Cette semaine, la librairie Point Virgule vous invite à explorer différents futurs avec une même idée en tête : la place de la solidarité. En effet, Nos futurs solidaires est un recueil de nouvelles de science-fiction qui explorent toutes à leur manière cette thématique. L'ouvrage a été réalisé sous la direction d'Ariel Kyrou dans le cadre du Laboratoire des solidarités, lui même placé sous l'égide de la Fondation Cognacq-Jay. Quatorze auteurs s'y succèdent pour présenter chacun une vision, mais aussi une histoire et une ambiance différentes : Vincent Borel, Sabrina Calvo, Chloé Chevalier, Philippe Curval, Catherine Dufour, Régis A. Jaulin, Sylvie Lainé, Li-Cam, Norbert Merjagnan, Ketty Steward, Anne Sophie Devriese, Audrey Pleynet, Leo Henry et Michael Roch.
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Nous avons vécu trop peu sur ces terres et n'avons pas eu le temps de les explorer réellement. Elles ne nous appartiennent pas. Nous sommes ici comme des fourmis sur un pot de miel. Là pour prélever notre pitance, mais seulement de passage.
("Notre première graine")
Après les oiseaux, toutes les créatures du Demi-Loup se sont mises en marche vers l'ouest pour fuir la Nuit qui avance. Cerfs, sangliers, lièvres et renards, chevaux, chèvres et bœufs échappés de leurs enclos, tous fuient, en une longue migration bigarrée. Je progresse en sens inverse. Au milieu des animaux qui courent, marchent quelques hommes. Des musiciens de la capitale, à voir leurs habits. La mine un peu hagarde mais le regard halluciné. L'un tient un luth et chante la chute des Cités-Soeurs.
La hiérarchie tient par le nombre et l'anonymat de la foule.
Autre conséquence, cette période de discorde mit un terme définitif aux Nuits de Querelles de Malvane et avec elles, fait plus regrettable, à la dernière chose qui dans notre vie d’alors se rapprochait d’une forme d’instruction, ou tout au moins d’un rendez-vous régulier au cours duquel nous faisions l’effort de réfléchir à autre chose qu’à nous-mêmes. Notre éducation partit plus encore à vau-l’eau et, dans son inertie coutumière, le seigneur Aldemar ne tenta rien pour y remédier. Encouragées par cette nonchalance, nous abandonnâmes également toute forme d’entraînement martial, et arcs et épées restèrent désormais au râtelier. Il nous faudrait longtemps pour prendre conscience de la gravité de cette situation, et plus encore pour compenser les dégâts causés dans nos esprits par cette période de jachère.
Trinquons aux reines du Demi-Loup et à leurs Suivantes, qui ignorent qu'aux yeux de la moitié du monde, elles et leurs royaumes n'existent déjà plus !
Celui qui joue avec un oignon en vient à pleurer pour de vrai, dit le proverbe populaire. Et les deux jeunes femmes, à force de prétendre que les choses allaient bien, finirent elles-mêmes par oublier que ce n’était qu’un masque.
Je n'ai que trop conscience du nombre des années qui nous éloignent de notre dernière rencontre, mais j'ai l'espoir que notre amitié ait été suffisamment sincère et profonde pour rejaillir vivace sous les cendres du temps.
Pourtant, alors que tout se meurt et disparait autour de moi, je me sens empli d’une résolution que je ne me connaissais pas. Quand il n’y a plus rien à espérer, il n’y a plus rien à craindre. Il n’y a plus qu’à avancer, et à jeter vers le passé un ultime regard.
Parmi les nombreuses coutumes aux fondements du royaume du Demi-Loup, il en est une que nous tenons particulièrement à évoquer tant elle est étroitement liée à ce que nous fumes.
A la naissance d'un enfant royal, le père doit partir le jour même à la recherche de celui ou celle qui accompagnera toute sa vie le jeune prince, qui sera son miroir, son confident, son compagnon le plus proche, la moitié de son âme.
Le Suivant doit être du même sexe que le prince et d'un jour son cadet - être né le jour suivant, d'où il tire son nom.
Caldamir a eu une bouffée de compassion à la pensée de cette famille qu'il allait devoir diviser, et a reporté son attention sur maître Lumirild.