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Critiques de Bruno Lafourcade (14)
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L'Intervalle entre le marchepied et le quai

Sans rien enlever au mérite de l'auteur, on pourrait dire que les ridicules de notre époque et des détenteurs du pouvoir idéologique sont assez faciles à relever : il suffit de citer tel tweet écologiste, tel journaliste de chaîne autorisée, tel politicien, verbatim, pour révéler au lecteur étonné tout le comique involontaire des déclarations et prises de position. Par exemple, que les rats parisiens deviennent des surmulots, et que ces parasites urbains soient nommés "commensaux", montre bien que le pouvoir, surtout quand il s'appuie sur l'assentiment des dominés, ose tout, s'autorise tout, et finit par perdre de vue toute mesure. Bruno Lafourcade, dans ces chroniques écrites au cours des années 2018 à 2022, disposait d'un riche matériau, et d'un bestiaire fourni, quand on songe aux pangolins, aux chauve-souris, à La France (In)soumise et autres "commensaux" et inventions baroques, dont Philippe Muray avait commencé le catalogue dans ses propres textes. Curieusement, le côté gauche semble le plus fécond et le plus inventif, probablement parce qu'il a des utopies à construire et peu d'interlocuteurs assez courageux pour éclater de rire. Quant au côté droit, il manque d'imagination ou n'ose pas se lancer, il lui manque l'assurance robespierriste d'incarner le Bien : ça rend timide. Bruno Lafourcade, satirique, tire sa force comique de l'actualité, ce qui le conduit à s'interroger sur sa vocation d'écrivain et sur son métier.
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L'ivraie

Comme nous vivons, peut-être à notre insu, dans une époque de guerre, nous avons droit à une littérature de propagande. Les auteurs primés par la presse sont tous du même côté et prêchent tous le même sermon : de Plenel à Ernaux, de Gaudé à Kerangal, ces faiseurs de romans engagés et d'essais fumeux jouissent de toutes les complaisances du pouvoir culturel. Ils ont des adversaires qui pratiquent la propagande inverse et sont exclus des médias, passés sous silence et ignorés du public formaté.



"L'ivraie", roman engagé contre Edwy Plenel et sa "bande à Gaza", expose des idées inverses, des "thèses nauséabondes", comme disent les libraires indépendants et antifas. Ce roman "de droite" est écrit dans une langue qui évite soigneusement les tics verbaux progressistes et bien-pensants : c'est déjà une raison pour prendre un plaisir littéraire à sa lecture. La prose de gauche est souvent marquée par l'incorrection et la haine de la langue. Mais "L'ivraie" est un roman engagé : il fera plus rire que les oeuvres d'Edouard Louis ou de Gavalda, c'est certain, grâce aux satires du monde contemporain qu'il ose faire. Mais il ennuiera à proportion de son engagement, comme la prose des grandes consciences : de longs passages sortent du romanesque pour exposer des idées politiques, des idées hétérodoxes bien sûr, mais des idées engagées. Qu'elles soient plus vraies ou plus fausses que la bouillie des faiseurs médiatisés n'a aucune importance littéraire : elles figurent comme idées dans un récit, elles rompent l'illusion romanesque et ne s'intègrent pas dans le roman comme elles devraient le faire. Par ce défaut contre lequel Stendhal met en garde, Bruno Lafourcade rejoint les Kerangal et autres plumitif-ves en usant des mêmes armes qu'eux/elles (eulles?). Le roman raconte en plus les conditions de sa propre naissance et de son écriture : cette banalité de structure lui enlève de son charme. Mais il a bien fait rire le "prof" que je suis, par ses satires du milieu enseignant, de la vie quotidienne en classe, des intellectuels reconnus et nommés par leur nom, en somme par ses vertus mordantes.
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La littérature à balles réelles

Ce bref essai de cent pages est une réjouissante galerie de portraits littéraires, qui rappelle "Les quarante médaillons de l'Académie" de Barbey d'Aurevilly. Bruno Lafourcade y énumère alphabétiquement les auteurs encensés d'aujourd'hui, pour la plupart écrivains frelatés que les médias nous vantent au détriment des vrais. S'ils le font, c'est par idéologie : tous pensent de la même façon, prêchent dans la même chapelle, ennuient leur public par les mêmes homélies. L'auteur fait une place aux lecteurs et même au site Babelio, en reproduisant les présentations les plus caricaturales de certains participants de ce site (dont une "maman de deux chats, lectrice compulsive"), ce qui inquiète sur l'état actuel de la culture (mais même le sens de ce mot a été changé et n'est plus compréhensible).



L'idée maîtresse de ce livre, est que ces auteurs ont tout misé sur la conformité idéologique, comprise comme une adhésion militante au Parti Unique du Bien. Ce faisant, ils ont tous oublié que le travail de l'écrivain de talent concerne la langue, et que son activité est une quête de la beauté, pas de la conformité aux préjugés du temps. Nous voilà revenus à la querelle des Fleurs du Mal en 1857, à la controverse entre Hugo (son "art pour le progrès de l'humanité") et Baudelaire. Les nains contemporains font aussi de la morale, ce qui se voit à la pauvreté de leur style, de leur lexique, de leur syntaxe : les citations dans ce livre, édifiantes et savoureuses, révèlent leur absence cruelle de talent, compensée par leur adhésion à l'idéologie dominante (une mention particulière, parmi tant d'exemples hilarants, à la romancière Marlène Schiappa, à la lettre S du catalogue alphabétique des nullités). On écrit mal car on pense mal, on aligne les clichés parce que l'on est conformiste.



Enfin, Bruno Lafourcade emploie le ton polémique du pamphlétaire : on aurait tort de le lui reprocher, car, d'abord, il est extrêmement drôle, comme le sont toujours les gens méchants ; ensuite, comment avoir le moindre débat avec des Annie Ernaux, des Edouard Louis, des BHL ou des Sollers ? Comme Philippe Muray et Alain Finkielkraut l'ont vu, on ne peut pas discuter avec un militant du Bien. L'objecteur de conscience sera forcément traité en scélérat à chasser du débat public et à étouffer, comme l'ont fait Annie Ernaux et sa bande à Richard Millet, ou les amis de l'éditeur POL et autres Gallimarion, comme dit Lafourcade, à Renaud Camus. Reste l'insulte, c'est le seul parti possible.
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Une jeunesse les dents serrées

La lecture d'un pamphlet est une expérience littéraire délicate : héritier du satirique, le pamphlétaire écrit une prose de la colère et du réquisitoire. La brièveté est nécessaire pour pareil texte, car le lecteur ne peut sans lassitude supporter longtemps le même niveau élevé de vitupérations et de rhétorique vache. Bruno Lafourcade réussit bien cet exercice de la colère, en opposant deux "générations", celle qui dit "nous" par sa plume, et l'autre, la précédente, qui eut vingt ans en 68. L'auteur incarne ceux qui eurent vingt ans en 1980 et reproche à la génération précédente de lui avoir laissé un monde invivable, un pays envahi, désagrégé, une civilisation moribonde, une culture réduite à des industries d'hébétude. Le tableau que fait l'auteur du monde après Mitterand, le nôtre, est juste et saisissant. Ses pages finales sur les manifestations de "Charlie" sont impressionnantes. J'ai quelques doutes, cependant, sur la dimension "générationnelle" du livre : en construisant son essai sur une opposition de générations, vieux contre jeunes, Lafourcade ne cède-t-il pas lui-même à l'un des poncifs de la gauche progressiste qu'il dénonce par ailleurs ? C'est une des questions que suscite ce pamphlet, dont le but n'est pas de faire réfléchir, mais d'outrager les puissants du moment. Ce but est atteint et c'est réjouissant.
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Sur le suicide : Leurs morts nous intéressent

Bruno Lafourcade a écrit d'intéressants romans, et un essai sur le suicide. Le sujet ne pouvait qu'intéresser un auteur anti-moderne comme lui, qui, à la suite de Philippe Muray, vomit le monde tel qu'il est et ceux qui en font l'éloge. Superficiellement, on ne verra en lui qu'un polémiste, alors qu'il recourt à la satire et à l'indignation parce que c'est le seul moyen aujourd'hui de hausser le ton, de donner de la voix dans le vacarme politiquement correct de la littérature. Comme cette littérature de confort fait l'éloge du monde et en tait les horreurs, "le devenir-monstre du monde" disait Muray, le suicide est un sujet tout trouvé : cet acte est un camouflet jeté à la face de la société unanimiste, grégaire et bruyante, c'est un non catégorique et inutile auquel on se résout quand il n'y a plus rien à faire. Le livre de Lafourcade se divise en trois parties : une étude des mobiles du suicide, un classement des principales figures de suicidés selon leur activité professionnelle, enfin un exposé des principaux discours justificatifs du suicide, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Cet ouvrage plein d'un humour féroce ne fatigue pas le lecteur par un recours constant au polémique, à l'engagement, qui gâchent un peu les romans du même auteur. Un bon antidote à la littérature encensée par les médias progressistes.
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Les Cosaques & le Saint-Esprit

La lecture des "Cosaques et le Saint-Esprit" n'est certainement pas à recommander aux lectrices/-teurs de Babelio, dont l'odorat subtil détectera des "idées nauséabondes" auxquelles leurs livres favoris et parfumés ne les auront pas habitué-e-s. Ces oeuvres conformistes, et pour cette raison, largement diffusées, moissonnent tous les éloges, et se font passer pour de la littérature à peu de frais. "Les Cosaques et le Saint-Esprit" expose des idées, des réactions et des observations diamétralement opposées à ce que toute la presse autorisée répète incessamment, mais l'objectif principal n'est peut-être pas là : l'ouvrage est un recueil de brèves chroniques percutantes publiées dans la presse non autorisée et sur les réseaux sociaux, dont le format et la longueur ne se prêtent pas à de longs exposés argumentés. Ce sont des billets d'humeur, de réprobation, de colère, et d'accusations lancées au monde tel qu'il va (télé-réalité, Balance-ton-porc, macronisme, Gilets-Jaunes, incendie de Notre-Dame), et tel qu'on le trouve formidable presque partout. Or la littérature de la colère, l'usage de la colère dans la construction d'une voix littéraire, porte depuis les Romains le nom de satire. Bien sûr, qu'on ne se trompe pas sur ce mot colère, déjà récupéré et retourné par le Parti du Bien : ce qui met le satirique Bruno Lafourcade en colère n'a rien à voir avec les indignations vertueuses que prescrit le Docteur Stéphane Hessel dans ses ordonnances. Ce qui se produit vraiment met Lafourcade en colère, il est étranger à la stratégie gauchiste de blanchiment par la "colère", des meurtres commis par les Damnés de la Terre.



Mais le but du livre n'est peut-être pas d'exprimer une émotion. Au moyen de cette colère, le satirique dresse des portraits de personnages contemporains que tout le monde reconnaîtra, portraits peu flattés, insolents (autre mot récupéré et retourné) et cinglants : la Néo-Féministe, la Racaille, le Macroniste, le Journaliste, l'Ecrivain, le Végan, le Passeur de Migrants, l'Acteur, ("Gynocrates, dindigènes, horsolistes, terroristes de proximité") etc ... A la différence des portraits de la Bruyère, ces types humains ne sont pas rapportés à une essence immuable (sauf peut-être la soif du pouvoir et la passion de se soumettre), mais profondément ancrés dans l'actualité, connus de tous, admirés de tous ou presque. Annie Ernaux, Christine Angot, Joachim Son-Forget, Nicolas Bedos, Ruth Elkrief, Cedric Villani, Jérôme Durand et tant d'autres domestiques défilent dans ce livre réjouissant.



Le titre est une citation des derniers mots du Journal de Léon Bloy.



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L'Ordre

Un livre qui ne manie pas la langue bois, loin s'en faut. Le regard du journaliste Daniel Peyrehorade sur la pratique de son métier est sans concession. L'auteur de ce curieux roman aux chapitres très courts et émaillés d'articles, de dialogues et de slogans, ne nous ménage jamais et sur beaucoup de sujets sensibles, il nous déconcerte vraiment... étant à l'opposé du « politiquement correct » comme en témoigne ce passage en ce qui concerne la littérature contemporaine:



"La séparation entre littérature lacrymale et littérature dérisoire correspondrait assez à la séparation sexuelle entre hommes et femmes. Les néo-féministes, en profitant de l’affaiblissement masculin, ont rendu plus nette une coupure sexuelle qui protège leur hégémonie. C’est donc ce que l’on retrouve, assez nettement, dans les livres d’aujourd’hui : ces deux axes, les hommes et les femmes, la gouttelette émerveillée et les grandes eaux souffrantes, le ravissement niais et le gémissement compulsif, pourraient probablement servir de grille de lecture à une bonne part de la littérature française actuelle."



Tout au long de ce roman, le journaliste devra composer avec sa fille Marie a qui il tente d'expliquer les chiffres romains et surtout la structure des nombres à partir de 50 :



"au-delà de 50, ne connaissant pas les nombres, elle aurait eu besoin de la règle. C’est pourquoi nos enfants, avec leurs téléphones portables, leurs rollers et leurs « cartes UGC », se leurrent en croyant ne pas être dupes des « forfaits illimités », des Astérix et des « axes deux-roues » que ma génération leur fabrique : pour avoir connu déjà tous les signes de la consommation jusqu’à 49, ils n’ont pas eu à retenir la règle qui sert à vivre à partir de 50."



Nous sommes fréquemment interpellés sur des sujets comme le racisme, la Shoah, la démocratie... ce qui nous oblige à nous interroger sur nos certitudes... sans qu'il ne soit forcément nécessaire de les revoir. Un excellent exercice pour voir où nous en sommes de toutes nos convictions.
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L'ivraie

Un sanglier dans l’école



« 𝑀’𝑒𝑛 𝑏𝑎𝑡𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑢𝑖𝑙𝑙𝑒𝑠 ! 𝐽’𝑙𝑎 𝑚𝑎𝑟𝑎𝑣𝑒 ! » C’est par ces mots, éructés par Sonia, que Jean Lafargue découvre sa classe de 2nde professionnelle. Quelques jours avant d’entrer pour la première fois dans une salle de cours en tant que professeur, Jean Lafargue lit une critique méprisante de son roman dans le journal.



Ecrivain vaincu, il renonce à la littérature. Il quitte Lyon où rien ne le retient, pour prendre un poste de professeur de français en remplacement, dans le lycée professionnel de Vitrac, banlieue de Bordeaux. Jean Lafargue n’a ni vocation ni précédente expérience dans l’enseignement ; il accepte le poste par dépit, pour avoir un salaire, des vacances, un statut et qu’on ne dise plus de lui qu’il est « inadapté, déphasé, asocial ».



« 𝐼𝑙s 𝑛𝑒 𝑚’𝑜𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑙’𝑎𝑖𝑟 𝑖𝑛𝑐𝑢𝑙𝑡𝑒𝑠, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑖𝑟𝑒 : 𝑖𝑙𝑠 𝑜𝑛𝑡 𝑙’𝑎𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑛𝑎î𝑡𝑟𝑒, 𝑑𝑒 𝑛’𝑎𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑟𝑖𝑒𝑛 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑖𝑠 »



Il découvre le monde de l’enseignement : ses élèves (leurs prénoms, leur ricanement, leur bêtise), ses collègues (la baisse de niveau n’est pas l’apanage des seuls élèves), le pédagogisme, le nivellement par le bas, l’omniprésence de l’idéologie.



« 𝑜𝑛 𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙𝑎𝑖𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑙𝑒̀𝑣𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒𝑛𝑎𝑛𝑡𝑠 ; 𝑜𝑛 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑥𝑒𝑟𝑐𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑟𝑡𝑖𝑐𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑆𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑡 𝑣𝑖𝑒 𝑗𝑢𝑛𝑖𝑜𝑟 𝑜𝑢 𝑑𝑒 𝐿’𝐸𝑞𝑢𝑖𝑝𝑒, 𝑠𝑎𝑣𝑎𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑚𝑒̂𝑙𝑒́𝑠 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒𝑠 𝑝𝑢𝑏𝑙𝑖𝑐𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠, 𝑑𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑛𝑔𝑎𝑖𝑛𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑅𝑒𝑛𝑎𝑢𝑑 (‘’𝐷𝑒̀𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑜𝑢𝑓𝑓𝑙𝑒𝑟𝑎, 𝑗𝑒 𝑟𝑒𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑟𝑎’’), 𝑒𝑡 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑛𝑜𝑡𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑑’𝑎𝑝𝑝𝑎𝑟𝑒𝑖𝑙𝑠 𝑚𝑒́𝑛𝑎𝑔𝑒𝑟𝑠 »



Effaré, il constate l’acculturation d’une jeunesse ravagée par les réseaux sociaux, la sous-culture américaine, le complotisme, la communautarisation. Très attaché au respect de la langue, il écoute abasourdi le langage de nos chères têtes blondes (ou crépues), sorte de sabir franco-arabo-anglais, fait d’onomatopées, de verlan et d’insultes.

𝑳’𝑰𝒗𝒓𝒂𝒊𝒆 est le roman de l’effondrement : la transmission est rompue, l’ignorance portée comme étendard… Nuisible, l’ivraie croît partout, les bons grains se raréfient mais persistent : l’année de Lafargue est sauvée par Noria. Elève nouvelle au sein de l’établissement, elle échappe à la médiocrité ambiante et est moquée pour cela par les autres élèves. Lafargue se sent seul, tout comme la petite Noria ; un lien va se créer entre eux, le professeur tentera de l’aider, s’imaginant qu’elle a un don pour l’écriture.



Bien que le thème et les sujets abordés soient lourds, c’est un roman très drôle. Lafourcade dresse une galerie de portraits hilarante : du professeur de géographie qui n’a jamais dépassé les frontières de son département, au gérant du 𝐶𝑎𝑙𝑖𝑐𝑜𝑏𝑎𝑟 où « ici, on mange gaulois », à Mme le proviseur qui ressemble à John Edgar Hoover et « parle un français d’écailleur de harengs ».



𝑳’𝑰𝒗𝒓𝒂𝒊𝒆 a paru en 2018 aux éditions Léo Scheer, sa lecture peut être complétée par 𝑳𝒆𝒖𝒓 𝑱𝒆𝒖𝒏𝒆𝒔𝒔𝒆, journal du professeur Bruno Lafourcade, édité chez Jean Dézert en 2021.


Lien : https://www.facebook.com/pho..
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L'Intervalle entre le marchepied et le quai

Prenez garde au monde d’après



Après 𝑳𝒆𝒔 𝑪𝒐𝒔𝒂𝒒𝒖𝒆𝒔 𝒆𝒕 𝒍𝒆 𝑺𝒂𝒊𝒏𝒕-𝑬𝒔𝒑𝒓𝒊𝒕, 𝑳’𝑰𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒂𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆 𝒎𝒂𝒓𝒄𝒉𝒆𝒑𝒊𝒆𝒅 𝒆𝒕 𝒍𝒆 𝒒𝒖𝒂𝒊 est le second recueil de chroniques de Bruno Lafourcade, paru aux éditons de La Nouvelle Librairie. Il s’agit de courtes chroniques ou nouvelles (2-3 pages) écrites essentiellement entre 2020 et 2022.



Comme toute personne saine d’esprit, Lafourcade abhorre l’époque ; il se penche sur elle pour en révéler la laideur et le ridicule. Il parle de nos contemporains et particulièrement de la caste médiatique, politique et culturelle ; nos artistes d’état, se pensant radicaux et rebelles, alors qu’ils sont le pouvoir, se croyant à contre-courant, alors qu’ils sont le courant.

On passe des 𝑡𝑜𝑢𝑖𝑡𝑒𝑠 boursouflés de Christiane Taubira, à l’héroïsme du résistant Omar Sy, de l’afro-capillarité de Camelia Jordana à la bienveillance de Samuel Etienne.



On sourit et rit beaucoup, tant Lafourcade a le don de pasticher l’époque, notamment à travers de courtes nouvelles qui en montrent le ridicule ; dans le 𝐽𝑜𝑢𝑟𝑛𝑎𝑙 𝑑’𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑓𝑖𝑛𝑒́𝑒 le personnage de Maria Slimarrieussecq parle à son fils à propos du Covid : « 𝑗’𝑒𝑥𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑎̀ 𝐸𝑙𝑖𝑜𝑡𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑒𝑛 𝑔𝑢𝑒𝑟𝑟𝑒 : 𝑎̀ ℎ𝑢𝑖𝑡 𝑎𝑛𝑠, 𝑖𝑙 𝑝𝑒𝑢𝑡 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑟𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒, 𝑖𝑙 𝑎 𝑑𝑒́𝑗𝑎̀ 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑖𝑠 𝑎̀ 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑝𝑖𝑝𝑖 𝑎𝑠𝑠𝑖𝑠. 𝐼𝑙 𝑛’𝑒𝑠𝑡 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑡𝑟𝑜𝑝 𝑡𝑜̂𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒𝑛𝑐𝑒𝑟 𝑎̀ 𝑟𝑒́𝑠𝑖𝑠𝑡𝑒𝑟. »

Lafourcade parvient à reproduire à l’écrit la prose verbale et la syntaxe farfelue, d’une Clémentine Autain, d’un Alexis Corbière ou de la mordante Laetitia Avia, rhabillée, avec beaucoup de tissu, pour les prochains hivers.



Et comme souvent, on retrouve la cousine de Bruno, Prune, soumise à toutes les modes intellectuelles du moment (antifasciste, végane, féministe, antiraciste…) dans ses coups de gueule inclusi.f.ve.s et ses prises de positions contre la fonte des pandas.



Cette recension pourrait s’étaler sur des lignes interminables tant les trouvailles, formules ou aphorismes de Lafourcade sont brillants et nombreux. (« 𝑆𝑡𝑜𝑝 𝑎𝑢 𝑧𝑜𝑜𝑙𝑜𝑐𝑎𝑢𝑠𝑡𝑒 », « 𝑅𝑒𝑠𝑝𝑖𝑟𝑒𝑟 𝑙’𝑎𝑖𝑠𝑠𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑑𝑢 𝑣𝑖𝑣𝑟𝑒-𝑒𝑛𝑠𝑒𝑚𝑏𝑙𝑒 », « 𝐴𝑙𝑙𝑎ℎ 𝑐ℎ𝑒𝑟𝑐ℎ𝑒́, 𝐴𝑙𝑙𝑎ℎ 𝑠𝑢𝑚𝑒 », « 𝐶𝑜𝑟𝑖𝑛𝑛𝑒 𝑀𝑎𝑠𝑖𝑒𝑟𝑜, 𝐿𝑖𝑑𝑙 𝑑𝑒𝑠 𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒𝑠 »…).



On retient aussi de la lecture de ces 120 chroniques l’amour de la langue et la détestation du bruit : la langue se dissout dans le bruit général, l’hyper-démocratie permet à chacun d’exprimer son vacarme personnel, « 𝑇𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑏𝑟𝑢𝑦𝑎𝑛𝑡, 𝑝𝑎𝑟𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑞𝑢𝑒̂𝑡𝑒 ; 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑏𝑟𝑢𝑖𝑡, 𝑝𝑎𝑟𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑞𝑢𝑖𝑠 ».



Conquis, le lecteur l’est, 𝑳’𝑰𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒂𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆 𝒎𝒂𝒓𝒄𝒉𝒆𝒑𝒊𝒆𝒅 𝒆𝒕 𝒍𝒆 𝒒𝒖𝒂𝒊 est paru aux éditons de La Nouvelle Librairie en novembre 2022.
Lien : https://www.facebook.com/pho..
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L'Intervalle entre le marchepied et le quai

Voici une lecture à vocation vaccinale et prophylactique. Elle protège le lecteur contre les mutins de panurge comme les appelait le regretté Murray et les rien-pensants qui encombrent les colonnes des gazettes de la doxa et autres médias subventionnés par le contribuable. Rigolade assurée, car il vaut mieux rire de la tragique vacuité de nos chers penseurs et de leur beaufitude de salon de gôche. Cela ne suffira pas contre la nouvelle censure des minorités hurlantes, bruit que la cacahouète de leur cerveau rabougri fait tinter dans le vide médiatique et petit-bourgeois urbain des beaux quartiers.
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L'ivraie

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle guerre des écoles avec pour fond de tableau le mode de financement public, celle-ci lancée par un ministre issu de la diversité et ayant fait le choix du privé pour ses enfants. Tant de contradictions si souvent mises à nu par une politique électoraliste, des tactiques sensées déchainer les passions pour éviter de poser la loupe sur d’autres problématiques plus fondamentales.

Ce roman né de l’expérience vécue de l’auteur dans l’enseignement public nous remet en face d’une réalité que personne ne veut admettre. La dégradation des savoirs, de leur transmission, l’extinction de notre patrimoine intellectuel au profit du plus grand nombre par un nivellement par le bas.

Au final, l’invasion de la cancel culture (wokisme, militantisme LGBT) sonne l’hallali de ce qui a fait la grandeur de l’Europe depuis l’antiquité grecque à nos jours. Les tenants de l’égalitarisme outrancier, d’un universalisme émasculateur entrainent le monde vers un retour à la préhistoire pour satisfaire le rousseauisme attardé qu’ils ont dans leur ADN.

Le terreau dans cette histoire comme le fait entendre l’auteur n’est autre que le chaudron de l’éducation nationale.

Corriger des copies sans substance enfonce le couteau dans la plaie, un mal de vivre de l’enseignant d’aujourd’hui à court d’oxygène. Face à la créolisation des classes de banlieue, le seul choix pour lui, serait-il de se plonger dans l’indigénisme d’Arguedas, les contes de Sepulveda, pour atteindre enfin l’âge de la retraite et échapper définitivement au canapés des analystes…

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L'ivraie

L'Ivraie, par sa radicalité, regorge de scènes justes, cruelles, dérangeantes. On peut le lire comme un anti-Entre les murs, le roman de François Bégaudeau, dont l'adaptation au cinéma avait obtenu la Palme d'or à Cannes. La langue fluide et classique de Lafourcade parvient même à intégrer les tics de langage de l'époque.
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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Le Portement de la Croix



SYNOPSIS : Une tragédie survint le 23 mars 2000 dans une petite ville landaise. Un prêtre est sommé par son évêque dans faire le récit. Il recueille alors celui d’autres protagoniste et joint le sien. C’est donc un roman écrit à la première personne, mais relaté par trois sujets : une plongée dans les affres de la jeunesse, mais aussi dans l’église.



LIVRE ETONNANT ET UN PEU DEROUTANT, car la méthode utilisée est audacieuse. Et l’auteur se met avec facilité dans la peau de différentes personnes. Si Saint Marsan n’existe pas en tant que telle, nous retrouvons ici toute la culture, les noms, les usages des landes. Bruno Lafourcade est landais bien sûr, et il connait parfaitement son sujet. Il reste néanmoins comme une impression d’être lâché trop tôt à la fin de l’ouvrage.



4/5

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L'ivraie

Bruno Lafourcade, inspiré de sa propre expérience dans l'enseignement, exprime sa colère contre les dérives d'une société qui tend à nous imposer des normes.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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