Citations de Christian Signol (1122)
-Nous avons traversé deux guerres, dit-il, nous avons beaucoup travaillé, et nous sommes là aujourd'hui, l'un près de l'autre, toujours debout, comme ces sapins qui ont failli être détruits par le feu, tu te rappelles?
- Qu'est-ce-que c'est que ça ?
- Des herbicides, des insecticides et des fongicides.
- C'est toxique ! il y a une tête de mort sur les bidons.
- Ne t'inquiète pas, je les répands avec une combinaison spéciale, un masque et des gants.
On appelle ça des familles recomposées. Moi, j'appelle ça des familles décomposées !
Ce qui m'importe, c'est de vivre, pas de penser à mourir un jour.
Tu connais cet aphorisme : "L'humanité ? Une histoire de singes qui à mal tourné."
Mais Marie, désormais, possédait un trésor : ses fils. Elle avait décidé que l'essentiel de sa vie serait de se battre pour eux, de les défendre comme une louve avec ses petits.
Je n’ai jamais rien compris à ces gesticulations des gens de la ville qui me font penser à des fourmis dont on a écrasé le dôme de terre et de brindilles et qui courent, affolées, dans toutes les directions sans savoir où elles vont. – p.150
Bon Dieu ! Comment pouvons-nous accepter que les années viennent nous priver d’un temps où chaque instant était un enchantement ? Qui sommes-nous pour continuer à vivre en sachant que ce qui a le plus compté pour nous est désormais interdit ? Je me suis alors souvenu d’un livre dont l’auteur a écrit que « si nous continuons à vivre, c’est uniquement parce que nous avons commencé », et cela m’est apparu d’une évidence tragique. – p.220
C’était l’une des plus chaudes journées du mois d’août, des orages menaçaient depuis une semaine mais n’éclataient jamais. L’odeur de la paille et des grains campait toujours sur la vallée, sans que le moindre souffle de vent ne parvienne à la disperser. – p.138
Une nuit qui eût ressemblé à toutes celles qu’ils avaient vécues dans l’insouciance et, sans doute, le bonheur, s’il n’y avait eu en eux la sensation d’un danger à laquelle se mêlait, pourtant, celle d’un vide enfin comblé, à la perspective d’accueillir une enfant dans leur maison – p.51
Qu’est-ce qui compte, en effet, dans une vie, sinon la fidélité un monde, à des êtres à qui nous devons tout, qui nous on fait ce que nous sommes – ces branches d’un arbre, qui, sans les mots, frissonneraient éternellement dans le silence ? A quoi serviraient les livres s’ils ne portaient témoignage de ceux qui ont aimé, qui ont souffert, qui ont luté pour eux-mêmes, mais aussi et surtout pour préparer l’existence de leurs enfants et de leurs petits-enfants ? – p.373
Il résolut de ne pas chercher à comprendre et de se fier à sa conscience : un homme était un homme, une femme une femme, et il n’y avait pas à faire de différence entre eux, quelles que fussent leur religion ou leurs opinions. – p.324
Sur le chemin qui descendait vers la vallée, il se sentit mieux, en tout cas délivré de la hantise de laisser apparaître la blessure qui était en lui et qui se manifestait en ces lieux paisibles bien plus douloureusement que sur le front : il était marqué à tout jamais par la folie des hommes, par une plaie qui ne guérirait jamais – il en était sûr. Et en même temps, il savait que tout cela était indicible, qu’il ne pouvait y opposer que le silence et le refus. – p.238
Rien, toutefois, ne le surprenait vraiment, car il se sentait trop heureux d’être là. La vallée qui s’éveillait dans les rayons obliques du soleil lui confirma, à l’instant où il sortit, qu’il était à sa place, ici, sur ce causse qui paraissait avoir été créé uniquement pour que l’on puisse, d’en bas, admirer cette sentinelle crayeuse qui soulignait le bleu magnifique du ciel. – p.81
Je ne savais pas que le temps s’accélère au fur et à mesure que nous vieillissons, car c’est en voyant grandir ses enfants que l’on mesure le mieux le nombre d’années qui ont coulé depuis le jour où on les a mis au monde. – p.147
C’est la vie, certes, mais tous ces morts qui encombrent ma mémoire, tous ces lieux que je ne reconnais pas me font penser que mon tour va venir d’aller rejoindre, auprès du bon Dieu, ceux qui sont partis avant moi, et qui me manquent tant. – p.71
Pour moi, le châtaignier est le plus bel arbre du monde, celui qui a toujours fait disparaître la crainte de ne pas manger à sa faim à l’entrée de l’hiver. – p.26
Or on ne prend généralement conscience d’avoir perdu ce que l’on possédait de plus rare qu’au poids de l’absence que cette perte accumule sur la balance des jours. Il est alors trop tard pour en jouir, non pour s’en souvenir, ce qui n’est pas moins douloureux, évidemment. – p.9
Ils se turent. Le panier d’Auguste, au milieu d’eux, embaumait. Tout semblait immobile, figé dans une contemplation muette de la nuit et du monde. Seul le froissement des feuilles, par instants, rehaussait le silence, puis, de nouveau, s’éteignait. Alors, dans cette vie délicieusement suspendue, Sébastien eut l’intuition de ce qu’il cherchait à comprendre depuis le début de juin. Au cœur de ces nuits-là, le temps s’arrêtait. Il n’y avait ni passé, ni futur, ni le moindre danger. Une sorte d’éternité délivrait les vivants. Un bien-être dans lequel il aurait voulu se fondre à tout jamais. – p.92-93
Passaient des paysans reconnaissables à leurs vêtements usagés, à leur manière de se déplacer sans hâte, leur façon de se saluer d’une lourde poignée de main. Les gens de la ville, mieux vêtus, plus pressés, s’adressaient plutôt un signe de tête ou un sourire. – p.99