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Critiques de Aurélien Bellanger (231)
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Téléréalité

Un an après avoir lu son roman sur l’aménagement du territoire, je me lance dans l’évolution du monde de la télé de la fin des années 80 au Fouquet’s de 2007. À l’heure où Secret Story est relancé, lire la genèse de ce type d’émissions est instructif. J’ai beaucoup aimé cette fin en forme de pied-de-nez à l’ambition folle, à l’appât du gain qui sous-tend tout le roman.
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Le musée de la jeunesse

Aujourd’hui je vais évoquer Le musée de la jeunesse d’Aurélien Bellanger. Ce texte s’inscrit dans la collection La nuit au musée qui consiste à proposer à un auteur de rester seul le temps d’une nuit dans un musée qu’il a choisi afin d’apprécier l’art l’entourant et de s’en inspirer pour écrire. L’éditeur n’impose rien concernant la forme ; chacun est libre de proposer un texte personnel. Pour cet exercice Aurélien Béranger a opté pour le Louvre et plus précisément les salles consacrées aux œuvres du peintre Nicolas Poussin.

Le titre Le musée de la jeunesse tisse un pont entre la jeunesse de l’auteur et celle de ce peintre qu’il admire mais dont sont principalement connues les toiles de la maturité. Les titres des chapitres évoquent les noms des tableaux. Béranger affirme : « Poussin, tel que je l’avais découvert adolescent, était le plus grand des artistes français, celui dont la carrière, entre toutes, méritait d’être imitée. » Il revient assez peu sur l’expérience sensorielle de cette nuit : « repoussée plusieurs fois par des péripéties liées à la crise du Covid, ma nuit au Louvre a surgi un peu de nulle part, en cette fin d’hiver 2022. J’avais même fini par penser que je n’y dormirais jamais. (...). De cette nuit-là je n’oublierai pas le froid réveil sur un lit de camp, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. » Mais le moment advient donc et coïncide aux jours où l’écrivain se replonge dans le journal vidéo de sa jeunesse. Il précise : « je possède, dans ces quarante-huit cassettes, dans ces deux jours de films, les brouillons vécus de ces romans d’amour. Cela pourrait être une manière de résumer ce journal vidéo : il raconte la fin d’une relation et le début d’une autre, qui dure encore aujourd’hui. » Le dispositif scénique de cette plongée nocturne solitaire au Louvre n’est finalement qu’un prétexte pour revenir sur sa propre jeunesse, ses études de philosophie, son rapport à l’art et sa volonté de devenir écrivain. Aujourd’hui Aurélien Bellanger est reconnu (je n’ai jamais lu ses romans mais de nombreuses critiques et interviews). Le quadragénaire durant cette nuit se retourne sur sa jeunesse au mitan de son existence et exhume des textes inaboutis, des romans non publiés. Sa présence au milieu des tableaux de Poussin suscite d’intéressantes remarques : « dans les musées les œuvres nous regardent avec pitié comme des chiens dans un refuge. (...). Tout cela n’est pas exempt de snobisme. Poussin n’est pas le plus connu, pas le plus facile des grands peintres. (...). Le Louvre était bien plus qu’un musée pour moi : c’était une épreuve incontournable. » Au moment de quitter les lieux au matin et de terminer cette expérience formidable il constate : « le seul tableau que j’aurai réussi à sortir du Louvre aura été moi-même. Moi-même et cette idée que malgré tout les œuvres existent, vivent et nous regardent tout en nous méprisant un peu. » Pour aborder l’œuvre de Poussin d’un point de vue sociologique et non d’histoire de l’art je conseille la lecture de Ceci n’est pas qu’un tableau de Bernard Lahire. Ici Aurélien Bellanger évoque brièvement les tableaux mais ce n’est finalement pas le centre du Musée de la jeunesse.

Le musée de la jeunesse est un court texte de commande qui résonne comme une opportunité pour Aurélien Bellanger d’écrire une autobiographie intime. L’exercice est certes narcissique mais pas dénué d’intérêt. Le romancier féru de philosophie étaye son propos, est sincère (il évoque une amitié non dénuée de penchant homoérotique discret) et réfléchit à l’importance de l’art dans sa vie.

Voilà, je vous ai donc parlé du Musée de la jeunesse d’Aurélien Bellanger paru aux éditions Stock.
Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Le musée de la jeunesse

Un nouveau texte dans cette collection si attractive, un écrivain passe une nuit dans un musée et écrit un texte.

Cette fois, il s'agit d'Aurélien Bellanger, jeune écrivain, dont je n'ai lu aucun texte et les salles du peintre Poussin, un peintre jugé classique et dont je connais peu les œuvres, à part certains classiques.

Une occasion donc de découvrir la plume d'un auteur et les œuvres et la vie d'un peintre.

Que nenni, bien sûr, j'ai découvert un auteur : j'ai surtout découvert son histoire, sa jeunesse et son retour sur soi. Il décortique dans ce texte les souvenirs qu'il a de sa propre jeunesse, à travers la récupération de rusches de films qu'il a fait lors de sa vie d'étudiant. Les chapitres ont les titres des œuvres de la salle Poussin au Louvre.

Aurélien Bellanger, provincial, nous raconte très bien ces premières années parisiennes, ses études de littérature, de philosophie. Il parle très bien de ces années, de son apprentissage de la vie des nuits parisiennes, puis sa "réussite", car il est maintenant écrivain.

J'ai apprécié sa façon de raconter ses années et ses références à cette époque, peut être parce que je suis de la même génération.

Un texte prétexte pour revenir sur sa jeunesse, ses premières années parisiennes « un peu Les Inrocks, un peu Paris Dernière, pour la faune de la nuit » et peut être un peu trop égocentré.

Par contre, peu de choses sur le peintre Poussin.

Il m'a tout de même incité à découvrir des textes et j'ai lu et apprécié "le chef d'œuvre inconnu" de Balzac. Et je vais tout de même tenté de lire les textes d'Aurélien Bellanger.

#Lemuséedelajeunesse #NetGalleyFrance
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Le musée de la jeunesse

Perpétuant l'exercice imposé d'une « Nuit au musée », c'est dans le classicisme des toiles de Nicolas Poussin exposées au Louvre que l'écrivain a choisi de se plonger. Entre réflexion sur l'artiste et détour par ses années d'apprentissage, l'auteur de « La Théorie de l'information » esquisse une méditation aussi dense que touchante.
Lien : https://www.lesechos.fr/week..
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Téléréalité

"Téléréalité" où l'ascension de Sébastien BITEREAU, jeune comptable, vers les sommets de la télévision.

La rencontre d'une star de la télévision va lui faire quitter sa Drôme natale pour PARIS et lui ouvrir les portes de l'univers audiovisuel où il va gravir tous les marches jusqu'à régner dessus à travers sa vision et son coix de miser sur la téléréalité.



Impossible en lisant le livre de ne pas reconnaitre l'histoire de Stéphane COURBIT et d'Arthur. On passe une partie du livre à essayer de reconnaitre les différents personnages ou émissions qui ont bercé notre enfance (Berlusconi, Ardisson, Delarue, Endemol,..). On suit l'envers du décor de la télévision, les amitiés et trahisions pour une bonne émission ou un concept, mais aussi les dérives de ce star-system.



En suivant la vie de ce Rastignac, on est dans les coulisses de la télévision et notamment sur les causes qui ont amené à l'avènement de la téléréalité.
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Le musée de la jeunesse

Ce livre aurait pu s'intituler "le musée de ma jeunesse" : car l'auteur y parcoure sa propre histoire, à l'aide d'un journal vidéo qu'il revoit au moment de sa nuit au musée.

Un autre titre possible pour cet ouvrage aurait pu être "pas de jeunesse au musée" : l'auteur partage ses réflexions philosophiques sur le parcours de création et l'absence d'oeuvres de jeunesse dans les musées et notamment pour le peintre Poussin, choisi pour sa nuit.

J'ai définitivement plus adhéré à cette seconde dimension, pas assez creusée ni présente dans l'ouvrage à mon goût.

Finalement, Poussin se révèle être un prétexte pour l'auteur d'appréhender le chemin parcouru et le cheminement de son propre parcours de création.

Lors de ces exercices d'une nuit au musée, les auteurs forcément parlent d'eux, mais pour moi, cet ouvrage est trop centré sur cela et aurait gagné à changer de point de vue ou de sujet. Une foultitude de détails nous sont donnés, qui pour ma part, n'apportent pas d'éléments additionnels et ne se rapportent qu'à une seule idée, présentée assez vite au début de l'ouvrage. Aussi, j'ai tout lu sans grand enthousiasme, pour trouver quelques phrases me faisant réfléchir ou me surprenant et certains passages qui "ont raisonné".

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Le Grand Paris

Roman somme, roman érudit, roman documentaire, roman éminemment français, roman prétentieux aussi, "Le Grand Paris" ne se donne pas mais s'appréhende chapitre par chapitre comme on visite une capitale quartier par quartier pour en assembler ensuite les morceaux en une carte mentale plus cohérente.



J'ai aimé "Le Grand Paris" mais en même temps l'ai détesté. Le ton sentencieux de son narrateur, condescendant et arriviste durant neuf dixièmes du texte, rend l'empathie quasi impossible. C'est le cas aussi avec tous les personnages secondaires, des ordures, des réacs, des politicards bien à droite dont aucun n'est à sauver. C'est volontaire bien entendu dans le chef d'Aurélien Bellanger mais ça ne facilite pas cette lecture par ailleurs ardue tant elle ratisse dans le corpus des sciences humaines. Avec il faut bien le dire pas mal de frime.



Je retiens tout de même quelques passages qui m'ont beaucoup plu. Le premier surtout, qui retrace l'histoire bien piteuse de ce grand parc d'attractions français, Mirapolis. Le surf dans Google Image durant la lecture n'a que plus alimenté ma fascination pour cet échec retentissant mais tellement prévisible, au Gargantua géant aujourd'hui dynamité, qui démontre à quel point la France décrite ici, sa culture, son passé, ne peut se penser qu'au centre du monde. Mais d'un monde finissant. Autre passage de choix: l'excursion dans la ville nouvelle de Noisy-le-Grand et ses espaces d'Abraxas, décor de SF tout en démesure, dû à l'architecte Ricardo Bofill. Jouissif. Je cite aussi la comparaison entre Paris et Londres, durant laquelle la capitale française se fait tailler un costard. Et note enfin la virée cycliste aux confins de l'Île de France jusqu'à la médiévale Provins, là aussi témoin d'une France muséifiée, aimantée vers ce passé glorieux mais fossilisé dont jamais elle ne pourra s'arracher. Ce malgré les gesticulations du héros (hérault?) et de sa cour.



Bien sûr, l'auteur choisit d'écrire sur un camp. Mais on en ressort essoré par tant de cynisme, de néo-conservatisme et d'ultra-libéralisme. Vivement lire Zola après ça.
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Le musée de la jeunesse

Pour la collection « Ma nuit au musée », Aurélien Bellanger a choisi de se laisser enfermer au Louvre et a installé son lit de camp face aux « Quatre Saisons » de Poussin, prétexte à revisiter ses années de formation.
Lien : https://www.nouvelobs.com/bi..
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Le musée de la jeunesse

Le philosophe dans l’âme, qui raconte à peine des histoires dans ses romans, ratiocine toujours autant, face à des tableaux cette fois. Il ne décrit pas, avec moults détails, la composition des Quatre Saisons du grand peintre du temps de Louis XIII, ni la technique du maître, sa manière, ses précédents ou ses héritiers…
Lien : https://actualitte.com/artic..
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Le vingtième siècle

Intrigué par les critiques du livre qui m'étaient parvenues, je m'étais lancé dans la lecture du mystère entourant Walter Benjamin. N'étant pas familier de ce grand penseur du siècle dernier, je le connaissais néanmoins dans les grandes lignes.

Aussi, l'histoire telle que je me la figurais m'évoquait “La septième fonction du langage” de Laurent Binet, roman centré sur Roland Barthes, sa mort inopinée et une mystérieuse découverte sur laquelle beaucoup voulait mettre la main. Un roman que j'avais dévoré.

Mais, le style pompeux et le narration volontairement décousue d'Aurélien Bellanger ont eu raison de ma patience après une soixantaine de pages.

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Le musée de la jeunesse

Le temps d'une nuit au Louvre, Aurélien Bellanger se souvient de sa jeunesse exaltée.




Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Téléréalité

Les valises, jaunes, déjà iconiques avec cet œil bleu unique et inquisiteur, entrent dans la maison. Prêts à être filmés sans interruption, les candidats inaugurent alors la télévision du vingt-et-unième siècle. Télé-réalité. L'oxymore comme genre télévisuel, et uniquement télévisuel. Le grand n'importe quoi en prime time, à moins que ce ne soit la preuve véritable, enfin révélée au public et aux critiques, que la télévision est un art dans lequel la télé-réalité serait la performance ultime, le chef-d'œuvre, la Joconde ou le David. Cinquième roman d'un Aurélien Bellanger qui explore inlassablement les mythes techniques et fondateurs de notre plus contemporaine civilisation, Téléréalité retrace, à travers le parcours d'une sorte de self-made-man à l'accent chantant, dépourvu de hargne mais point d'ambition, désarmant d'innocence, le grand et principal accomplissement de la télévision, synonyme autant d'argent et de gloire que d'abaissement moral définitif. Histoire d'un média, narration d'un moment sociologique et culturel, relation d'une success story dont est friande la télévision, le roman porte aussi une réflexion sur la télévision elle-même : simple outil du capitalisme ou art véritable qui génère des œuvres et des génies ?



De son enfance banale, on ne saurait rien tirer, hormis, peut-être, qu'il n'avait guère accès aux programmes télévisés. Sébastien Bittereau, c'est le nom de ce personnage principal, abandonnait à ses heures quotidiennes de transport ainsi qu'à la géographie particulière du village de ses parents la possibilité de voir ce que la télévision des années soixante-dix et quatre-vingt proposait. Fils d'un artisan du bâtiment, Sébastien se découvre un certain don pour la comptabilité, et son monde rangé en classes, en comptes et en subdivisions de comptes. Le seul atout de vivre dans cette lointaine Drôme est de croiser, sur leurs lieux de villégiatures, ceux que les magazines nomment allégrement, photos de couverture à l'appui, des vedettes. Montant à Paris, Sébastien découvre l'envers du décor, les montages comptables et financiers, l'ingrat labeur d'assistant. Établissant rapidement un réseau de présentateurs, de producteurs, de petites mais puissantes mains de l'ombre, Sébastien prend ses marques dans ce monde fait de gains financiers, de promesses d'une vie meilleure, de beaux décors devant les caméras et que l'on découvre faits de carton-pâte, d'épisodes de colères soudaines et exagérées, de moments de tendresse tempérés d'aigres trahisons. Épaulé par un animateur surdoué dans lequel on reconnaîtra aisément Arthur, Sébastien fait de ses programmes télévisés des trésors de nostalgie et de fausse intimité avec les stars, à travers notamment une émission dans laquelle on reconnaît, là aussi, les Enfants de la télé. Puis, au tournant des années 2000, la grande idée apparaît. Big Brother aux Pays-Bas propose la séquence télévisée ultime, la télévision totale, le voyeurisme confortable, la glorification du banal voire de l'ordurier. Ce sera Loft Story en France, premier essai d'un genre absolument nouveau qui se déclinera, dans les années à venir, en programmes adaptés à un public et à des chaînes avides d'observer, qui des candidats chanteurs, qui des célébrités en quête de nouveau souffle, qui des gardiens de secrets honteux ou invraisemblables. Rastignac contemporain qui conquiert la télévision française publique et privée, opportuniste mais point hargneux ni haineux, Sébastien Bittereau offre au lecteur comme à ses interlocuteurs - certains formidablement redoutables, voire rapace comme Patrick Le Lay ou Silvio Berlusconi - un visage candide où ne transparaît pas sa capacité à lire le marché et les tendances, ni son audace lorsqu'il s'agit de prendre des risques. De fait, ce manque d'aspérités du personnage principal en fait le simple vecteur d'une narration qui, loin de l'épopée, tient plutôt de l'essai socio-historique. Même le côté golden boy – puisque arrive ce moment où le yacht devient l'achat obligé de Sébastien - s'efface derrière la façade rassurante, et pas du tout sulfureuse, du comptable de province qui triomphe à Paris. Là est l'un des traits du personnage, homme de l'ombre, invisible tel le marionnettiste sans qui le spectacle n'existerait pas. Quant à David, le bras droit de Sébastien, il n'apparaît pas plus en relief ; tout juste est-il décrit comme une sorte d'animateur génial, assez prudent dans ses choix quand Sébastien sait se montrer audacieux, très affable quand Sébastien est réservé. Si David doit beaucoup à Sébastien (c'est ce dernier qui le remet en selle après l'échec de sa dernière émission), sa présence est nécessaire à Sébastien, qu'il rassure. Ainsi Aurélien Bellanger met-il en lumière un double personnage, producteur et animateur, dans l'ombre et sous les projecteurs, mais à coup sûr grand gagnant de cette période charnière du tournant des années quatre-vingt-dix et deux mille, lorsque la télévision, gardant les codes du vingtième siècle finissant, entrait peu à peu dans un vingt-et-unième plus individualiste que jamais.



Au-delà du parcours professionnel, jalonné de réussites, de ce Sébastien Bittereau où l'on reconnaîtrait aisément quelques-uns des parcours de divers producteurs réels, Aurélien Bellanger pose la question de ce qu'est vraiment la télévision, et notamment à travers cet objet uniquement télévisuel qu'est la télé-réalité. La première tentation est de dire que la télévision est un pur objet commercial, un outil au service d'un capitalisme triomphant. Un vendeur de "temps de cerveau humain disponible", selon la célèbre phrase de Patrick Le Lay, alors PDF de TF1 en 2004. Un objet qui, grâce aux images balancées aux yeux littéralement ébahis des téléspectateurs, lève toute défense chez ceux-ci pour offrir aux publicitaires désireux de tout vendre des consommateurs prêts à tout acheter. A travers ce prisme, la télévision devient presque un objet inique, un miroir aux alouettes qui dissimule, derrière la lumière des projecteurs, les appétits avides qui des constructeurs automobiles, qui des industriels des aspirateurs ou des machines à laver, qui des géants sucriers fabriquant bonbons et pâtes à mâcher. Sébastien, David et les autres ne sont alors que les facilitateurs de ces titans capitalistes ; en échange des jeux télévisés - où l'argent est distribué par liasses entières (ah ! les chèques gigantesques du Millionnaire ou les voitures flambant neuves du Bigdil) à de pauvres hères auxquels le spectateur et la spectatrices peuvent facilement s'identifier -, les voilà qui eux-mêmes deviennent millionnaires et tout-puissants. La télévision est un marché comme un autre, où la régulation n'est pas passée partout, permettant à de jeunes loups habiles de se hisser au sommet de la pyramide et de proposer, aux chaînes toujours volontaires pour se démarquer, des programmes toujours plus innovants.



Parmi ces programmes, la télé-réalité annonce un genre nouveau. De la réalité à distance, un spectacle du vrai : la télé-réalité ferait de la télévision, selon la thèse développée par Aurélien Bellanger dans son roman, un objet artistique. Il établit ainsi un rapport entre la télévision du tournant des années 2000 et la peinture de la Renaissance. Que l'on glorifie Dieu ou des lecteurs DVD, il n'est jamais question de montrer la réalité de l'objet de glorification. Les artistes s'échinent à magnifier les atours de la grande idée plutôt qu'à la saisir à bras-le-corps. Partant, la télévision ne serait que l'art majeur du vingtième siècle, un art du divertissement, un art de l'illusion - les plateaux de télévision sont des chefs-d’œuvre en ce sens -, un art qui, par essence, produit des artistes et des chefs-d’œuvre. Génie, Sébastien en est un, lui qui sent à merveille tous les coups, et sait, avec brio, mener sa barque dans le microcosme féroce des sociétés de production et des chaînes qui n'hésitent pas, comme lors de la cérémonie des Sept d'Or, à afficher au grand jour leurs inimitiés. Sébastien est un génie qui sent que les années quatre-vingt-dix glorifient la nostalgie : il saura lui-même bâtir une émission, rappelant les Enfants de la télé, à partir de bribes d'émission que lui-même n'aura jamais vues en direct. La télévision, alors, se saisit d'un imaginaire commun tout en faisant des stars - de la télévision, du cinéma, de la musique - des femmes et des hommes comme les autres qui, de temps en temps, jettent sur leur passé un regard tendre. Pourtant, une émission telle que celle-ci, ou d'autre - ainsi le Bigdil, ou La chance aux chansons - n'est que l'adaptation télévisuelle de format hérités ou dédiés à d'autres arts (le théâtre, la musique). Le chef-d’œuvre, l'émission purement télévisuelle, exploitable uniquement sous ce format, sera la télé-réalité. La télévision, objet populaire par essence, est rendue aux téléspectateurs qui l'intègrent alors, en deviennent les héros. La star n'est plus l'animateur, mais ces anonymes que des passages à la piscine, une mauvaise prononciation ou des antagonismes marqués avec d'autres candidats rendront célèbres. La télé-réalité est le David télévisuel, une performance artistique de plusieurs semaines - quel artiste individuel saurait occuper le MoMA ou le centre Pompidou de la même manière, avec autant de naturel ? - qui dit tout de son époque.



Alors, la télévision, grâce à la réalité, peut devenir également un objet philosophique. La performance filmée sous toutes les coutures, visualisable à chaque instant de la journée grâce aux chaînes câblées payantes, raconte quelque chose de notre humanité, désireuse de se livrer toute entière (ainsi la pièce du confessionnal, dont la terminologie religieuse rappelle évidemment la maïeutique morale de l’Église catholique) et pourtant de se cacher du regard - ainsi la pièce secrète, permettant aux candidat(e)s d'échapper à l’œil de la caméra. Voici venir l'époque de l'extimité, de cette volonté, chez les candidat(e)s, de mettre à nu certaines facettes de leurs personnalités en espérant que l'autre - l'autre candidat, l'animateur, le téléspectateur - saura lui donner une valeur. Il faudra, pour cela, passer par l'expérience du panoptique, cher à Michel Foucault, cette mise en pratique du Surveiller et punir, non pas à visée judiciaire ou sociale, mais à visée commerciale - c'est la télévision comme objet capitaliste - et esthétique - c'est la télévision comme objet artistique, comme vecteur de performance. On pourrait déplorer ce voyeurisme érigé au rang d'art, à cette place de production ultime et indépassable de l'objet télévisuel. Pourtant, la télé-réalité a ceci de génial - selon Bellanger - qu'elle accompagne parfaitement un changement civilisationnel. Avec la télé-réalité, la distance entre le téléspectateur et ce qu'il regarde s'efface. Oubliée, la position dominante du présentateur-vedette, costume brillant et cheveux coiffés à la perfection, qu'on regardait comme un être extraordinaire. Le téléspectateur devient lui-même la vedette, son imperfection parle à celles et ceux qui votent pour ou contre lui, son incapacité à élever le débat en fait l'allié utile de celles et ceux que la moindre réflexion intellectuelle dépasse. Le téléspectateur se regarde lui-même, et annonce une période - que nous connaissons actuellement - où chacun peut être la star d'une vidéo de format court, drôle ou humiliante, et parfois drôle parce qu'humiliante. Dans le roman, David s'inquiète auprès de Sébastien de ce qu'ils ont créé : une machine à imbéciles, un éloge de la médiocrité. Doit-on s'étonner de cette perspicacité ? En véritable artiste, David se montre là visionnaire.
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Le Grand Paris

« À nous deux, Paris ! » : Alexandre Belgrand, pas plus que le héros de Balzac, ne pousse ce cri du provincial bien décidé à conquérir la capitale, mais l’ambition est bien la même. Sinon que Belgrand ne vient pas d’Angoulême, lui, mais des Hauts-de-Seine. Le rapport névrotique à la capitale n’est plus le fait des provinciaux, il est devenu celui des banlieusards.

Les déménagements successifs du narrateur signalent ses succès puis son retour à l’anonymat : il passera de l’ouest à l’est, après avoir connu l’ivresse du pouvoir dans le Triangle d’Or parisien. Mais ce déplacement géographique n’est pas simplement le symbole des déboires du héros ; Bellanger ambitionne lui aussi d’écrire un roman total et les transformations de Paris constituent le sujet principal de ce livre. Belgrand découvre les ors ministériels parce qu’il a pu souffler à Nicolas Sarkozy le projet du grand Paris qui doit conjurer la muséification de la capitale en la rattachant à une banlieue qu’elle méprise mais qui est seule susceptible de la dynamiser.

Décidé d’en haut et réduit à une réorganisation des transports urbains, ce projet sera incapable de construire un commun à partir des territoires hétéroclites qu’il est censé fédérer.

Sans doute l’hétérogénéité du roman de Bellanger qui convoque histoire, politique, philosophie, religion et urbanisme est-il à mettre au crédit de son auteur dont les diverses thématiques ne prennent pas davantage, selon moi, que les différentes zones qui composent l’Île-de-France, mais restent à l’état de grumeaux dans la pâte romanesque.

À moins que mon peu de goût pour ce met plus roboratif que digeste vienne moins de sa technicité que de l’omniprésence de Sarko dont le portrait impitoyable ne m’a tiré aucun sourire. Notre ancien président me paraît si dénué d’épaisseur romanesque que l’insignifiance que je lui prête (à tort, sans doute, hein) a contaminé tout le roman que j’ai lu avec application et sans y trouver d’intérêt – ce dont j’ai honte, mais avouez que j’ai des excuses (enfin, au moins une).
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La théorie de l'information

Entre théorie et fiction, l'information à la sauce Bellanger.



C’est ma deuxième rencontre avec Aurélien B. Je ne l’aborde pas dans l’ordre chronologique, car je réserve ça aux auteurs passés par la rubrique nécrologie. Après qu’il m’ait emmené dans les méandres de l’urbanisme avec Le Grand Paris, le voici qui me propose de traverser l’âge d’or de la communication. En bonne compagnie, puisque son protagoniste Pascal Ertanger semble une représentation plutôt fidèle d’un certain Xavier Niel… Bedonnant, cheveux gras et chemises de friperie et pourtant un vrai génie. J’ai pris plaisir à découvrir ce personnage au travers des âges. Ses débuts prometteurs dans le Minitel rose jusqu’à son hégémonie sur le web français. Je me suis régalé en apprenant ce qu’avait vraiment été le Minitel. Un véritable orgueil technologique français. Le seul souvenir dont je disposais était le vote pour Miss France en famille chaque année. Non, je n’ai pas honte.



« Pour qu’il y ait communication, il faut que le destinataire ignore ce qui va lui être transmis. Shannon nomme information la levée de cette incertitude, opérée par la réception d’un message. L’information est donc proportionnelle à la quantité de surprise que ce message contient : moins le destinataire est capable d’anticiper ce qu’il va recevoir, plus l’incertitude dissipée sera grande. La quantité d’information par message étant maximale quand la source est aléatoire. L’information, au sens de Shannon, n’est que cela. »



Entre les pages, nous croisons des citations et réflexions propres à la Théorie de l’Information de Shannon. Non, non, ce n’est pas une sauveteuse d’Alerte à Malibu. Claude Shannon était un cryptanalyste travaillant pour les services secrets américains durant la Seconde Guerre mondiale. Son rôle était de localiser automatiquement les parties significatives dans les messages ennemis codés malgré le brouillage. Son travail a conduit à la publication de l’article « A Mathematical Theory of Communication » en 1948, qui a jeté les bases de la théorie de l’information. Ce texte a ensuite été élargi en un livre en 1949 avec les commentaires de Warren Weaver, et il a grandement influencé les domaines des communications et de l’informatique.



« Dans le film 2001, le cosmonaute finit par débrancher HAL. Ce geste, au regard de notre degré de dépendance, nous est désormais interdit : on ne coupe pas l’électricité dans un hôpital – l’humanité s’est laissé conduire dans un hôpital. »



À la lecture du petit pavé (487 pages), on comprend l’implication de cette théorie dans tout ce qui a suivi en termes d’évolution des systèmes de communication. Aurélien B. parvient à nous intéresser à cette chose obscure et c’est donc plutôt réussi. Malheureusement et ça m’emmerde vraiment de l’avouer, les cent dernières pages ont été une vraie purge pour moi. J’ai dû me forcer à en finir, pour le principe. C’est comme quand tu dévores un poulet-frites et qu’au bout du compte, t’as plus la place pour les frites. Ou plutôt l’inverse puisque la dernière partie fait office de plat de résistance à la limite, à certains endroits, de la thèse. Je conseille ce livre à tous ceux qui aiment creuser un sujet, qui ont une appétence pour la communication en tant que science. J’étais quand même bien content de croiser ce roman.



À très vite Aurélien. Je sens que tu as encore des choses à m’apprendre.
Lien : https://jecritiquetout.fr/en..
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Téléréalité

« L’activiste était tombé, au fond, sur de meilleurs activistes que lui et, vexé, ne s’en était jamais remis, au point de dénoncer comme un scandale ce qui relevait, au mieux, de l’ordre naturel des choses : les puissants étaient puissants, et les masses, en tant que masses, étaient faciles à manipuler.

- Tout le monde le sait cela, non ? »



Au prétexte d’un destin aux allures de rêve américain parti de la Drôme, celui d’un fils de plombier doué en comptabilité catapulté dans la production audiovisuelle, l’auteur revisite la naissance de la télé-réalité en France. La fiction de boulevard est un fin voile sur une industrie contemporaine qui fait résonner notre adolescence. Léger et divertissant, le récit n’est pas avare de scènes cocasses, de quelques réflexions et s’inscrit tout entier dans la narration du basculement vers une société du spectacle dont la vacuité n’a d’égal que son importance.
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Téléréalité

Je ne m'y attendais pas, mais j'ai bien aimé.



Nous suivons le parcours de Sébastien Bitereau, jeune homme qui vient d'obtenir un bac G, l'année de la chanson de Sardou.

Le plan comptable lui parle, éclaire sa route, il trouve sa voix, il a des idées, du flair.



Il parvient à se faire embaucher au culot, puis, quand il rencontre l'animateur de la Roue de la Fortune, c'est toujours au culot qu'il le suit. Il saisit les bonnes occasions, qui vont faire de lui le visionnaire de la téléréalité.



On croise de vraies vedettes, on devine le nom de certain(e)s autres à la fonction occupée.

Ce roman (c'en est bien un) dresse le portrait des programmes TV de la fin des années 90.
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Le vingtième siècle

J'ai beaucoup de mal à donner un avis sur ce vingtième siècle qu'Aurélien Bellanger articule, décortique et place dans l'Histoire à l'éclairage du siècle précédent. Analyse érudite sur laquelle il faudra sûrement que je revienne pour être certaine que j'ai bien suivi !! Il y a un tel kaléidoscope de niveaux de lecture que d'aucuns ne m'ont pas permis de tout maîtriser.
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Le continent de la douceur

Plusieurs personnages évoluent autour d'une petite principauté imaginaire de l'ex-Yougoslavie : un prince play-boy déchu puis réhabilité avec l'aide sa femme, une banquière avide, des rejetons oubliés dont l'auteur décrit l'enfance et l'adolescence (à partir de ses propres souvenirs), un faux intellectuel sosie d'un faux brillant réel et aussi entartré, une galaxie d'extrême-droite,...

Cet endroit étant le paradis des mathématiques et des objets de précision, un illustre et fantasque mathématicien en est un des protagonistes, quasiment chaque tête de chapitre présente un extrait de "son œuvre".

Il s'agit d'un récit à tiroirs, d'une profonde érudition sur l'histoire de l'Europe contemporaine - le vrai sujet du roman en réalité - , mais auquel j'ai trouvé plusieurs longueurs. Trop alambiqué pour moi !

La fin seulement comporte une action spectaculaire.
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L'aménagement du territoire

Quelle épreuve de finir ce livre. Je suis soulagée : je vais pouvoir enfin m’adonner à une autre lecture, plus réjouissante que ces 500 pages complètement what the fuck. Et pourtant ! Je retrouvais de temps à autre les explications de mon professeur de Géographie durant mes années d’hypokhâgne et de khâgne - d’autant que c’était la spécialité que j’avais choisie. Les paysages aussi étaient familiers : originaire de Rennes, et toujours dans le train entre Paris et la capitale bretonne, l’histoire de la LGV et les intérêts des industriels mayennais pouvaient à priori m’intéresser. Mais à cela Aurélien Bellanger ajoute une histoire mystique d’explication du monde complètement inconséquente si ce n’est qu’elle rend la lecture si douloureuse. Mais le plus douloureux se trouve dans les nombreux paragraphes techniques interminables que Bellanger pense être de la littérature, un peu à la Houellebecq. C’est agaçant, fatiguant et bien dommage car les thèmes de l’aménagement, du remembrement et de l’industrialisation, du rêve technocratique de la grande vitesse, du régionalisme réactionnaire, de la résistance écologique… tous les ingrédients de nos crises contemporaines sont bien là. Mais toutes entremêlées et racontées d’une façon… tout sauf Romanesque alors même que l’auteur s’en réclame…
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Le vingtième siècle

Livre imbuvable. Rare fois où j'ai dû arrêter en cours de lecture ... Que dire hormis à ceux qui souhaitent s'y tente de faire preuve d'une grande force pour pouvoir s'accrocher et tenter de faire le lien entre des chapitres qui semblent n'avoir ni queue ni tête entre eux. On sent bien qu'il y a un lien mais clairement c'est trop ardu pour moi !





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