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Critiques de Blaise Cendrars (425)
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Poésies complètes avec 41 poèmes inédits

Centre d'études Blaise Cendrars :

http://www.cebc-cendrars.ch/
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La Légende de Novgorode

Poème mythique qui se révèle en fait être l'oeuvre d'un brillant faussaire... de quoi plaire à Cendrars et déplaire à Fata Moragana !
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La Prose du Transsibérien et de la petite Jeh..

« La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France » est un poème de 445 vers libres, écrit par Blaise Cendrars en 1913, et par la suite illustré et mis en forme par Sonia Delaunay puis publié en tant que hors-série de la revue, à un seul numéro (1913, Les Hommes Nouveaux). Il s’agit de leur seconde collaboration, et le « premier livre simultané », recherche commune de correspondance entre les mots et les couleurs. La forme est celle d’un livre relié en parchemin vert de 199 x 36 cm. L’ensemble des crayons, aquarelles, collages et reliures est daté entre 1912 à 1914, trouvant ainsi sa place dans le courant de l’art abstrait et, plus spécifiquement, dans la création de l’art simultané de Sonia aux côtés de Robert Delaunay. La richesse et la variété des médiums et de ses sources d’inspiration, brisent la distinction entre l’art et le décoratif et visent à la synthèse des arts. Leur amitié est basée sur la langue russe que parle Cendrars et langue maternelle pour Sonia Delaunay, ukrainienne, née Sara Illinichtna Stern (1885-1979).

La « Prose du Transsibérien » est le poème intermédiaire entre « Les Pâques à New York » écrit en avril 1912 et « Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles », terminé en juin 1914, mais publié en 1918, à la fin de la guerre. Ces trois poèmes forment un ensemble, autant par la thématique du voyage que par leur période d’écriture, avant la guerre qui marque l'entrée de Cendrars en poésie. En effet, « Les Pâques à New York » est le premier poème signé du pseudonyme « Blaise Cendrars », de son vrai nom Frédéric-Louis Sauser (1887-1961).

Le poème est le récit d’un jeune narrateur de seize ans, un poète, qui fait le voyage de Moscou à Kharbine, pour accompagner un voyageur en bijouterie et « 34 coffres de joailleries de Pforzheim / De la camelote allemande "Made in Germany" ». C’est en rappel d’un voyage que fait Cendrars en 1905 dans les pays de l’Est en compagnie de Rogovine avec qui il devait se former au métier de joaillier. Ce Rogovine apparait d’ailleurs plus tard dans « Moravagine », en tant qu’anagramme presque parfaite de Voragine, autant dire un double. Il va entrainer le jeune homme dans une sombre histoire d’épine et de perles. Lui-même employé de Léouba, le grand patron joaillier de Saint-Pétersbourg, il s’inscrit dans la chaîne des Patrons de la Poésie qui associe donc Rogovine à Léouba, et Moravagine à Gourmont. C’est,le même personnage qui apparait ensuite dans « Moravagine », et qui aura hanté Cendrars entre 1914 et 1925. Parallèlement à de multiples autres travaux. Il y reviendra toute sa vie pour le commenter, le remanier ou l'augmenter. Dans son ultime version, il présente son livre comme définitivement inachevé puisqu'il est privé des œuvres complètes de Moravagine auquel ce roman était supposé servir de préface. Tout comme il y aura par la suite un Favez, dont le nom est voisin de celui de Faval, soldat dans la section de Cendras. C’est celui qui assiste à la chute du bras sanglant près d’eux, épisode de « La Main coupée » et « L’Homme Foudroyé » (2013, La Pléiade, 2 tomes, 976 et 1126 p.). C’est aussi celui qui sera blessé et tué à la Ferme de Navarin, plus tard, lorsqu’un tir de mitrailleuse sectionne le bras de Cendras. Faval s’agrippe à Cendras, qui doit couper sa capote, s’amputant métaphoriquement une seconde fois. « Quand il tomba, frappé d’une balle entre les deux yeux, je dus couper le pan de ma capote pour me libérer de son poids mort et continuer d’avancer. Il ne m’avait pas lâché ».

Dans ce voyage, il y a aussi « la petite Jehanne de France », ou bien « Jeanne Jeannette Ninette Nini ninon nichon / Mimi mamour ma poupoule mon Pérou », qui se révèle être une demoiselle de petite vertu. Et ce petit monde parcourt les plaines de la Sibérie.

« Je croyais jouer au brigand / Nous avions volé le trésor de Golconde/ Et nous allions, grâce au Transsibérien, le cacher de l'autre côté du monde / Je devais le défendre contre les voleurs de l'Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne / Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine Et les enragés petits mongols du Grand-Lama / Ali baba et les quarante voleurs / Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne / Et surtout contre les plus modernes / Les rats d'hôtels / Et les spécialistes des express internationaux ».

Ils égrènent au fur et à mesure les noms des gares de Russie qu’ils traversent, depuis « Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares ».

L’ensemble du poème est nourri de références propres à l’histoire de Cendrars. Ce qui fait que la « Prose du transsibérien « devient presque une autobiographie, pour ne pas dire une mythologie personnelle. Le jeune homme porte par exemple avec lui un revolver, « un browning nickelé qu'il m'avait aussi donné ». C’est un rappel probable de son premier voyage en Russie, mais ce voyage va le plonger dans les prémices de la révolution russe « la venue du grand Christ rouge de la révolution russe ».

« Je suis en route / J'ai toujours été en route / Je suis en route avec la petite Jehanne de France / Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues / Le train retombe sur ses roues / Le train retombe toujours sur toutes ses roues ». Jehanne s’ennuie, un peu de nostalgie, pour elle qui ne connaissait que Paris. « "Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre ?" » qui revient comme un leit-motiv. « Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours / Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie, du Sacré Cœur contre lequel tu t'es blottie ». il veut se montrer rassurant. « Tous les boucs émissaires ont crevé dans ce désert / Entends les sonnailles de ce troupeau galeux Tomsk Tcheliabinsk Kainsk Obi Taïchet Verkné Oudinsk Kourgane Samara Pensa-Touloune / La mort en Mandchourie / Est notre débarcadère est notre dernier repaire / Ce voyage est terrible ».

.Avec des moments de poésie pure « Les roues sont les moulins à vent d'un pays de Cocagne / Et les moulins à vent sont les béquilles qu'un mendiant fait tournoyer / Nous sommes les culs-de-jatte de l'espace / Nous roulons sur nos quatre plaies / On nous a rogné les ailes Les ailes de nos sept péchés / Et tous les trains sont les bilboquets du diable ».

Tant que j’en suis à Blaise Cendras. Allez consulter, voire même acheter « La Fin du monde filmée par l’ange N.-D. » un texte de Blaise Cendrars, avec des illustrations de Fernand Léger (2022, Denoël, 80 p.). Le tout se présente sous forme d’un album grand format (248 mm x 318 mm). Avec 55 petits chapitres, en gros 2-3 par page qui retracent l’apocalypse du monde moderne. Initialement paru en 1919, avec 22 illustrations, dont vingt coloriées au pochoir. Les illustrations de Léger intègrent des lettres, des chiffres, des slogans de publicité et des citations. Le texte est terminé en 1917, et annoncé à son ami Jean Cocteau « Un monstre, je te dis ». Le roman, qui est tout de même inachevé paraitra une dizaine d’années plus tard. Dans « Moravagine », le « Pro Domo » final explique comment il a été conçu. Cendrars écrit « « La Fin du Monde » a été écrite en une seule nuit et ne comporte qu’une seule rature ! Ma plus belle nuit d’écriture. Ma plus belle nuit d’amour ». Datée « La Pierre, le 1er septembre 1917 ». En fait c’est la suite de « Moravagine ».

Deux très beaux ouvrages, que l’on peut même lire.



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Du monde entier au coeur du monde

La poésie de Blaise Cendrars est une poésie du voyage. Des descriptions fouillées, exhaustives, décors, nature, personnages, ports et rues de la ville. La beauté du monde. Livre de poésie ou récit de voyage ? Ce sont les côtés minutieux des descriptions, précises et poétiques, qui font émerger le sentiment de participer à la découverte de lieux inédits et lointains. Lieux qui ont peut être disparu depuis. Atmosphère du bout du monde. Poésie de l'expatrié, le regard toujours neuf et étonné. le voyageur est bien partout et ne refuse aucun contact, sinon pour écrire. On soupçonne mille aventures...
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Bourlinguer

Le confinement fermant nos sentiers battus, ce fut une vraie aventure intellectuelle de faire connaissance avec Cendrars Blaise. Une modernité d'écriture avec des phrases à rallonge garnies qui plus est de digressions multiples. Un style qui vous prend d'autant plus au collet quand on ronronne plutôt avec des auteurs moins originaux. Vraiment une "patte" pour celui qui perdit le bras droit à la guerre, un écrivain marquant du siècle passé pour une invitation au voyage unique.
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La fin du monde filmée par l'ange N.-D.

« La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D. » est un texte de Blaise Cendrars, avec des illustrations de Fernand Léger (2022, Denoël, 80 p.). Le tout se présente sous forme d’un album grand format (248 mm x 318 mm). Avec 55 petits chapitres, en gros 2-3 par page qui retracent l’apocalypse du monde moderne. Et une postface de Jean-Carlo Flückiger d’une petite dizaine de pages.

Initialement paru en 1919, avec 22 illustrations, dont vingt coloriées au pochoir. Les illustrations de Léger intègrent des lettres, des chiffres, des slogans de publicité et des citations. Le texte est terminé en 1917, et annoncé à son ami Jean Cocteau « Un monstre, je te dis ». Le roman, qui est tout de même inachevé paraitra une dizaine d’années plus tard. Dans « Moravagine », le « Pro Domo » final explique comment il a été conçu. Cendrars écrit « « La Fin du Monde » a été écrite en une seule nuit et ne comporte qu’une seule rature ! Ma plus belle nuit d’écriture. Ma plus belle nuit d’amour ». Datée « La Pierre, le 1er septembre 1917 ». En fait c’est la suite de « Moravagine ».

Les illustrations de Léger intègrent des lettres, des chiffres, des slogans de publicité et des citations. Le but est de traduire l’agitation de la grande ville. Les caractères d’imprimerie associés aux aplats colorés rappelle la fascination du peintre pour l’esthétique de la publicité. En écho au texte conçu par Cendrars comme un scénario de film, Léger joue de surprenants effets de cadrage et de gros plans qui évoquent au fil des pages le principe du fondu enchaîné. On se souvient que Fernand Léger a été l’un des premiers à exposer publiquement des peintures cubistes. Très marqué par l’exposition rétrospective Cézanne en 1907, il découvre le cubisme de Picasso et de Braque. Ce qui fait qu’il défie Cézanne avec son « Compotier sur la table » (1909).

En 1918, il illustre le livre de Blaise Cendrars que ce dernier a conçu comme une suite de plans cinématographiques. Le tout ne paraitra finalement en 1926. Léger joue sur des suites de scènes, avec des effets de cadrage qui mélangent plans larges et gros plans. Le tout évoque au fil des pages le principe du fondu enchaîné.

Cendrars avait déjà abordé Sonia Delaunay en 1913 pour écrire et illustrer des « poèmes simultanés ». Le résultat est « La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France »’(2011, Presses Universitaires de France, 88 p.). Le texte narre le voyage d’un jeune homme, Blaise Cendrars lui-même, dans le Transsibérien qui va de Moscou à Kharbine (Harbin) en compagnie de Jehanne. Cette femme, aux prénoms multiples « Jeanne, Jeannette, Ninette » se révèle être une prostituée au fil des vers et du trajet en train. Une introduction de Miriam Cendrars, la fille de Blaise, évoque la réception mouvementée de l'œuvre, témoin d'un turbulent renouveau des arts. La version reproduite datée de 1919, est « dédiée aux musiciens ». Elle appelle à tendre l'oreille aux sonorités, aux cadences et aux vibrations de la voix intérieure du poète.

« La Fin du monde » est inspirée par une farce américaine, écrite à la manière d’un scénario. Le film, ou plutôt l‘épisode de kinétoscope, « A trip to Mars »de Thomas Edison, mis en scène par Ashley Miller, est un court métrage de 4 minutes, produit en février 1910. Un scientifique invente par mélange de deux poudres, un produit permettant de se libérer de la gravité. Pour commencer, le récipient dans lequel les deux poudres ont été jetées, s'envole. Il renouvelle l'expérience avec une chaise, résultant au même phénomène. Finalement l'expérimentateur essaie son invention sur lui-même. Il décolle à son tour et échappe à l'attraction terrestre en passant par la fenêtre. Il débarque sur Mars, où il fait connaissance de Silly. C’est une créature géante, mais néanmoins charmante tout en restant décente.

On voit que « La Fin du Monde » a des antécédents, tant dans son texte que dans es illustrations. La composition écrite évoque le montage et la succession des plans d’un film. Les illustrations évoquent les successions de fondu-enchainé. Il faut noter que les deux auteurs travaillent ensemble en 1918-1919, à la fin de la Première Guerre.

Les films sont encore muets. Le parlant ne commence qu’en 1927. Même si Gaumont, en 1913, met au point une caméra bichrome comportant deux objectifs avec un filtre bleu-vert et un filtre rouge. En 1919, elle fut perfectionnée par ajout d’un troisième objectif. Grâce à ses trois filtres rouge, bleu et vert, il faut attendre 1932 pour avoir une caméra soustractive à trois bandes beaucoup plus sophistiquée. Puis viendra le Technicolor trichrome.

Le texte, lui est résolument moderne. Il a hanté Cendrars pendant ces trois années de guerre. Il y pensait sans arrêt dans les tranchées.

Fin 1911, Frédéric Sauser s'embarque pour New York, pour rejoindre Fela Poznańska, une étudiante juive polonaise rencontrée à Berne. Il l'épousera par la suite et elle sera la mère de ses enfants Odilon et Rémy, et de Miriam. Ce séjour aux États-Unis lui montre la voie, nouvelle et soumise aux lois de la mécanique, de la vitesse, de la modernité. Quand il revient à Paris, en 1912, il a trouvé sa voie, la poésie et l’écriture, qui se consume au cours de la création, puis s'éteint pour se transformer en cendres. C'est pourquoi il choisit son pseudonyme Blaise comme braise, et Cendrars comme cendre.

Survient la guerre en Août 1914. Il s’engage, est blessé, puis amputé du bras droit lors de l’assaut de la Ferme Navarrin, près de Suippes, en Champagne. Au cours de l'été 1917, qu'il passe à Méréville, entre Etampes et Pithiviers. Il découvre son identité nouvelle d'homme et de poète. Il participe aux travaux des champs. Il apprend à se servir de sa main gauche. Il rédige, au cours de sa « plus belle nuit d'écriture », le 1er septembre, La Fin du monde filmée par l'Ange N.-D. ». C’est le début d’une période d'activité créatrice intense placée sous le signe tutélaire de la constellation d’Orion, dans laquelle la main droite du poète s'est exilée.

« Moravagine » est publié en 1926, et régulièrement réédité (2022, Grasset, Les Cahiers Rouges, 242 p.), après une genèse d'une dizaine d'années. En 1956, l'écrivain a revu, corrigé et complété son roman par un « Pro domo » intitulé « Comment j'ai écrit « Moravagine » » et une postface. Le style du roman, très maîtrisé, contraste avec la fantaisie surprenante de son intrigue, sans que cela ne nuise aucunement à la qualité littéraire. Ce décalage entre forme et fond fait de « Moravagine » un roman tout à fait particulier. Divisé en trois grandes parties. « L’Esprit d’une époque », « Vie de Moravagine » et « Les Manuscrits de Moravagine ». Puis chacun est divisé, soit 26 sous-chapitres, identifiés selon l’alphabet, de « a » à « z ». On voit donc que le plan d’écriture a été mûrement réfléchi, d’où la nuit d’écriture. Les 18 sous-chapitres centraux de la « Vie de Moravagine » s’étendent sur environ 200 pages, avec des longueurs inégales, et quelquefois trop importantes.

Initialement, le roman devait s’intituler « L’An 2013 », c’est-à-dire une uchronie de déroulant un siècle après sa rédaction. Le tout en trois parties. La première, « morceau lyrique », décrit la terre en aout 1914. Puis suivent 7 chapitres, le cœur du récit, qui décrit « La Grande Guerre », celle qui va de 1914 à 2013, avec un tableau du monde, la situation des pays neutres, et le « Pourquoi de la Guerre ». Enfin une troisième partie, lyrique elle aussi, intitulée « Mars 2 août 2013 », narre les impressions de Moravagine sur cette planète, après s’être exilé de la terre.

Pourquoi cet engouement pour Mars, si ce n’est pour échapper à la guerre. Pas seulement. Le début du siècle est marqué par les débuts des « livres d’aventures ». HG Wells a publié « La Guerre des Mondes » en 1898. C’est après que l’astronome italien Schiaparelli ait découvert et observé (1877) des trajectoires linéaires sur Mars, qui sont interprétés comme des canaux. La preuve existe qu’il y a de la vie sur Mars. L’éditeur Pierre Lafitte se spécialise dans ces romans, suivies par les « Editions G. Crès » et surtout « L’Edition Française Illustrée », avec ses couvertures au pochoir. Mais les « Lafitte » restent les précurseurs. Sortent alors une série de livres de ce qu’on n’appelle pas encore science-fiction. Avec Arnould Galopin « Le Docteur Oméga : aventures fantastiques de trois Français dans la planète Mars » (1906), puis Gustave Le Rouge et son mythique « Le Prisonnier de la planète Mars » (1908 concomitant avec Henry Gayar et « Les Robinsons de la planète Mars » (1908) qui sera suivi par les romans de Jean de la Hire « La Roue Fulgurante » (1908) et « Le Nyctalope » (1911) avant de publier des livres sur les armes et la guerre. Il y avait rue Grégoire de Tours à Paris, entre la rue Dauphine et le Boulevard de l’Odéon, un libraire qui m’a initié, et soutiré quelques espèces, pour cette littérature fantastique.

J’ai été en partie déçu de lire « La Fin du Monde filmée par l'Ange N.-D. ». En partie seulement car la mise en page est superbe. Le texte aussi, mais façon script de cinéma.

Il n’y est pas question de Moravagine. Mais d’« une convocation de ses chefs de rayon » par « Dieu le père » depuis « son bureau américain ». Moravagine ne figure même pas dans la liste des 11 « chefs de rayon », ou peut-être dans les « etc, etc… ». Une bourde du protocole, sans doute. Il décide de l’anéantissement de la terre, et pour cela « il envoie un message chiffré à l’Ange N.-D. ». Ce dernier descend sur Terre, à Paris « Et l’on voit l’Ange N.-D. porter sa trompette à sa bouche ».

Et pourtant, cela fait presque un siècle que Moravagine est sur Mars. Il s’est progressivement adapté. « Connaissant ma curiosité des choses du ciel. Moravagine a établi, à mon usage, un dictionnaire des deux cents mille principales significations de l'unique mot de la langue martienne, ce mot étant une onomatopée ». On ne manquera pas de faire le parallèle avec le livre du préfacier, Paul La Farge, qui établit « The Night Ocean » (2017, Penguin Press, 400 p.) un cahier secret de HC Lovecraft intitulé « Erotonomicon », pâle copie d’un « Nécronomicon », ouvrage fictif du mythe de Cthulhu inventé par HP Lovecraft, en 5 volumes de plus d’un kilo (2021, Arcturus, un petit millier de pages). Mieux que le « Guide du Routard », le lexique martien ne contient que « l'unique mot de la langue martienne [qui] s'écrit phonétiquement « Ké-ré-keu-keu-ko-kex ». Il signifie tout ce que l'on veut ».

C’est alors qu’il reprend le manuscrit de « Moravagine ». Non sans difficulté. « Un porte-plume, c’est vache. Ça salit tout ». Moravagine a dû être exécuté à Monjuic. Mais le roman sortira en 1926.

Il lui faudra attendre le 31 décembre 2013. « L’Ange N.-D. gonfle à peine ses joues ». « Le Soleil s’immobilise. Il est midi une ». « Un œil obscur se ferme sur tout ce qui a été ».

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Poésies complètes

Denoël entreprend une édition mise à jour de ses œuvres complètes en 15 volumes. Un conteur étourdissant.
Lien : https://www.lalibre.be/cultu..
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La main coupée

Un grand auteur, et un grand bonhomme tout court, que Louis Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars. Suisse d’origine, il s’engage avec d’autres dans le 3epe régiment de marche de la Légion Etrangère et part sur le front de Somme en novembre 1914. Il y est soldat de base de « première classe », mais c’est un des rares intellectuels qui prend vite l’ascendant sur ses compagnons. Ils forment alors un corps franc, un peu hors des lois et des ordres. « «On me nomma soldat de lere classe faisant fonction de chef d'escouade, faute d'autres gradés pour rassembler les hommes qui affluaient ». Il faut lire sa biographie, à peine romancée dans « La Main coupée » et « L’Homme Foudroyé » (2013, La Pléiade, 2 tomes, 976 et 1126 p .).

La main coupée fait allusion à un jour calme, sans coup de feu ou coup de canon. Faval, un du groupe à Tilloloy, dans la Somme, découvre « Nous avions bondi et regardions avec stupeur, à trois pas de Faval, planté dans l’herbe comme une grande fleur épanouie, un lys rouge, un bras humain tout ruisselant de sang, un bras droit sectionné au-dessus du coude et dont la main encore vivante fouissait le sol des doigts comme pour y prendre racine et dont la tige sanglante se balançait doucement avant de tenir son équilibre ». Ils téléphonent aux hôpitaux, postes d’infirmerie, rien, pas un blessé qui ne réclame son bras. Cela fait aussi allusion à l’obus qui lui vaut d’être amputé du bras droit lors de l’attaque de la ferme Navarin, dans la Marne, près de Suippes, en septembre 1915.

Il dresse des portraits assez heureux de son groupe, avec Faval, Rossi « l’hercule de foire », Lang, «le plus bel homme du bataillon», tué à Bus par un obus. «Il y a BUS dans autobus et aussi dans obus…». Bellesort Robert, canadien qui n’arrête pas de parler des seins de sa sœur jumelle. Ce qui faisait rêver Ségouâna, plus ou moins érotomane Garnero dit Chaude Pisse, qui n’avait pas son pareil pour tuer un chat, o lièvre d’une balle dans la nuque. Kubka, tchèque et peintre cubiste, que madame rejoindra pour une nuit dans les tranchées. Przybyszrwski, dit Monoclard, soi-disant prince polonais qui fait livrer un pullover de luxe par un grand chemisier de Paris.

Il y a aussi les encadrants, dont le premier, à la caserne de Reuilly « Ce colonel ! C'était un vieux décrépit... un homme de cabinet avec un lorgnon et des idées d'un autre âge. Ainsi, pour nous entraîner, il eut la malencontreuse idée de nous faire faire la route à pied, de Paris à Rosières (Somme) où nous occupâmes les tranchées... ». Ses adjoints ne valent guère mieux Le sergent Dugardin demande à être renvoyé dans ses foyers, en raison de son grand âge, sa classe n'étant pas appelée. Et tout ce monde va à pied vers la Somme. « Les hommes se traînaient, des ampoules aux pieds, écrasés par le sac, finissaient par tomber sur les bas-côtés de la route, refusaient de continuer... Alors le colon eut une autre idée, celle de faire inspecter les sacs et de faire jeter tous les effets non-réglementaires...».

Pour leur premier Noël, ils dégotent un gramophone et un disque de la Marseillaise. « nous nous étions promis de faire une belle surprise aux Boches pour leur Noël ». Et une patrouille va placer le tout aux avant-postes, puis déclencher la musique le soir de Noël. Le tout naturellement au péril de leurs vies. Il raconte aussi comment il a tué, et pourquoi. «Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour Œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. A coups de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre.»

Il n’y a pas que ces anecdotes. « De tous les tableaux des batailles auxquelles j’ai assisté je n’ai rapporté qu’une image de pagaille. Je me demande où les types vont chercher ça quand ils racontent qu’ils ont vécu des heures historiques ou sublimes. Sur place et dans le feu de l’action on ne s’en rend pas compte. On n’a pas de recul pour juger et pas le temps de se faire une opinion. L’heure presse. C’est à la minute. Va comme je te pousse ». Quant à la guerre en soi. « Je m’empresse de dire que la guerre ça n’est pas beau et que, surtout, ce qu’on en voit quand on y est mêlé comme exécutant, un homme perdu dans le rang, un matricule parmi des millions d’autres, est par trop bête et ne semble obéir à aucun plan d’ensemble mais au hasard. À la formule « Marche ou crève » on peut ajouter cet autre axiome : « va comme je te pousse ! » Et c’est bien ça, on va, on pousse, on tombe, on crève, on se relève, on marche et on recommence ». Le bilan « L’homme poursuit sa propre destruction. C’est automatique. Avec des pieux, des pierres, des frondes, avec des lance-flammes et des robots électriques, cette dernière incarnation du dernier des conquérants. Après cela il n’y aura peut-être même plus des ânes sauvages dans les steppes de l’Asie centrale ni des émeus dans les solitudes du Brésil ».



Il y a bien entendu des scènes terribles. Scènes d’horreur. « A Dompierre, ce sont les hommes qui volaient en l'air par sections entières, soufflés qu'ils étaient par les terrifiantes explosions des fourneaux de mines qui partaient en chapelet et beaucoup d'hommes ne retombaient pas, sinon sous forme de pluie de sang . On manquait un peu de pinard dans le secteur mais pas de ce genre de gros rouge et tout le monde était saoul, de peur, de fatigue et de ce vin nouveau d'Apocalypse . Mais qui donc foulait la vigne et en vue de quoi? On ne pouvait tomber plus bas . Personne » .

Un très grand auteur. A lire absolument.

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L'or : La merveilleuse histoire du général Jo..

1737
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Ceux de Verdun

Je ne comprend pourquoi ce livre est aussi mal noté. Personnellement, j’ai trouvé dans ce livre les renseignements que je cherchais. C’est certain ce n’est pas un livre révolutionnaire qui vous apprendras une multitudes de choses mais il vous montrera une première approche et idée de l’atmosphère que dégagée la guerre.
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Petits contes nègres pour les enfants des bla..

C'est vrai que les contes sont pleins de poésie, mais je ne suis pas certaine que les enfants d'aujourd'hui s'en approprient facilement les histoires.

À mon sens il s'agit là plus de fables que de contes.



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L'or : La merveilleuse histoire du général Jo..

J’ai lu ce livre au collège en 4 eme. J’ai détesté lire ce livre.
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Pourquoi personne ne porte plus le caïman pou..

Ce petit conte est assez classique dans le déroulé, facile à comprendre, abordable. Il est rassurant car il est moral et les "gentils" s'en sortent même si la fin n'est pas tendre … !



~ Challenge multidéfis 19 : pronom personnel dans le titre

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Le lotissement du ciel

"Le voyage continue mais sur les voies du monde intérieur. C'était urgent". C'est ainsi que Blaise Cendrars annonçait en 1949 ses intentions concernant Le Lotissement du ciel. Après Bourlinguer, grand livre mêlant chroniques de voyages et affabulation pour mieux construire la légende Cendrars, Le Lotissement du ciel, qui tisse ensemble souvenirs personnels, hagiographie et intuitions mystiques fut unanimement boudé par le public et la critique.



Peuplé d'oiseaux, d'anges et de saints, plein de mystères et de dérobades, ce texte constitué de trois parties disparates assemblées après coup poursuit comme dans un miroir brisé l'exercice d'autoportrait entamé cinq ans plus tôt avec L'Homme foudroyé. Volontiers contemplatif, ce dernier volume des Mémoires qui a tant déconcerté à sa publication est maintenant reconnu comme un des sommets poétiques de l'œuvre, voire comme un testament. Avec, comme dernier message, cette incitation qu'adresse Cendrars aux "jeunes gens d'aujourd'hui" : "Il n'y a pas d'autre choix possible. Vivre..."
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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Dan Yack - Intégrale

test
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L'or : La merveilleuse histoire du général Jo..

Plongée tourbillonnante dans le 19ème siècle américain. L'arrivée des colons, leurs espoirs, leurs tragédies et cette course vers l'or qui déjà fait des ravages. La naissance du capitalisme est là, dans ce livre. Blaise Cendrars le visionnaire. Passionnant !
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Joyeux Noël !



Ce livre de Noël était assez étrange mais féérique. La nouvelle sur les fées de Tesson était assez drôle. Un homme qui ne croit pas aux fées se prend une cuite et rentre chez lui il ne sait comment...l'ange de Noël de Marcel Aymé qui est un garçon tout nu qui visite les casernes et les maisons closes est assez drôle aussi. Moins drôle mais émouvante, Un souvenir de Noël de Truman Capote avec un petit garçon et une grand-mère qui se saoulent avec des gâteaux et s'offrent des cerfs-volants.

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L'Amiral

Belle promenade sur le pont d'un bateau, qui s'en va jusqu'en Amérique du Sud, dans les tourments de l'amour. Très vite lu, quelques pages (95), un voyage très doux.
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Joyeux Noël !

Trés beau recueil. Il m'a permis de me mettre dans l'ambiance des contes de Noel et leurs morales sont toujours d'actualité.
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L'or : La merveilleuse histoire du général Jo..

Je crois ne jamais avoir lu un livre si rapidement. La fièvre de l’or serait-elle communicable ? En vérité, il s’agit là d’une courte biographie de Johann August Suter, aventurier suisse qui, fuyant sa Suisse natale - pour des raisons incertaines - s’installa vers 1840 dans une Californie ravagée par l’absence du gouvernement mexicain. Son audace et son esprit d’entreprise sont couronnés par l’extraordinaire abondance de ses nouvelles propriétés. Pourtant, en janvier 1848, un coup de pioche révèle la présence de gisements aurifères. Et c’est l’afflux. L’effondrement. La débandade.

On est effaré par la vitesse à laquelle l’empire de Suter s’effondre et par la masse immense des nouveaux colons et aventuriers partis à la recherche de l’or. La Californie ne connaît plus de lois : travailleurs, fermiers, soldats, tous abandonnent leur occupation première pour partir à la recherche du précieux métal.

Suter hésite, se retire. Que faire ? Sa famille, qu’il avait abandonnée, le rejoint finalement. Commence alors un retentissant procès entamé contre l’Etat de Californie, les particuliers qui se sont installés sur ses terres : il réclame le respect de ses titres de propriété, une indemnité, la moitié de l’or extrait. San Francisco, nouvelle métropole construite en quelques années à partir d’un simple village passe d’un extrême à l’autre : elle le célèbre comme fondateur en 1854, le fait général, l’acclame dans les rues, et quelques mois plus tard incendie ses propriétés restantes, assassine ses serviteurs et sa famille, massacre ses troupeaux dans une émeute furieuse contre un jugement donnant raison à Johann August Suter…

Suter est décidé. Il n’a plus rien, vit des moindres expédients mais il obtiendra raison. Ce n’est plus l’or qui l’intéresse, mais la justice. Son procès continue à Washington, les escrocs l’entourent, il se fait embrigader par une secte, devient à moitié fou, obsédé par l’Apocalypse. Et meurt finalement, sans avoir obtenu ce qu’il réclamait.

Un récit tragique de la vanité de la vie, de la déchéance sans recours de la conquête d’une vie, servi par le style magnifique d’un Cendrars que j’ignorais encore. Les phrases sont ciselées, parfois d’un seul mot, répété plusieurs fois. Un chapitre peut fort bien ne faire que dix lignes. C’est la fièvre. L’or.
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