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Critiques de Claire Berest (844)
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Rien n'est noir

Rien n'est noir - Claire Berest - Roman - Livre de Poche - Grand Prix des lectrices ELLE - Roman 2020 -Existe en livre audio - Lu en mars 2021.



204 critiques, 212 citations et extraits. Je ne vais pas ajouter grand-chose à toutes ces belles chroniques.



J'avais vu le film de Julie Taymor "Frida" sorti en 2002, j'étais sortie de la salle de cinéma complètement groggy tant la vie de cette artiste a été incroyable, j'avais été subjuguée par la force de ses oeuvres. Et quand j'ai eu entre les mains le livre de Claire Berest, j'ai voulu me replonger dans la vie de Frida.



L'autrice nous conte la vie hors norme de Frida et par là même celle de Diego Rivera avec une plume vive et colorée.



Frida naît le 6 juillet 1907 à Coyoacan (Mexique) et décède le 13 juillet 1954 à l'âge de 47 ans. A l'âge de six ans, elle contracte la poliomyélite et aura une jambe déformée. Elle est la 3ème fille du couple Mathilde et Guillermo Kahlo qui ont eu 4 filles. Quelques années plus tard, elle sera l'une des survivantes d'un terrible accident entre un bus dans lequel elle se trouvait avec son amoureux du moment et un tram sorti de ses rails. Son corps est transpercé par une barre métallique, de l'abdomen à la cavité pelvienne. Sa colonne vertébrale, son bassin, ses côtes sont brisés. Frida restera des mois allongée dans un corset. Elle fera installer un miroir au-dessus de son lit à baldaquin et c'est alors qu'elle aura l'idée de peindre, de se peindre, sur ses 143 tableaux, 55 sont des autoportraits.



Frida se remet debout, elle souffre sans arrêt, mais elle a une volonté de vivre extraordinaire, et en effet, elle vit à 200 à l'heure.



Frida a 18 ans quand elle rencontre Diego Rivera, artiste bien connu pour ses fresques murales (et ses frasques). Ils s'attirent comme deux aimants.

Ils se marient en 1929, divorcent en 1938 et se remarient en 1940.

Frida et Diego, Diego et Frida, ils sont unis au-delà de ce qu'on peut imaginer malgré leurs infidélités dont ils ne se cachaient d'ailleurs pas l'un et l'autre.

Leur vie est chaotique, entre le Mexique, New-York, Paris.

Paris que Frida déteste. Elle y rencontrera André Breton, Picasso et Kandinsky entre autres personnages.

Au Mexique, ils hébergeront Trotski.

Diego a de nombreuses maîtresses, Frida quelques amants et amantes.

Diego s'accommode très bien de cette situation, Frida un peu moins bien, elle partira quand elle le trouvera au lit avec sa jeune soeur Cristina. Elle lui pardonnera pourtant quelque temps plus tard.

Frida n'aura pas d'enfant malgré son désir d'en avoir, elle fera plusieurs fausses-couches et s'en remettra difficilement. Elle collectionne les poupées, placera un berceau dans sa chambre.



Chaque partie du livre de Claire Berest commence par une couleur et ses nuances dans les chapitres. La première partie commence par le bleu, la seconde par le rouge, la troisième par le jaune, la quatrième par le noir et se

termine par le gris cendre, la fin du livre et la fin de Frida. Chacune d'elle se rapporte à une tranche de vie de Frida et Diego.



Frida sera incinérée le 14 juillet 1954, elle ne voulait pas rester allongée pour l'éternité dans la terre.



Une lecture fascinante.





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Rien n'est noir

❤️🌹Quelle destinée incroyable que celle de cette peintre mexicaine avant-gardiste devenue icône.

De la flamboyante et vibrante Frida Kahlo, de son extraordinaire personnalité et de sa trajectoire tragique et colorée je ne connaissais finalement pas grand chose. Sa peinture oui, enfin une partie de ses œuvres. Et un visage dont la singularité marque la mémoire.

Claire Berest dans cette biographie romancée place la focale sur le couple mythique et tumultueux qu’ils formèrent avec le célèbre peintre muraliste mexicain Diego Rivera et polarise sur l’immense et épidermique passion qu’elle lui portait.

De sa plume enflammée elle se met dans la peau de Frida et nous relate une partie de sa vie de façon passionnante.

Or se mettre dans la peau de Frida s’est s’introduire dans un corps meurtri et polytraumatisé.

Un corps enfermé très tôt et pour toujours, suite à un très grave accident de bus, dans des prisons de corsets et d’appareils orthopédiques de cuir de plâtre et d’acier qu’elle décorera et mettra en valeur ou camouflera sous des robes traditionnelles chatoyantes. Les vêtements, sa seconde peau.

Le tissu et le style comme rempart à l’invalidité.

Sa colonne vertébrale est émiettée, son corps fracturé, ses jambes « rouillées...bois mort ».

Immobilisée pendant plusieurs mois, contrainte d’abandonner ses études de médecine, elle commence à peindre des autoportraits depuis son lit aménagé.

Sanglée à ses appareils, clouée à son lit, assujettie aux autres, la peinture sera libératrice.

Cette féministe anticonformiste, n’a pourtant rien perdu de son appétit de vivre et de son esprit libre et provocateur. Son énergie, sa force mentale sont débordantes.

C’est alors que Frida l’effrontée provoque la rencontre avec « El gran pintor ».

Diego deviendra son amour absolu, « l’autre accident » de sa vie. Cet énergumène de 21 ans son aîné, au corps pantagruélique, au faciès de crapaud, à la voix tonitruante et aux colères légendaires a un appétit de jouissances insatiable. Diego fascine autant qu’il irrite.

Dévoreur de femmes, l’ « éléphant » tombera sous le charme de cette impétueuse « colombe ».

Il deviendra l’« homme que j’aime plus que ma peau ».

Ces deux personnalités volcaniques en plus de leur passion ont en commun une admiration réciproque et le militantisme communiste.

Au gigantisme de l’œuvre sociale et engagée de Diego s’oppose la peinture plus intime et autobiographique de Frida qui transcrit la douleur physique et existentialiste.L’Ecriture de Claire Berest est très rythmée, imagée, chantante, on sent la passion que voue l’auteure à Frida Kahlo.

Elle retrace, en couleurs, leur parcours durant une décennie de Mexico à Détroit en passant par San Francisco et Paris, de soirées mondaines en rencontres intellectuelles, artistiques et politiques.

Elle dépeint avec verve cette relation houleuse jalonnée de ruptures et réconciliations, fausses couches, d’un divorce et remariage et d’un soutien créatif mutuel. Elle parvient à nous rendre Frida intime, on compatit, on l’accompagne et on a l’étrange impression de la connaître.

Souffrant des infidélités de Diego, elle enchaîne à son tour par dépit les adultères.

Frida l’excentrique à l’humeur fluctuante et l’humour incisif aspirait pourtant à « n’être que deux et recouverts de peinture ».

« Diego y Frida. Indissociables. »

A sa fin, son corps, cette tombe, sera réduit selon sa volonté en cendres. Dorénavant il est particules fines et volatiles comme le fut son esprit, enfin libre.

« ...Et tout ça n’est pas triste, mi amor, parce que rien n’est noir, absolument rien ».

Passionnant et brûlant.
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L'épaisseur d'un cheveu

Au début je suis allée au feeling, je trouvais la couverture du livre magnifique et intrigante,

Une histoire hors norme des personnages haut en couleurs mais j'ai eu du mal à rentrer dans l'univers littéraire de l'auteure, que je ne connaissais pas, Je me suis demandée si j 'abandonnais ou pas ce roman. Je n'aime pas trop rester sur un mauvais ressenti au commencement, j'ai choisi de continuer et j'ai eu bien raison, je me suis laissée embarquer dans cette histoire Nous connaissons dés le début le meurtrier et le compte a rebours et commencé, Étienne décide de tuer sa femme, Vive, nous passons aux choses sérieuses, Un couple qui parait normal au début, tout pour mener une heureuse A partir de là nous allons entrer dans l'intimité ,la routine de vie d'un couple,

Pour ViVe 10 ans de vie commune, au

et avec moult réflexion, elle décide de se libérer ,et partir,

Nous assistons a la chute vertigineuse, chute dans les méandres de la folie avec un point de noms retour pour Gabriel, entre sa femme et son métier, sa vie ne tient qu'à un fil, un cheveu,

La psychologie de Gabriel est travaillé en profondeur, cela fait peur, plus il avance, plus la folie le gagne, il devient totalement schizophrène, rien ni personne ne pourront l'aider, Pour lui un seule moyen tuer sa femme, sa devient une obsession, tout est programmer dans sa tête, ce cheveu qui le reliait dans la normalité se brise, Un questionnement notre vie ne tient qu'à un cheveu, la couverture relate le contenu du roman,

La plume de l'auteure est fluide, agréable, percutante, subtile, arrosée d'une point d'humour, malgré la noirceur du roman,

La lecture est glaçante, terrifiante . Nous ressentons impuissant face à ce drame, la réalité prend la place de la fiction. Nous laissant dans le questionnement
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Rien n'est noir

Difficile de ne pas être emporté par l'écriture fougueuse de Claire Berest comme un hommage vibrant à la flamboyante personnalité de Frida Kahlo qui rend parfaitement compte de son exceptionnelle personnalité. Sa plume est souvent brillante, toujours colorée, sensuelle, une belle sensibilité à fleur de mots. le lecteur est comme plongé dans le tourbillon Frida, une « bombe avec un ruban » comme la décrivait André Breton, au coeur même de l'oeil du cyclone, sa passion dévorante pour Diego Rivera, l'autre grand peintre mexicain. Frida peint son journal intime pour soulager ses souffrances, physique depuis son terrible accident de tramway, et amoureuses tant sa relation avec Diego est tumultueuse. Des souffrances à vie dans les deux cas.



Reste que je ressors très mitigée de cette lecture qui a pourtant conquis le plus grand nombre. Peut-être que j'aime trop Frida, que sa peinture me fait vibrer depuis toujours, que j'ai trop lu d'elle et sur elle. Peut-être aussi que l'angle choisi par Claire Berest n'était pas celui qui me convenait. Dans ce roman, j'ai surtout vu une femme en proie à la passion, avant d'y trouver la peintre majeure qu'elle fut, la femme engagée dans l'émancipation des femmes, la militante communiste ( pour laquelle sa conviction politique ne se confinait pas à coucher avec Trotski ). Je me suis lassée des litanies des tromperies de Diego et des soirées dépravées. Le récit tourne en rond sur le dernier quart.



Après réflexion, je me dis que ce roman impressionniste et expressionniste, qui nomme joliment chaque partie par une couleur et chaque chapitre par une nuance ) complète bien la monumentale biographie écrite par Hayden Herrera, une mine pour comprendre de A à Z Frida. Et si peu de tableaux sont évoqués, il donne une envie furieuse de découvrir l'oeuvre incomparable de Frida.



Moi, j'ai eu surtout envie de relire les fabuleuses lettres écrites par Frida Kahlo, parues chez Christian Bourgois puis Point. Claire Berest s'est en visiblement largement inspirée ( beaucoup trop d'ailleurs, par moment, ça m'a semblé frôler le plagiat ... ). Elles sont d'une beauté folle, tour à tour poétiques, audacieuses, déchirantes, authentiquement Frida.



« Diego,

Rien ne ressemble à tes mains, rien ne ressemble non plus à l'or vert de tes yeux. Tu remplis mon corps, jour après jour. Tu es le miroir de la nuit. La lumière violette de l'éclair. L'humidité de la Terre. La béance de tes aisselles est mon refuge. Ma joie entière est de sentir la vie jaillir de ta source-fleur que la mienne garde pour remplir tous les chemins de mes nerfs qui t'appartiennent, tes yeux, épées vertes dans ma chair, onde entre nos mains. Toi seul dans l'espace empli de sons. Dans la lumière et dans l'ombre, t'appellera auxochrome, celui qui capte la couleur. Moi, chromophore, celle qui donne la couleur. Tu es toute la combinaison de ces chiffres. La vie. Mon désir : en comprendre la ligne, la forme, le mouvement. Tu remplis et je reçois. Ta parole occupe tout l'espace et atteint mes cellules, qui sont mes astres et retourne aux tiennes qui sont ma lumière. »



Lu dans le cadre du Grand prix des lectrices Elle 2020, catégorie roman.



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Rien n'est noir

Je ne m’étais jamais réellement penchée sur la peinture parfois déroutante de Frida Kahlo, célèbre peintre mexicaine de la première moitié du 20ème siècle. Ce livre a donc été pour moi l’occasion de découvrir la femme en même temps que son œuvre : et quelle claque !





Frida Kahlo eut une vie hors norme : atteinte enfant de la polio, victime à dix-huit ans d’un grave accident de bus qui lui laissa de terribles séquelles, elle se forma elle-même à la peinture, épousa Diego Rivera, peintre mexicain mondialement connu pour ses fresques murales, devint elle-même célèbre pour ses œuvres uniques, avant de connaître une fin dramatique quasi consécutive à l’aggravation de son état de santé.





Avec finesse et sensibilité, Claire Berest fait revivre une femme à la personnalité solaire et au tempérament de feu, qui se consuma toute entière dans sa passion pour un monstre sacré, un homme charismatique, volage et insaisissable, qui l’aima avec la même intensité mais sans jamais vouloir sacrifier sa liberté.





Frida et Diego furent deux étoiles dont l’éclat et l’exubérance masquaient des failles intérieures abyssales, deux trous noirs aux antipodes l’un de l’autre s’attirant irrépressiblement, deux flammes dans la brillance desquelles ils se sublimèrent au travers de leur œuvre respective, mais où ils se brûlèrent aussi mutuellement.





Frida fut de tous les excès, croquant la vie sans modération, noyant ses tourments dans un tourbillon de passions, de fêtes et d’alcool, ne connaissant aucune demi-mesure et fascinant le monde entier par son exubérance et son excentricité. Peindre fut pour elle un besoin essentiel, un moyen vital d’exprimer sans filtre sa souffrance physique et morale. « Elle ne peint pas pour être aimée. Elle est transparente, c’est-à-dire qu’elle ouvre grand la fenêtre vers l’intérieur. »





Ce livre-tempête magnifiquement écrit vous emporte dans une bourrasque de passion, d’exaltation et de folie, une lame qui vous dépose étourdi et sans voix devant une œuvre soudain éclairée de tout son sens, fenêtre sur l’âme de Frida Kahlo. Très grand coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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L'épaisseur d'un cheveu

Séduit par la superbe quatrième de couverture, je me suis plongé dans ce drame dont le dénouement est révélé dès la première page « trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Etienne tuerait sa femme ».



Pour quelle raison Etienne Lechevalier va-t-il envoyer ad patres Violette Jonquier, sa légitime épouse, que chacun prénomme Vive ?



En disséquant ces trois journées, en autopsiant les dits et les non dits du couple, en les insérant dans leur cadre social et professionnel, Claire Berest nous immerge parmi les Bobos qui hantent le Paris culturel et médiatique et adorent Greta Thunberg.



Elle est photographe, il est correcteur chez l’éditeur « L’instant fou ». C’est la quatrième enfant d’une famille provinciale aisée, il est fils unique d’une mère célibataire qui lui a légué, en décédant, un appartement et des biens. Ils y vivent, au milieu du quartier branché des Quinze-Vingt. Extravertie, elle boit, elle fume, elle aime « le pôle nord » ; introspectif, psychorigide, il ne boit pas, ne fume pas, ne drague pas, mais il dissèque les mots, les phrases et les expressions.



Leur vie sociale est d’autant plus active qu’ils n’ont pas de progéniture. Ils courent de cocktails en vernissages, et sont abonnés à un concert hebdomadaire de musique classique. En apparence, un couple sans histoire.



Mais Etienne classe sa bibliothèque par ordre alphabétique des titres des ouvrages !

Signe manifeste de folie … qui justifierait son internement immédiat en asile psychiatrique !

Voici la preuve qu’il est déséquilibré ; que le pire est à redouter !



Et le pire arrive, évidemment, dans l’indifférence des voisins qui se contentent de tapoter le plafond d’un coup de balai quand la folie ravage bruyamment et nuitament l’appartement du couple.



Ce roman m’a emporté. Moins « perché » que les textes de Hélène Gestern, il nous plonge dans la spirale de séparation décortiquée dans « Un vertige » et dans un microcosme parisien qui n’a rien de commun avec « Les pyromanes » et le fin fond de la normandie. Mais il est tout aussi passionnant.



Claire Berest jongle avec les mots et éblouit le lecteur avec un découpage de l’intrigue très cinématographique. Ses phrases, par leur articulation, créent une atmosphère parfois étouffante, voire irrespirable. Elle se singularise en innovant une mise en page déconcertante en passant à la ligne après une virgule. Dommage qu’Etienne Lechevalier n’ait pas relu ce manuscrit, je parie qu’il aurait collé un post it rouge à chaque bizarreté. Espérons que, après les délires de l’écriture inclusive, nous échappions à une épidémie d’écriture dégoulinante.



A cette petite réserve près, je recommande vivement cet ouvrage, que je range dans ma bibliothèque juste après « La carte Postale » de sa soeur Anne Berest … comme imposé par un classement par ordre alphabétique d’auteur.



PS : ma lecture de « La carte Postale »
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Artifices

Syndrome de stress post-traumatique : jamais Abel, jusqu'à ces derniers jours totalement investi dans la routine absorbante de son métier de flic, n'aurait pensé que cela lui tomberait dessus, après tant d'années d'un équilibre en apparence à peu près stable. Le premier gros coup de canif à sa tranquillité est bien sûr sa suspension, pour l'instant inexpliquée, qui fait soudain tomber le paravent qui faisait écran entre son quotidien actif et les blessures anciennes auxquelles il pensait pouvoir tourner le dos. Soudain aussi vulnérable qu'un bernard-l'hermite expulsé de la coquille où il avait cru s'abriter, exposé sans défense à la résurgence de souvenirs torturants, le voilà de surcroît en butte à une série de troublantes coïncidences, qui, comme autant d'insidieuses allusions, ou alors de signes du vacillement de sa raison, ne cessent de pointer de plus en plus nettement vers ce passé terrible que rien ne semble plus pouvoir contenir.





Combien de temps Abel pourra-t-il tenir, entre les intrusions de cauchemars récurrents, qu'il rente d'oublier en déambulant dans Paris la nuit et en soignant sa collection d'orchidées le jour, reclus dans son appartement, et celles d'un monde extérieur bien décidé, semble-t-il, à lui arracher ses derniers lambeaux de santé mentale ? Elles sont trois à l'empêcher de refermer totalement les écoutilles : son envahissante nouvelle voisine Elsa, sa collègue Camille Pierrat qui s'inquiète de son silence, et surtout, de manière de plus en plus évidente, une dénommée Mila, déconcertante artiste anonyme devenue mondialement célèbre pour ses impressionnantes performances, à l'avant-garde de l'art contemporain.





Toute la tension de la narration provient de ce mystérieux drame, survenu deux décennies plus tôt, qui va peu à peu se dévoiler à la connaissance du lecteur, et de ses bizarres correspondances avec les spectaculaires et transgressives performances d'une artiste dont personne, si ce n'est son avocat et agent, ne connaît le visage. C'est donc dans un climat étrange et mystérieux, en compagnie de personnages de plus en plus manifestement les proies d'une grande et ancienne souffrance perturbant leur équilibre psychique, que l'on avance dans une intrigue puissamment construite qui tient le lecteur en haleine de bout en bout.





La souffrance peut rendre fou, mais avant d'éclater au grand jour, dans un paroxysme parfois aussi soudain que violent, la folie mûrit parfois lentement, hibernant longuement pour mieux frapper ensuite, ou demeurant plus ou moins discrètement tenue en laisse grâce à des dérivatifs capables de la canaliser. L'expression artistique devient ici exutoire et sublimation, dans un débordement d'émotions et de sensations, ici volontairement provocant, que le spectateur perçoit sans toujours le comprendre. L'oeuvre est un ressassement infini, une déclinaison travaillée de production en production, où reviennent en filigrane les mêmes obsessions, celles qui cristallisent les blessures de l'âme de l'artiste. Que serait devenue Mila sans cet antidote à sa colère ? Tout comme Abel, sans ses orchidées ?





Hommage à Marina Abramovic et à son art unique et éphémère de la performance, ce fascinant roman est tout autant l'occasion de découvrir cet angle extrême, souvent très dérangeant, de l'art contemporain, que de se plonger dans un récit addictif qui nous fait quitter subrepticement les rivages incertains de la santé mentale. Un livre original et fort, et un nouveau coup de coeur pour cet auteur.


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Gabriële

C'est l'histoire de la vie de Gabriële Buffet, théoricienne de l'art visionnaire, femme de Francis Picabia, maîtresse de Marcel Duchamp, amie intime d'Apollinaire. Et aussi arrière-grand-mère des soeurs écrivaines du livre. Donc d'autant plus intéressante.

Début 1900, Gabriële donne une image insolite de la femme pour l'époque. Elle ne veut pas se marier, veut être indépendante et ferait tout pour l'être, même en y payant le prix fort, “coupant” avec sa famille et partant à Berlin, en territoire inconnu. Mais l'expérience sera de courte durée, vu que son chemin croise très vite celui de Francis Picabia, “Être avec lui, c'est un projet en soi. Une création de chaque jour. Ce vampire annihile de facto toute autre puissance artistique.”

Picabia est un drôle de coco, psychologiquement instable, féru de voitures, femmes, jeux, opium et cocaine, et pas que. Riche de famille, des toiles impressionnistes qui se vendent comme du bon pain, il est l'enfant prodige. L'arrivée de Gabriële va tout chambouler. Elle devient sa matrice ( “ une profonde influence libératrice “), et son obstination par coquetterie à ne pas porter de lunettes, malgré sa vue qui baisse, va accélérer la révolution artistique en cours dans sa vie.....A travers la vie de Gabriële, on assiste ainsi à la naissance de la peinture abstraite et du courant surréaliste par le biais de Picabia et de Marcel Duchamps avec lequel le couple aura bientôt une relation fusionnelle....



Une biographie romancée où les soeurs Berest utilisant la force de la fiction, laisse libre cours à leur imagination, plaçant rapports et sensations dans un cadre romanesque qui sublime la vie et la personnalité de Gabriële; une femme qui n'a même pas cure des infidélités de son mari, « Pas de jalousie. Pas de rancune. Et l'art comme unique urgence ». Un soupçon de femme fatale, un soupçon de muse, un soupçon d'artiste, un soupçon de mère, épouse et amie idéale, cette femme intéressante reste quand même floue, aussi floue que sa place dans l'histoire de l'art du XX iéme siècle. Même de ses photos sur internet difficile de discerner un personnage qui aurait de l'aura, et pourtant elle a séduit des grands noms de l'Art et de la musique du XX iéme siècle.

Le style d'écriture indirecte et trop romanesque des Berest m'a au début laissée un peu distante de l'histoire, mais par la suite et vers la fin leur sincérité pour sortir de l'ombre cette femme hors du commun m'a touchée. En le lisant impossible de ne pas penser à l'autobiographie sublime de Peggy Guggenheim, «Ma vie et mes folies », qui raconte la même époque et un peu la même histoire, dans un style directe de première main. Un livre beaucoup plus passionnant, Peggy ayant ratissé un peu plus large, et ayant laissé une empreinte indélébile dans l'histoire de l'Art contemporain du XXiéme siècle.



Une lecture que je dois à Nuageuse, merci.
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L'épaisseur d'un cheveu

Out of control



L'épaisseur d'un cheveu. Ce n'est pas grand chose.

Ce n'est presque rien.

Presque.

Mais quand tout ne tient qu'à un fil, le presque devient tout. Celui qui fait basculer l'équilibre fragile d'un univers, d'une vie.

Trois jours plus tôt, rien ne laissait présager qu'Etienne tuerait Vive, sa pétulante et pétillante Violette.

Enfin presque.



Étienne est correcteur pour l'Instant Fou, une maison d'édition au nom prémonitoire. Il a un grand projet. Il va enfin cesser de paraître incolore et fade aux yeux des autres. Vive, son épouse, a elle aussi un projet artistique et surtout des envies d'indépendance.

Il faut dire qu'Etienne n'est pas toujours facile à vivre.

Psychorigide au quotidien, il impose sa routine. Ses concerts de musique classique le mardi. Ses voyages aux accents de pèlerinage en Italie chaque année.

Mais Vive veut vivre. Autrement. Vive veut s'épanouir.

Alors quand elle annonce à Étienne que ce mardi elle n'assistera pas au concert avec lui, la routine de ce couple ordinaire avec ses hauts et ses bas va progressivement se désintégrer pour laisser place à un véritable cauchemar..



Claire Berest, dans un style qui n'hésite pas à puiser dans les ressources du chaos, restitue ici de manière troublante l'indicible. La chute vertigineuse d'un homme dans la folie.

Nous assistons, spectateurs impuissants, au flux d'une marée ténébreuse qui n'en finit plus d'engloutir ce couple dans ses abîmes.

Chaque page tournée nous interroge sur les ravages provoqués par la perte de contrôle de cette part d'ombre qui se terre en chacun de nous et qui ne demande qu'à s'étendre jusqu'à profiter d'une faiblesse de l'infime.









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Gabriële

La première fois que j'ai vu Claire Berest , c'était dans l'émission "La Grande Librairie" , elle présentait son livre Bellevue. Je l'ai trouvée brillante et j'ai noté le titre.

La deuxième fois que j'ai vu Claire Berest, c'était à Rennes , interviewée aux Rencontres Littéraires, elle y présentait son "petit dernier , Gabriële" , un livre écrit à quatre mains avec sa soeur. Elle était très passionnée, convaincante, ultra documentée, passionnante…



Gabriële avant d'être un roman, c'est une histoire de famille, un secret ou plutôt un non-dit, un trou béant…

C'est l'histoire de leur arrière grand-mère qu'elles n'ont pas connue , celle d'une jeune fille très intelligente et indépendante qui décide de faire des études musicales, tout d'abord à Paris puis à Berlin . Elle étudiait la composition, seule femme admise dans une classe de jeunes hommes.

On est 1908, elle a 27 ans , (il lui reste une année d'étude à faire ) , quand elle rencontre le peintre Francis Picabia et elle envoie tout promener.

Elle l'épouse , ils auront quatre enfants , ne s'en occuperont pas beaucoup mais révolutionneront le milieu de l'art mondial. Lui avec ses oeuvres , elle par son esprit, sa capacité à voir le talent des autres , à discuter , à les "accoucher" . Ils fréquenteront toute la fine fleur artistique du xx ième siècle ( Duchamp, Apollinaire entre autres ) , voyageront énormément pour l'époque.

Et les enfants dans tout ça ? C'est là que le bas blesse…

Le quatrième se suicidera à 27 ans laissant une petite fille de quatre ans, la mère de Anne et Claire Berest, laquelle ne reverra jamais sa famille paternelle : Gabriële a mieux à faire.

Elle est morte en 1985 , à 104 ans , ses arrières petites filles ignoraient son existence.



Monstrueuse et généreuse, bienveillante et égoïste, moderne et visionnaire, indépendante et terriblement soumise , Gabriële a été une femme très intelligente , "un cerveau érotique" ...



Ce livre raconte leur "enquête" autour d'un personnage hors du commun pour l'époque. Il réussit le fragile équilibre entre documentation historique et parties romancées et imaginées. Chaque chapitre est clos par un petit paragraphe ou une phrase , sorte de réflexion d'une ou des auteures sur leur recherches , leurs découvertes et leur ressenti. Cela ajoute une touche humaine et très personnelle et nous rappelle qu'elles n'ont pas écrit un livre SUR et POUR Gabriële mais pour elles-mêmes , pour essayer de comprendre comment elles avaient pu être amputées d'un pan de leur histoire familiale et surtout pour leur maman; ( maman qui vivra très douloureusement cette aventure …)

Une quête sur ses origines bouleversante et pudique, sensible et sans aucune mièvrerie…

Tout l'intérêt de ce livre provient de cette implication, ce parti pris.



Entre ma rencontre avec Claire Berest ( que j'ai alpaguée dix minutes …) et la lecture de ce livre, j'ai laissé passer quelques mois, je voulais laisser l'histoire "décanter ", un peu oublier la vie de Gabriële pour mieux la redécouvrir . Ça a été un voyage fascinant et passionnant qui dépasse le cadre de l'histoire de l'art et peut séduire les non initiés, car c'est aussi un livre qui grouille de vies , ( célébrités croisées, vies à 100 à l'heure, vies sacrifiées…).

Qu'est ce qu'une vie réussie ?

Quelle "trace " laisse-t' on sur la terre ?

Peut-on tout sacrifier à l'Art ? ….



Brillant , très agréable à lire et instructif...
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L'épaisseur d'un cheveu

Depuis quelques années, les féminicides ont le vent en poupe chez les romanciers et c’est tant mieux si cela peut dénoncer des situations dramatiques. Les chiffres sont éloquents : 118 femmes tuées par leur compagnon ou leur ex en 2022. Alors, il peut sembler intéressant, par le truchement d’un roman, de suivre l’histoire d’un couple pour essayer de comprendre le passage à l’acte de l’homme.



Étienne Lechevallier, homme angoissé et obsessionnel, est marié à Vive, photographe à l’esprit bohème qui réfrène souvent ses envies pour ne pas déclencher de crise chez son mari. Elle le trouve psychorigide tandis que lui se sent incompris et la trouve ingrate et inconséquente. Même sa façon de s’exprimer lui déplait. Jusque dans son travail de correcteur, Étienne se croit missionné de la lourde tâche de veiller sur une littérature et une langue irréprochable au point de réécrire à sa façon les manuscrits qui lui sont confiés.

On sait, dès les premières pages, que l’histoire se terminera trois jours plus tard avec la mort de Vive tuée par son mari. Pas de suspense donc si ce n’est de savoir quand Étienne portera les 37 coups de couteaux sur sa femme.

Rien ne laisse deviner cette violence soudaine chez un homme qui n’est pas brutal, mais immature, un homme qui a peur de passer inaperçu ou de n’être pas suffisamment aimé. Il souffre aussi de synesthésie, il a donc des perceptions anormales qui se traduisent par des couleurs. Sa jalousie maladive provoque un malaise dans son couple ou sa femme tente de garder un équilibre précaire en faisant des concessions. Et puis, un jour, elle n’en peut plus de cette vie étouffante et étriquée.

Et dire que ce couple est ensemble depuis une dizaine d’année ! Difficile à croire avec la vision qu’Étienne a de sa femme dont il déteste pratiquement tout, à commencer par ses talents artistiques qu’il met en doute. Le grand génie, c’est lui, et elle devrait l’aider plutôt que de s’intéresser aux autres qui sont sans intérêt à ses yeux. A part la musique de Mahler qu’il adore et qu’elle ne comprend pas.

Claire Berest se plait à nous déballer la personnalité toxique de son personnage principal, à le fouiller jusque dans ses moindres pensées. Ce qui nous le rend particulièrement antipathique.

On aimerait y croire mais il m’a été difficile d’entrer dans la vie de ce couple de bobos parisiens manifestement pas heureux. Je n’ai ressenti aucune complicité avec ces personnages fabriqués pour illustrer un thème. Certes, il s’agit d’un féminicide, ce qui est à prendre au sérieux, mais on s’ennuie ferme dans ce roman qui manque cruellement de tension narrative.

Quant au style, je l’ai trouvé affecté et sans envergure.

Roman aussi vite oublié que lu !



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L'épaisseur d'un cheveu

Je pourrais…

… M’alarmer du lent pourrissement d’un microcosme littéraire qui recycle ses sauteries et ses états d’âme (encore un roman sur le milieu éditorial)…

… Déplorer l’énième version d’un couple parisien qui se désagrège, et regretter ainsi le manque d’imagination de l’auteure…

… Avouer que je n’ai pas cru à cette histoire (les lettrés sont lâches, ils passent rarement à l’acte ; ou alors c’est du plagiat de « Shining »), prétexte à de nombreux clichés et à de rares passages enthousiasmants (pages 87, 140, 158)…

… Citer ces références (ex : Cattelan, Mahler, himitsu, Shalimar, Arts Forains, Biolay…) qui marquent un territoire intello-socio-culturel plus qu’ils n’éclairent le lecteur…

- M’agacer de tous ces mots en majuscule pour nous expliquer que le ton MONTE…

… M’étonner du portrait de l’écrivaine en quatrième de couverture (ô vanité), comme si son minois suffisait à nous convaincre de son talent…

… Parler de posture plutôt que d’écriture…

… Mais l’essentiel n’est pas là.

L’essentiel, c’est que me suis ennuyée et que rien, selon moi, ne pourra justifer un intérêt excessif pour ce roman si ce n’est l’adoubement de ses pairs et l’indulgence coupable dont bénéficient les influents.

Bilan : 🔪

PS : ceci n’est pas un SP mais un prêt de ma libraire. Fidèle à mes principes, j’achèterai ce roman au moment de sa sortie officielle.

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Rien n'est noir

Même lorsqu'on croit tout connaître de Frida Kahlo, on se laisse emporter par ce roman débordant d'énergie qui décline la vie de Frida comme une palette de couleurs du rouge au bleu. Quelle femme éblouissante ! Ella a aimé éperdument, créée au centuple, parcouru le monde du Mexique aux Etats-Unis en passant par Paris. Elle s'est faite trompée, a trompé, a croisé et subjugué les plus grands hommes de son époque. Ce livre est à mes yeux un des meilleurs dédiés à Frida Kahlo, l'auteur nous fait ressentir tout le mal être de l'artiste mais également ses joies, son honnêteté, sa volonté de vivre au travers de sa peinture et de son histoire d'amour passionnée avec le muraliste Diego Rivera.

Une belle lecture et une excellente façon de découvrir Frida et Diego.
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L'épaisseur d'un cheveu

Connaître le nom de l'assassin supprimerait tout effroi à la lecture de son crime, dit-on. C'est donc peu recommandé quand on écrit un roman noir.



Claire Berest‚ elle‚ annonce la couleur.



Un uxoricide aura lieu. Etienne‚ mari et tatillon professionnel - il est correcteur de manuscrits‚ poussant le perfectionnisme jusqu'à réécrire les livres qu'on lui fait corriger- frappé de synesthésie, - il voit les mots en couleur - ‚ exaspérant et un peu pathétique‚ va se muer‚ en quelques centaines de pages, en assassin- et, sauvagement, occire son épouse.



Pas de surprise, donc pas de peur?

Au contraire.



Sujet peu original, j'en conviens - comme le fait divers qu'il évoque‚ qui appartient au triste lot du quotidien dans notre doux pays- ‚ mais j'ai lu ce livre dans une sidération et un effroi assez étonnants. Mais explicables.



Parce que tous les ingrédients sont réunis pour une explosion meurtrière : les deux époux sont, comme le note Étienne lui-même‚ "fabriqués ensemble pour que chacun tombe parfaitement ajusté dans les gouffres de l'autre".



Parce que sans la fêlure d'Etienne qui vit l'altérité comme une déclaration de guerre‚ on serait dans l'histoire un peu caricaturale et très drôle d'un couple désassorti. Face à la menace d'un tiers inévitablement critique, Etienne a besoin de sa femme, Vive -surnom destiné à un démenti tragique- pour qu'elle le soutienne envers et contre tous, fût-ce en dépit du bon sens , et pas "pour qu'elle se prostitue à l'ennemi" car "un couple (doit) être un monde hermétique, impénétrable."



Parce que la paranoïa d'Etienne se nourrit des tentatives de Vive pour le ramener à une forme de rationalité et aussi des sursauts d'indépendance par lesquels celle-ci tente de compenser la docilité où la plonge sa peur panique des "pétages de plomb" d'Etienne. Plus elle le raisonne, plus il s'enfonce dans la folie. .



Parce que tout à coup l'histoire un peu drôle et grinçante devient noire et menaçante.



Et plus drôle du tout.



Bref je n'ai pas marché, j'ai couru..



Vite, pour sortir de l'histoire.
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Artifices

Ce titre qui met le feu m'a semblé idéal pour entamer des vacances à la mi-juillet. On y rencontre Abel Bac, flic venant d’être suspendu de ses fonctions suite à une dénonciation anonyme, dont nous ne connaissons pas le motif. On le retrouve enfermé chez lui avec ses orchidées à longueur de journée, sans contact avec l’extérieur, sauf la nuit : Lorsque ses cauchemars violents le réveillent, il sort parcourir la ville jusqu’à ce qu’il ne sache plus où il se trouve. Présentant des symptômes de stress post-traumatique, il n’a pas de relations amicales ou amoureuses, n’invite jamais personne chez lui. Mais sa collègue Camille, qui s’inquiète pour lui, va tenter de percer sa bulle, son mutisme, son espace vital… Et le mystère qui entoure ce binôme qu’elle aime beaucoup.





« Abel fait peur. Ce n’est pas son visage, mais ce qui se voit pas. (…) C’est une tension infinitésimale de ses muscles, qui palpite comme une alerte. »





Le mystère qui l’entoure va justement s’épaissir lorsqu’il trouve, devant sa porte, le journal du jour en plusieurs exemplaires et à son nom, alors qu’il n’est pas abonné. En première page, un fait divers étonnant : Un cheval a été introduit la nuit dernière dans un musée… Et quelqu’un tenait visiblement à ce qu’Abel le sache. D’ailleurs la vision de ce cheval blanc ne lui est pas totalement inconnue, elle lui rappelle quelque chose de désagréable, que son subconscient refuse de laisser émerger. Mais tandis que l’enquête de police piétine, d’autres « performances » sont réalisées les jours suivants dans les musées alentours. Le bruit commence à courir que ce serait l’oeuvre de cette nouvelle artiste en vogue nommée Mila, dont personne ne connaît la véritable identité. Abel n’a jamais entendu parler de Mila, mais il se sent visé par ses oeuvres et son passé secret semble refaire surface, ce qui pourrait lui coûter son poste.





La tension va crescendo, on se demande qui en veut à Abel et quel est son passé traumatique. J’ai apprécié les chapitres consacrés à Abel, dont la personnalité, malgré son apparente froideur un peu too much, demeure mystérieusement attachante et intrigante, tout comme ses expressions désuètes qui apportent la touche d’humour au roman. Mais j’ai été moins passionnée par les chapitres consacrés à Mila, qui m’a moins touchée malgré son histoire sûrement poignante, ce qui faisait malheureusement retomber un peu trop la tension intéressante dans le récit.





Cela dit, moi qui n’aime pas les bouquins qui parlent d’art, j’ai trouvée que Claire Berest parvenait à rendre l’art pétillant dans ce roman. Bien sûr, il est question de tableaux vivants, ce qui aide. Mais elle nous offre aussi des dialogues savoureux, entre ce flic terre à terre hyper carré et logique, et une étudiante en art qui tente de l’éclairer de manière accessible sur l’intérêt et le concept de « performance » d’artistes. Et comme elle est passionnée et amusante, elle parvient à nous intéresser en nous faisant sourire. Le côté décalé de leurs échanges rend ce binôme attendrissant. De manière générale, les femmes de ce roman apportent la touche de fantaisie qu’Abel ne peut plus atteindre depuis longtemps.





L’enjeu sera de découvrir ce qui lui est arrivé. Tous ces faits sont-ils liés ? Et pourquoi resurgissent-ils maintenant ? Pour ce faire, l’auteur nous dévoile peu à peu l’histoire de chaque personnage, en alternant les chapitres qui leur sont consacrés. Leurs titres en forme d’indices sont pour le moins intrigants…! J’ai aimé ce détail : Comme l’emballage et le noeud en Bolduc parachèvent un cadeau, ces titres parachèvent l’oeuvre de Claire Berest. Et puis c’est gratifiant : J’avais relevé LA phrase indice de l’histoire qui permettait d’être sûre de l’issue.

Je n’ai pas eu de coup de coeur comme Cannetille, mais j’ai passé un bon moment avec ce un policier décalé, amusant et intéressant pour les vacances.
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L'épaisseur d'un cheveu

Étienne et Vive forment depuis dix ans, un couple solide et amoureux. Étienne est correcteur dans une maison d’édition, tandis que Vive travaille dans le monde de l’art. Leur vie est rythmée par des vernissages et des concerts de musique classique.

Une belle entente règne entre eux, mais un petit grain de sable va venir s’en mêler, et ternir la vie de tout ce petit monde.

Ainsi, dès le début, on sait que Étienne a tué sa femme. Une chronique qui nous fait découvrir la vie de ce couple tout au long de leur dix ans. Sachant, que trois ans plutôt, leur couple a failli imploser, mais à l’époque, Étienne a mis son égo de côté, afin de sauver son couple.

Bien sûr, on a affaire à un féminicide.

Dans ce livre, on va vivre les trois derniers jours de ce drame. Pendant, tout le récit, c’est le point de vue d’Étienne qui est mis en avant, et jamais celui de Vive. Pendant, trois jours, on assiste à la descente dans la folie d’Étienne.

Que lui arrive-t-il ? Qu’est-ce qui le pousse à dénigrer tout le monde ?

Personne n’a grâce à ses yeux.

L’auteure va nous disséquer les trois jours où ce drame va se dérouler et où son personnage d’Étienne n’apparaît pas sympathique.

C’est un véritable engrenage qui se met en place et Claire Berest l’analyse très bien. Elle nous entraîne dans la vie de ce couple et dans l’interrogatoire d’Étienne par la police en alternance.

Un récit rythmé et dynamique qui nous donne envie de savoir ce qui se passe.

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Artifices

Abel émerge d’un cauchemar récurrent, qui le laisse à la limite de la suffocation, tant cela paraît réel, et entend gratter à sa porte. Entrée fracassante d’Elsa, la voisine du dessus qui tente de d’entrer chez lui car en état d’ébriété avancé elle s’est trompée d’étage…



Abel est un policier, bien noté, du genre solitaire et bourru qui se retrouve étrangement suspendu, à la suite d’une dénonciation anonyme bien sûr… Camille, sa collègue tente de comprendre ce qui se passe mais devant le silence buté d’Abel, elle va procéder autrement et tomber sur un problème lié au passé.



Pendant ce temps, un cheval est retrouvé au musée Beaubourg, puis un tag représentant le même cheval sur un mur. Elsa accompagne Abel à Beaubourg pour tenter s’en savoir plus. Ce n’est que le début : un triptyque « artistique » se met en place, impliquant le musée d’Orsay, Pierre Arnaud… Et de manière concomitante, Abel trouve régulièrement un exemplaire du journal « Le Parisien » auquel quelqu’un l’a mystérieusement abonné.



On parcourt Paris, à pied, le jour et la nuit, selon les envies d’Abel qui oublie un passé douloureux en marchant, tentant d’apaiser ses angoisses, ses TOC… et ses interactions avec Elsa et Camille, ou ses rencontres d’un soir. Abel est attachant avec ses centaines d’orchidées qui remplissent son appartement, et dont il prend un immense soin. Ce sont ses amies, ses colocataires….



En même temps, immersion dans le domaine de l’art contemporain, avec les prouesses d’une mystérieuse artiste, Mila, dont l’avocat s’occupe de la publicité autant que de la publicité liée à ses œuvres éphémères mais souvent sujettes à caution, œuvres qui, entre parenthèses, se monnaient des millions d’euros chez Sotheby’s ou Christie’s.



On devine assez vite qui se cache derrière qui, en revisitant Jean de La Fontaine au passage, avec « Le loup, le renard et le cheval », dont les vers servent de titre de chapitre.



Claire Berest revient souvent dans son récit, comme un hommage, à Marina Abramovic, artiste plasticienne, ce qui à la longue finit par devenir pesant, car on se sent voyeur…



Le récit démarre lentement, mais on finit par s’accrocher, par avoir envie de savoir, de connaître la clef de l’énigme, car on se doute bien qu’il y a eu un drame à l’origine de tout cela et que chacun réagit comme il peut à un traumatisme profond, sur fond de feux d’artifice de 14 juillet, et de quels artifices s’agit-il en fait dans ce roman ? l’histoire nous le dira.



Mon avis est assez mitigé, l’intrigue est intéressante si on la regarde comme une enquête policière, avec des personnages compliqués, pour ne pas dire complètement barges, pour certains, mais je suis peu réceptive à l’art contemporain en général : des œuvres temporaires qui font le buzz et se revendent des millions voire plus, cela me laisse perplexe.



L’écriture veut faire « jeune » avec du verlan, souvent alors versus La Fontaine il y a de quoi déranger aussi (cf. les deux derniers extraits)



La couverture est magnifique et c’est elle qui m’a donné envie de lire ce livre. C’est ma première incursion dans l’univers de Claire Berest, surtout connue pour ses biographies et ses essais alors que j’ai toujours en prévision dans ma PAL, « Rien n’est noir ».



Un grand merci à NetGalley et aux éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure dont j’ai prévu de lire « Gabriële » qu’elle a coécrit avec sa sœur Anne Berest dont j’ai beaucoup aimé « La carte postale » et « Sagan, 1954 » …



#Artifices #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Bellevue

La dérive d'une jeune femme, la perte de contrôle et en même temps, un lacher-prise, une libération. Où est la liberté ?

Lecture déroutante, saccadée, crue. Le lecteur perd pied avec cette jeune femme au fur et à mesure des heures qui passent et des verres qu'elle ingurgite.

J'avais envie de savoir ce qui avait amené Alma dans cet hôpital psychiatrique, envie de comprendre. La fin me laisse sur ma faim, mais peut-être était ce l'objectif de l'auteur...

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Artifices

Claire Berest doit sa notoriété d'écrivaine à des romans biographiques très réussis, dont l'un – Gabriële – avait été écrit conjointement avec sa soeur Anne. Son dernier livre, Artifices, est un roman pur jus, une fiction. C'est même un roman qui se donne l'allure d'un polar. Des faits apparemment inexplicables s'y produisent, suscitant d'étranges réactions chez les personnages. Et toi, lectrice, lecteur, tu t'y laisseras prendre, tu voudras comprendre, tu scruteras les indices et du coup, tu enfileras les pages et les chapitres avec une frénésie gourmande. le livre n'est pas vraiment un polar, mais en matière d'artifices, l'auteure sait y faire.



A première vue, les personnages ont l'air de ressembler à tout le monde, mais leur idiosyncrasie s'affiche nettement au fil des chapitres. En numéro un, Abel Bac, un drôle de nom ! – mais qui oserait prétendre qu'on ne choisit pas son nom ? – Dans l'exercice de son métier d'officier de police judiciaire, c'est un homme consciencieux jusqu'à l'insignifiance. Dans sa vie privée de célibataire endurci, c'est un homme solitaire et taiseux, qui flirte avec la marginalité. Il est sujet à des cauchemars, à des angoisses, à des troubles obsessionnels compulsifs, des tocs qui ont redoublé depuis qu'il a été suspendu de ses fonctions sans qu'il sache pourquoi…



Deux ou trois femmes entourent Abel – sont-elles deux, sont-elles trois ? – et semblent lui porter intérêt, voire plus s'il est question d'affinités. Il y a Elsa, une voisine invasive un peu foldingue, il y a Camille, une collègue, qui, à l'inverse, prend tout très au sérieux. Et puis dans l'ombre s'active une autre femme, une artiste devenue archicélèbre sous le pseudonyme de Mila et dont personne ne connaît le vrai nom ni le visage. Une spécialiste du happening, dont les performances laissent des traces et suscitent des témoignages qui s'arrachent à prix d'or chez les collectionneurs d'art très contemporain.



Et justement, voilà que trois événements spectaculaires se produisent mystérieusement dans trois musées parisiens. Au ministère, on est dans ses petits souliers ; à la PJ, on enquête, tandis que la presse et le public commentent. La paternité (je devrais dire la maternité) du triptyque ne fait aucun doute, Mila la revendique dans une déclaration officielle. Mais quel en est le sens et à qui s'adresse-t-elle ?



Au fil des chapitres et des indices que l'auteure daigne te révéler au compte-gouttes, lectrice, lecteur, tu commenceras à cerner les enchaînements de causes à effets qu'elle a imaginés. Cette imagination étant sans limites, tu pourras t'interroger sur la vraisemblance des péripéties, mais peu importe. Les personnages principaux sont vraiment déjantés et leurs délires peuvent s'expliquer au vu du traumatisme qu'ils partagent, d'autant que le style narratif incline à l'onirisme.



Claire Berest donne un rythme haletant à sa narration. Son écriture est spontanée, virevoltante, les phrases sont courtes, les tournures lapidaires. Elle maîtrise tellement sa plume, qu'elle s'autorise des petits dérapages très contrôlés. Elle lâche des mots fortement expressifs, comme un peintre jetterait des touches de matière sur une toile. Les dialogues sont tranchants, la narration emprunte par moment les codes du langage parlé et cela donne envie de lire le texte à haute voix.



Finalement, tout s'explique. Sans remonter à l'origine du monde, l'histoire avait été bien engagée grâce à une fable de La Fontaine, dont des fragments scandent les chapitres. Mais tout avait été interrompu lors d'un 14 juillet tragique, illuminé par un feu d'artifice éblouissant, dont les compositions étincelantes s'étaient pétrifiées en orchidées multicolores.



Un livre dont les pages sont brillantes comme un feu d'artifice. En s'éteignant, il t'abandonnera, lectrice, lecteur, au plus profond d'une obscurité aveuglante et d'un silence assourdissant. de quoi te couper le souffle. Quel talent pour écrire un tel livre ! Et si l'art du roman était justement l'art de l'artifice !


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Gabriële

Cette lecture, « imposée » dans le cadre du Prix Libraires en Seine, a été un véritable envoutement !

A priori, je n'étais pas vraiment partante pour une plongée dans un milieu d'artistes avant-gardistes et iconoclastes prêts à révolutionner le monde des arts au tournant du dernier siècle, et encore moins, craignant l'hagiographie, dans l'aventure de reconstruction biographique entreprise par les arrière petites-filles de Gabriële Buffet, épouse du peintre Francis Picabia.

Mais ce livre recèle des charmes surprenants qui m'ont très rapidement conquise, au point de me faire glisser dans cette situation délicieuse où l'on a hâte de reprendre sa lecture pour retrouver ses personnages.



Il faut dire que ce livre est très habité par ses auteures, dont on perçoit fortement combien le travail entrepris d'exhumation de cette aïeule mal aimante fut à la fois douloureux et fondamental. Avec sensibilité et intelligence, elles amènent par touches légères Gabriële, la mettant dans la lumière de sa prodigieuse intelligence et de son indépendance d'esprit hors normes, sans hésiter par ailleurs à marquer ses zones d'ombre – en tant que mère notamment : étonnant exercice en clair obscur, destiné à mettre sur le devant de la scène une femme exceptionnelle qui se serait toujours (à moins que les auteures n'embellissent la réalité ?) maintenue dans l'ombre de ces grands hommes qu'elle a côtoyés : son mari d'abord, Francis Picabia, mais aussi Marcel Duchamp, Guillaume Apollinaire…



Un récit biographique très intimiste dans lequel les concepts d'art, de famille, d'amour prennent une dimension singulière dans le tourbillon de créativité révolutionnaire insufflé par ces artistes atypiques et géniaux.

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