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EAN : 9782756112411
355 pages
Léo Scheer (29/08/2018)
4.23/5   13 notes
Résumé :
Jean Lafargue, écrivain méconnu et à court d'argent, accepte au pied levé un « remplacement » dans un lycée professionnel de la banlieue bordelaise. Le nouveau professeur découvre, autant effaré qu'amusé, la réalité de l'enseignement. Il montre, avec un humour féroce, la démagogie du personnel enseignant et l'acculturation d'une jeunesse imprégnée de complotisme. Mais il noue aussi des liens étroits avec une élève qui a suscité l'hostilité de ses camarades ; et qui ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Comme nous vivons, peut-être à notre insu, dans une époque de guerre, nous avons droit à une littérature de propagande. Les auteurs primés par la presse sont tous du même côté et prêchent tous le même sermon : de Plenel à Ernaux, de Gaudé à Kerangal, ces faiseurs de romans engagés et d'essais fumeux jouissent de toutes les complaisances du pouvoir culturel. Ils ont des adversaires qui pratiquent la propagande inverse et sont exclus des médias, passés sous silence et ignorés du public formaté.

"L'ivraie", roman engagé contre Edwy Plenel et sa "bande à Gaza", expose des idées inverses, des "thèses nauséabondes", comme disent les libraires indépendants et antifas. Ce roman "de droite" est écrit dans une langue qui évite soigneusement les tics verbaux progressistes et bien-pensants : c'est déjà une raison pour prendre un plaisir littéraire à sa lecture. La prose de gauche est souvent marquée par l'incorrection et la haine de la langue. Mais "L'ivraie" est un roman engagé : il fera plus rire que les oeuvres d'Edouard Louis ou de Gavalda, c'est certain, grâce aux satires du monde contemporain qu'il ose faire. Mais il ennuiera à proportion de son engagement, comme la prose des grandes consciences : de longs passages sortent du romanesque pour exposer des idées politiques, des idées hétérodoxes bien sûr, mais des idées engagées. Qu'elles soient plus vraies ou plus fausses que la bouillie des faiseurs médiatisés n'a aucune importance littéraire : elles figurent comme idées dans un récit, elles rompent l'illusion romanesque et ne s'intègrent pas dans le roman comme elles devraient le faire. Par ce défaut contre lequel Stendhal met en garde, Bruno Lafourcade rejoint les Kerangal et autres plumitif-ves en usant des mêmes armes qu'eux/elles (eulles?). le roman raconte en plus les conditions de sa propre naissance et de son écriture : cette banalité de structure lui enlève de son charme. Mais il a bien fait rire le "prof" que je suis, par ses satires du milieu enseignant, de la vie quotidienne en classe, des intellectuels reconnus et nommés par leur nom, en somme par ses vertus mordantes.
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Un sanglier dans l'école

« 𝑀'𝑒𝑛 𝑏𝑎𝑡𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑢𝑖𝑙𝑙𝑒𝑠 ! 𝐽'𝑙𝑎 𝑚𝑎𝑟𝑎𝑣𝑒 ! » C'est par ces mots, éructés par Sonia, que Jean Lafargue découvre sa classe de 2nde professionnelle. Quelques jours avant d'entrer pour la première fois dans une salle de cours en tant que professeur, Jean Lafargue lit une critique méprisante de son roman dans le journal.

Ecrivain vaincu, il renonce à la littérature. Il quitte Lyon où rien ne le retient, pour prendre un poste de professeur de français en remplacement, dans le lycée professionnel de Vitrac, banlieue de Bordeaux. Jean Lafargue n'a ni vocation ni précédente expérience dans l'enseignement ; il accepte le poste par dépit, pour avoir un salaire, des vacances, un statut et qu'on ne dise plus de lui qu'il est « inadapté, déphasé, asocial ».

« 𝐼𝑙s 𝑛𝑒 𝑚'𝑜𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑙'𝑎𝑖𝑟 𝑖𝑛𝑐𝑢𝑙𝑡𝑒𝑠, 𝑐'𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑖𝑟𝑒 : 𝑖𝑙𝑠 𝑜𝑛𝑡 𝑙'𝑎𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑛𝑎î𝑡𝑟𝑒, 𝑑𝑒 𝑛'𝑎𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑟𝑖𝑒𝑛 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑖𝑠 »

Il découvre le monde de l'enseignement : ses élèves (leurs prénoms, leur ricanement, leur bêtise), ses collègues (la baisse de niveau n'est pas l'apanage des seuls élèves), le pédagogisme, le nivellement par le bas, l'omniprésence de l'idéologie.

« 𝑜𝑛 𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙𝑎𝑖𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑙𝑒̀𝑣𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒𝑛𝑎𝑛𝑡𝑠 ; 𝑜𝑛 𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑥𝑒𝑟𝑐𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑟𝑡𝑖𝑐𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑆𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑡 𝑣𝑖𝑒 𝑗𝑢𝑛𝑖𝑜𝑟 𝑜𝑢 𝑑𝑒 𝐿'𝐸𝑞𝑢𝑖𝑝𝑒, 𝑠𝑎𝑣𝑎𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑚𝑒̂𝑙𝑒́𝑠 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒𝑠 𝑝𝑢𝑏𝑙𝑖𝑐𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠, 𝑑𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑛𝑔𝑎𝑖𝑛𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑅𝑒𝑛𝑎𝑢𝑑 (‘'𝐷𝑒̀𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑜𝑢𝑓𝑓𝑙𝑒𝑟𝑎, 𝑗𝑒 𝑟𝑒𝑝𝑎𝑟𝑡𝑖𝑟𝑎''), 𝑒𝑡 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑛𝑜𝑡𝑖𝑐𝑒𝑠 𝑑'𝑎𝑝𝑝𝑎𝑟𝑒𝑖𝑙𝑠 𝑚𝑒́𝑛𝑎𝑔𝑒𝑟𝑠 »

Effaré, il constate l'acculturation d'une jeunesse ravagée par les réseaux sociaux, la sous-culture américaine, le complotisme, la communautarisation. Très attaché au respect de la langue, il écoute abasourdi le langage de nos chères têtes blondes (ou crépues), sorte de sabir franco-arabo-anglais, fait d'onomatopées, de verlan et d'insultes.
𝑳'𝑰𝒗𝒓𝒂𝒊𝒆 est le roman de l'effondrement : la transmission est rompue, l'ignorance portée comme étendard… Nuisible, l'ivraie croît partout, les bons grains se raréfient mais persistent : l'année de Lafargue est sauvée par Noria. Elève nouvelle au sein de l'établissement, elle échappe à la médiocrité ambiante et est moquée pour cela par les autres élèves. Lafargue se sent seul, tout comme la petite Noria ; un lien va se créer entre eux, le professeur tentera de l'aider, s'imaginant qu'elle a un don pour l'écriture.

Bien que le thème et les sujets abordés soient lourds, c'est un roman très drôle. Lafourcade dresse une galerie de portraits hilarante : du professeur de géographie qui n'a jamais dépassé les frontières de son département, au gérant du 𝐶𝑎𝑙𝑖𝑐𝑜𝑏𝑎𝑟 où « ici, on mange gaulois », à Mme le proviseur qui ressemble à John Edgar Hoover et « parle un français d'écailleur de harengs ».

𝑳'𝑰𝒗𝒓𝒂𝒊𝒆 a paru en 2018 aux éditions Léo Scheer, sa lecture peut être complétée par 𝑳𝒆𝒖𝒓 𝑱𝒆𝒖𝒏𝒆𝒔𝒔𝒆, journal du professeur Bruno Lafourcade, édité chez Jean Dézert en 2021.

Lien : https://www.facebook.com/pho..
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Nous sommes à l'aube d'une nouvelle guerre des écoles avec pour fond de tableau le mode de financement public, celle-ci lancée par un ministre issu de la diversité et ayant fait le choix du privé pour ses enfants. Tant de contradictions si souvent mises à nu par une politique électoraliste, des tactiques sensées déchainer les passions pour éviter de poser la loupe sur d'autres problématiques plus fondamentales.
Ce roman né de l'expérience vécue de l'auteur dans l'enseignement public nous remet en face d'une réalité que personne ne veut admettre. La dégradation des savoirs, de leur transmission, l'extinction de notre patrimoine intellectuel au profit du plus grand nombre par un nivellement par le bas.
Au final, l'invasion de la cancel culture (wokisme, militantisme LGBT) sonne l'hallali de ce qui a fait la grandeur de l'Europe depuis l'antiquité grecque à nos jours. Les tenants de l'égalitarisme outrancier, d'un universalisme émasculateur entrainent le monde vers un retour à la préhistoire pour satisfaire le rousseauisme attardé qu'ils ont dans leur ADN.
Le terreau dans cette histoire comme le fait entendre l'auteur n'est autre que le chaudron de l'éducation nationale.
Corriger des copies sans substance enfonce le couteau dans la plaie, un mal de vivre de l'enseignant d'aujourd'hui à court d'oxygène. Face à la créolisation des classes de banlieue, le seul choix pour lui, serait-il de se plonger dans l'indigénisme d'Arguedas, les contes de Sepulveda, pour atteindre enfin l'âge de la retraite et échapper définitivement au canapés des analystes…
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critiques presse (2)
Lexpress
05 novembre 2018
L'Ivraie, par sa radicalité, regorge de scènes justes, cruelles, dérangeantes. On peut le lire comme un anti-Entre les murs, le roman de François Bégaudeau, dont l'adaptation au cinéma avait obtenu la Palme d'or à Cannes. La langue fluide et classique de Lafourcade parvient même à intégrer les tics de langage de l'époque.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
05 octobre 2018
Bruno Lafourcade, inspiré de sa propre expérience dans l'enseignement, exprime sa colère contre les dérives d'une société qui tend à nous imposer des normes.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
- Bien, commençons, dit Plenel. D'abord, bonjour et merci d'être venus nombreux parce que vous aimez les livres et ceux qui les font... L'an dernier, je sais que vous vous êtes interrogés sur qu'est-ce que c'est que traiter un homme comme autre chose qu'un homme... Aujourd'hui, on va se demander ce que c'est l'identité... L'identité, c'est quoi ? C'est la question que nous avons eu envie de poser à des écrivains d'aujourd'hui, des écrivains de leur temps, des écrivains qui viennent souvent d'horizons bigarrés... Malika Chebel, vous avez vingt-huit ans, vous êtes née au Mirail, à Toulouse, dans un quartier populaire, un de ceux qu'on dit sensibles, dans une famille originaire d'Algérie. Vous avez dû être une enfant précoce parce qu'on voit sur votre fiche Wikipédia que vous avez sauté la classe de CP... C'est vrai ?
- Oui, c'est vrai, je savais déjà lire... (...)
- A seize ans, vous commencez un premier roman, "La caillera vous salue bien", que vous montrez à votre professeure de français qui est elle-même auteure, qui le montre à son éditrice... Et, huit jours après, vous recevez un coup de téléphone de Grasset. (...) Ce roman, tout le monde le sait, a remporté un grand succès... A votre propos, un critique a écrit ceci : "On l'appelle la Sagan des cités, ou la Bridget Jones du Mirail. Trempée dans le bitume des banlieues, sa plume apporte un vent frais... Dans son premier roman, elle raconte le quotidien d'une adolescente, et elle le fait dans une langue colorée, qui mélange le verlan, l'arabe, et même le français classique, et revivifie l'imaginaire hexagonal par la peinture de la banlieue et des petites gens."...

p. 173-174
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"Nos pensées vont d'abord à la communauté musulmane de France, première victime des ces attentats", osaient dire ces journalistes, ces militants, ces ministres, avant même que les cadavres des Français chrétiens ou juifs d'origine ou de confession fussent froids. On aurait pu croire à une parodie, tant le retournement était spectaculaire ; ce n'était pas une parodie, ou bien le monde était une parodie. Néanmoins, plus aucun Français un tant soit peu éclairé n'était dupe : on pouvait toujours jeter de l'euphémisme sur le pays, de la pudeur sur son sang et un drap de mensonge sur son cadavre, c'était toujours du sel que l'on versait sur ses plaies.

pp. 250-251
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Je confesse que la phrase : « ... il était dans son lit, reposant dans un
silence et une obscurité impeccables, sans un bruit d’aiguille ni une tache
de jour » (première partie, premier chapitre) vient directement du roman
de Michel de Saint-Pierre, Les Écrivains ; que le jeu de mots sur « Bernanos »,
confondu avec « tétanos » (première partie, chapitre XIII), m’a été soufflé
par un épisode de la série H ; que je ne crois pas de moi la phrase : « des
Blancs qui devaient demander pardon pour des crimes qu’ils n’avaient
pas commis à des gens qui ne les avaient pas subis » (deuxième partie,
chapitre X), bien que je sois incapable de dire qui en est l’auteur ; que la
remarque de Tina sur les jeunes gens qui miment, faute de mots
(troisième partie, chapitre IV), est inspirée par un internaute dont le nom
m’échappe, comme celui du site où elle a paru ; enfin que je ne suis pas
l’auteur du néologisme « édulcoran » (troisième partie, chapitre X), bien
que je sois là encore incapable de dire qui en est l’auteur.
On le voit : les sources sont parfois incertaines ; ce dont je suis sûr,
en revanche, c’est que les extraits des articles (deuxième partie, chapitre XII)
sont bien de Mme Savigneau.
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Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ; Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement Dans la même prison le même mouvement. Accroupis sous les dents d'une machine sombre, Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre, Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer. Indice : Esmeralda

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