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Citations de Cesare Pavese (618)


Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force.
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Marc en septembre
  
  
  
  
Les matins passent clairs et déserts
sur les rives du fleuve qui à l’aube s’embrume
et se charge d’un vert sombre, dans l’attente du soleil.
Le tabac que l’on vend dans la dernière maison
encore tout humide, en lisière des prés, est presque noir
et d’un goût savoureux : sa fumée est bleuâtre.
Ils ont aussi du marc qui a la couleur de l’eau.

Le moment est venu où tout s’immobilise
et mûrit. Les arbres, au loin, restent calmes :
ils paraissent plus sombres, et ils cachent des fruits
qui à la moindre secousse tomberaient. Les nuages épars
ont une pulpe mûre. Au loin, sur les boulevards,
chaque maison mûrit sous la tiédeur du ciel.

À cette heure, on ne voit que des femmes. Les femmes ne fument pas
ni ne boivent, elles savent simplement s’arrêter au soleil
et recevoir sur elles sa tiédeur, comme des fruits.
Froid de brume, l’air se boit par gorgées
comme du marc, chaque chose y exhale une saveur.
L’eau du fleuve elle aussi a bu ses rivages
et les macère au fond, dans le ciel. Les rues
sont pareilles aux femmes, elles mûrissent immobiles.

Il faudrait que chacun, à cette heure, s’arrête
dans la rue et regarde comment tout mûrit.
Il y a même une brise, qui n’ébranle pas les nuages,
mais suffit à diriger la fumée
bleuâtre, sans la rompre : saveur nouvelle qui passe.
Et le tabac doit être trempé dans du marc. Les femmes alors
ne seront plus les seules à jouir du matin.


/Traduit de l’italien par Gilles de Van
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A quei tempi era sempre festa.

(À cette époque-là, c'était toujours la fête.)
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30 janvier 1941

Ce sentiment doux et indulgent d'amour pour l'humanité, que l'on éprouve par un jour froid, durant un moment passé dans un café - quand on observe le visage émacié et triste de quelqu'un, la bouche crispée d'un autre, la voix lente et bonne d'un troisième, etc. – et qu’on s'abandonne à embrasser toute cette souffrance quotidienne d’une étreinte sentimentale à la fois voluptueuse et mélancolique, n'est pas le véritable amour du prochain, mais une introversion agréable et détendue. À de tels moments, je ne remuerais le petit doigt pour personne : on éprouve, en somme, un sentiment de béatitude devant sa tranquille futilité face à la vie.


...
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28 janvier 1949

L'état de vague, d’incertaine recherche, dure. Le problème souvent effleuré par le passé s'ouvre à nouveau : tu ne t’aperçois pas que tu vis parce que tu cherches le nouveau thème, tu passes, hébété, les jours et les choses. Quand tu auras recommencé d’écrire, tu penseras seulement à écrire. En somme, quand est-ce que tu vis ? que tu touches le fond ? Tu es toujours distrait par ton travail. Tu arriveras à la mort, s’en t’apercevoir.

Voilà pourquoi l'enfance et la jeunesse sont la source éternelle : alors, tu n'avais pas un travail, tu voyais la vie avec désintéressement.

Efficacité de l'amour, de la douleur, des péripéties : on interrompt son travail, on redevient adolescent, on découvre la vie.


..
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13 février 1949

Étrange moment (à treize ou douze ans) où tu te détachais de ton pays natal, où tu entrevoyais le monde, où tu partais dans des rêveries (aventures, villes, noms, rythmes emphatiques, inconnu) et où tu ne savais pas que commençait un long voyage qui, à travers villes, aventures, noms, ravissements, mondes inconnus, te ramènerait à découvrir combien ce moment du détachement justement était riche de tout cet avenir - le moment où tu étais plus pays que monde - quand tu regarderais en arrière. C'est parce que maintenant, l'avenir, le monde, tu l'as en toi comme passé, comme expérience, comme technique, et l'éternel et riche mystère se retrouve être ce toi enfantin que tu n'as pas eu le temps de posséder.

...
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26 novembre 1945

(…)

Tu peux arriver au néant, non pas au ressentiment. Non pas à la haine. Rappelle-toi toujours que rien ne t’est dû. En fait, que mérites-tu ? La vie t’était-elle due, peut-être, quand tu es né ?

..
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Le matin, c'était l'heure la plus belle, parce qu'on pouvait toujours espérer davantage que le soir.
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Balzac a découvert dans la grande ville une mine de mystère, et le sens qui, chez lui, est en éveil, c'est la curiosité. C'est sa Muse. Il n'est jamais ni comique ni tragique. Il est curieux. Il s'engage dans un enchevêtrement de choses avec l'air de quelqu'un qui flaire et promet un mystère, et qui vous démonte toute la machine pièce par pièce avec un plaisir âpre, vif et triomphal. Regarder comment il s'approche de ses nouveaux personnages : il les toise de toutes parts comme des raretés, les décrit, les sculpte, les définit, les commente, en fait transparaître toute la singularité et promet des merveilles. Ses jugements, ses observations, ses tirades, ses mots ne sont pas des vérités psychologiques, mais des soupçons et des trucs de juge d'instruction, des coups de poing sur ce mystère que, bon Dieu, on doit éclaircir. À cause de cela, quand la recherche, la chasse au mystère se calme et que- au début du livre ou au cours de celui-ci (jamais à la fin, parce que, arrivés à ce point, avec le mystère, tout est dévoilé) - Balzac disserte de son ensemble mystérieux avec un enthousiasme sociologique, psychologique et lyrique, il est admirable. Voir le début de Ferragus ou le début de la seconde partie de Splendeurs et Misères des courtisanes. Il est sublime. C'est Baudelaire qui s'annonce." (2 octobre 1936
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Quand on lit, on ne cherche pas de nouvelles idées, mais des pensées déjà pensées par nous, qui achètent un sceau de confirmation sur la page.
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IN THE MORNING YOU ALWAYS COME BACK

Le soupirail de l’aube
respire par ta bouche
au fond des rues désertes.
Lumière grise tes yeux,
douces gouttes de l’aube
sur les collines sombres.
Ton pas et ton haleine
comme le vent de l’aube
submergent les maisons.
La ville frissonne,
les pierres embaument —
tu es la vie, tu es l’éveil.

Étoile perdue,
dans la lumière de l’aube,
grincement de la brise,
tiédeur et haleine —
la nuit est finie.

Tu es la lumière et le matin.

20 mars 1950
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Pour que la gloire soit agréable, il faudrait que les morts ressuscitent, que les vieux rajeunissent, que reviennent ceux qui sont loin. Nous l’avons rêvée dans un petit cadre, parmi des visages familiers qui, pour nous, étaient le monde et nous voudrions voir, maintenant que nous avons grandi, le reflet de nos entreprises et de nos paroles dans ce cadre.
Ils ont disparu, ils sont dispersés, ils sont morts. Ils ne reviendront jamais plus. Et alors nous cherchons autour de nous, désespérés, nous cherchons à reconstituer ce cadre, ce petit monde qui nous ignorait mais qui nous aimait et devait être étonné par nous. Mais il n’existe plus.
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Jadis il avait des camarades et il n'a pas trente ans.
Il était de ceux d'après la guerre, qui ont grandi dans la faim.
Il vint lui aussi à Turin, cherchant à s'y faire une vie, et y trouva l'injustice. Il apprit à travailler en usine sans sourire.
Il apprit à mesurer sur sa propre peine la faim des autres,
et il trouva partout l'injustice. Il essaya de trouver la paix en parcourant, somnolent, les rues interminables dans la nuit, il vit seulement les lampadaires par milliers éclairant de trop de lumière l'iniquité : femmes enrouées, soûlards, pantins titubants égarés.
Il était arrivé à Turin un hiver, dans le feu des usines et la crasse des fumées ;
Il savait ce qu'était le travail. Il acceptait le travail comme étant le dur destin de l'homme. Mais si seulement les hommes pouvaient l'accepter, si seulement il y avait une justice. Il se fit des camarades. Il supportait leurs longs discours, qu'il dut écouter, attendant qu'ils finissent............

D'un coup il cria que ce n'était pas le destin si le monde souffrait, si la lumière du soleil leur arrachait des jurons,
que le coupable, c'était l'homme.
Au moins pouvoir s'en aller, mourir de faim librement,
dire non à une vie qui utilise l'amour et la pitié,
la famille et le lopin de terre pour nous lier les mains.
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Toi aussi tu es l'amour.
Tu es de sang et de terre
Comme les autres. Tu marches
Comme celle qui ne s'arrache pas
Au seuil de sa porte.
Tu regardes comme celle qui attend
Et ne voit pas. Tu es la terre
Qui souffre et se tait.
Tu as des sursauts et des fatigues
Tu as des mots - tu marches
Dans l'attente. L'amour
Est ton sang - rien d'autre.
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L'homme seul se lève quand la mer est encore sombre et que les étoiles vacillent. La tiédeur d'un souffle monte sur la rive, où se trouve le lit de la mer, et adoucit l'air respiré.
C'est l'heure où rien ne peut arriver. Entre ses dents même sa pipe pend éteinte. Le clapotis nocturne de l'eau est sourd.
L'homme seul a déjà allumé un grand feu de bois et le regarde empourprer le sol. La mer aussi d'ici peu sera comme le feu, ardente.
Il n'est pas de chose plus amère que l'aube d'un jour où rien n'arrivera.
Il n'est pas de chose plus amère que l'inutilité.
Pend dans le ciel, lasse, une étoile verdâtre surprise par l'aube.
Elle voit la mer encore sombre et cette tache de feu près de laquelle l'homme, pour s'occuper, se réchauffe ;
Elle voit et tombe de sommeil entre les montagnes noires où se trouve un lit de neige.
La lenteur du moment est cruelle, pour qui n'attend plus rien.
Vaut-il la peine que le soleil se lève sur la mer et que commence une longue journée ?
Demain reviendra l'aube tiède avec sa lumière diaphane et ce sera comme hier et jamais rien n'arrivera.
L'homme seul voudrait seulement dormir.
Quand la dernière étoile s'éteint dans le ciel, l'homme prépare lentement sa pipe et l'allume.
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" [...]
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.

Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.

L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger."


25 mars 1950.
(extrait de " La mort viendra et elle aura tes yeux " - pp. 209-210).

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MATIN

La fenêtre entrouverte enferme un visage
sur la plaine marine. Ses cheveux vagabonds accompagnent la tendre cadence de la mer.

Il n'y a pas de souvenirs sur ce visage.
Rien qu'une ombre fugace, comme celle d'un nuage. L'ombre est humide et douce comme le sable
d'une caverne intacte, quand vient le crépuscule.
Il n'y a pas de souvenirs. Rien qu'un chuchotement qui est la voix de la mer devenue souvenir.

Au crépuscule, l'eau moelleuse de l'aube
s'abreuve de lumière, éclairant le visage.
Chaque jour sous le soleil, c'est un miracle
sans âge : une lumière saline l'imprègne
et une saveur de vivant fruit marin.

Aucun souvenir ne vit sur ce visage.
Aucune parole ne peut le contenir
ou le lier aux choses du passé. Hier,
par l'étroite fenêtre il s'est évanoui
comme il s'évanouira tout à l'heure, sans tristesse, sans paroles humaines, sur la plaine marine.


(extrait de " Travailler fatigue " - p. 56)

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LA NUIT

Mais la nuit houleuse, la nuit transparente,
que le souvenir ne faisait qu'effleurer, est bien loin,
c'est un souvenir. Un calme persiste stupéfait,
fait aussi de feuilles et de néant. Seule reste,
de ce temps au-delà des souvenirs, une quête
incertaine du souvenir.

Parfois revient au jour
dans la lumière immobile du jour d'été cette stupeur lointaine.

Par la fenêtre vide
l'enfant regardait la nuit sur les collines
fraîches et noires, stupéfait de les voir amassées :
immobilité vague et limpide. Au milieu du feuillage
qui bruissait dans le noir, se montraient les collines
où les choses du jour, versants, arbres et vignes,
étaient nettes et mortes, et la vie était autre
faite de vent, de ciel, de feuilles et de néant.

Parfois
dans le calme immobile du jour revient le souvenir
de cette vie pensive, dans la lumière stupéfaite.


(extrait de " Travailler fatigue " - p. 49)


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Nous avions alors l’âge où l’on écoute parler son ami comme si c’était vous-même, où l’on vit à deux cette vie en commun qu’aujourd’hui encore, moi qui suis célibataire, je crois que réussissent à vivre certains couples mariés.
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Je la pris sur mon cadre et nous traversâmes Rome. Cela me faisait un effet curieux de voir les rues. Entre la prison et mon départ ce soir, cela me semblait une nouvelle ville, la plus belle du monde, où les gens ne comprennent pas qu'ils sont satisfaits. Comme quand on pense qu'on a été enfant et qu'on dit : « Si j'avais su. Je pouvais jouer. » Mais si quelqu'un vous disait : « Tu peux jouer », vous ne sauriez même pas comment on commence. J'étais déjà un autre, détaché et content. Je regardais les auberges, les arbres noirs, les palais, les vieilles pierres et les nouvelles – et je comprenais qu'un soleil comme ça, on ne le voit pas deux fois. Que de fruits on vendait à Rome ! Les verts, les rouges, les jaunes sur les éventaires, c'était comme les couleurs du soleil. Il me vint à l'esprit qu'à Turin je mangerais des fruits et que je sentirais ainsi la saveur de Rome.
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