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Citations de Baudouin de Bodinat (92)


Voici ce que j’ai pensé : cette économie planétaire de croissance finira un jour nécessairement comme tous les empires totalitaires qui l’on précédé dans l’histoire : elle s’effondrera aussi totalement qu’elle aura régné.
(page 200)
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Puis voici ce que j’ai pensé : à y réfléchir on se rend compte qu’il devient de moins en moins fréquent de croiser quelqu’un, qui soit quelqu’un, un regard avec quelqu’un dedans.
(page 163)
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Ensuite de quoi j’ai pensé que ce progrès économique avait trouvé en dévastant la nature le moyen de condamner l’humanité au travail aliéné à perpétuité ; tout ce qui lui était antérieur et qui n’entrait pas dans ses logiciels ayant été anéanti, l’économie totale est devenue cette seconde nature synthétique où nous sommes séquestrés : rien n’y existe que par ses médiations et à la condition de son électricité et de sa chimie, de ses communications instantanées et de ses cerveaux électroniques.
(page 49)
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L'économie planétaire n'a pas besoin de cartomanciennes, ses ordinateurs calculent à partir de statistiques, de modélisations numériques et de cartographies satellitaires, les scénarios réalistes de cet avenir fixe.
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L’internaute après tout n’est que l’aboutissement délirant d’un long processus d’isolement des individus et de privation sensorielle… (p. 79)
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La désaliénation ne peut commencer pour chacun que par la conscience de son aliénation, par la compréhension de par quoi et comment il est aliéné. (page 208)
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En regard de quoi notre actualité de société mondiale semble une végétation hâtive et comme effrénée s’exténuant au fond de l’impasse évolutive ; en tardif d’un monde usé et qui s’est trompé dans sa destination ; au bout du bout, à la toute fin de cette mauvaise uchronie où tout a mal tourné depuis le début, où ce fut toujours à chaque embranchement la mauvaise route choisie. (pages 21-22)
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Auparavant, lorsqu'un pays sentait le renfermé, on pouvait l'aérer en ouvrant les fenêtres sur les pays voisins ; maintenant que par la civilisation unifiée c'est toute cette vieille planète qui sent le renfermé de s'y gêner déjà à 7 milliards en même temps, à respirer là-dedans toutes fenêtres fermées, à fumer et laisser traîner les poubelles avec le recyclage de l'air en panne, et tous à ressasser les mêmes croyances collectives, devant les mêmes images de plus en plus chaotiques sur les écrans pour tout le monde en même temps... (page 15)
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Je n'ignore pas l'argument documenté du personnel savant, qu'économistes et sociologues nous transcrivent en slogans plus directs, que l'économie progressionnelle et la société intégrée ne sont que le système édifié par les hommes pour satisfaire au mieux à leurs besoins et n'ont pas d'autre objet. (...) Mais voici son procédé : elle fait disparaître les travaux en commun et les distractions de la vie sociale pour installer ses infrastructures à la place et propose ensuite aux individus des appareils pour rompre leur solitude sans avoir à sortir de chez eux. Toutes les facultés merveilleuses qu'on prête aux ordinateurs et à leur réseau interactif ont ainsi été prises aux hommes et à leurs unions sociales, leur ont été soustraites et maintenant retirez-leur ces machines et par eux-mêmes ils ne sont rien; ce qui fait la raison de leur attachement à celles-ci et au monde qui les fournit.
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Voyons froidement : si l'on n'y comprend rien, c'est pour la raison évidente que ce ne peut être qu'au moyen d'une subjectivité dont c'est là précisément la fonction; d'une subjectivité qui est elle-même en résultat de ce qu'on n'y comprend rien.
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Voici ce dont j’ai souvent été témoin empruntant l’une de ces vieilles lignes de train en sous-sol où c’est encore un conducteur humain aux commandes, et que dans la vitesse d’une longue courbe le wagon se remplit de plaintes et grincements métalliques suraigus atroces; avec étonnement: que parmi les autres voyageurs photographiés assis ou debout par l’éclairage, personne sur son visage n’exprime le moindre désagrément; comme s’ils n’entendaient pas. J’ai vérifié encore ce phénomène à la surface quand c’est un jeune individu s’exprimant au moyen de l’échappement de son cyclomoteur modifié à la fin spéciale d’horripiler les nerfs des habitants et des piétons, et qui passe et repasse en sollicitant inutilement la carburation de son engin: tous continuent de vaquer sans faire attention. Voilà déjà un problème: des bruits stridents leur vrillent tout à coup le système nerveux et jettent l’affolement dans leur métabolisme endocrinien (vaso-constriction au seuil de la douleur, mise sous tension par les gluco-corticoïdes et l’adrénaline du réflexe de fuite, etc.) et ils continuent de lire machinalement le journal ou de regarder dans le vide: Ils ne sentent rien.
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Baudouin de Bodinat
'ai pensé aussi qu'on ne s'accommode de ce que ce présent factice et empoisonné nous offre, qu'à la condition d'oublier les agréments auxquels nous goûtions le plus naturellement par le passé et que cette époque n'autorise plus; et de ne pas songer que ceux dont nous trouvons encore à jouir, il faudra semblablement en perdre le souvenir, en même temps que l'occasion; qu'à défaut d'oubli on en vient à devoir s'en fabriquer au moyen d'ingrédients de plus en plus pauvres et quelconques, des fins de série, des objets d'usage sauvés de bric-à-brac, tout imprégnés de temps humain et qui nous attristent; de tout ce qui peut se dénicher en fait de rebuts, de derniers exemplaires, de pièces détachées, de vieilles cartes postales; se réfugiant dans les détails de rues en instance, ciels de traîne, matins d'automne; de tout ce qui fut.


On nous dit, les fanatiques de l'aliénation nous disent, que c'est ainsi, tout change et l'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, etc. On voit pourtant que ce n'est plus selon le cours des générations; que nous le subissons abasourdis comme une guerre totale qui fait passer sur nous ses voies express, qui nous tient en haleine de toutes ses dévastations.

Aussi ils ironisent, comme d'hallucinations, si l'on évoque le goût des choses autrefois: ce ne serait qu'un effet, bien compréhensible, du vieillissement qui nimberait ainsi notre jeunesse enfuie. Mais il y a là un problème de simple logique: admettons que le regret exagère la saveur des tomates d'alors, encore fallait-il qu'elles en aient quelque peu; qui se souviendra plus tard, s'il reste des habitants, de celles d'aujourd'hui ?

Prétendre à trouver des moments heureux, dans la condition où nous sommes, c'est s'abuser; c'est même se tromper, et c'est de toute façon ne pas les trouver. Chesterton, qui avait sous les yeux la machine du progrès en perfectionnement, en fut perspicace: «Il est vrai que le bonheur très vif ne se produit guère qu'en certains moments passagers, mais il n'est pas vrai que nous devions considérer ces moments comme passagers ou que nous devions en jouir simplement pour eux-mêmes. Agir ainsi, c'est rendre le bonheur rationnel et c'est, par conséquent, le détruire. »

Tel un Midas aux mille doigts la rationalité marchande afflige tout ce qu'elle touche et rien ne lui échappe. Ce qu'elle n'a pas supprimé et que l'on croit intact, c'est à la manière d'un habile taxidermiste; et le durcissement des rayons solaires est aussi pour les hommes qui vivraient toujours enfouis dans la forêt primitive, ils voient dans le ciel les sillages que laissent les vols intercontinentaux et la rumeur des tronçonneuses parvient à leurs oreilles.


J'en suis venu à cette conclusion qu'il faut renoncer : on s'enfonce sinon dans l'illusion qu'il demeurerait, en dépit de ce monde-ci, des joies simples et ingénues, et pourquoi pas des joies de centre commercial; c'est vouloir être heureux à tout prix, s'en persuader, s'accuser de ne pas l'être. C'est, par conséquent, ne rien comprendre à l'inquiétude, au chagrin, à la nervosité stérile qui partout nous poursuivent; c'est jouir de représentations, c'est se condamner à l'erreur d'être dans ces moments le spectateur satisfait de soi-même, de s'en faire des souvenirs à l'avance, de se faire photographier heureux.


Renoncer à cette imbécillité, ce n'est pas être malheureux; c'est ne pas se satisfaire des satisfactions permises; c'est perdre des mensonges et des humiliations, c'est devenir en fin de compte bien enragé c'est rencontrer sûrement des joies à quoi on ne pensait pas.


Un demi-siècle passant, Adorno ajoutait ceci: «Il n'y a plus rien d'innocent. Les petites joies de l'existence, qui semblent dispensées des responsabilités de la réflexion, ne comportent pas seulement un trait de sottise têtue, d'aveuglement égoïste et délibéré: dans le fait elles en viennent à servir ce qui leur est le plus contraire.» Ce serait oublier que ces joies anodines sont les avortements de celles qui sommeillaient en nous, que le mal économique ne voulait pas vivantes; que c'est encore à la faveur de sa condescendance et comme sournoisement. Ce n'est pas sauver l'idée du bonheur, c'est trouve r cette misère bien assez bonne pour soi.


Voici ce que j'ai constaté d'autre: les uns aux autres nous ne trouvons plus rien à nous dire. Pour s'agréger chacun doit exagérer sa médiocrité: on fouille ses poches et l'on en tire à contrecceur la petite monnaie du bavardage: ce qu'on a lu dans le journal, des images que la télévision a montrées, un film que l'on a vu, des marchandises récentes dont on a entendu parler, toutes sortes de ragots de petite société, de révélations divulguées pour que nous ayons sujet à conversation; et encore ces insignifiances sont à la condition d'un fond musical excitant, comme si le moindre silence devait découvrir le vide qu'il y a entre nous, la déconcertante évidence que nous n'avons rien à nous dire; et c'est exact.

Non seulement pour la raison que donne Carême, que s'il n'y a plus de cuisine, « il n'y a plus de lettres, d'intelligence élevée et rapide, d'inspiration, de relations liantes, il n'y a plus d'unité sociale» ; il resterait tout de même le vin; mais plus simplement par celle-ci que la conversation, outre de vouloir cet esprit particulier qui consiste en des raisonnements et des déraisonnements courts, suppose des expériences vécues dignes d'être racontées, de la liberté d'esprit, de l'indépendance et des relations effectives.

Or on sait que même les semaines de stabulation libre n'offrent jamais rien de digne d'être raconté que nous avons d'ailleurs grand soin de prévenir ces hasards; que s'il nous arrivait réellement quelque chose, ce serait offensant pour les autres.


Voici ce que j'en ai pensé: les hommes, en jetant les yeux sur la quantité des productions que l'économie accumule au détriment de la nature, inclinent plutôt à se flatter de la richesse du spectacle, qu'à prendre conscience de leur dénuement; qui est la seule chose dont nous pourrions parler d'expérience et pour commencer: tout cela qui nous comprime et nous oppresse en commun; le regret que l'on a de soi, la déception que nous est cette vie et même le dégoût, la sourde appréhension que l'on traîne à sa suite et qui nous attend au réveil, et en fin de compte l'horreur de la reproduction matérielle de son existence dans le bagne de l'économie.


Sénèque disait de ses contemporains: Il y a bien des choses qu'ils oublient pour de bon, mais il y en a aussi beaucoup qu'ils font semblant d'oublier. C'était à propos de petites infamies, de vices et de débraillements, qu'il jugeait malpropres. Pour nous ce qu'il faut oublier ce n'est pas seulement l'histoire universelle, ni la physionomie du monde il y a trente ou vingt ans, c'est l'époque où nous sommes.

Nous évitons de parler du passé, qui ferait honte à notre étourderie, et l'on se dérobe à envisager l'avenir, qui est sur nous comme l'ombre de la mort. L'intelligence, il est vrai, recule devant le proche avenir qui nous attend ruiné sous les intempéries, exhibant ses trompe-l'œil et ses fonds peints lépreux, où elle disparaît; il lui faut donc renoncer à elle-même dès maintenant.

Sauf à examiner ce présent, et en son sein nos vies déplorables, on se condamne à ne penser à rien; et encore un peu moins à chaque victoire que la terreur marchande publie: ses statistiques de cancer, ses stocks de radioactivité, ses ordinateurs qui parlent; pour finir il ne reste que des sécrétions intellectuelles.
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Une après-midi aux premiers jours de l'année, à débiter les arbres morts de l'été dernier (sécheresse, canicule) parmi un règne végétal qu'on sent inquiet, embarrassé et indécis de quoi faire par cette douceur de l'air inusuelle, incohérente à son cycle, désaccordée à ses usages - trois corbeaux ont passé croassant au loin tout à l'heure, mais sinon le rouge-gorge venu observer le travail, pour le règne animal, ce qu'il en reste, c'est comme si c'était fini - et dans le silence d'une pause on se sent gagné d'une même ambivalence devant ce qui s'annonce ainsi. (p. 2)
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Au fond, nous sommes las et importunés de ces efforts, de cette présence en personne que l’humanité nous réclamait constamment pour se perpétuer à travers les générations depuis trois ou quatre mille siècles, peut-être plus ; l’Age collectiviste nous installe dans une seconde nature actionnée à l’électricité et n’exigeant de nous rien d’ autre que l’abandon : voilà le confort.
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On lui trouva, durant l'agonie, l'air d'un christ éberlué, lui qui n'avait jamais eu de catholique que ses grands yeux verts d'apôtre au vitrail où tant de petites fiancées, sur la pente de la joie, s'étaient regardées glisser. (p. 11)
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Des enquêtes le vérifient chez les générations nées avec ces mauvaises fées penchées sur leur berceau : explicitement leur "maison" c'est l'écran portatif et ses fichiers, le lieu physique n'appelant aucune remarque (ils ne le voient même pas, sont indifférents à ses aspects et alentours) - avec quoi ils sont chez eux où il y a du débit... (p. 3)
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[...] ce futur alors inconcevable, déroutant l'anticipation quoi que pressenti désobligeant, est là autour de nous maintenant avec ses voix synthétiques, ses drones de surveillance, ses visiophones et ses chimies industrielles en dilution partout, ses foules errantes et ses désordres météorologiques, à s'accomplir tout prosaïquement... (p. 2)
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[...] dans l'inframonde dont on ne sait que les pages d'écran et les applications des entités algorithmiques sont mandatées à épier nos agissements, à documenter nos transactions, à cerner nos conduites et ce qu'elles dévoilent de nos intentions, de nos arrière-pensées et sont d'après cela habilitées à régler nos droits d'accès aux commodités sociales... (p. 12)
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En résumé : par cupidité, bêtise et manque de cœur, par irresponsabilité gaspilleuse, gloutonnerie et prolifération, les hommes en sont venus à ruiner entièrement le système de la nature, à en démanteler toutes les harmonies et n’en laisser que ce gâchis ; non seulement mais ce faisant, à libérer les forces cataclysmiques qui sommeillaient en elle depuis ses premiers âges. Pris de frayeur et de remords ils implorent, réclament, ordonnent qu’on fasse quelque chose. En ce qui les concerne et d’ici là : abonnements aux nouvelles plateformes de films et séries, visiophone 5G abrégeant l’impatience, passeport vaccinal de libre-accès à la vie « comme avant », &c. (p. 10)
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& puis à quoi bon de s'en interroger, sachant la réponse que ferait l'exemplaire quelconque pris au hasard -- tous ces moyens de précipitation de l'existence individuelle et des interactions sociales, qui les attachent si étroitement à la puissante tutelle en diffusion dans l'air ambiant, si on les en prive expérimentalement, les sujets se sentent subitement incomplets, de leur propre aveu, diminués ; à juste titre : il leur manque alors cette vie toute virtuelle qui s'est mise à la place qu'aurait occupée celle intérieure ; et à la fin de soustractions en abrogations de leurs facultés propres, il ne reste rien qu'ils puissent penser ou faire sans le secours de cette grâce continuée qui se révèle à eux par la voix affable de l'assistant personnel captée mystérieusement -- : "Mais quel est le problème puisque cela existe et fonctionne à merveille. Au contraire, je vois mes capacités s'en étendre comme sans limite", etc. Je laisse dire (en imagination). J'attends simplement le jour ou l'autre qu'une main invisible viendra tirer la prise du monitoring global ; que le surprendra dans sa soudaineté le changement de plan de réalité ; qu'il sera devant sa porte qui ne se déverrouille pas et ne dit rien, ou loin de "chez lui" et que le multiphone ne reçoit pas, que rien autour ne fonctionne plus, qu'il ne sait même pas où il se trouve, qu'il a les poches vides, qu'il commence à avoir faim. [...]
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