Citations de Béatrice Hammer (110)
"Peu importe la nature de la poule qui sort de l'oeuf" aurait souri Arici. "Son plumage nous permet de différencier à coup sûr la femme célibataire de la mère de famille"
Pour excessive qu’elle soit, la terreur de Blanchette nous transporte au cœur du problème auquel nous autres romanciers sommes universellement confrontés dans l’exercice de ce métier : nous pouvons inventer les histoires les plus tordus, les plus morbides, les plus nauséabondes, les plus échevelées, les plus déjantées, l’immense majorité de ceux qui nous connaissent, ne serait-ce qu’un peu, seront persuadés, malgré toutes nos dénégations, que ce que nous avons raconté, c’est notre histoire, notre histoire et rien d’autre.
Je lui ai demandé si elle aussi, elle chérissait un rêve, quelque chose qu'elle ferait un jour si elle pouvait, quelque chose dont elle pourrait dire, si elle y arrivait, qu'elle avait réussi sa vie.
Je m'en souviens très bien, elle s'est tournée vers moi, elle a souri, puis elle m'a dit qu'elle n'avait plus de rêves, que son vœu le plus cher serait d'en avoir un.
Menteuse Blanchette ? Pas plus que vous et moi. Elle est pudique tout simplement.
Elle doit s’installer dans l’instant. Plus besoin de se projeter dans l’avenir ou le passé. Le présent est sa liberté.
Quel est le profil idéal pour partager la vie d’un écrivain ? Un profil contrasté, sans doute. À la fois absent et présent, lisse et plein de relief … Absent parce que l’on n’a jamais autant envie d’écrire que quand on se sent seul, présent parce que pour avoir la force de se lancer, on doit se sentir soutenu. Plein de relief parce que, qu’on le veuille ou non, nous puisons tous notre inspiration dans notre vie, et lisse parce que la présence d’une forte personnalité écrase d’avance tous les personnages que l’on pourrait être tenté d’inventer : la réalité supplante la fiction aussitôt qu’elle se fait tangible …
(...) un jour je partirai, je suis comme la marée, je viens, je vais, je viens, je vais, mais contrairement à elle, un jour je partirai (...)
il chantait avec une profondeur, une douceur, une violence qui remuait Léna, et qui parvienrent meme a émouvoir son pere, tant il y avait la, dans cette recontre entre la toute jeune fille et le vieux violon, quelque chose de poignant.
Assise sur le trotoire, Léna dévorait la violoniste des oreilles.
Je vous vois d’ici frémissants, je sens que vous attendez quelque chose, un rebondissement, un écueil digne de ce nom. Blanchette pourrait trouver sa prose répugnante, et, dans un accès de dégoût, jeter le tout à la poubelle avant de tenter de se suicider ?
Il n’en est pas question. Donner le rôle principal à un personnage suicidaire est une erreur que je ne commettrai jamais.
Le champagne, il n'y a rien de tel. Les blancs seront tous là, comme une nuée de moustiques à la saison des pluies.
J’ai compté. Il me reste 1752 jours avant d’être majeure. Pas un de moins, pas un de plus. D’ici là, il faut supporter. C’est pas marrant pour moi, mais ça ne l’est pas non plus pour eux. C’est même encore moins gai. Moi, j’ai la vie devant moi, j’ai pas tout raté. Enfin, pas encore tout.
[ Incipit ]
Je l'aimais bien.
Pas le genre à se mêler de ce qui ne la regardait pas, pas le genre à se mettre avec les autres à potiner, si vous voyez ce que je veux dire. Dans ce collège, c'est le sport favori, médire des collègues, colporter des ragots... Mais elle, non, rien du tout. Peut-être à cause de ce qui s'est passé quand elle est arrivée. Un truc qui doit marquer, qu'on doit avoir du mal à oublier.
On ne vous a pas dit ? Il y a eu comme une cabale. Il faut dire qu'elle était si jeune. Normalement, on n'arrive pas dans ce collège si on n'a pas fait un peu ses armes avant, généralement en ZEP ; les ZEP, c'est là où on balance les jeunes capétiens, ce n'est pas ce qu'on fait de plus intelligent, d'ailleurs, mais enfin c'est comme ça, une sorte de bizutage, ensuite ils sont tellement contents d'avoir intégré un établissement où il y a un minimum de discipline qu'ils ne râlent pas trop sur leur emploi du temps.
Je sais que certains ont besoin de croire qu'elle est morte, je comprends ça, c'est plus facile, un drame, ça fait moins peur qu'un départ volontaire.
Il ne faut pas les croire. Ce sont eux qui sont morts. Elle est vivante, j'en suis certaine.
Embrasser ce sourire, le faire mien pour quelques instants, ça peut paraître un peu grandiloquent mais pourtant c’était ça : j’ai su que ce jour là, ma vie venait de commencer.
Je crois que c’est cela, exactement, c’est ça qui la rongeait progressivement, ça qui la grignotait de l’intérieur, elle ne voulait pas devenir ça, elle ne voulait pas vieillir là, rester plantée, voir ses cheveux ternir, devenir grisâtres, blanchir et tomber peu à peu, elle ne le voulait pas, elle ne voulait pas sentir ses joues s’avachir et être toujours là, bonne épouse, bonne mère, amie fidèle, ça ne lui allait pas, elle voulait prendre des risques, se mesurer à l’océan quand il est en furie, crier plus fort que lui, elle voulait chevaucher des étalons, quitte à tomber, quitte à se briser à jamais, elle ne voulait pas rester dans cette vie, petite, balisée, cette vie qui ne lui ressemblait pas.
Elle n'a pas disparu. Elle est morte. Un jour on retrouvera son corps.
Ne me demandez pas pourquoi. Je le sais. Je le sens. Si elle vivait encore je le saurais. C'est comme ça entre nous. Depuis toujours. Enfin, depuis longtemps. Tellement longtemps que les autres n'ont pas d'idée.
« Ce n’est pas la première fois que je constate ce type d’évolution. François appelait cela la grande loi de l’indifférence. Il disait qu’il y avait là un moteur de l’espèce humaine ; une sacrée invention, qui permet de survivre au pire, en oubliant. Il avait l’habitude de porter un toast à cette loi, et nous trinquions ensemble, fraternellement. À cette époque, en regardant son beau profil, je ne trouvais pas cela scandaleux. Ni pathétique.
Depuis, j’ai survécu au pire. Sans oublier.
Cela, François ne l’avait pas prévu.
Pas plus que je n’avais prévu le pire »
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Être amoureux, c'est un péché de jeunesse. Aimer, c'est un devoir d'adulte.
Et si c’était une chance ? Se retirer du monde, sortir du cercle alors qu’on est encore vivante, que l’on peut encore faire un choix ? Et si c’était cela, vieillir ? Se dépouiller de la séduction vaine des hommes ? Peut-être était-ce une vraie bénédiction ? Abandonner la vanité avant qu’il ne soit trop tard, ne plus chercher à se lover dans les clichés, quitter le casino avant d’être ruinée ? Se consacrer à l’être, mépriser le paraître ?