Chimamanda Ngozi Adichie

Il était étonné qu'elle ne regrette pas tout ce qu'elle aurait pu être. Était-ce un trait de caractère inhérent aux femmes, ou avaient-elles appris à dissimuler leurs regrets personnels, à mettre entre parenthèses le cours de leur existences, à dédier leurs vies aux seuls soins des enfants ?

Elle ressentait le besoin de montrer son désaccord. En se distinguant ainsi des autres, peut-être serait-elle moins la personne qu'elle craignait être.

Le problème avec cette détermination sexuelle, c'est qu'elle vous dicte ce que vous devez être au lieu de prendre en compte qui vous êtes.

Pourquoi faudrait-il que la réussite d'une femme soit une menace pour un homme ?

« En 2003, je suis allée au Nigéria pour parler d’un livre que j’ai écrit, L’Hibiscus pourpre. J’y ai rencontré un journaliste très aimable, qui ma regardé tristement et ma dit que mon roman était un livre « féministe ». Il ma ensuite vivement conseillé de ne jamais dire que j’étais féministe, parce que les féministes sont des femmes malheureuses qui ne trouvent pas de mari. A partir de ce jour, j’ai décidé de dire que j’étais une « féministe heureuse ».

« J’étais persuadé que Daddy était parti pour être nonagénaire », dit mon frère Kene. Nous l’étions tous. Peut-être avions-nous cette croyance déraisonnable que sa bonté, le fait que c’était quelqu’un de tellement bien, allait le maintenir parmi nous bien au-delà de ses quatre-vingt-dix ans.

« Il avait quatre-vingt-huit ans » est profondément agaçant car le chagrin n’a rien à voir avec l’âge ; la question n’est pas combien d’années, mais combien d’amour il avait à son actif.

on ne devrait pas attendre des femmes qui se marient des changements qu'on n'attend pas des hommes.

Le bien-être des femmes ne doit jamais dépendre de la bienveillance des hommes.

Savoir cuisiner n'est pas une compétence pré-installé dans le vagin. Cuisiner s'apprend.

Refuse l'idée selon laquelle la maternité et le travail seraient incompatible.

Il faisait étrangement doux pour une journée de fin d’automne.
— L’automne me fait parfois penser à l’harmattan, dit Chinedu.
— Je sais, dit Ukamaka. J’adore l’harmattan. Je crois que c’est à cause de Noël. J’adore la sécheresse et la poussière de Noël.

(Le tremblement)

Elle avait fini par comprendre qu’élever les enfants à l’américaine, ça signifiait jongler d’une angoisse à l’autre, et que cela venait d’une surabondance de nourriture : parce qu’ils avaient le ventre plein, les Américains avaient le temps d’avoir peur que leurs enfants aient une maladie rare sur laquelle ils venaient de lire un article, et ils pensaient qu’ils étaient en droit de protéger leurs enfants des déceptions, du besoin et de l’échec. Parce qu’ils avaient le ventre plein, les Américains pouvaient s’offrir le luxe de se féliciter d’être de bons parents, comme si s’occuper de son enfant était l’exception et non la règle. Au début ça amusait Kamara de regarder des femmes à la télévision parler de leur amour pour leurs enfants, des sacrifices qu’elles faisaient pour eux. À présent, ça l’agaçait. Maintenant que ses règles revenaient obstinément mois après mois, elle en voulait à ces femmes manucurées, avec leurs bébés conçus sans effort et leurs formules bien tournées, comme « pratiques parentales saines ».

(Lundi de la semaine dernière)

Je me sens invisible

Now the verandah was so silent I could hear the sound of the raindrops sliding off the leaves.

Dénégation de sa femme : « Mais il ne m’a rien dit ». Parce qu’il lui aurait dit. Ils étaient comme ça. S’il avait été sur le point de nous quitter pour toujours, il le lui aurait dit, donc le fait qu’il ne le lui ait pas dit signifiait que ça ne pouvait pas être vrai.

Il y a de la valeur dans cette façon igbo, cette façon africaine, de se colleter avec le chagrin : un deuil extériorisé, performatif, où on répond à tous les coups de téléphone et où on raconte inlassablement ce qui s’est passé.

J’étais si proche de mon père que je savais, sans vouloir savoir, sans savoir complètement que je savais. Lorsqu’une chose pareille, redoutée depuis longtemps, finit par arriver, il y a dans l’avalanche d’émotions un soulagement amer et insupportable.

Jusqu’à présent, le chagrin appartenait à d’autres. L’amour apporte-t-il, même inconsciemment, l’arrogance trompeuse de croire qu’on ne sera jamais touché par la douleur de la perte ? Nous titubons ; nous basculons d’une gaieté extrême et forcée à une agressivité passive….

"Mama est triste parce que Grandpa est mort" dit ma fille de quatre ans à sa cousine. "Mort". Elle connaît le mot "Mort". Elle sort des mouchoirs en papier d'une boîte et me les tend. Sa vivacité affective m'émeut, me surprend, m'impressionne. Quelques jours plus tard, elle demande : "Quand est-ce que Grandpa va se réveiller ?"