Citations de Bertrand Belin (115)
Les chansons que je préfère sont celles minées d'évocations, de sens en transit, et dont l'auditeur, par son attention généreuse, parachève l'écriture.
À plusieurs occasions, je me permis de ne rien dire.
La permission de dire est donnée d’après la force du corps,
du parler, ou des habits.
La fenêtre
Elle est sûrement l’ouverture des maisons.
Un temps jadis, les tireurs militaires empêchaient de se tenir dedans.
C’est ce qu’ont bien compris les cow-boys de films.
La nuit noire sera, à suivre, le domaine de ces cow-boys.
Le cinéma a le pouvoir de mettre l’enfant hors de danger.
Le danger des enfants de cinéma est « cinématographique ». Il s’arrête. La nuit noire ne s’arrête pas aussi tambour battant.
La peur gouverne. Elle gouverne hélas avec d'illustres et séculaires compétences. Et si le bien de tous vaut indiscutablement sous son gouvernement le sacrifice de quelques-uns, il faut surtout retenir que le bien de quelques-uns a toujours en définitive nécessité sous son règne le sacrifice de tous.
Les très pauvres, ne pouvant plus compter sur les simples pauvres, ont du souci à se faire. Et ils s'en font d'ailleurs, du soir au matin.
Je vais vous dire…
Je vais vous dire
que j’ai l’occasion d’avoir vu la mort
par plusieurs reprises
en tant que personne du cercle.
Classification :
noyé,
noyée,
chien,
une morte de vieillesse,
écrasée.
Cancers : cinq.
Ma mère,
mon père,
ma grand-tante,
ma grand-mère,
ainsi que de la faune,
et, en grand professeur,
de la « botanique ».
La pluie est comme le vol et le couteau.Pas bon pour l’homme, bon pour l’homme et
la femme et toute la petite famille.Mon père trouva (c’est mon grand frère qui
trouvit) dans les rochers un couteau de style
et en fit quelque chose.Il s’en vanta auprès de nous,ses terribles enfants.Aux pantalons pareils.
Rire est bon.Rire avec les gens dangereux est plus rassurant que tout.Le présent est renforcé par le rire.Craintif est le clown,est le fou.Craintif ne put qu’être bertrang en clown.
Dans le trou,le trou n’est pas vide.Le trou est un milieu de vitesse.Par le trou on poursuit sa dépendance tragique en chutantdu corps.Des trous empestent,des trous sentent bon,d’autres sont plus en température qu’en odeur.
Je suis sur le pays avec mes souliers.Les problèmes de souliers sont à ma charge.Le soulier, soit il est bon, soit il est beau.Devant un émir ou une autre forme de puissance, des positions originales sont l’occasion de faire taire les souliers à problèmes.
Répondre ou répandre,c’est le rôle de la factrice qui est celle du périmètre qui a le mieux connaissance des naissances et des maladies.Connaître aussi les péripéties des impôts de
gens de couches peut être son plaisir.Celui de savoir la honte plus que personne
ou, en meilleur professeur :au-delà de quiconque.
L’inattendu est un problème de référence pour les orgueilleuses familles de chefs vineux de
famille (en grand professeur). La propreté ou la saleté est de toute première crainte. Une visite inattendue au logement est grave comme une visite attendue.Les surprises sont parmi les principaux
emmerdements d’une cellule familiale. L’art
d’isoler peut être une manie de chef de
famille.Parmi l’inattendu, le manque est exagérément compté.Prévisible, le manque l’était de toute origine.
L’emploi des temps sert la précision du propos.
Maîtriser l’emploi des temps servira la précision du propos.
A servi, afin que vous ne servissiassiez.
Heureusement il y a le bruit du moteur car les trois hommes ne se parlent plus.
Impossible sur le moment de deviner ce que c'était. Puis l'autre a compris. Le plus jeune et le troisième homme ont aussi compris : bon sang! Un cormoran. Un cormoran s'est pris les ailes et les pattes dans le milieu du filet pendant la nuit.
Rien n’est plus amer que de ne pas oser rire. C’est, et c’est le plus grave, une situation à laquelle on peut s’habituer.
Le passage de vie à trépas est une discipline qui ne laisse pas l'homme indifférent. C'est la catastrophe de l'homme, sa plus grande catastrophe. Je dis discipline car il me semble que comme le saut à la perche, cela demande un entrainement; une consciencieuse préparation physique et psychologique dont le plus difficile aspect reste encore qu'il faille l'accomplir dans le secret afin de ne pas ennuyer ses congénères avec des choses tristes. Cela est d'autant plus regrettable qu'il est clairement établi que face à la mort, l'absence de préparation donne d'aussi bons résultats.
Cet après-midi, placé devant la douleur immense que ma noyade actuelle lui occasionnera bientôt, douleur que par amour je redoute de lui infliger, tout en espérant confusément, par amour toujours, qu’elle ne lui soit pas épargnée, je me demande s’il n’aurait pas mieux valu que je meure durant cet hiver 1986 cette fameuse nuit où j’ai pêché du lait.
Cet après-midi, au contre-réservoir de Grosbois dans lequel je me noie, je me trouve tout près d’en finir avec ces ténèbres qui, il y a trop longtemps, m’ont voluptueusement confondu et happé. Rien ne soulage mieux de la crainte de mourir que mourir en acte. Pourtant, à deux doigts du répit, je commence à me demander si vivre de la sorte, dans la noirceur d’une conscience éclairée, n’est pas préférable à cette autre façon d’ « être » qu’est la mort, puisqu’on dit bien « être mort », dont on se doute qu’elle ne promet pas grand-chose d’incontestablement folichon.
Toujours est-il qu'il s'agit bien d'un cormoran.