Citations de Arturo Pérez-Reverte (1138)
"Ce qui est beau, c'est d'apprendre à voler à un petit moineau, car sa liberté sous entend ton renoncement"
La vie est une aventure incertaine dans un paysage diffus aux limites en perpétuel mouvement, où les frontières sont toutes artificielles ; où tout peut s'achever et recommencer à chaque instant, ou prendre fin subitement, comme par un coup de hache, inattendu à tout jamais. Où la seule réalité absolue, compacte, indiscutable et définitive est la mort.
Et quand je veux savoir, je cherche dans les livres, eux à qui la mémoire ne fait jamais défaut.
Souvent, sur un échiquier, ce ne sont pas deux écoles d'échecs qui s'opposent dans la bataille, mais deux philosophies... deux manières de concevoir le monde.
Rien n'est plus trompeur que l'évidence. C'est un principe de logique qui s'applique aux échecs: ce qui paraît évident n'est pas toujours ce qui s'est produit en réalité, ou ce qui est sur le point de se produire...
La vérité est comme le meilleur coup aux échecs: elle existe, mais il faut la chercher.
La panique lui vint à l'improviste, très différente de la terreur froide qu'elle avait ressentie jusque là. Ce fut une explosion de confusion et d'affolement, brève, sèche, qui la fit crier en portant les mains à sa tête. Ses jambes se dérobèrent et elle tomba assise sur le lit. Elle regarda autour d'elle [...]. Elle sut que ce n'était plus un foyer et que, dans quelques instants ce serait un piège. Elle se vit dans la grande glace de l'armoire : nue, mouillée, les cheveux sombres collés au visage, les yeux noirs très ouverts, exorbités par l'horreur. Cours sans t'arrêter, avaient dit le Güero et la voix qui répétait les paroles du Güero. Alors elle se mit à courir.
" L'homme ne vole pas, il conquiert, il fait de la province qu'il prend une annexe de son empire: il lui impose ses lois, il la peuple de ses sujets, il étend son sceptre d'or sur elle..." La création littéraire serait-elle autre chose ?
Il est étonnant de voir la quantité d'argent qu'on peut mettre au garde-manger en publiant des livres de cuisine
...trop de gens s'entêtent à publier deux cents pages sur les passionnantes expériences qu'ils vivent en se regardant dans le miroir
Vie intense et souvent brève ; car seuls les plus durs de ces hommes avaient réussi à survivre, à s'établir et à délimiter le territoire des grands cartels de la drogue. Des années où tout était à définir. Où personne n'occupait une place sans pousser les autres, et où l'erreur et l'échec se payaient comptant. Mais le seul paiement accepté était sa propre vie. Ni plus ni moins.
Mais rien ni personne ne reste pour toujours. Nul n'est à l'abri, et tout sentiment de sécurité est dangereux. On se réveille soudain avec l'évidence qu'il est impossible de se soustraire à la vie réelle ; que l'existence est un chemin, que marcher sur ce chemin implique un choix permanent. Ou celui-ci, ou celui-là. Avec qui on vit, qui on aime, qui on tue. Qui vous tue.
Incipit
Le téléphone sonna et elle sut qu'ils allaient la tuer. Elle le sut avec une telle certitude qu'elle demeura immobile, le rasoir levé, les cheveux collés au visage, dans la vapeur de l'eau chaude qui ruisselait sur les carreaux de faïence. Bip-bip. Très calme, retenant son souffle, comme si l'immobilité ou le silence pouvaient changer quelque chose au cours d'événements déjà accomplis.
"Ceux qui avaient soutenu au prix de leur sang et de leur vie la vraie foi, les Etats et les possessions de notre monarque étaient infailliblement enterrés ou oubliés." (p. 72).
La géométrie du chaos sur le visage serein d'une jeune fille mourante.
L'homme qui peignait cette immense fresque circulaire, bataille des batailles, avait passé beaucoup d'heures de sa vie à l'affût d'une telle structure, tel un franc-tireur patient, que ce soit sur une terrasse de Beyrouth, sur la rive d'un fleuve africain ou au coin d'une rue de Mostar, espérant le miracle qui, d'un coup, dessinerait à travers la lentille de l'objectif, dans la chambre noire -rigoureusement indifférente- de son appareil et sur sa rétine, le secret de ce canevas d'une incroyable complication qui ramenait la vie à ce qu'elle était réellement : une course folle vers la mort et le néant.
Depuis le début, ce qu'il cherchait était différent : le point d'où l'on pouvait apercevoir, ou tout au moins deviner, l'enchevêtrement de lignes droites et courbes, la trame de l'échiquier sur laquelle s'articulaient les ressorts de la vie et de la mort, le chaos et ses formes, la guerre comme structure, comme squelette décharné, évident, du gigantesque paradoxe cosmique.
Corso était un mercenaire de la bibliophilie, un chasseur de livres à gages. Ce qui veut dire doigts sales et parole facile, bons réflexes, de la patience et beaucoup de chance. Sans oublier une mémoire prodigieuse, capable de se souvenir dans quel coin poussiéreux d'une échoppe de bouquiniste sommeille ce volume sur lequel on le paiera une fortune. Sa clientèle était restreinte, mais choisie : une vingtaine de libraires de Milan, Paris, Londres, Barcelone ou Lausanne, de ceux qui ne vendent que sur catalogue, investissent à coup sûr et de tiennent jamais plus d'une cinquantaine de titres à la fois ; aristocrates de l'incunable pour qui parchemin au lieu de vélin ou trois centimètres de plus de marge se comptent en milliers de dollars.
-J'ai été Jim Hawkins, puis j'ai été Ishmaël, et un temps j'ai cru être Lord Jim... Ensuite j'ai su que je n'avais jamais été aucun d'eux. En un sens, ça m'a soulagé. Comme si je me libérais d'amis encombrants. Ou de témoins.
Dans la vie, le mal n’est pas de savoir mais de montrer que l’on sait. (p. 34)