Citations de Chaïm Potok (119)
Mon père leva les yeux vers moi lorsqu'on mentionna le fils maudit. Il le fit involontairement. Il parut regretter aussitôt et détourna la tête. Un frisson d'horreur me traversa. J'étais donc pour lui un fils maudit. C'est tout ce dont je me souviens.
J'ai appris il y a longtemps qu'un clin d'oeil en lui-même n'est rien. Mais l'oeil qui cligne, ça s'est quelque chose. Le temps d'une vie n'est rien. Mais l'homme qui vit ce temps, il est quelque chose. Il peut remplir de sens ce court espace, si bien que, qualitativement, il est au-delà de toute mesure, quoiqu'il soit insignifiant quantitativement. Est-ce que tu comprends ce que je suis en train de dire ? Un homme doit donner un sens à sa vie, le sens n'est pas automatiquement donné à toute vie. C'est un dur travail de donner un sens à sa vie.
Deviens un grand artiste ; c’est la seule façon de justifier tout le mal que tu fais autour de toi.
"Cela se soigne, m'a dit mon médecin américain. Mais cela ne se guérit pas."
Ca va et ça vient. C'est tenace, comme les souvenirs.
Un homme doit donner un sens à sa vie. C’est un dur travail de donner un sens à sa vie. Une vie qui a eu un sens mérite le repos. Je veux mériter le repos qui me sera donné quand je ne serai plus ici.
« Le flot incessant des enfants, le bavardage bruyant des femmes au longues manches, les maisons usées et les rampes écornées, les poubelles et les chats qui grouillaient, tout cela me donnait l’impression que j’avais silencieusement un seuil étrange, et, pendant un long moment, je regrettais d’avoir permis à Danny de m’attirer dans son monde. »
Le grand artiste est quelqu'un qui a su se libérer de sa famille, de sa nation, de sa race. Tout homme qui s'est engagé dans la voie du beau, de la culture véritable, a été un rebelle, un "être universel" , au-delà de tout patriotisme, un être sans demeure; qui a reconnu les siens partout.
"Tous les commencements sont difficiles", dit le Midrash.
Il avait un idéal qui exigeait toute son énergie. C'est pourquoi il luttait contre tous les obstacles qui auraient pu affaiblir cette énergie. De toute évidence, j'étais devenu un obstacle.
Il me lut ce discours le soir du sabbat avant la réunion. Il y décrivait le rêve deux fois millénaire des Juifs de retourner à Sion, il y parlait du sang juif qui avait été répandu depuis des siècles, de l’indifférence du monde à l’égard du problème d’un foyer national juif, de la nécessité vitale que le monde prît conscience qu’il importait de créer ce foyer immédiatement, sur le sol de la Palestine. Dans quel autre lieu pouvaient donc aller les restes de la communauté juive qui avaient échappé aux fours crématoires d’Hitler ? L’assassinat de six millions de Juifs ne prendrait son sens que le jour où serait créé un État juif. C’est seulement alors que le sacrifice commencerait à avoir un sens ; c’est seulement alors que les chants de foi qu’ils avaient chantés sur le chemin des chambres à gaz prendraient une signification ; et c’est alors seulement que les Juifs redeviendraient une lumière pour le monde, comme l’avait prévu Ahad Ha’am.
Etre juif au XXème siècle, c'est comprendre pleinement la possibilité de la fin de l'humanité, tout en croyant en même temps, grâce à une certaine foi, que nous allons survivre. L'histoire juive contient tant d'épisodes mystérieux et surprenants. J'écris sans illusion quant à la possibilité d'une soudaine révélation mais avec le seul espoir, que, grâce à l'écriture, une faible lumière viendra éclairer cette question obsédante. Comment se fait-il qu'après presque quatre mille ans de confrontation dense, fertile et parfois violente - avec le paganisme, la Grèce, Rome, le christianisme, l'islam, et pendant les deux cent dernières années avec la laïcité - comment, après tout cela, les juifs existent-ils encore et comment peuvent-ils - comme moi à ce moment même - continuer à vouloir comprendre et interpréter leur histoire ?
« L’artiste doit avoir une volonté d’acier. Il faut qu’il soit obsédé, intoxiqué par l’idée qu’il veut exprimer. »
« Ce que j’essayais de te faire comprendre, Reuven, c’est que quand quelqu’un vient pour parler avec toi, il faut être patient et l’écouter. Plus particulièrement si c’est quelqu’un qui vous a fait du mal, d’une manière ou d’une autre. »
Il arrive qu’on croit être porteur d’un don exceptionnel quand on est jeune. Mais on ne s’y abandonne pas forcément. On ne sert pas seulement son intérêt personnel mais celui de son peuple. C’est ainsi que, nous juifs, nous vivons. Asherel, me comprends-tu ?
Lorsque Devorah entra dans la chambre, quelques minutes plus tard, je lui dis que je n'avais pas l'intention de changer nos projets, nous allions rentrer par le vol de mardi soir.
"Tu vas faire de la peine à tes parents", dit-elle.
Soudain, elle paraissait vraiment avoir ses cinquante ans, l'air fatigué, le teint pâle.
"Nous allons rentrer, dis-je. J'en ai assez d'être ici."
Elle cligna des yeux, nerveusement. Je ne comprends pas.
-Ils essaient de me faire revenir par n'importe quel moyen, ensuite, ils vont tuer en moi tout ce qui me reste."
Elle était interdite.
"Nous allons rentrer Dev. Nous sommes venus pour l'enterrement de mon oncle, pas pour le mien."
"Le grand artiste est quelqu'un qui a su se libérer de sa famille, de sa nation, de sa race. Tout homme qui s'est engagé dans la voie du Beau, de la culture véritable, a été un rebelle, "un être universel", au delà de tout patriotisme, un être sans demeure; qui a reconnu les siens partout".
Robert Henry
p-63 - "Je dois dire que vous avez fait preuve de faiblesse et de sentimentalité bourgeoise en interdisant à votre sergent d'abattre ce vieux menteur de paysan. Mais vous êtes encore jeune, vous apprendez. Nous allons tout vous apprendre."
Reuven, dit mon père doucement, le fanatisme d'hommes comme Reb Saunders, nous a maintenus en vie pendant deux mille années d'exil.
Tu devrais faire le monde joli, Asher. Fais le doux et joli. C'est bon de vivre dans un monde qui est joli.
Je peignais, j'étudiais, je pensais à mes parents. Les paroles de Jacob Kahn m'obsédaient "c'est la seule façon de justifier tout le mal que tu fais autour de toi", je ne comprenais pas ce qu'il entendait par là. Je n'avais pas l'impression d'avoir à justifier quoi que ce fût. Je n'avais volontairement fait de mal à personne. Qu'aurais-je à justifier ? Ce n'est pas pour ça que je peignais, je peignais pour peindre c'est tout, de la même façon que mon père voyageait pour le Rébbe, pour le servir.