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Critiques de Asli Erdogan (130)
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Le silence même n'est plus à toi



« Je suis dans l’un des angles morts du destin, un nœud formé de toutes ces routes qui n’en finissent plus de se chevaucher, sans lumière, sans issue et sans retour comme dans un cercueil… » p. 13



Le témoignage d’Asli Erdogan est un brûlot « grave et nécessaire ». Pour la liberté, pour le droit d’expression, pour le droit des femmes à exister et celui des enfants à grandir en paix. Contre les mensonges et les exactions ininterrompues envers les intellectuels et les opposants au régime politique de son pays.



Physicienne et, aujourd’hui écrivain à part entière, Asli Erdogan aura 50 ans dans quelques jours. Ses parents avaient déjà eu à connaître la prison et la torture parce qu’ils militaient pour les droits de l’homme.



Les différents écrits de Ce Silence sont des cris, des cris de désespoir, de détresse, de désarroi, d’incompréhension, de désolation, de déchirement, de dévastation face à la violence et à la haine qui surgissent à n’importe quel moment, à n’importe quel coin de rue. Une répression qui, un jour ou l’autre, vous tombe dessus parce que vous défendez la cause kurde, parce que vous voulez que le génocide arménien soit reconnu, parce que vous soutenez la condition des femmes, parce que vous dénoncez l’oppression, la torture et la terreur institutionnalisées.



Asli Erdogan veut être le porte-parole de tous ces êtres brisés par la souffrance, de ce qu’elle-même a vécu dans Le Bâtiment de Pierre où elle a été enfermée, de tous ces témoignages qui lui ont été confiés, de la peur devenue une compagne au quotidien, dans tous les gestes, tous les regards, tous les bruits de pas. Elle veut briser le silence, ces non-dits universels et millénaires, qui nous concernent tous. Cela ne se passe pas à l’autre bout du monde, dans une république bananière, il y a très, très longtemps, un temps que l’on peut regarder avec détachement, un temps qui n'existe plus.



Cela se passe à nos portes, aujourd’hui, dans un pays qui veut entrer dans l’Europe.



Le 14 mars 2017, Asli Erdogan sera fixée sur son sort qui pourrait être la prison à perpétuité.
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L'homme coquillage

"Peur" et "solitude" sont des mots qui reviennent très souvent dans ce roman. Et "amour", celui avec un grand A. Comment faire en sorte que les deux premiers n'empêchent pas le troisième ? C'est la question que la narratrice ne se pose même pas, en tout cas au début du roman. Femme, jeune, turque, voilà deux ans que cette chercheuse en physique nucléaire est parvenue à se faire engager dans le labo le plus prestigieux d'Europe. A se faire enfermer, faudrait-il plutôt dire. Forçats de la science, elle-même et ses collègues, sous pression constante, n'ont aucune vie en dehors de la recherche nucléaire. La différence, c'est que la narratrice, elle, en est consciente. Dans ce milieu machiste et étriqué, elle vit en permanence au bord du gouffre des difficultés financières, de l'isolement et de la dépression. Parfois elle y tombe. Un été, elle s'inscrit à un séminaire organisé sur l'île de Sainte-Croix dans les Caraïbes. Pendant les rares moments libres, elle s'aventure seule sur la plage, dangereuse pour les touristes blancs dès la nuit tombée. Elle y rencontre Tony, Jamaïcain, pêcheur de coquillages au physique ingrat, couturé de cicatrices. Leurs souffrances s'attirent et se reconnaissent. D'abord terrifiée à l'idée qu'il pourrait la tuer, elle fait peu à peu confiance à cet homme étrange, meurtri, qui lui parle avec des mots à la fois très simples et très profonds. Il se crée entre ces deux êtres une relation très pure, loin des calculs et du cynisme. Elle qui avait oublié qu'elle était une femme se redécouvre belle, désirable, aimable (avec un grand A). Elle qui a tant souffert dans sa jeunesse de la violence de la société turque, misogyne et répressive, redécouvre la liberté d'être elle-même, et le respect.

Dit comme ça, on dirait une improbable histoire de belle et de bête à l'eau de rose. Mais la chaleur torride des tropiques, l'insécurité sur l'île, le rhum et la marijuana en font tout autre chose. C'est l'histoire – certes improbable – d'une rencontre foudroyante, incandescente. Quasiment une révélation pour cette jeune femme habitée depuis si longtemps de pulsions suicidaires, et dont les dernières bribes d'élan vital vont se renouer sous le soleil de feu des Caraïbes. Une relation âpre, franche et ambiguë, d'amour ou d'amitié, entre une femme éprise de liberté mais enfermée dans sa carapace de peur et d'intellect, et un homme proche de la nature, dont la vie est émaillée de violences. Sur fond de racisme Blancs vs Noirs, la jeune Turque, étonnée d'être considérée comme Blanche, est extirpée des abysses de son mal-être par un pêcheur rasta, et chemine vers la sortie de sa coquille, non sans quelques écorchures. L'amour, la peur, la mort, la douleur, la passion, la tristesse, mais au bout du tunnel, la vie, l'espoir, peut-être.

Premier roman (largement autobiographique, paraît-il) d'Asli Erdogan, ce livre parle d'authenticité, d'intérêt pour le genre humain, de force et de courage. Poétique, flamboyant, ensorcelant, déchirant, je n'en ressors pas indemne. Ce portrait de femme est d'une puissance folle.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Requiem pour une ville perdue

Asli Erdoğan a rédigé ce texte durant son exil en Allemagne. Seule une prose poétique pouvait nous dire le bleu nuit d'Istanbul mêlé de boue et d'or, et nous convier à suivre les méandres du coeur pour mieux capter l'indicible des mots, ces mots qui expriment avec pudeur le chaos du monde.

« Les mots s'approchent de la nuit en silence, hésitant à briser la rondeur du sommeil (…) ils parcourent la nuit des hommes (…) traversent d'interminables rues, les sentiers brûlants des enfers… Et les voilà qui traversent ma nuit, telles des comètes éteintes, portant sur eux le poids du monde, dans l'accomplissement de ses mille destins. »

Bien qu'il soit rédigé à la première personne, c'est notre humanité que convoque ce texte, ce qui nous compose, nos origines, la nuit qui a précédé notre naissance et celle qui nous entoure. Pour l'auteure, il y a nécessité d'écrire « le labyrinthe de la nuit », la solitude, la peur de l'abandon. « J'écris. J'écris afin de pouvoir continuer de croire qu'existe en moi un être qui jamais ne m'abandonnera, ni ne disparaîtra. Je tisse des murs de mots pour clore les brèches de l'existence. » Du fond de la nuit, parfois, surgit une lumière, inattendue, comme cette simple inscription sur un ticket de caisse : « Je te souhaite une belle journée et un bel été (…) J'ai souri comme je n'avais pas souri depuis des années, un sourire étincelant, rayonnant de bonheur. »

Les pensées d'Asli Erdoğan errent dans les ruelles de Galata, « artères de la vie, couleur de coeur, aux innombrables destins coagulés ». L'aube n'est pas loin et même si « le monde, lui, ne semble pas encore avoir fini sa nuit », la lumière est là « qui dit que tout est infiniment beau… »

Elisabeth Dong pour Double Marge
Lien : https://doublemarge.com/requ..
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Le silence même n'est plus à toi

La nuit dernière, j'ai lu l'ouvrage d'Asli Erdogan d'un trait , comme s'il s'agissait d'un thriller.

Vu les nombreuses critiques favorables sur Babelio et surtout la superbe chronique de ClaireG, il n'y a pas grand-chose que je puisse ajouter de sensé. Sauf peut-être que je ne connaissais pas Asli Erdogan et que c'est grâce à une autre babélienne, ATOS, que je l'ai, enfin, découvert. Décidément, combien de bons auteurs et d'excellents livres n'aurions-nous, bibliophiles, pas manqué sans notre site préféré ?



Bien que je doive avouer que cela me chipote de n'avoir rien su de cette talentueuse turque jusqu'à il y a quelques jours.

Une des raisons réside sûrement dans les priorités de la presse de mon pays, qui relate fréquemment les frasques de son homonyme, le président-dictateur et les troubles, à cause de cet éminent chef d'État, dans la communauté turque de la province de Limbourg en Belgique, mais semble ignorer les écrivains méritoires de ce pays.



Ainsi, une jeune étudiante belge d'origine turque, Bilen Çeyram, a été incarcérée, en septembre dernier, lors d'une visite à sa famille à cause de prétendues "sympathies gauchistes". Une réaction véhémente de toute la presse belge, de gauche comme de droite, wallonne comme flamande, a incité les pouvoirs publics à entreprendre une action concertée et intelligente, qui lui a assuré une libération relativement rapide. Mais cela n'a pas empêché à la pauvre, pendant sa garde à vue, d'avoir été maltraitée et battue par des policiers de ce sinistre Recep Tayyip Erdogan. Comme pour beaucoup de mes compatriotes une visite à la glorieuse ville d'Istanbul est exclue tant que règne Recep Il Magnifico. Mes commentaires dans un magazine des Flandres risqueraient de me coûter des années de tôle ou même d'y pourrir, car je n'ai pas mâché mes mots pour attaquer sa politique 'éclairée'.



Depuis le coup d'État avorté l'année dernière, dont on ignore s'il n'était pas lui-même l'instigateur, ce fait a été largement exploité pour élargir son emprise sur son pays et son peuple, même les millions de turques résidant à l'étranger. Son obsession et sa haine de son ancien camarade, Fethullah Gülen, selon lui la cervelle derrière le coup, lui auront, en tout cas, permis une mainmise de la presse, et la liquidation virtuelle de toute opposition réelle ou seulement supposée. Il est impossible de donner un chiffre précis du nombre de prisonniers politiques, mais la population carcérale se compte par dizaines de milliers. En juin 2016, le grand leader à fait libérer 38.000 prisonniers, la plupart de droit commun, pour justement faire de la place aux comploteurs intellectuels.



Selon Reporters Sans Frontières, à la fin de l'année dernière 160 journalistes et 28 auteurs se trouvaient derrière les barreaux, parmi lesquels donc Asli Erdogan. C'est également le cas pour Murat Uyurkulak, connu pour son ouvrage "Tol" , Hasan Cemal, auteur de "1915 : le génocide arménien ", et de Pinar Selek, qui a écrit "La maison du Bosphore" et "Parce qu'ils sont armeniens", deux ouvrages appreciés sur Babelio.



Sans oublier que ce nouveau prophète cause de sérieux problèmes à l'Union Européenne. Encore récemment, au cours d'un entretien avec Angela Merkel (en marge du G20 à Hambourg) il a menacé de se retirer de l'Accord de Paris sur le climat, sous-entendu : s'il ne voyait pas beaucoup de sous. Il est vrai que l'important secteur du tourisme a baissé, l'an dernier, de 24,6 % en nombre de visiteurs et de presque 30 % en revenus. Turkish Airlines, considérée une des meilleures compagnies aériennes d'Europe, après des années de vache grasse, est évidemment en inquiétante perte de vitesse.

Mais davantage préoccupant est sa déclaration de vouloir restaurer la peine de mort. Il y a vraiment de quoi avoir une nostalgie à l'époque que la Turquie était dirigée par une femme, Tansu Çiller, de 1993 à 1996.



J'ai hâte de lire quelques autres ouvrages d'Asli Erdogan, comme "Le bâtiment de pierre" , "Les oiseaux de bois" et même "Je t'interpelle dans la nuit". Je termine en citant une phrase d'elle, relevé du magazine 'Diacritik' : " Je suis là, à cette heure sombre où j'aurais souhaité être ailleurs, dans un autre temps".
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Le silence même n'est plus à toi

Parce que le temps nous est compté ...

et parce que je l'ai promis,



Bien que je n'ai pas la force de Picasso et ...

quand bien même Guernica à endiguer la folie des hommes n'a suffit,



Alors je joins mon souffle à la voix forte d'Atos

Je le veux doux et chaud,

zéphyr bienveillant et universel



Et en dernier recours je mise tout sur l'effet papillon

Regardez le voler qu'il est beau de son battement d'ailes dont ...

Le silence même n'est plus à toi



Hélas

Le temps s'insinue

insensiblement

où seuls

les poètes

pourront

par leurs

pleurs

en rédemption

de l'innocence

qui meurt

arroser

les fleurs

de l'espérance

en nos coeurs

asséchés



Alors pourquoi les mettre en prison ???

Tuez un poète, réduisez le au silence et...

c'est le coeur de l'humanité

que vous am -putez



Voilà pourquoi ...

Astrid

pour ensemble

aviver l'espoir

...

de finalement retrouver le nom de ce bal perdu

https://www.youtube.com/watch?v=UGN1SeZ4r54



Non vous n'aurez pas ma haine

et s'il le faut je me ferai fontaine



A lire donc; à lire absolument !

Tant qu'il est encore temps...

Pour que volent à moi les papillons

En plein bouquets

butiner mes pleurs

Qu'ainsi rafraîchis ils essaiment la vie



Pour mieux comprendre ce dont je parle, lire ce livre, manifestement



et si je ne vous ai pas convaincu et si Atos non plus

je vous renvoie à cette très humaine lettre d'Elif Shafak postée par Joe5 le 22 novembre 2016,

moi non plus je n'ai pas oublié, ainsi se tissera la frêle chaîne de l'espoir ...

http://www.babelio.com/auteur/Elif-Shafak/22574/citations/1091675



A la vie,

Avec tendresse
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L'homme coquillage

MERCI à Actes Sud qui a l'excellente idée de publier le premier roman d'Asli Erdogan...

qui ne me semble pas un "fond de tiroir", mais un récit autobiographique courageux, offrant de nombreux éléments personnels de la détermination, précoce des engagements, de la ténacité, convictions, de cette écrivaine insoumise et d'une lucidité transperçante !!...





Etonnante coïncidence... Je viens de lire avec un grand intérêt un recueil d'entretiens d'Annick Cojean " Je ne serais pas arrivée là si..."où je suis tombée sur l'entretien avec cette auteure turque... qui donne un éclairage supplémentaire ...de son parcours personnel et talentueux...



L'histoire d'une rencontre fulgurante et mystérieuse entre la narratrice, chercheuse en physique nucléaire, en université d'été, à la Jamaïque, en grand mal-être, et

un pêcheur de coquillages, noir, autochtone marginal et pauvre...symbole de tous les opprimés, les exclus, mais aussi de la différence d'un homme, prouvant le lourd tribu de la Liberté de penser, de vivre, mais tellement vital, précieux, pour conserver son intégrité et une acuité de perception sur le monde, pour tout individu,voulant réfléchir par lui-même ...!



J'ai découvert cette écrivaine en septembre 2017, lors d'une flânerie impromptue dans une petite librairie très littéraire de Murat (Cantal) où j'ai déniché "Le mandarin miraculeux" [ Actes Sud]. On retrouve quelques thèmes récurrents, et chers à Asli Erdogan: Erotisme et mort, rebellion, pulsions suicidaires, désespoir de vivre, bienfaits et limites de l'Ecriture et de la Littérature, beauté et sérénité de la nature, des animaux.. La Barbarie des humains , ainsi que l'Enfermement, sous toutes ses formes!!





Rappelons que cette auteure turque, a été emprisonnée pour délit d'opinion; que sous la pression internationale, elle a été libérée, mais elle se trouve toujours empêchée

de partir de son pays... et que son procès aura lieu en ce printemps 2018... [ *** rectificatif que m'a apporté Bookycooky- ", Asli Erdogan a obtenu son passeport et a quitté la Turquie.Elle avait l'intention d'y retourner mais sur l'insistance de ses proches et surtout de sa mère toujours en Turquie elle est désormais en exil à Francfort jusqu'à une date indéterminée ( source.Le Monde).]





Je ne peux m'empêcher de citer un extrait d'article de Marine Landrot, que je viens de parcourir , en y adhérant complètement, dans Télérama [ n° 3556 du 7 mars 2018]



" La sensibilité exacerbée, la détermination visionnaire, l'esprit de résistance:

tout ce qui fera la valeur inestimable d'Asli Erdogan est déjà contenu dans ce récit d'apprentissage autobiographique, implanté au fin fond des Caraïbes. Dans les années 1990, la jeune scientifique désargentée qu'elle était vit comme une aubaine la possibilité de participer à un séminaire de physique des hautes énergies, au milieu des îles Vierges américaines. Elle n'avait pas prévu que l'université d'été ressemblerait à une geôle dorée, avec interdiction de profiter de la plage, et obligation de rester huit heures par jour entre quatre murs à bûcher sur des problèmes de particules

élémentaires, sous la houlette d'un professeur misogyne et dictatorial."





Un roman captivant, qui offre toutefois un univers sombre, oppressant, fourmillant des ambiguïtés humaines, avec des éclairs, instants magiques, flamboyants de répit, de poésie, et d'élan vers l'Autre !



Excellent livre...écrit , rappelons-le, par une jeune femme

née et ayant vécu la plus grande part de sa vie en Turquie,dans une société répressive , dictatoriale, misogyne..., texte aux nombreux échos personnels, qui nous emporte dans des états perturbants , dérangeants et paroxystiques...Balancements constants entre la violence, l'Amour de la Vie, l'attirance des ténèbres, de l'Obscur de l'Humain, mais aussi le flamboyant de la Littérature, du savoir lorsqu'il est intiment lié à des qualités humaines, d'une rencontre authentique... qui redonne l'élan de Vie !



" Mon enfance avait été marquée par la violence, et quoiqu'elle me donnât la nausée, c'était l'un des éléments fondateurs de ma personnalité. " (p. 100)



"Je suis sûr au contraire que tu as peur des choses dont tu dis ne pas avoir. Et que tu veux ce que tu dis ne pas vouloir. Ce n'est pas du désespoir, c'est juste de la lassitude.

Tout le monde a de l'espoir.

- Non, pas moi. Quand je dis que je n'ai pas peur, je veux dire que rien ne me fait vraiment peur. Tout peut bien m'arriver, c'est comme si je m'en fichais. Comme si

je regardais en spectatrice les malheurs de quelqu'un d'autre. Il n'y a peut-être qu'une seule exception, la torture. La douleur physique ,je ne pourrais pas la

supporter, ça c'est vrai." (p. 113)



Je renouvelle d'abondants remerciements aux éditions Actes Sud qui publie cette auteure depuis 2003, ainsi qu'à mes camarades- Libraires [ Librairie Caractères / Issy-Les-Moulineaux] qui m'ont prêté cet ouvrage, reçu en service de presse, il y a déjà deux semaines... qui m'ont ainsi permise de lire ce premier roman, très rapidement ! et pour mon plus grand intérêt ...

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Le bâtiment de pierre

Ce fut une lecture éprouvante...

Le sujet même du livre justifie ce sentiment, ce bâtiment de pierre est une prison, et il y règne la terreur. Celle-ci est relatée par la narratrice parée des yeux d'un homme qui y est mort.

Mais elle me fut éprouvante également par le style d'Asli Erdogan. Bien qu'écrit en prose, le récit est porté par un grand souffle poétique et onirique, il m'a déstabilisé parfois, il m'a fallu souvent relire une phrase, revenir en arrière dans ma lecture, m'efforcer de ne pas lire trop vite, décider de le faire à voix haute pour être pleinement imprégné par son atmosphère.

J'ai donc mis du temps à terminer ce livre, pourtant bien court (107 pages seulement) et en fin de compte, je suis ravi de l'avoir lu.

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Le bâtiment de pierre

"Tu décideras de ce qui peut et ne peut pas être passé sous silence, ou liquideras les comptes qui peuvent l'être. Au fond de ton corps se lève un autre corps qui est tout tremblant, les murs de pierre tremblent avec lui, le monde tout entier est secoué de tremblements, les étoiles tremblent dans le ciel." p.26



Parce que tu es indéniablement poète. Toi, Asli Erdogan, tu as perçu cette vibration. Tes yeux sont des étoiles et se sont portés sur l'opprimé. Ton regard perçant a pu y déceler toute l'humanité.

A. comme Adam, le premier homme, l'Alpha. Pour t'être arrêtée à ses pieds, tu l'as été, toi aussi. Tu as été à ses côtés : c'est ainsi que tu l'as remplacé.



Pour ceux qui n'entendent pas, tu as écrit. Pour ceux qui ne voient pas, tu as chanté.

Et moi, tu m'as touché. Tu m'as jeté ce mot pour que je puisse m'accrocher

V I E



"A cet instant-là je tombai au milieu du V, du I et du E qui séparément , ne signifient rien." p.36

" A cet instant-là une étoile est ressuscitée. Et tu m'as laissé tes yeux pour que je puisse regarder la vie comme un miracle" p.42



J'ai entendu la trille stridente de ton chant, haut dans le ciel, elle a traversé les pierres, fissuré la chape en béton, armé forcément, de l'enceinte de confinement dans laquelle, ils t'ont déjà jetée. L'alarme a sonné, elle me tire du cocon douillet dans lequel je m'étais profondément endormi. Je me berçais d'illusions sur un monde en paix qui n'existe pas...



J'ai reconnu A., ici dans ma ville, assis à la porte de ma banque. "Le destin joue à un jeu sinistre en nous assignant une place à table, un status social, en nous plaçant d'un coté ou de l'autre des portes verrouillées, à l'ombre ou en pleine lumière. Car nous sommes tous semblables et nous sommes tous des victimes." P.31

C'est la première fois que je vois A. véritablement, d'habitude je me détourne et je m'enferme. Voilà l'homme qui vous exhorte à lire Asli Erdogan.



Parce que le temps nous est compté. Parce que j'ai entendu ton appel : "Si je pouvais, avec deux yeux, regarder le plafond bas du ciel qui protège le monde, si je pouvais entendre un battement d'ailes, si le vent pouvait souffler dans les coins sombres..." p.60

Oui, il est là l'effet papillon dont j'ai déjà parlé * : lire Asli Erdogan avant son procès ! Ah qui peut dire l'espérance si tout Babelio s'y met ? Si chacun ouvre ses ailes, si chacun siffle d'un petit souffle : alors un air frais, un vent nouveau ? Il faut si peu de chose...



"Un pipeau joue en vain les motifs entremêlés de tout ce qui existe, la mélodie de ce qui est et de ce qui n'est plus, de ce qui vit et de ce qui vivra un jour... Je l'ai entendue une fois, oui, c'est LA que je l'ai entendue pour la première fois, tout au long de la nuit elle s'adressait aux étoiles et à des mondes nouveaux, elle se parlait à elle-même. p.93"



Alors, parce que je la plains un peu et je l'envie beaucoup

Parce qu'elle m'envie peut-être un peu et qu'elle me plaint beaucoup

Alors, au moins la lire

Oui avant la mort, je la lirai encore



A la vie,

Avec tendresse



* cf. Le silence même n'est plus à toi : Asli Erdogan
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La ville dont la cape est rouge

Des fois ici il m'est déjà arrivé de lire : "C'est compliqué, je ne sais pas par où commencer ma critique..." Hum, hum. Etrange alors que la question, la seule à se poser, est bien entendu et toujours : "Comment finir ?" Voilà celle qui hante ce bouquin. Et ... je ne peux pas spoiler.^^



Mais aussi ce défi : "Comment raconter la faim à un bourgeois bien éduqué blotti dans son fauteuil, qui exerce l'activité la plus sûre : celle de lire, et qui n'a jamais ressenti la crispation de la faim ?" p.36 Il ne suffit pas d'être grand écrivain et assurément Asli Erdogan l'est, il faut l'avoir vécue dans sa chair, avoir été du côté de la misère, avoir passé la rivière, misé son tapis ! A Rio de Janeiro sur les collines où poussent les favelas, en mordant sur la jungle, il y a naturellement des serpents. Rio impudique par trop de chaleur et de pauvreté.



Or moi, comme serpents ceux que j'ai surtout vus sont les Monty Python et comme dans "the meaning of life" si je suis déprimé, je reprends un petit chocolat. J'ai le droit d'apprécier le goût de la langue mais aussi et surtout d'admirer ce choix de tout oser, d'aller au fond de soi à la rencontre de soi. Alors moi, vous raconter ? Je dirai être parti à la rencontre d'Asli Erdogan suite à la lettre si humainement poignante d'Elif Shafak, fidèle en amitié. Je le suis, moi aussi. "La ville s'endormait et j'en oublie le nom" * Je veux dire en cela que Rio si bien décrite a au fond peu d'importance, ce qui se joue est bien au-delà, simplement la vie d'un être exceptionnel qui passera en "jugement" ce 14 mars.



L'ordre récent de mes critiques devrait vous faire comprendre toute l'importance que j'attache à vous convaincre, au risque de lasser. J'aimerais tant vous lancer à la rencontre d'Asli Erdogan et que notre communauté fasse vibrer la toile de belle énergie rendant hommage à sa grande âme, sa profonde humanité, son amour de la vie et son immense poésie. Faites-le avant son procès, il reste peu de temps. Si j'ai préféré mettre en priorité ma critique sur Cinq Méditations sur la mort donc sur la vie, c'est aussi pour vous faire ressentir l'importance de l'enjeu. Car ce livre-ci aussi parle de la Vie et nous entraîne à méditer sur la nécessité de nous engager à y jouer. Et remonte à ma mémoire cette très vieille phrase : "Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra !" dont je commence à saisir tout le sens.



De la vie j'aime tout, à ma manière, et notamment la beauté des rencontres, dont celle-ci très lumineuse, même si j'en fais bien d'autres très belles et récemment de tout à fait inattendues. La vie est pleine de surprises ! Il en faut peu pour être heureux et il faut peu pour donner un cours favorable au destin. C'est pourquoi en tout impudeur j'ai sollicité vos belles pensées d'amitié pour ce 28 février, jour de mardi gras. Car si la vie est pleine de surprises, elle ne manque pas non plus d'ironie. Rio, bien connue pour son carnaval, tout se connecte, voyez-vous.



Aussi je ne peux pas manquer de trouver très ironique ce petit passage : "J'écris pour paraître plus grande que je ne suis, parce que ... je suis très, très petite." p.141 sous la plume d'une si grande dame. Moi qui ai beau de multiplier les billets pour qu'enfin Babelio se réveille et massivement, vous lise tant cela me semble critique. Je vois bien que cela n'est pas suffisant.



Alors je tente ceci sur base d'un autre de vos beaux passages p.170 : "Elle se trouvait sur la vaste place située entre les ruelles aboutissant à l'ancien palais présidentiel et à la favela de la Colline Bleue" comment ne pas faire le lien avec une des premières, confidentielle mais peut-être ma préférée, chansons de Jacques Brel dont je possède l'intégral vinyle : Sur la place ? https://www.youtube.com/watch?v=KrsuatOl__0

"Ainsi certains jours paraît une flamme en nos coeurs mais nous ne voulons jamais laisser luire sa lueur ..."*

Non ! Ne fermez pas vos carreaux !

Ne vous voilez pas les yeux !

Lisez ce qui est beau !



* Jacques Brel
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Le silence même n'est plus à toi

Pour comprendre et avoir accès à la profondeur de ce livre, j’ai dû user d’empathie. Fragments du vécu, témoignages et articles, qui ont valu à l’auteur d’être incarcérée en Août 2O16 dans l’une des prisons turques pour femme, racontent l’innommable, l’indicible arrachés au silence. Le silence même qui n’est plus à elle puisqu’ayant choisi de dire la vérité. Une réalité crue et sombre de la Turquie d’aujourd’hui dans la lignée d’Auschwitz qui révèle toutefois la lumière de l’espoir par ces textes sur les actes de résistance, la solidarité. Un cri, un arrachement qu’il faut savoir entendre. Une mise en garde, une nécessité de vigilance face à la montée dans le monde de ces « démocratures ». Asli Erdogan en liberté provisoire doit le 14 mars 2017 se présenter à son troisième procès où elle risque la condamnation à perpétuité. Elle ne se taira pas…
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Le silence même n'est plus à toi

Qu'est-ce que le courage?



Asli Erdogan répond à la question lancinante que nous nous posons en lisant ces 29 articles écrits dans l'ombre noire de la répression, dans le massacre des libertés , dans l'étouffement du droit des femmes, dans la violente épuration ethnique, politique, intellectuelle qui sévit sous la dictature turque.



Qu'est-ce que le courage?



C'est désespérer et écrire quand même.



C'est avoir l'obstination de la vague qui se brise et revient contre la falaise. C'est renouer sans cesse le premier mot avec le dernier, et le dernier avec le premier, dans un cycle infini, un inachèvement éternel, de plus en plus las- mais toujours inlassable.



C'est ressentir, dans la solitude et la peur, la fraternité des chiens en maraude,et d'en tirer juste assez de force vitale pour ne pas mourir d'abandon.



C'est continuer à réclamer, contre les dénis et les années, la reconnaissance du génocide arménien, de celui - en marche- des kurdes.



C'est vouloir être aux côtés des femmes qu'on voile, des journalistes qu'on musèle, des opposants qu'on arrête, qu'on torture..avec son arme à soi : les mots, la poésie, les mots si fragiles et si puissants de la poésie.



Qu'est-ce que le courage?



C'est être faible, être seule, être désespérée, être malade, être arrêtée, mais continuer pourtant..



En lisant Asli Erdogan - avec quelle émotion- j'entendais, derrière ses mots, ceux d'un grand poète urugayen, Jules Supervielle, dans un de mes poèmes préférés: "Attendre que la nuit.." :



"Attendre que la Nuit, toujours reconnaissable

A sa grande altitude où n’atteint pas le vent,

Mais le malheur des hommes,

Vienne allumer ses feux intimes et tremblants

Et dépose sans bruit ses barques de pêcheurs,

Ses lanternes de bord que le ciel a bercées,

Ses filets étoilés dans notre âme élargie,

Attendre qu’elle trouve en nous sa confidente

Grâce à mille reflets et secrets mouvements

Et qu’elle nous attire à ses mains de fourrure,

Nous les enfants perdus, maltraités par le jour

Et la grande lumière,

Ramassés par la Nuit poreuse et pénétrante,

Plus sûre qu’un lit sûr sous un toit familier,

C’est l’abri murmurant qui nous tient compagnie,

C’est la couche où poser la tête qui déjà

Commence à graviter,

A s’étoiler en nous, à trouver son chemin."



A la voix de Jules Supervielle, me semblait répondre celle , fragile et forte, d'Asli Erdogan:



" Ecrire, contre la nuit, avec la nuit..Avec ses hésitations, sa langue, ses répétitions... A l'aide de ses mots somnambuliques, de sa mémoire qui se terre en elle-même... A la flamme vacillante d'une bougie qui brûle dans le cœur, au point de bascule ... A la lueur d'une étoile qui continue de briller, bien que morte depuis longtemps, et que tu as rapportée des confins...Regarder la nuit où ne pénètre aucun regard, enfermer le vide infini entre les points et les lignes, tracer des embranchements dans l'obscurité, toucher de ses mille doigts effilés les ombres et leurs objets....S'ouvrir de toutes ses forces à un cri noir auquel tu n'as pas su répondre, l'emplir d'une voix errante... "



Qu'est-ce que le courage? C'est "attendre que la nuit", c'est écrire contre la nuit avec la nuit. Lutter contre l'ombre avec les mots de l'ombre. C'est trouver, dans la nuit même, les mots qui, s'étoilant en nous, trouveront son chemin , à elle...



Qu'est-ce que le courage quand le silence même n'est plus à vous?
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Le silence même n'est plus à toi

CECI N'EST PAS UNE CRITIQUE , JUSTE UN CRI D'ALERTE !

Asli Erdogan a tous les courages qui peuvent manquer aux autres femmes turques . Il est vrai que sachant superbement écrire , son stylo parait une arme aux yeux de cette " élite " turque qui cire les bottes du dictateur Erdogan .

Mais d'autres courageuses , moins médiatiquement connues à l'international lui emboîtent le pas , l'auteure Zehra Dogan ou la chanteuse Zuhal Olcay , entre autres qui le payent souvent de tracasseries ou d'emprisonnements. Sans l'aide de soutiens occidentaux , bien des intellectuels kurdes ou turcs croupiraient en prison et l'on sait , pour avoir lu , " Midnight Express " , que ces dernières ne sont pas de paisibles colonies de vacance , et que s'y pratique la torture à l'abri des regards . Lisez donc Asli Erdogan , ne serait-ce que par solidarité , si chose rare vous n'aimiez pas son style , consultez régulièrement le site Kedistan.fr qui donne des nouvelles de ce paradis sous les brumes islamistes .
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Requiem pour une ville perdue

Livre très difficile à chroniquer.

L'auteure livre ici ses réflexions sur sa vie , sa ville, ses pensées, ses idées, leur noirceur surtout.



C'est magnifiquement écrit, on se laisse porter par la vague des mots , les mots nous soulèvent, la musicalité des phrases est brillante. On dirait presque du Damien Saez après vingt cinq whisky coca.

Mais je n'ai rien compris :)

Toujours est il que j'ai beaucoup de respect pour cette auteure , exilée en Allemagne , après avoir été arrêtée et emprisonnée en 2016 en Turquie par son homonyme. L'écriture lui semble vitale , après avoir tordu le coup à la physique nucléaire dans sa jeunesse.
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L'homme coquillage

« Tout le monde a peur du noir, mais il faut savoir s’ouvrir à la lumière que les ombres portent en elles »



S’ouvrir, c’est bien de cela dont il est question avec ce roman fascinant, au sens premier du terme. Car oui ce livre m’a fascinée, envoûtée, charmée.



S’ouvrir aux autres, et par là même (oser) aller à la rencontre de soi.



S’ouvrir à l’amour, au corps, à la vie.



Oui, s’ouvrir au monde physique, alors qu’on est soi-même une éminente physicienne. Monde physique à comprendre ici dans le sens de monde concret, monde réel, monde fait de chair, de sang et de misère aussi :



« Les concepts abstraits, la précision, la pensée analytique des latitudes nordiques n’avaient pas leur place ici ; on laissait libre cours à des sensations purifiées, affûtées, on se déshabituait du réel, une voie toute en courbes semblait se dessiner. Vivre au gré des sens. Sentir le soleil qui brûle à faire fondre les os, les doigts courts et humides de la pluie, le vent qui lèche le corps comme une langue chaude. Sous un ciel dont les couleurs jamais ne s’éteignent, découvrir son corps, apprendre qu’il existe ; boire à petites gorgées le rythme vibrant, lent et coloré de la vie tropicale. »



Un lieu bien loin du monde des idées et des théories absconses de l’univers académique qui se voudrait policé, bien propre, bien régenté, alors qu’il est traversé de luttes intestines, de combats de chefs, de concurrence déloyale, de trahisons, dignes de la plus cruelle loi de la jungle (pour autant que celle-ci existe).



Un livre très lucide sur la prétention des Occidentaux à connaitre la vie mieux que les peuples du Sud. Une éloge de la rencontre de l’Autre, quel qu’il soit : misérable, souffreteux, malhonnête (peut-être), lui aussi en proie à ses contradictions. Un livre pour aller au-delà de ses préjugés...



« L’Homme Coquillage était mon oracle de Delphes, celui qui me poussait à me poser les bonnes questions et à trouver moi-même les réponses. »



Oserez-vous rencontrer votre oracle de Delphes ? Oserez-vous vous y plonger ? Oserez-vous tendre l’oreille et apprendre le chant de la vie ?

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L'homme coquillage

L'Homme Coquillage qui m'a appris le chant de l'océan, Tony l'Homme Coquillage que j'ai aimé d'un amour profond, féroce et irréel.



Avez-vous rencontrer votre "Homme Coquillage" ?

Celui qui d'un regard vous subjugue et vous emmène très loin de la réalité, vous fait chavirer le coeur et les sens et vous fait vous interroger sur le sens de votre vie et votre devenir.

Non ?



Alors, entrez dans ce livre comme on entre dans un monde inconnu et laissez vous attirer par les mots et par les sentiments ambigus, tout à tour effrayants et fascinants.

Venez flirter avec la mort, la terreur mais aussi avec une force étrange qui vous amènera au bord de l'abîme de vous-même.



Venez voir les Caribéens qui dansent la vie, jouent avec la mort et déplacent avec eux des ondes de sensualité telles que vous en serez bouleversé jusqu'au bout de la plus petite terminaison nerveuse de votre corps.



* Telle était la pluie des Tropiques. Indécise et entreprenante , tel un amour passionné.



(p.70) J'étais désemparée face à ce talent qu'avait Tony d'entendre l'indicible et de faire la lumière au fond des abysses intérieurs.



(p.95) Mais je sais à présent que s'il est facile de réprimer le désir, l'oublier est impossible.

Domination absolue du corps sur l'esprit.



En terminant ce livre où foisonnent la sensibilité, la peur, les questionnements, moult sentiments et une sensualité à fleur de peau ; je me demande s'il est tiré d'une histoire vraie tellement l'auteure a su faire vivre tout cela avec une intensité telle qu'on se croirait au dessus d'un abîme sur une corde raide où tout peut basculer d'un instant à l'autre .

Rêve, fantasme ou réalité ?



Personnellement j'ai vraiment adoré ce voyage intérieur peu banal.
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Le Mandarin miraculeux

Sous le titre d'une ancienne légende chinoise, Asli Erdogan nous livre un bref récit de l'exil et de la perte. Exil à Genève, dans une ville indifférente au sort de ses habitants venus d'ailleurs (comme presque partout). Perte d'un lieu à soi. Perte de l'amour, de son seul amour qui s'en va. Perte de l'intégrité physique, d'un oeil malade. L'écriture est fragmentée, elle approche les réalités par petites touches, qui se dessinent petit à petit. Le ton est sombre, avec des pointes d'ironie. Asli Erdogan sait mêler la noirceur de la vie à une vitalité qui confine à la révolte. Son art vaut d'y consacrer quelques intenses moments.
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Requiem pour une ville perdue

« Voici la dernière heure, l'heure du vent et des morts. » 3ème livre que je lis d'Asli Erdogan. Et j'aime toujours autant. C'est une poésie de la dénonciation, de la mort, de l'outrage, mais aussi de la vie. Dans le chapitre « Les masques de Narcisse » ou dans ses « lettres d'adieu », l'auteure s'y révèle toujours plus, s'analyse. Elle s'interroge sur la vie, sa vie, ses choix, son destin, sur son travail d'écrivain. C'est en fait un recueil de plusieurs textes, paru en Turquie en 2009 et paru en France seulement cette année. Elle y évoque aussi Galata, l'un des quartiers historiques d'Istanbul, sa ville natale, sa ville de cœur. Les chapitres son courts mais très denses. C'est une poésie en prose qui se lit avec attention. Chaque mot nous emporte, nous élève. Un grand merci au traducteur. C'est magique.
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Les oiseaux de bois

Faut-il comprendre pour aimer ? Car encore j'ai aimé, j'ai souri, j'ai frémi, et..., sur tout : j'ai pleuré ! Je lève mon verre à la folie pour taire la terrible lucidité, terre d' Asil E. Peut-on comprendre ce qui est et qui n'est pas ?

Le temps qui a été et déjà n'est plus et qui naît ne sera jamais ce que l'on aurait voulu. Pour cause l'avenir vient du passé comme dans LE CAPTIF. Et les souvenirs de manger le présent dans chacune de ces cinq nouvelles. Aux heures sonnantes, sortent chanter LES OISEAUX DE BOIS comme des vierges folles s'effeuillant dans la forêt pour narguer la mort toute proche...

Promenons nous dans le bois

Tant que le loup n'y est pas

Loulou ... Es-tu là ?



Les pesants souvenirs de l'amour dans UNE VISITE SORTIE DU PASSE, et de Genève (ou de n'importe où) être ramené sans cesse à cet Istanbul intérieur, pour le meilleur et pour le pire : "Dans l'Istanbul que je porte en moi Ümraniye est aussi présent que Péra, la corne d'or et Sainte-Sophie [...] mon premier baiser dans le parc de Yildiz, thé infusé que je buvais en fumant le narguilé dans une courette fraîche de Beyazit par un étouffant après-midi d'été..." p.75



Ce qui est clair dans ce petit recueil au fil des nouvelles, c'est l'amour inconditionnel que porte Asli Erdogan à sa ville et aux plus angoissés d'entre ses habitants. Amour déchirant. Bons et mauvais souvenirs à l'insomnie. Amour que le temps ne peut détourner. La vie ne fait pas de cadeaux, voilà les mots qui ont pris leur envol dans ce recueil. Hélas, moins encore pour qui est doté à la fois d'une sensibilité hors du commun, d'une grande compassion et dont la clairvoyance due à une intelligence largement au-dessus de la norme ne peut occulter ni cette lente marche vers la mort bien établie, ni la peine qui accompagne les vivants, ni cette peine inhumaine en voie d'être prochainement rétablie, cruelle infamie, dans ce pays qu'elle aime tant ; ni l'abîme toujours proche de la folie.



Aussi JOURNAL D'UNE FOLLE est ma préférée, celle où se déploie pleinement l'intelligente ironie d'Asli Erdogan, et mon esprit alerte me souffle "la plus auto-biographique en un sens caché". Oui l'humour fait du bien. Etrange : écrire pour ne pas verser dans la folie. Je me sens complice au-delà des mots alors qu'à contrario, je n'ai pas écrit pour ne pas basculer.



Moins de 150 pages, le temps d'un ou l'autre coucou, pour nous rappeler notre "humanité", pour rendre au temps sa densité, à la vie son intensité. Dérangeant mais nécessaire et fatalement là-bas, si proche :

Le grand méchant loup ...
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L'homme coquillage

La narratrice, physicienne turque, participe à une université d'été à Santa Cruz avec Maya, une collègue et amie grecque. Ils sont 80 à suivre des exposés pendant deux semaines, mais très rapidement la jeune chercheuse décroche et en profite pour apprécier et découvrir cette île sous un climat tropical qu'elle ne connaît pas. Sa rencontre avec Tony, un homme noir, petit et laid qui vend des coquillages, va transformer sa vie...Au fur et à mesure de leurs rencontres et surtout de leurs discussions, l'homme coquillage, avec son regard perçant et sa sensibilité hors norme, devine les failles et les peurs de la jeune femme...Ils semblent partager les mêmes blessures et les mêmes traumatismes. Malgré une grande attirance mutuelle, ils ont du mal à à se rapprocher, craignant de faire disparaître leurs sentiments, ou de les rendre triviaux. 



Une première rencontre avec cette auteure turque, Asli Erdogan, avec ce roman étrange dans lequel elle fait preuve d'une grande sensibilité dans l'analyse des sentiments de son héroïne, perdue et fermée, qui réagit violemment à son alter ego, qu'elle identifie dans l'homme coquillage. Avec intelligence elle livre des descriptions tantôt compréhensives, tantôt cyniques du microcosme des chercheurs qu'elle connaît bien, ce groupe auquel elle appartient et dont elle cherche à s'émanciper, et elle pose un regard sévère sur le racisme et la violence qui sévissent dans l'île, la pauvreté et les trafics de drogues renforçant ce climat de violence. 

L'homme coquillage est un coup de cœur, avec une plume intelligente et sans concession, servie par une traduction très littéraire (avec passé simple, subjonctif et grammaire riche, quel bonheur - un grand merci au traducteur Julien Lapeyre de Cabanes).

Asli Erdogan est pour moi, une auteure à suivre. 
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Le bâtiment de pierre

Asli Erdogan de sa plume magique nous envole du bâtiment de pierre, prison turque, mêlant l’onirique à la dure réalité. Le récit cruel devient mélodie poétique. Les voix : une femme sans nom, un homme « A », un chœur d’enfants, résonnent et reçoivent en écho, dans notre esprit et notre cœur, le cri de tous les opprimés, prisonniers politiques, résistants sortis glorifiés de leur combat pour la liberté. Cette écriture éveille la compassion plus que la terreur et nous révèle la part profonde et grave de notre humanité. Un livre bouleversant dont je sors « éblouie de tant d’humanité »

Asli Erdogan a rejoint le cortège des témoins et défenseurs de la vérité en août 2016 à la prison de Bakirköy

Le 29 décembre prochain se tiendra le procès de celle qui continue de s'écrier depuis sa cellule : « la vérité est beauté, la beauté vérité ».

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