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Critiques de Carole Martinez (1609)
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Le coeur cousu

Ce texte est somptueux ! Il a la profondeur de la vie, le mystère du conte, la beauté de la poésie, le lyrisme de l'épopée, la saveur d'un récit d'initiation et j'en oublie.

Hymne à la liberté, hommage à la révolte des femmes contre la soumission que leur impose une société machique qui ne tient que par le qu’en-dira-t-on, et surtout éloge de l'art, personnage finalement principal du livre, qui permet à la vie de triompher des forces de mort et nous révèle à nous-mêmes, chacun d'entre nous pouvant aider son prochain par les dons qui lui sont propres.

Par beaucoup d'aspects, ce roman m'a rappelé les plus beaux textes d'Andrée Chedid. Moi qui n'aimais pas trop la couture, me voilà convertie...

Somptueux, vous dis-je !
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Du domaine des murmures

Esclarmonde, comme toute jeune fille de l'époque (XIIe siècle), doit accepter le mariage arrangé voulu par son père. le jour de ses épousailles, elle fait fi de toutes les convenances et refuse que Lothaire de Montfaucon, connu pour déflorer les jeunes pucelles, contre leur gré, dans les buissons, devienne son seigneur et maître. Bravant tous les interdits, faisant comme l'avait fait avant elle sainte Agnès, elle se tranche une oreille et demande à son père de construire une chapelle en l'honneur de cette dernière et de l'emmurer à côté, comme cela se faisait à l'époque. Fou furieux par l'affront que vient de lui imposer cette fille qu'il adore pourtant, il ne refuse pas et fait en sorte que la volonté d'Esclarmonde soit appliquée. Au bout de quelques temps, un miracle se produit : elle donne naissance à un fils, Elzéar (signifiant « secours de Dieu »), qui porte les stigmates du christ puisqu'il a les mains percées. Une sainte est née !



L'écriture de Carole Martinez est vraiment agréable. Saupoudrée de poésie, elle met en avant quelques us et coutumes de la période médiévale sans pour autant trop en faire. de ce fait, le livre est vraiment pour tout public, que l'on s'intéresse au moyen âge ou pas. Tout est axé sur le ressenti de cette femme hors du commun, sur la psychologie, et la prouesse consiste justement à rendre ce roman haletant. On a envie de savoir ce qu'il va se passer, on souffre avec cette femme, on adhère à ses paroles, d'autant plus qu'il s'agit de la narratrice.



Ce livre dormait depuis deux ans sur mes étagères et en toute honnêteté, je ne regrette qu'une chose : ne pas l'avoir lu avant. C'est une petite perle et toute la publicité que l'on a faite autour (raison pour laquelle je ne l'avais pas encore ouvert, me méfiant toujours) est bien méritée. Je vais à présent lire son autre livre, le coeur cousu, qui prend aussi la poussière dans ma bibliothèque. Je suis pratiquement certaine de ne pas être déçue et je suis ravie d'avoir pu découvrir une romancière dont l'envergure poétique n'a d'égal que sa simplicité.
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Les Roses fauves

°°° Rentrée littéraire 2020 #8 °°°



J'ai été émerveillée par le Coeur cousu, bouleversée par du Domaine des murmures. Ces sentiments m'ont habitée durant la lecture des Rose fauves, mais pas de façon continu car ce roman m'a par moment échappé, tellement foisonnant que j'ai mis un peu de temps à faire le lien entre les différents récits proposés sur trois périodes, jouant sur différents registres … jusqu'à ce que les dernières pages éclairent ma lecture et la subliment.



En général, je n'apprécie pas plus que ça les romans où les auteurs laissent entrevoir les coulisses de la naissance de leurs livres. Je trouve cela souvent convenu et surtout, j'aime la part de mystère qui entoure l'objet livresque que je tiens entre les mains. Ici, Carole Martinez se met en scène avec le personnage d'une narratrice qui s'exile trois mois dans un petit village breton pour se consacrer à l'écriture d'un livre. J'ai été souvent agacée de retrouver les mêmes poncifs habituels sur les affres de la création et la vampirisation du réel. Soit. J'ai trouvé quelque peu artificielles ses discussions avec Lola, la postière boiteuse, qui lui inspire le personnage personnage central de son prochain livre. Soit.



Mais Carole Martinez a un talent de conteuse hors pair et elle a réussi à m'emporter, malgré mes réserves initiales. En fait, il faut accepter de se perdre dans ce roman très singulier et alors s'offrent au lecteur des images fortes, comme sorti d'un rêve étrange : cinq coeurs cousus alignés dans l'armoire de Lola, cinq héritages de ses aïeules transmis de mère en fille,  chacun bourré de petits papiers racontant tous les secrets de la vie d'une femme qui les écrit sachant sa mort proche et qu'ils ne seront jamais lu ; des roses magiques voraces, dévoreuses de jardins et d'esprit, au parfum entêtant, annonciatrices de plaisirs charnels débridés mais aussi de mort, nées du sang versés dans les tranchées de la Grande guerre.



L'auteure s'amuse à construire méticuleusement un récit foisonnant qui bourgeonnent de partout, balançant entre réel et fabuleux, effaçant la frontière traditionnelle réalité et conte jusqu'à une porosité assumée, le tout enveloppée dans un écrin ciselé où la langue se fait lyrique et élégante, pour dire le bonheur de vivre comme sa douleur. Car tout n'est pas « joli » dans l'univers de l'auteure et la poésie sait se teinter de noir. Thanatos n'est jamais très loin d'Eros, un coeur ça saigne, une rose ça pique.



Et comme toujours chez Carole Martinez, on retrouve de beaux portraits de femmes, à commencer par celui de la grand-mère de Lola, Inès Dolorès dont le coeur cousu s'ouvre pour être lu et révéler à Lola comment apprendre à se connaître. Formidable Inès Dolorès dont le coeur décousu révèle toute la fougue et la sensualité. Elle semble prendre par la main sa petite fille pour la guider dans une sarabande échevelée. Et c'est très fort de voir la sage postière taciturne, solitaire dans sa forteresse mentale érigée pour ne pas avoir à faire face aux dangers du monde, s'ouvrir au regard des autres et s'autoriser au désir. En découvrant la vie de sa grand-mère, elle s'interroge sur sa propre histoire et y trouve la force de briser la malédiction qui s'abat sur les femmes de sa lignée afin de se déprendre du passé et de ses fantômes.



Une belle variation hors du temps sur le thème de la liberté féminine et de la libération des désirs, un conte empli d'histoires d'amour, de secrets de famille et transmission, tout autant qu'un hommage subtil à la puissance de l'écriture.
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Le coeur cousu

Quand tu liras le Coeur Cousu, tu liras sous la délicieuse plume de Carole Martinez, l'histoire de Soledad et de sa famille. Des filles surtout.

Tu liras du surnaturel qui te semblera tellement opportun et naturel que tu y croiras.

Tu frissonneras.

Tu poseras ce livre lourd sur tes cuisses, tu renverseras ta tête en arrière et tu serreras les bras. Pour imaginer plus. Pour imaginer mieux.

Tu sentiras la poussière du sable, mais cela ne te gênera pas.

Tu liras les secrets qui se transmettent chez les filles de cette famille. Tu liras la magie dans les doigts de Frasquita, la mère. Doigts de fées, on la disait sorcière.

Tu liras la méchanceté des simples. La rudesse de la pauvreté.

Parce que tu vois, tu le liras. J'en suis sûre.
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Du domaine des murmures

Quel destin ! Dès les premières lignes, la plume inspirée de Carole Martinez nous emporte très loin, au coeur de ce conte mystique.



J'ai vécu au plus près d'Esclarmonde, éprouvé sa réclusion, ses voyages, ses extases, ses errances et son formidable amour de mère. J'ai adoré cette histoire fabuleuse, entre grâce et barbarie intimement mêlées.



Un livre accompli et très esthétique, qui se dévore malheureusement beaucoup trop vite !




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La terre qui penche

J'avais aimé "Le coeur cousu", et "Du domaine des murmures" m'avait envoûtée, mais à la lecture de "La terre qui penche"… les superlatifs me manquent.



Résister pourtant à l'envie de dithyrambiquer. Eviter par conséquent les «waouh quelle claque», «attention pépite», «chef d'oeuvre (dont on ne sort pas indemne)», «gros coup de coeur» et autres manifestations extatiques d'usage. La fée Martinez mérite bien mieux. Mais de fait, elle intimide. Car sa plume enchantée fait de chacune de ses phrases un poème à lui seul, transcendant un récit au mystère tout aussi poétique. L'on y découvrira les aventures de la singulière petite Blanche sur les terres du Domaine des Murmures, dont le roman éponyme dressait déjà le portrait d'une héroïne d'exception.



Deux siècles plus tard voici à nouveau une histoire de femmes, une histoire d'amours et de secrets, merveille de grâce et de cruauté somptueusement conjuguées au coeur d'un âge médiéval ésotérique et sauvage.



Non contente de nous offrir une prose aussi miraculeuse que les récits qu'elle nous conte, Carole Martinez est en outre une personne exquise, c'est du moins le souvenir que j'avais gardé d'une séance de dédicace à deux pas de chez moi. Après-demain (joie) elle revient. Occasion rêvée de la rencontrer à nouveau et de peut-être découvrir enfin quels sont les secrets d'une écriture aussi lumineuse.



Bon, on avait dit pas dithyrambique...




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La terre qui penche

Qui n'a jamais rêvé de dialoguer avec l'enfant qu'il était, de revisiter son histoire à travers le prisme de l'expérience ?

« Nous sommes mortes à douze ans et, depuis, j'ai vieilli, infiniment, à regarder le monde sans en être. »



Alternant les voix et réflexions de la petite Blanche, douze ans à peine, dotée d'un tempérament hors du commun, et de sa vieille âme, fantôme bienveillant mais lucide, Carole Martinez m'a littéralement entrainée dans son magnifique récit qui prend racine en 1360 au bord de la Loue, au fond d'une vallée du Jura.

L'immersion fût totale et réjouissante l'espace d'un week-end dans un Moyen Âge délicieusement onirique, peuplé des légendes et croyances de la région que l'auteur s'est appropriée avec talent et sensibilité.

Ici, les personnages ont autant d'importance que les lieux, les descriptions ne sont jamais lassantes tant l'écriture est splendide, poétique sans mièvrerie aucune, le propos sensible autant qu'affirmé. Ainsi, je retiens particulièrement l'incarnation de la rivière en Dame verte, longiligne créature tour à tour sensuelle et séductrice ou cruelle et désabusée, qui rythme la vie de la vallée et permet des moments de narration d'une rare beauté : une rivière exutoire, liant naturel entre époques et souvenirs des êtres.



« La mémoire est une alchimie merveilleuse, certains souvenirs nous donnent l'illusion du réel. Pourquoi retenons-nous cette minute plutôt qu'une autre ? Ce minuscule détail-là ? Cette légère brise agitant le voile bleu du lit ? Comment arrivons-nous à nouer plusieurs sensations les unes aux autres ? »



Qu'il me fut doux et agréable de suivre les péripéties de Blanche à l'aube de l'adolescence, de découvrir ses premiers émois amoureux, sa détermination pour apprendre tout simplement à lire et écrire, pour approcher cette liberté fantasmée, surtout par une femme dans cette société féodale - le tout soutenu par un réel suspense puisque l'on ignore comment Blanche est morte à douze ans…jusqu'au dénouement, inattendu.

Laissez le charme de La terre qui penche agir
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Du domaine des murmures

Au domaine des Murmures, les arbres bruissent encore du destin tragique d'une recluse du XIIe siècle : la très jeune Esclarmonde qui préféra être emmurée vivante pour vouer sa vie à Dieu, plutôt que d'épouser un homme qui la rebutait.



Plus qu'un roman, Du domaine des Murmures est un conte d'une rare intensité. Il suffit d'une légère distorsion de la réalité pour que l'histoire devienne légende, et Carole Martinez excelle dans ce registre. Le cadre naturel et historique est bien réel : il s'agit de la vallée de la Loue (dans le Doubs), lors de la troisième croisade menée notamment par l'empereur germanique Frédéric 1er dit Barberousse. Amey de Montfaucon, Berthe et Amaury de Joux... ont réellement existé. En revanche, le château de Hautepierre et ses habitants sont issus de l'imagination de l'auteur. Jusque-là, rien que de très normal pour un roman...



Alors, d'où vient le merveilleux ? D'abord des éléments mystiques tels que les visions d'Esclarmonde ou les stigmates de l'enfant... Ensuite, de l'insertion fréquente et malicieuse de figures et de légendes empruntées à l'univers des contes ou au folklore de Franche-Comté, comme l'imaginaire du château de Joux. Enfin, du style poétique, incantatoire, de Carole Martinez, avec des allusions à peine voilées aux Chimères de Gérard de Nerval et au poème El Desdichado, fil conducteur de la trame fantastique du récit :

"J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ;

Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée

Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée."



"La Sainte", c'est Esclarmonde. Lorsqu'elle rêve dans sa grotte de pierre, elle traverse l'enfer (dont l'Achéron est un fleuve) en voyant par les yeux de son père les souffrances et la mort des croisés sous un soleil maléfique. Sirène, elle l'est aussi, car c'est sa voix qui recèle sa puissance et son enchantement cesse dès que la parole lui est ôtée. Quant à la fée, elle est incarnée par Bérengère, la guérisseuse au service de Douce, la belle-mère d'Esclarmonde. Sorte de géante sensuelle habillée de vert, son influence et son osmose avec la nature progressent tout au long du roman. Elle deviendra la Dame Verte de la Loue, fée des eaux entre la vouivre et Mélusine, aux "cheveux aussi verts que des algues."



A la fin, que retient-on de ce conte ? Pour ma part, j'y ai lu une magnifique allégorie de l'amour maternel. Et aussi la célébration de destins de femmes qui surent s'élever au-dessus des barrières imposées par les hommes pour chacune affirmer son pouvoir : Esclarmonde en guidant les âmes, Douce en dirigeant le domaine, Bérengère en s'appropriant les forces de la nature... Certes, notre "époque n'enferme plus si facilement les jeunes filles". Mais au fil des siècles, les murs de pierre se sont mués en un plafond de verre, plus insidieux mais tout aussi dangereux.



Si vous ne l'avez pas encore fait, aventurez-vous au domaine des Murmures et laissez-vous ensorceler.
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Le coeur cousu

D’abord enthousiasmée par le style, le sujet original, cette femme, la couture, etc. je me suis ensuite vite lassée et perdue dans ce dédale de situations parfois ubuesques ; par ailleurs, certains passages et détails m’ont semblé superflus, n’apportant pas grand-chose à l’intrigue.

Dès la deuxième section, j’ai carrément peiné à finir ma lecture.



Par contre, lisant la 4e de couverture à la fin, je déplore une fois de plus qu’elle déflore une bonne partie de l’histoire.

Mauvaise pioche pour moi, mon cœur est resté fermé.
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Les Roses fauves

Dans ce petit village de Bretagne où la narratrice fait escale pour aller à la rencontre des personnages qui nourriront peut-être son inspiration, tout commence par ce haut-lieu de la communication qu’est le bureau de poste, où les tricoteuses alignées semblent suggérer qu’il y a foule au guichet. Alors que leur présence constitue plutôt un flux d’infos en continu, un réseau social local et prolifique.

Derrière le guichet, l’austère Rosa, raide, fermée, au delà de ce que son infirmité pourrait lui offrir en prétexte. Issue d’une longue lignée de femmes cruellement éprouvées dans leurs amours et leurs maternités, Rosa se protège en érigeant autour d’elle des barrières d’austérité, et en exerçant un contrôle méticuleux de ce qui fait sa vie : la poste, le jardin.



La rencontre des deux femmes fait naître l’histoire du roman qui se construit sous nos yeux, mêlant les légendes d’un autre âge, les errements de l’imagination, induits par les confidences et les secrets révélés des coeurs cousus.





La lecture est une sorte de parcours en équilibre sur une corde de funambule , et le meilleur moyen pour ne pas chuter est de lâcher prise, et de se laisser porter par les mutiles facettes de ce récit, poétique et onirique, avec de temps à autre un rappel à une réalité tangible, la narratrice en train de créer son oeuvre.



"Je ne pense pas qu'il y ait une frontière nette entre la réalité et la fiction. Le roman surtout nous entraîne sur des territoires flous, ils occupent les lisières."



On retrouve le style d’écriture de l’autrice, cet qui fit le succès de Coeurs cousus, ou de Du Domaine des murmures. Et il est sans doute préférable de les avoir auparavant lus, pour ne pas se laisser déstabiliser par cette navigation à vue aux confins des rêves et de la réalité.



Grand plaisir de retrouver la conteuse de talent, qui sait emporter le lecteur dans ses divagations merveilleuses.
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Du domaine des murmures

Ayant refusé de lire les critiques et commentaires sur ce roman, avant de le lire, j’avoue avoir été décontenancée en débutant ma lecture. En effet, je ne m’attendais pas du tout à cette histoire. Je ne sais d’ailleurs pas à quoi je m’attendais, mais sûrement pas à un récit mettant en scène une emmurée au Moyen Age.

Peu à peu, cependant, je suis entrée dans le récit et ai savouré, sans bouder mon plaisir, la langue si joliment mise en œuvre par Carole Martinez, ses descriptions fortes qui nous embarquent dans son monde où réalité et fiction se mêlent avec bonheur. La plume fraîche et rythmée de l’auteur donne la parole à une recluse de 15 ans, Esclarmonde, qui a choisi d’être emmurée vivante pour aimer et servir Dieu plutôt que d’être offerte en mariage à Lothaire, un rustre dont elle ne veut. Depuis la cellule qu’elle s’est choisie, et où elle pensait vivre solitaire, elle recevra la visite quotidienne de pèlerins venus lui confier leurs prières, leurs péchés et leurs demandes d’intercession. Son immobilité lui donnera accès à un riche chemin intérieur et devinant les âmes, elle leur servira de révélateur voire de psychanalyste.

Mais le choix que l’on fait à 15 ans, pure et naïve, ignorante de la vie, peut-il déterminer une vie entière ? La foi, l’amour et l’abnégation peuvent-ils combler à jamais ?



Ce conte, terrible à bien des égards, est loin des récits à la mode aujourd’hui. Mais malgré l’époque et le thème, il est d’une modernité étonnante. Loin de l’amour courtois, il nous donne à voir la violence des mœurs et la condition des femmes au Moyen Age ; emmurée, Esclarmonde est plus vivante et libre que beaucoup de ses contemporaines ; solitaire, elle est pourtant toute entière liée à sa famille et au monde…

Les personnages secondaires sont aussi attachants et vrais, tel un Lothaire repenti et voué à un amour platonique et déchirant, ou une Bérengère, assumant pleinement ses atours et sa condition de servante. Ils portent l’intrigue et font avancer le récit.



Carole Martinez signe ici une ode à la vie, à la sensualité, à l’amour (divin et humain) qui est aussi une merveilleuse parabole qui nous donne à réfléchir sur notre propre vie. C’est aussi une belle réflexion sur la puissance de la foi et les doutes qu’elle suscite.

On ne sort pas indemne de cette lecture. Il faut prendre le temps de la digérer, de l’apprécier, voire y revenir. Carole Martinez est décidément une formidable conteuse.



Au moment où j’achevais cette lecture, « Du domaine des Murmures » recevait le Goncourt des lycéens. Prestigieux prix non galvaudé.


Lien : http://argali.eklablog.fr
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Les Roses fauves

Ceux qui lisent mes commentaires le savent : je suis une inconditionnelle de Carole Martinez, et pas seulement parce que j'ai eu la chance de la rencontrer à plusieurs reprises, et que c'est une femme passionnée et passionnante, qui a le pouvoir d'enthousiasmer son auditoire en partageant mille et une anecdote avec lui. Quand elle vous raconte sa grand-mère espagnole avec ses croyances, qu'elle vous encourage à la "rêvasserie" d'où surgissent les idées les plus folles (et qu'elle pratique assidûment !), qu'elle vous explique ses tourments jusqu'à que son premier roman soit enfin édité, elle vous entraîne dans son monde et vous n'avez plus envie de la quitter.

Et une fois de plus, la magie a opéré sur moi, même si ce roman est à la fois dans le droit fil du "Coeur cousu" et en même temps totalement différent de ses précédents romans parce qu'elle est elle-même un des personnages de l'histoire, et se met en scène en train de l'écrire.

D'ailleurs, au départ, ce devait être une toute autre histoire, un "Barbe-bleue contemporain", qui finalement ne verra pas le jour cette fois. Non, là c'est l'histoire de Lola Cam, une postière coincée et boîteuse, héritière d'une longue lignée mi-espagnole mi-bretonne. Lola possède, cachés dans son armoire, cinq coeurs en tissu renfermant les secrets de ses aïeules. L'un deux s'est déchiré, celui de son arrière-grand-mère. Et l'auteure va imaginer devenir l'amie de la postière, jusqu'à ce que celle-ci l'autorise à découvrir avec elle le contenu de tous les petits billets qui se sont échappés et qui retracent la douloureuse histoire de cette femme, victime d'une malédiction qui hantera ses descendantes. Le coeur contient également quelques graines, que Lola, férue de jardinage s'empressera de semer. Et cette graines vont très rapidement échapper à tout contrôle, donnant naissance aux "Roses fauves" qui donnent leur titre au roman. Sans trop en dévoiler, on va suivre plusieurs histoires en parallèle, celle de Lola et des vieilles habituées de son bureau de poste, celle d'Ines Dolores, l’aïeule qui a confectionné le coeur blanc, et celle de Carole Martinez en train d'essayer d'écrire son roman tout en étant de plus en plus fascinée par la saga des Dolores successives. Les roses constituent le fil conducteur entre ces différentes partie, et elles ne sont pas toujours de simples belles fleurs...

Je ne me lasse pas de l'écriture de Carole Martinez, si particulière, empreinte de poésie mais qui sait se faire si dure aussi. Quand elle glisse vers le fantastique, elle nous emmêle, nous entraîne si bien qu'on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui relève de la pure fantasmagorie. Et comme en plus elle parsème ses histoires d'éléments autobiographiques de-ci de-là, on est totalement immergé, perdu, et on en redemande. Ses personnages sont totalement crédibles au départ, voire banals, comme Lola. Mais ça ne dure pas, oh non !Et voilà que tout d'un coup on est au beau milieu d'un conte, et la magie opère.

Mais pourquoi "seulement" 4 étoiles, du coup ? Il s'en est fallu de peu, mais voilà, la fin n'a pas fonctionné sur moi, il m'a manqué quelque chose, et je me suis sentie un peu flouée.

Mais peut-être Carole Martinez se réserve-t-elle pour une suite éventuelle, après tout il reste d'autres coeurs à découdre...
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La terre qui penche

Quand elle est morte en 1361, Blanche n’avait que douze ans. Le récit de son existence nous parvient au travers de deux voix réunies dans la même tombe, celle de l’enfant qu’elle fut et qui se raconte au présent, avec la vivacité fraîche et naïve du jeune âge, et celle de la vieille âme qu’elle est devenue de nos jours, son fantôme lesté d’une sagesse de six cents ans et qui, se souvenant de ce passé consécutif à une terrible épidémie de peste, lui donne une perspective évocatrice du long et difficile chemin parcouru par l’humanité au travers des siècles.





Privée dès le plus jeune âge de sa mère, morte de la pestilence qui, succédant à la Guerre de Cent ans au mitan du XIVe siècle, a emporté une personne sur trois et vidé en quelques années le pays de ses forces vives, Blanche ne connaît que l’autorité brutale d’un père rendu plus paillard et soudard encore par sa puissance seigneuriale. Elle qui rêve tant d’apprendre à lire et de courir librement comme les garçons de son âge – toutes actions interdites au sexe faible et déraisonnable qu’il faut préserver de ses penchants pervers – se retrouve à onze ans arrachée à ses sœurs et emmenée dans un fief voisin, au château des Murmures, y faire son apprentissage de promise au doux mais débile Aymon.





L’imagination et le fort tempérament de Blanche colorent son récit, par ailleurs d’une grande précision historique, d’une magie onirique empruntant au conte merveilleux et à la fable fantastique qui, alliée à une langue poétique d’une envoûtante beauté, ensorcelle le lecteur sitôt la lisière des premières pages franchies et son étonnement enjambé. Et tandis qu’autour de cette période charnière, frappée d’une crise d’une telle ampleur qu'entre mauvaises conditions climatiques, famines, épidémies, razzias dévastatrices perpétrées par les grandes compagnies – ces bandes de mercenaires privés d’employeurs par la fin de la guerre –, elle devait sonner la mort du Moyen Age et le début d’un long processus de sortie de la féodalité, tandis donc que les regards de Blanche enfant et de Blanche vieille âme se renvoient en miroir ce qu’elles furent et ce qu’elles devinrent, c’est toute l’évolution du pays qui transparaît métaphoriquement, entre l’époque médiévale, son ignorance, ses peurs et ses superstitions pleines de magie, et celle d’aujourd’hui, plus rationnelle mais nostalgique de sa fantaisie perdue.





Traversé par les grandes peurs primitives liées à la mort et peuplé de figures, ogres ou fées, directement inspirées de l’imaginaire des contes et des légendes, le récit fait aussi la part belle à cette terre franc-comtoise qui penche de toute la hauteur de ses coteaux en terrasses, péniblement façonnés au détour d’épaisses forêts, en surplomb de la Loue, cette rivière-femme aussi traîtresse qu’enchanteresse qui avale les hommes venus s’y mirer. Un livre d’une grande richesse historique et poétique, au charme si puissant qu’il vous laisse éperdu d’admiration pour son écriture si imaginative et si belle. Au-delà du coup de coeur.


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Les Roses fauves

On se souvient avec bonheur du « Cœur cousu » ou du « Domaine des murmures », et un nouveau livre de Carole Martinez à l’occasion de la rentrée littéraire est toujours attendu avec impatience.

Le cœur cousu, justement, parlons-en.

Carole Martinez ne se doutait pas, après une lecture dans une librairie, qu’une lectrice viendrait lui dire que ces cœurs cousus existent bel et bien sous forme de traditions du fond de l’Espagne : avant de mourir, une femme confie ses secrets sur de fines bandelettes de papier, qu’elle cout ensuite à l’intérieur d’un tissu en forme de cœur, confiant ses récits intimes à l’éternité.

A moins que quelqu’un ne découse les liens de tissu, mais il n’est pas dans la tradition de trahir les morts.

A partir de cette découverte, Carole Martinez tisse à son tour une histoire, ou plutôt deux histoires, l’une enchâssée dans l’autre :

Nous partons donc en Bretagne, où elle imagine une postière bretonne, prénommée Lola, qui n’a « rien pour elle » et qui boite. Elle se rend tous les jours à son bureau de poste, vit seule dans le logement de fonction attenant, et n’aurait « rien de particulier à raconter » si ce n’est que son armoire recèle cinq cœurs cousus issus de sa famille espagnole.

La narratrice, qui est aussi l’autrice, va faire sa connaissance, et n’aura de cesse que de découvrir les secrets enfouis dans les cœurs. Or le premier, celui fait de tissu à paillettes, s’effiloche et laisse entrevoir quelques bandelettes de papier. Lola et la narratrice vont ensemble déchiffrer la petite écriture…

Commence alors la seconde histoire, celle de Dolores Ines, fille mal aimée par une mère qui s’est suicidée, enfermée par son père dans un jardin couvert de roses, qui décide un jour de s’échapper par le vaste monde, parce qu’un jour un cheval s’est égaré dans son jardin, et qu’elle s’est éprise du beau cavalier qui le montait …

Et voici que s’ouvre une troisième histoire, en effet miroir : Lola va progressivement s’ouvrir à la vie et au désir, elle aussi, avec un dénommé William D.H., un acteur réputé qui joue un soldat de la Première guerre mondiale, un dénommé Pierre auquel il s’identifie peu à peu et puis totalement.



On retrouve bien ici tous les thèmes chers à Carole Martinez : son goût pour la couture comme pour la nature, la présence des fleurs et leurs senteurs, la sensualité et tout ce monde à la frange du fantastique – le merveilleux - qui fait sa marque de fabrique.



Mais ici les fleurs ne sont pas sympathiques, elles sont même vénéneuses. Ici ce sont les effluves générées par ces étranges roses, dont les graines étaient dans le cœur cousu, qui mettent à mal la narratrice. On songe à Boris Vian et à « l’écume des jours » dans lequel Chloé est victime d’un « nénuphar » qui lui dévore le poumon.



Mais d’où vient alors ce sentiment que Carole Martinez ne parvient pas vraiment à entrer dans son histoire, qu’elle reste sur le seuil, observant ses personnages, sans vraiment les animer ? Et pourquoi nous abreuver de ces « Making of » d’écrivaine, quitte à nuire à la fluidité des deux histoires qu’elle nous déplie ?

La réponse vient peut-être page 220, de l’autrice elle-même : « Il me semble que je ne désire plus rien que ce livre que je n’arrive pas à écrire ». Nous y voilà.

Je ressors perplexe de cette lecture. J’ai l’impression qu’elle est partie sur une « fausse bonne idée » : celle d’imaginer le contenu de ces cœurs cousus espagnols, mêlé à l’histoire de cette Lola bretonne qui boite et qui devient subitement l’amoureuse improbable d’un acteur star de cinéma. Et ses propres errances et hésitations en tant qu’autrice n’apportent rien au récit en définitive.

Merci à Babelio et aux Editions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire via Masse critique.

Je garde un sentiment mélangé donc, avec le souvenir de quelques beaux passages, mais assorti d’une certaine déception en refermant ce « cœur décousu » où je n’ai pas retrouvé la magie du « Cœur cousu » précédent.

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Le coeur cousu

Soledad est née dans un petit village du sud de l'Espagne dans les années 1930.

Elle nous raconte l'histoire de sa mère, Frasquita, une couturière aux dons magiques, étranges transmis par sa mère et d'autres femmes de la famille avant elle.

La lecture de la description de la boîte à couture dont Frasquita hérite ressemble à un véritable coffre de pierres précieuses.

Mariée à un homme au tempérament plus coq qu'un coq, la jeune couturière doit fuir son village, seule avec ses six enfants car son galant de mari a perdu un combat de coqs où il avait joué sa femme.

Les enfants sont aussi pourvus de dons surnaturels tous différents.

Carole Martinez nous livre un conte cruel, fantastique, humain très imagé dans une Espagne catholique mais aussi superstitieuse.

C'est le premier roman de Carole Martinez que j'ai lu en 2011 et j'avoue que c'est celui qui m'a le plus marquée pour la force de la transmission du don spécial de couturière transmis de génération en génération car elle en recoud des lambeaux de tissus de toutes sortes : d'étoffes ou de peaux...

L'écriture est très travaillée tout en restant naturelle.

Grâce à mes fiches, j'ai pu relire le roman en ciblant les passages que j'avais préférés lors de ma première lecture.

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Le coeur cousu

Sorti en 2007, ce long roman de Carole Martinez a bénéficié d'un très bon bouche-à-oreille dans les bibliothèques pour devenir un long-seller, un succès de librairie à mèche longue.

Le sujet en est désormais connu : c'est l'histoire sur trois générations de femmes espagnoles unies par le mystérieux pouvoir de la couture. L'héroïne, Frasquita, s'est vue transmettre par sa mère un coffret à couture. Mal mariée à un forgeron qui se prend, au propre comme au figuré, pour un coq, mère de cinq filles et d'un fils tous dotés de pouvoirs surnaturels, Frasquita finira par fuir son village avec ses enfants. Pris dans les tourbillons de l'histoire, les exilés se retrouveront au cœur d'une terrible bataille entre une bande d'anarchistes et l'armée régulière espagnole qui les obligera à traverser la Méditerranée et à se réfugier en Algérie française.



L'influence du réalisme magique sud-américain a été soulignée voire dénoncée : Carole Martinez louche du côté de Gabriel Garcia Marquez et son village de Santavela a des airs de Macondo



Roman de femmes, roman pour les femmes (ses lecteurs les plus enthousiastes sont surtout des lectrices) "Le cœur cousu" m'est tombé des mains.

Je n'aurais pas la prétention de l'en blâmer pour autant.

Je comprends que son style très travaillé puise séduire même si il m'a semblé parfois à la limite de l'affèterie : chaque phrase est à ce point ciselée qu'on y sent trop l'effort que sa rédaction a causé.

Quant aux splendides et courageux personnages de femmes, je comprends qu'ils aient pu émouvoir mais, de mon point de vue, ils perdent très vite en réalisme ce qu'ils gagnent en magie.
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Du domaine des murmures

Une promenade en Bourgogne nous conduit dans les ruines d’un château que le temps a connu puissant. Dans un récit à rebours des siècles, nous entendons les pierres raconter l’histoire d’Esclarmonde. « La tour seigneuriale se brouille d’une foule de chuchotis, l’écran minéral se fissure, la page s’obscurcit, vertigineuse, s’ouvre sur un au-delà grouillant, et nous acceptons de tomber dans le gouffre pour y puiser les voix liquides des femmes oubliées qui suintent autour de nous. » (p. 15) Asseyons-nous et écoutons…



Esclarmonde, blonde enfant trop belle pour les exigences du monde, refuse l’homme que son père lui a choisi. En disant « non » devant les hommes et reniant le sang de son père, Esclarmonde embrasse un destin de recluse. En 1187, une fille qui se refuse au mariage pour préserver son union avec le Christ n’a d’autre choix que de soustraire au siècle. Emmurée dans une petite cellule attenante à la chapelle de Sainte Agnès, Esclarmonde croit échapper au malheur terrestre pour jouir d’une béatitude que seule mamort rendra plus sublime. « Je suis devenue la vierge des murmures. » (p. 17)



« J’avais charge d’âmes. » (p. 123) Ainsi parle celle qui revêt au yeux du monde un glorieux habit de sainte. Les pélerins se pressent contre les barreaux de sa petite fenêtre. « Tous ces êtres en mouvement venaient voir l’immobile et la vie passait devant moi, qui pourtant l’avais quittée. » (p. 52) Alors que tous lui prêtent des miracles et la mort-même semble reculer devant le pouvoir de sa foi, Esclarmonde se découvre pleine. Sa solitude de recluse n’en est plus une, mais pour combien de temps ?



Quand vient le jour où on lui arrache ce qui la comblait, Esclarmonde est prête à tout renier : son engagement religieux, sa promesse éternelle et sa foi vacillante. Que lui importe désormais de suivre les traces de son père parti en Terre-sainte mener une croisade qui périclite dans le sang et la boue ? Que lui importe donc de tenir la Mort en respect si la vie elle-même lui est retirée ? « À défaut de croire en Dieu, j’ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l’incroyable pouvoir. » (p. 166) Voilà que la sainte devient démone, mauvaise femme à la langue de fiel, elle dont la voix était à elle seule une bénédiction. Mais n’est-ce finalement pas une épreuve de foi, une dernière épreuve d’amour ?



Ce superbe récit est nourri de merveilleux. Entre les pages déambulent une géante verte aux courbes superbes et le cruel spectre d’un cheval blanc. On entend aussi la voix des anges quand ils se penchent sur les mains stigmatisées d’un enfant et sur l’éclat extraordinaire du soleil de Palestine. Carole Martinez mêle avec un talent éblouissant des légendes bourguignonnes, une hagiographie fictive et une célébration du verbe. Le verbe, c’est celui d’Esclarmonde qui repousse les murs de sa cellule, celui de Dieu quand il daigne se faire entendre et c’est surtout celui de l’auteure qui porte ce récit sur les ailes de la poésie. Dans ce roman où le murmure se veut la racine de toute parole et son élan premier, Esclarmonde s’adresse à nous d’une voix fantôme qui s’échappe de la mousse des pierres effondrées.



Perdue dans les confins d’une maladie qui s’éternise et me vide de mon énergie, j’ai trouvé dans ce superbe roman un souffle qui m’a emportée, qui a sublimé ma veille et m’a émue au-delà des larmes. Bouche bée, muette, sans même un murmure, j’ai lu et relu certaines phrases jusqu'à m’engourdir les yeux. Poésie pure et lumière, la plume de Carole Martinez chante une femme exceptionnelle : que nous importe alors que tout ne soit que romance ? Si certains aspects de cette éblouissante histoire m’ont rappelé le très beau roman de Clara Dupont-Monod, La passion selon Juette, il y a dans Du domaine des murmures une forme de littérature après laquelle je cours sans cesse. Et quand je la toruve enfin, c’est le souffle coupé que je la contemple.

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La terre qui penche

Vous le savez, j'avais adoré du Domaine des Murmures. C'est d'ailleurs avec ce livre que j'avais découvert Carole Martinez et son style oscillant entre prose et poésie. Et c'est avec un plaisir incommensurable que j'ai retrouvé non seulement ce style inimitable mais encore le lieu. En effet, la romancière fait évoluer les narratrices dans le Château des Murmures, deux siècles plus tard. Il appartient désormais à la famille de Jehan de Haute-Pierrre, père d'Aymon, jeune promis de Blanche, une des deux voix de ce roman. Cette dernière nous raconte sa courte vie et, à travers elle, la vie de toutes les jeunes filles de cette époque dont le destin était d'obéir à son père et de se marier avec celui qui avait été choisi par ce dernier, même si le futur époux n'avait pas toute sa tête, comme c'est le cas ici. Mais Blanche va finalement s'attacher à Aymon, à l'entourage, au paysage également. Et comme le roman alterne entre réalité et imaginaire, à l'instar des romans médiévaux d'ailleurs, Blanche va également avoir de l'intérêt pour la Dame Verte, la fée qui hante la rivière, la Loue. Cette eau est le fil conducteur du livre, un personnage à part entière, une des clés qui permettra au lecteur de comprendre le destin de Blanche.



Mais qui est donc la seconde narratrice ? Il s'agit de l'âme de la fillette, cette âme qui va nous permettre de tout savoir, y compris les circonstances de la mort de la petite Blanche. Elle reconstitue les manques de l'histoire, à la manière d'un puzzle. Je trouve cette idée très originale. Les deux voix se complètent. Jeunesse et maturité se font face, s'imbriquent, pour ne plus former au final, pour le lecteur, qu'une seule et même personne qu'il aura reconstituée.



Un coup de maître ! Je ne vois pas d'autres formules pour dire à quel point j'ai aimé ce roman.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Les Roses fauves

Quel privilège de pouvoir découvrir en avant-première le dernier roman d'une auteure de talent dont j'ai lu avec émotion trois des précédents ouvrages !

Je remercie Babelio de m'avoir proposé ce challenge et les éditions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire en primeur.



J'ai découvert Carole Martinez avec du domaine des murmures et La terre qui penche.

Mes critiques sur Babelio étaient alors rares et timides et mes mots maladroits pour exprimer mon ressenti.

Et pourtant, son univers si particulier qui conjugue habilement histoire et merveilleux sans sombrer dans le fantastique incompréhensible, a su me plaire.

À tel point que, lorsque j'ai croisé le chemin de son premier roman "Le coeur cousu", je n'ai pas hésité un seul instant et me suis replongée avec délice dans l'atmosphère étrange et pourtant tellement humaine qui caractérise son oeuvre.



Les roses fauves revient avec bonheur sur cette tradition ancestrale du coeur cousu qui veut que chaque femme parvenue au crépuscule de sa vie laisse en héritage à sa fille un coeur de tissu rempli de bandelettes de papier sur lesquelles elle s'est épanchée et qu'il est interdit d'ouvrir.

Pourquoi la destinée de Lola, postière du petit village de Trébuailles, l'a-t-elle condamnée à une vie solitaire à l'abri de son jardin, parmi les roses ?

La réponse se trouve-t-elle dans les confidences que ses aïeules ont faites à leur coeur cousu avant de rendre leur âme à Dieu ?

La narratrice qui n'est autre que l'auteure elle-même, est à la recherche de l'inspiration et d'un lieu tranquille pour se consacrer à un projet de roman.

Son choix n'est pas fortuit et la rencontre de ces deux femmes, ainsi que les secrets qu'elles vont percer ensemble en ouvrant les coeurs cousus dont Lola est la gardienne, vont bouleverser leur quotidien et les faire voyager dans le temps.

Lola va-t-elle parvenir à briser la malédiction qui condamne depuis toujours sa lignée à porter les enfants de leurs amours mortes ?



La plume de Carole Martinez, fidèle à elle-même, est un enchantement pour le coeur et l'esprit.

On parcourt l'histoire de Lola et de ses ancêtres accompagnés par le parfum lourd et entêtant des roses.

Un parfum qui frise parfois l'écoeurement, telle une malédiction.

Le thème de l'auteur en mal d'écriture a été maintes fois traité et on retrouve ici les éléments classiques qui le composent habituellement, à savoir la recherche d'un lieu inspirant et qui prête à l'introspection, la rencontre fortuite avec un personnage atypique, le déclenchement d'un processus de l'imaginaire et l'envie d'en faire un roman.

L'auteure s'est prêtée à cet exercice avec plus ou moins de succès, certains passages étant parfois un peu nébuleux ou emmêlés, telles les conversations entre les vieilles du bureau de poste.

Toutefois, le récit, qui nous transporte dans l'Espagne passée au son de la soleá, reste attachant tant il procure un plaisir de lecture intense.
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Le coeur cousu

Ce livre est d'une grande puissance.

Il nous emporte dans une odyssée féminine envoûtante.

Celle qui fait la grande traversée va parcourir les chemins perdus poussiéreux et caillouteux de l'Andalousie du 19e siècle, et arriver à tirer sa charrette remplie de ses 6 enfants, le septième étant dans son ventre, jusqu'à la mer.

Là, ils prendront le bateau pour s'installer dans une nouvelle vie en Algérie.

Durant ce voyage hallucinant, toutes les rencontres seront possibles, toutes les épreuves aussi, et Frasquita tiendra bon jusqu'au bout.

Un univers aride et racorni par l'isolement, les croyances, les superstitions, la médisance et la jalousie, a pourri la vie de cette jeune femme aux dons exceptionnels de brodeuse et de couturière.

Cet art, qui est autant sa malédiction que sa bénédiction, elle le doit à une sorte de filiation matriarcale et magique qui relie les vivantes et les mortes depuis la nuit des temps.

A l'âge des premières règles, la mère initie ses filles aux prières qui guérissent et qui font parler avec les morts, et leur remet une boite magique qui, si elles savent respecter les usages leur révèle leur pouvoir et ainsi les déterminent à vie...

Frasquita, la mère en fuite dont on suit l'errance a été initiée et a reçu une boite de bobines de fils.

Elle coud, elle brode, et ce qu'elle fait prend vie. Elle use de ce génie qui lui permet de vivre et fait sa renommée, comme son malheur...

Elle en deviendra sorcière et magicienne, elle fera peur...

Son mari, devenu fou, se prenant pour un coq à chaque nouvelle naissance et finissant par la jouer au jeu, la pousse à bout. Trop de misère, trop de souffrance, trop d'humiliation...

Elle prendra ses enfants et partira, ailleurs, à l'aventure, forte de ce qu'elle est et de ses pouvoirs surnaturels.

Elle ira jusqu'au bout de la terre, et arrivera au delà de l'eau.

Elle forcera la destinée de toute sa marmaille étrange et singulière, poussée par un désir tenace et magnifique jusqu'à en oublier la dernière à naître qui pointe son nez, bientôt, et qu'elle nommera Soledad.

Cette dernière de la fratrie fantasque aux pouvoirs magiques semble destinée à la solitude, elle sera initiée, mais n'aura pas de fille.



Elle se vouera à l'écriture, et par ce biais rompra le fil de la tradition et de la transmission. Elle n'apprendra pas les prières à sa nièce, non plus qu'elle ne lui donnera de boite...

Elle sera la narratrice de cette histoire foisonnante, et nous transportera loin au cœur du désir féminin.

Elle nous racontera l'épopée de sa mère et de ses frères et soeurs en nous disant des contes assemblés en saga familiale construisant ainsi un roman fleuve.



Ce texte foisonnant est beau, poétique, gonflé d'amour, de chair, de sang, de souffrance ,de larmes et de rêves.

Il est cousu à petits points serrés, minutieux, qui se déploient dans de multiples détails colorés et forment une fresque étonnante d'originalité et d'humanité.

Si ce n'est pas encore fait, ouvrez ce livre .

Des liens et un extrait de lecture sur le blog :
Lien : http://sylvie-lectures.blogs..
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