref et j'entends parler du récit d'Arno Bertina, vite, dès la fin du confinement, je l'achète.
Lui, il est sur un terrain encore bien plus dangereux, plus impliquant, il est allé plusieurs fois au Congo invité par l'association ASI, Actions de solidarité internationale « une ONG modeste. Créée en 1985, ASI a peu de moyens et doit parer au plus pressé en ciblant des personnes les plus vulnérables (entre les femmes et les hommes, ce sont les femmes ; parmi elles, ce sont le plus jeunes et s'il y a des mineures, ce sont celles qui sont déjà mamans). ASI vient au secours des « filles vulnérables » que les infirmières approchent dans les lieux de prostitution. Elles leur proposent de fréquenter un foyer, dans le quartier de Tié-Tié où elles peuvent suivre des cours d'alphabétisation et des focus sur les questions de santé les concernant, ou leurs enfants qui ont moins de 5 ans, ces derniers sont pris en charge par une puéricultrice, ce qui permet aux bénéficiaires de souffler un peu dans la journée. le déjeuner est offert aux mères comme aux enfants, ce qui leur assure au moins un repas par jour pendant la semaine, ainsi que des soins. ( …) L'ambition était celle-ci : animer un atelier d'écriture qui donnerait à ces mineurs l'occasion de parler d'elles. Car l'écriture peut écarter la honte, à moi de les aider à rejoindre leur histoire malgré la violence incrustée comme un destin auquel, à 13, 14 ans, elles commencent à croire dur comme fer. Ce serait une marque d'infamie. A 13, 14 ans, elles commencent à désespérer, et c'est poignant. Mon rôle, les aider à éclater, par l'écriture, ces concrétions qui phagocytent et paralysent l'image qu'elles ont d'elles-mêmes.»
Il précise encore « écrire pour desserrer les mâchoires de certains mots, « abandon » fait pleurer, « putain » donne envie de disparaitre). Et en débusquer d'autres, au fil des brouillons, véhicules d'un regard tout neuf sur leur histoire et leur personne, ou même leur corps.

Tendre l'oreille, observer. Essayer de tout comprendre (…)
Tendre l'oreille, essayer de tout noter, de voir -essayer- car je sais que je manquerai beaucoup de signes ou que j'interprèterai de manière biaisée ceux qui m'alertent. »
Donc, il raconte ces différents séjours à Pointe Noire au Congo dans ce foyer, dans la ville aussi où il accompagne la tournée des infirmières qui vont à la rencontre des filles sur leurs lieux de prostitution. Il raconte et il fait parler, il insère alors leurs récits de vie dans ses descriptions, des quartiers, des rencontres, dans les récits de ses voyages précédents, dans ses réflexions sur lui-même, ses complexes, sa tristesse morbide, son incapacité à garder un amour, ses interrogations constantes sur la misère en Inde, ou en France, sur les prisons.
Il s'interroge sur sa place dans cet endroit : « Quelle est ma place dans ce bordel ? Dans la désolation des terrasses ou l'agitation des rues, dans l'obscurité des cours intérieures et des chambres de passe... ? Dans la cour du foyer des filles vaillantes… apparemment, je suis invisible.»

Lien : https://www.maryse-vuillerme..
Commenter  J’apprécie          10
Arno Bertina a été invité par une ONG au Congo pour mener des ateliers d'écriture auprès de jeunes mineures prostituées. C'est le récit de ces rencontres, de ses réflexions, ce sont aussi les textes de ces jeunes filles qu'il retranscrits.
Pour les entendre, il doit oublier ses propres clichés culturels et faire preuve d'humilité. J'ai beaucoup aimé son analyse sur les langues, le rapport de ces filles au français, langue de la colonisation en opposition à leur langue natale, intéressant aussi ce que dit le vocabulaire sur les liens sociaux et la culture d'un peuple.
Et témoigner sur le vécu de ces mineures est essentiel.
Ses voyages l'ont enrichi "ont déplacé" quelque chose en lui, cette lecture fera de même pour vous...je n'en doute pas.
Commenter  J’apprécie          40
Auprès des jeunes prostituées de Pointe-Noire et de Brazzaville, une étonnante leçon d'empathie, d'humilité, de langage et de littérature.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/04/02/note-de-lecture-lage-de-la-premiere-passe-arno-bertina/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Au cours du deuxième séjour, je suis allé la trouver et on s’est installés dans un coin de la cour – elle ne sait pas écrire, ce sera un entretien. Mais elle parle bien trop bas – je suis un peu sourd et la cour est tout le temps bruyante (trente adolescentes et une vingtaine de petits enfants, dans trois cent mètres carrés…). Avec un grand sourire je l’arrête et lui demande de me parler « beaucoup plus fort ». Elle se répète mais tout aussi bas. Il faudrait que je puisse lire sur les lèvres. Rebelote mais rien à faire : elle murmure. J’arrête de sourire comme un idiot qui prend les autres pour des idiots alors que c’est lui : peut-être veut-elle me confier un secret… Je lui propose d’utiliser un bureau ou la petite salle de classe, ce qu’elle accepte. Ses yeux sont des hameçons, elle ne parlera pas plus fort, à moi d’entendre enfin ce mot qui lui brûle la bouche…
— … sorcière…
Le seul mot qu’elle avait à me dire. Non pas « pute », mais « sorcière ».
— On dit que tu es une sorcière ?
Elle fait oui avec ses hameçons. Oui, c’est cela, mais elle ne répétera pas ce mot. Pourquoi me le confier ? Parce que les Blancs ne croient pas aux sorcières ? Mon scepticisme pourrait l’aider à désactiver le pouvoir de nuisance qui est dans ce mot ? Parce qu’elle a reconnu en moi quelqu’un qui ne validera pas l’exclusion à quoi sont condamnés les hommes ou les femmes accusés de sorcellerie ? Elle m’a confié le plus lourd. Elle n’a pas utilisé ses cordes vocales, seulement ses lèvres. Me parler est un exorcisme. Elle n’est pas une sorcière mais on adit qu’elle en est une et c’est un secret épouvantable, qu’elle ne sait pas traiter elle-même : « En suis-je une pour de bon ? »
De mon côté je comprends la gravité sans y comprendre quoi que ce soit. Les autres filles ne doivent surtout pas savoir qu’elle a cette réputation, ou qu’on l’a un jour dite sorcière, autrement elle serait immédiatement et violemment rejetée du groupe, mise au ban, et certainement ASI n’aurait d’autre solution que de la renvoyer.
Commenter  J’apprécie          20
Lucrèce efface Lucrèce pour devenir – aux yeux de l’écrivain français au moins – Victoria, la victoire. Se réinventer. Chercher la lumière. Inconsciemment sans doute, mais tout de même.
Seulement voilà, c’est une victoire à la Pyrrhus, de celles qui laissent un goût amer ; j’ai sa feuille A4 sous les yeux. Avec le V qui ouvre son nouveau prénom – une belle majuscule dressée comme une enseigne – elle a écrit « victime », et cette explication : « J’ai été victime d’une grossesse abandonnée mais malheureusement avai fait une fausse couche. »
Victoria est une victime, tellement victime qu’on n’a pas le temps de croire à la possibilité de la victoire, vérolée d’emblée par ce qu’elle a vécu, enduré. Dès que le prénom se dresse, hop on lui coupe les jambes, on se moque de son élan. Qui veut crier « victoire » gargouille en fait « victime ».
Avec le « t » de Victoria elle proposera « torture », et écrira pendant une heure sans s’arrêter.
Commenter  J’apprécie          20
Pour ne pas être seulement le Blanc que je suis, et pour ne pas être assigné à l'Histoire dont j'hérite avec la couleur de ma peau, je dois - cette question engage mon humanité et la littérature qui me passionne- ne pas en rester à l'affliction, et faire une place à la joie. Je dois montrer ces filles, lorsqu'elles sont souveraines aussi, autrement je les enferme. leur humour ou les "dix secondes tigre" décrites par Henri Michaux ne démentent pas la détresse. Mais ce serait aggraver les blessures que de ne pas faire une place à ces moments de grande respiration.
Commenter  J’apprécie          00
Il faut voyager ou écrire, sans doute, pour retrouver le goût du mystère contre l'uniforme qui guette et rendre aux étrangers leur part d'altérité. P.121
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Arno Bertina (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Arno Bertina
Dès 19 heures ce lundi 13 mars, retrouvez notre émission spéciale sur le mouvement contre la réforme des retraites, face à l'intransigeance du pouvoir. Plus d'une trentaine de personnalités s'exprimeront sur les causes et les risques de cette attitude, à l'orée d'une semaine décisive.
Des mobilisations historiques contre la réforme des retraites se succèdent depuis maintenant plusieurs semaines, et il ne se passe rien. Ou plutôt : Emmanuel Macron et son gouvernement ne consentent ni dialogue, ni compromis à la hauteur de cette contestation massive, qui traverse les sensibilités politiques, les générations et les catégories sociales. Illustration 1
Comment comprendre ce déni démocratique ? Comment le vivent celles et ceux qui partagent le refus de cette réforme, l'expriment dans la rue, et le portent en tant que responsables politiques et syndicaux ? Quelle issue à cette impasse qui heurte et interroge ?
Voilà les questions que la rédaction de Mediapart posera aux travailleuses et travailleurs, et aux nombreuses personnalités du monde syndical, politique, intellectuel et artistique qui interviendront lors d'une soirée spéciale en direct et au coeur de notre rédaction, ce lundi 13 mars, à partir de 19 heures.
Cette émission aura lieu au seuil d'une semaine décisive, avec une nouvelle journée de mobilisations et le vote final de la loi par l'Assemblée nationale et le Sénat... à moins que le pouvoir n'aille encore plus loin dans sa stratégie du passage en force, en usant du 49-3.
Se succèderont sur notre plateau près de quarante invité·es : Philippe Martinez, François Hommeril, Yvan Ricordeau, Annick Coupé, Caroline de Haas, Michèle Riot-Sarcey, Jérôme Guedj, Aurélie Trouvé, Michaël Zemmour, Valérie Damidot, Sylvie Kimissa, Mouloud Sahraoui, Yann le Lann, Vincent Jarousseau, Arno Bertina, Lucie Pinson, Yanis Khames, Geneviève Fraisse, Manès Nadel, Rachel Keke, Youlie Yamamoto, Anne-Cécile Mailfert, Isabelle Pettier, Yanis Khames, Adrien Cornet, Simon Duteil, Pascale Coton, Karel Yon, Éléonore Schmitt, Sylvain Chevalier, Benoît Teste, Sophie Binet, Cyrielle Chatelain, Aurore Lalucq, Jean-Michel Remande, Mimosa Effe, Agnès Aoudai, Djamel Benotmane.
#Retraites #réformedesretraites #grève
https://www.mediapart.fr/journal/international/210223/un-de-guerre-en-ukraine-l-emission-speciale-de-mediapart#at_medium=custom7&at_campaign=1047
Mediapart n'a qu'une seule ressource financière: l'argent issu de ses abonnements. Pas d'actionnaire milliardaire, pas de publicités, pas de subventions de l'État, pas d'argent versé par Google, Amazon, Facebook… L'indépendance, totale, incontestable, est à ce prix. Pour nous aider à enrichir notre production vidéo, soutenez-nous en vous abonnant à partir de 1 euro (https://abo.mediapart.fr/abonnement/decouverte#at_medium=custom7&at_campaign=1050). Si vous êtes déjà abonné·e ou que vous souhaitez nous soutenir autrement, vous avez un autre moyen d'agir: le don https://donorbox.org/mediapart?default_interval=o#at_medium=custom7&at_campaign=1050
+ Lire la suite
autres livres classés : écritureVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (35) Voir plus




{* *} .._..