Voici un petit livre qui reprend la première partie d'une pièce de théâtre écrite par Aurélien Bellanger et mise en scène par Julien Gosselin : 1993.
Aurélien Bellanger met en lumière, à travers la ville de Calais (son tunnel, sa jungle), une Europe prise au piège de ses illusions.
"Calais est moins la porte de l'Angleterre qu'un portail irréversible vers le futur - l'ultime stade du grand projet de modernisation de l'Europe.
C'est à Calais que le monde est devenu absolument moderne".
Une Europe qui a cru en un monde nouveau, un monde où les Européens inventeraient des règles nouvelles et pourraient faire fi de l'Histoire et de la Géographie pour relier les êtres et abolir les frontières (géographiques et culturelles).
"Les Européens de l'âge du tunnel avaient grandi dans la paix. Soixante-dix ans de paix. Une paix immense, une paix continentale.
La péninsule européenne s'était vitrifiée dans un ensemble d'institutions bienveillantes et de traités régulateurs.
L'Europe était le lieu où la guerre était sortie du monde.
Une génération de Playmobil.
Le verre brisé de l'histoire redevenu du sable".
Mais une Europe vite rattrapée par la réalité, par cette mondialisation qui a ouvert une guerre d'un autre genre.
Nous pensions que "les villes, longtemps fermées et fragiles comme des oeufs, étaient enfin rendues au ciel (...) avaient enfin abandonné leurs formes défensives". Sans vouloir nous apercevoir que "l'Europe est devenue folle, devenue hostile et malveillante. Les normes de sécurité des grands aéroports sont devenues les procédures de contrôle standard des flux humains et logistiques".
Face à la génération des années 80, qui sait au plus profond d'elle-même qu'elle a participé à l'élaboration d'une chose sans précédent, dans le temps et dans l'espace, et qui reste encore pétrie de toutes ces promesses européennes, il y a la génération des années 93...
On ressent cette fracture, cette sorte de nostalgie aussi, mêlée d'incompréhension : Qu'est-ce qui a bien pu foirer dans notre si beau projet ? Comment se peut-il que nous parlions à nouveau de frontière, de sécurisation..., là où nous n'avions à la bouche que les mots de liberté, d'abolition et de renouveau ?
"Les formes recroquevillées et humaines sont apparues, en fausses couleurs, sur les écrans de contrôle.
Les clandestins de la marchandise, les passagers de la fin de l'histoire.
Des réfugiés venus d'un monde en guerre et risquant de contaminer le continent de la paix".
Eurodance, du nom de "la musique la plus triste du monde, le bruit d'un univers qui vacille dans le néant".
Telle une fuite en avant ?
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