Bruno Léandri a donc fait son (brillant) conférencier au festival Quai des Bulles et, plus précisément, à la grosse expo
Fluide Glacial organisée là-bas par
Terreur Graphique et Nicoby entre les 23 et 25 octobre 2015.
Les gens célèbres ont parfois la mauvaise idée de côtoyer des gens pas célèbres. Alors, s'il y a une catastrophe, forcé, leur cadavre se retrouve entouré d'anonymes, et un peu de leur aura illumine le massacre. Grace à leur célébrité, la catastrophe restera un peu dans l'histoire (le paquebot où est mort Albert Londres, l'avion où est mort Cerdan...), mais c'est pas sûr. Par exemple, le destin s'en est payé une bonne tranche avec Dumont d'Urville, explorateur du XIXè siècle, à qui l'on doit, pour le moins, l'acquisition de la Venus de Milo, et pour plus, la reconnaissance d'une grosse partie de l'Antarctique. Le navigateur qui aurait pu crever cent fois entre les icebergs, les blizzards, les banquises et les tempêtes, est venu mourir en banlieue parisienne, dans la toute première catastrophe de l'histoire des chemins de fer, celle du train Paris-Versailles en 1842!
Le téléphone
Quand j'étais petit, je me demandais toujours pourquoi ces gens qu'on voyait vivre au cinéma ne faisaient jamais ni pipi ni caca alors qu'on les voyait dormir ou manger. Depuis j'ai grandi et que j'ai pu constater la diérèse diachronique du langage cinématographique sous un autre angle, il n'empêche qu'il y a une chose qui n'a jamais changé: les coups de téléphone.
Quand le héros dit: "Je dois appeler Olivia de toute urgence!" et se jette sur le téléphone, il a huit chiffres à composer. Et là: problème. C'est long, huit chiffres: cassure de rythme, blanc inutile, perte d'intérêt. (...) Eh ben, dans tous les films, le héros a à peine fini de taper le dernier bouton qu'il s'exclame: "Olivia, mon amour, c'est toi?"

Gloire, célébrité, reconnaissance... Il ne manquait à Ötzi qu'une seule chose pour accéder au rang de véritable mythe : une malédiction. Peut-être parce que sa momification avait été naturelle, et qu'il ne s'agissait pas d'une tombe, les amateurs de fantastique n'avaient d'abord pas jugé bon d'affubler l'unique momie européenne d'une légende à la hauteur. Mais, depuis, ils se sont rattrapés.
C'est que, en octobre 2004, le découvreur d'Ötzi, Helmut Simon, disparaît lors d'une randonnée, non loin de l'endroit de sa découverte. Après une semaine de recherches, un secouriste découvre son corps gelé, comme lui-même avait trouvé Ötzi. Et l'on prête une oreille plus attentive à la rumeur qui prétend que, depuis l'apparition de la momie néolithique, cinq personnes mêlées de près à son analyse sont mortes de manière inexplicable. Comme le sortilège de Toutankhamon, qui avait tué ses découvreurs ! Nous y sommes !
Enfin, presque. Car en réalité, ces morts sont parfaitement explicables et, en treize ans, sur les centaines de personnes qui ont eu affaire à Ötzi, leur nombre est tout à fait normal. Adieu la légende.
Sauf que... Sauf que, quelques heures après les funérailles d'Helmut Simon, le sauveteur qui a trouvé son corps, le découvreur du découvreur, meurt d'une attaque cardiaque. Alors moi, je sais plus.
Enfin, ce qui est sûr, c'est que je n'ai jamais connu Ötzi, que je ne l'ai jamais approché, et d'ailleurs, je n'ai même jamais rien écrit sur lui. Oubliez tout ça.
Les plages, les lagons topaze, les fleurs, les danses, les chants, les seins nus, surtout les seins nus, tout lui plaît.

Liste des nouvelles :
Histoire du PDG qui ne savait pas planter un clou
Histoire du crémier qui se faisait du beurre sans en faire un fromage
Histoire du vieux scientifique qui guettait fébrilement une fissure dans un barrage
Histoire de la machine qui ne faisait que chatouiller
Histoire de la sonde extraterrestre qui s'appelait Charlotte
Histoire du CMEE (Conservatoire des Motivations Existentielles Etranges)
Histoire du policier qui criait "Vive la délinquance !"
Histoire du chef de service qui céda sa place à plus fort que lui
Histoire de l'homme qui fut tué à coups de pelle en plein désert
Histoire de l'archange qui faisait des expériences sur les humains
Histoire du chimiste qui devint aide-cuisinier dans un fast-food
Histoire de la famille qui savait entretenir des rapports conviviaux
Histoire du cadavre qui ne voulait surtout pas se faire remarquer
Histoire d'une fan légèrement envahissante
Histoire du cadeau que vous êtes fou fallait pas non vraiment fallait pas
Histoire de l'égyptologue amoureux d'une beurette
Histoire du mari qui ne reconnaissait plus sa femme
Histoire de la frontière imaginaire qui un jour devint réelle
Histoire du riche industriel qui un jour disparut mystérieusement
Histoire du traître qui était parti juste avant l'arrivée de la Gestapo
Histoire du créateur de mode et des langouste pomponnées
Histoire du régiment qui fut démasqué à cause de son uniforme
Histoire des sous-mariniers qui ne savaient plus où ils en étaient
Ce recueil est le résultat d'un désordre : celui de mes lectures. Je lis tout et n'importe quoi, en tous domaines, en tous genres. Tout m'intéresse (...) cette curiosité mal canalisée m'a conduit à accumuler au cours des années un stock de petites histoires étonnantes, en marge de livres ou revues scientifique (...).

P. 75
Les maux des matheux
Nul besoin d'être épistémologue pour s'en apercevoir, il suffit de survoler les biographies des mathématiciens notoires : les matheux semblent montrer plus de prédispositions à la surchauffe des synapses que les autres scientifiques. Si leur vies présentent toujours comme point commun de finir en marmelade, le cas de l'Américain John Forbes Nash - moins célèbre pour son prix Nobel d'économie que pour le film dans lequel Russel Crowe incarne son personnage - est unique : c'est le seul lui ait guérit. [note de Pégase Shiatsu : je n'utiliserai pas le terme de guéri mais de stabiliser, si ce que l'on voit dans le film est vrai, ce n'est pas tout à fait pareil! Mais cela prouve que c'est bien le malade et pas le médecin qui détient la solution! Et que le travail, un conjoint, un enfant, sont des points d'encrage essentiel, chose qu'empêche les établissements psychiatriques, et pas que seulement par le biais des antidépresseurs, mais en niant les problèmes qui ont rendu les gens malades, la négations de l'exclusion quoi qu'on fasse! Le harcèlement systématique trop souvent de l'entourage, le chômage]

Si la théorie de la Terre creuse n'est pas contradictoire avec la mécanique newtonienne, elle reste, même pour l'époque, très extravagante, et Edmund Halley est assez fin pour ne pas complètement dupe de ses propres fantasmagories. Il se doute bien que son hypothèse, pour audacieuse qu'elle soit, ne tiendra pas une très longue route. De fait elle sera très vite abandonnée, comme tous ces jalons plus poétiques qu'utiles que la science laisse en chemin. Mais elle donnera à fantasmer à des générations de rêveurs à l'imagination fébrile, jusqu'aux intellectuels dévoyés qui entouraient Hitler, et il y aura toujours, , jusqu'à aujourd'hui, une poignée d'allumés pur croire à la Terre creuse. Peut-être l'astronome y ajoute-t-il un brin d'humour british, quand, dans un passage de son texte où il cite les poètes latins pour appuyer ses allégations, se prenant en flagrant délot d'élucubration poétique, il précise, : " Même si ce n'est pas un argument, puisque tout le monde cite les poètes, pourquoi n'aurai-je pas le droit de le faire quand ça m'arrange?"
Le temps passant les vérifications s'enchaînent et la conclusion s'impose : Vulcain n'existe pas. L'occasion est trop belle, les ennemis du tyran [le découvreur de Neptune, et aussi le scientifique le plus détesté] vont se précipiter dans la faille, en vain, il en faut plus pour ébranler le sphinx. Jusqu'à la fin de sa vie, Le Verrier cherchera sa planète, ou à défaut, un anneaux d'astéroïdes, ses calculs ne peuvent mentir. Et ça, c'est vrai, ils ne mentent pas : l'anomalie de l'orbite de Mercure restera inexpliquée jusqu'en 1915, un certain Einstein vienne mettre son nez là -dedans : ce n'était pas une planète supplémentaire qui chamboulait Mercure, mais un effet de la relativité.
L'idée de ce livre, bien avant l'apparition du premier virus poilu, c'était de ricaner devant certains errements qui ont émaillé l'histoire des sciences depuis qu'on les appelle comme cela. Mais se moquer des sciences n'est pas si facile. Certes, n y trouve fausses pistes à foison, fantasmagories, délires. Mais ça, c'est normal. La connaissance ne marche que par essai-erreur-corrections. Il n'y a aucune honte pour un chercheur à pédaler dans la polenta, ça fait partit de son métier, c'est de ne pas le faire qui serait suspect.