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Citations de Clara Arnaud (263)


Elle se souvenait qu’elle-même, lors des premiers terrains dans ces latitudes, s’était sentie plus vivante que jamais, dans un milieu où les humains constituaient un potentiel gibier. Fréquenter l’ours c’était ressentir la peur tripale qui vous saisit dans une traversée de crête engagée, une sortie en mer par gros temps, on maîtrisait certains des paramètres de risque, mais il y avait toujours une part d’imprévu, la possibilité de la mort. Er Alma avait besoin de cette confrontation avec ce qui échappe, résiste, de se heurter à une forme de transcendance. Et malgré l’inconséquence des comportements de Treadwell, il y avait quelque chose de touchant dans sa quête de fusion. La rationalité et les protocoles scientifiques avait protégé Alma de cette folie, ainsi qu’un instinct de vie prononcé, mais elle, ce lien presque mystique qu’elle avait ressenti avec cette ourse existait.
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Le ciel donnait l'illusion d'être à portée de doigts, vaste toile sombre, et pourtant rien de plus palpable que le cosmos, une immensité de matière, de vide, de temps. Il observa encore l'astre incandescent, la silhouette irréelle des montagnes dans sa lueur rouge.
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La montagne était pourtant faite de ces deux humeurs, du vert et du gris, du tendre et du dur, du végétal et de la roche.
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Sans doute l’âpreté de ces territoires l’agressait-elle moins que le monde des humains.
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La montagne en face le nargue, la pente, qu’il fixe comme pour en neutraliser le pouvoir mortifère. La chienne partie kamikaze dans les éboulis, elle chasse. Ça lui prend parfois, et les pierres de rouler, retentir, de grands bang. Lunita, il appelle encore, il lève les yeux vers la crête pour chercher l’animal, mais c’est elle qu’il voit. Comme s’il l’avait fixée ce matin même, son visage lui apparaît avec une netteté effrayante. Ilia fille-comète. Est-ce bien une estive ou son tombeau ? Et il se demande : pourquoi suis-je remonté ? Pour conjurer le sort, veiller les morts ? Se remémorer les jours heureux, à la regarder flirter avec les nuages, faire danser les brebis ?
C’est comme si elle s’était sédimentée dans cette montagne, en était désormais la matière même. Elle est partout, il la sent. Alors ? Pourquoi ? Il ne sait pas, il est sur la lisière. C’est trop grand, trop beau, trop dur aussi. On l’avait prévenu. Tu veux vraiment remonter ? Il s’est obstiné, oui, j’irai, comme s’il n’avait pas d’autre choix possible. J’irai. Il y est, il faut tenir bon, il lui semble que c’est au-dessus de ses forces. Mais les brebis sont là, les chiens, il faut avancer.
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Alma avait découvert une équipe de huit personnes, supervisant le travail de terrain d’une trentaine d’autres, qui manquait cruellement de moyens, y palliait par des dispositifs ingénieux. Le programme OURS du CNB comptait sur tout un réseau de bénévoles passionnées qui consacraient leurs temps libres à la collecte d’indices. La plupart d’entre eux ne rencontraient jamais l’ours. Les face-à-face étaient rares, des siècles de chasse acharnée avaient inscrit dans la mémoire des plantigrades le genre humain comme un danger. Ils s’étaient adaptés, vivant la nuit, se repliant le jour dans des vallons escarpés, des couloirs à avalanche, partout où les êtres humains étaient encombrés par leurs corps malhabiles, pris de vertige.
L’ours, lui, dansait sur les crêtes, sinuait dans les forêts épaisses, au mépris des épineux qui s’accrochaient à son cuir épais. Tu l’as déjà vu, toi ? avait demandé Alma à Paul, l’un des plus fidèles, sur le terrain par tous les temps depuis quatre ans. Jamais, mais je suis passé tout proche, les traces étaient fraîches. Mais ça ne te lasse pas ? J’aime qu’il m’échappe je crois, avait-il répondu avec un sourire. Alma comprenait l’ivresse de la traque. Le paysage changeait, gagnait en épaisseur, lorsqu’on pistait les animaux. Il n’était plus un décor, mais un monde de signes, auquel chaque être vivant participait. Les renards, laissant des traces sur les bords du chemin, les biches qui créaient des tournées dans la futaie, les ours, les humaines, tous passant et repassant dans les pas les uns des autres.
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Ne pas écouter les corps pouvait conduire à l’erreur fatale, en montagne.
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Un ours qui devenait le porte-étendard de militants, d'associations, de touristes et de politiques, qui n'avait plus grand-chose à voir avec la montagne. Et elle, qui se battait jour et nuit pour un individu, alors que les plaines, les montagnes, les forêts avaient cramé tout le mois de juillet, qu'on déversait du glyphosate dans les champs en toute légalité, que la France investissait massivement dans les énergies fossiles. N'était-ce pas un peu grotesque ?
P 242
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L'équipe était prise dans la spirale d'un débat politique qui dépassait les enjeux liés à l'ours. L'animal était un bouc émissaire commode dans une guerre vaine qui opposait les ruraux et les urbains, ou plutôt différentes visions de la ruralité , ceux d'ici et les autres , les éleveurs et le reste du monde ; guerre dont personne ne sortirait gagnant qui poussait chacun à devenir une caricature de lui-même . Et ce conflit tantôt larvé, tantôt ouvert ne reflétait rien de la complexité des rapports que la plupart des gens entretenait avec l'ours : chacun était sommé d'être "pour" ou "contre" , le dialogue n'avait plus de place.
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Le vieux lui avait confié ses bêtes, qu’il garderait désormais, les clés de la cabane, les secrets de sa montagne, et puis sa dernière chienne. Et Jean avait beau être d’un monde bourru où on ne dit pas que l’on s’aime, leurs vies étaient liées. 
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L'ours, lui, dansait sur les crêtes, sinuait dans les forêts épaisses, au mépris des épineux qui s'accrochaient à son cuir épais.
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L'automne avait commencé à déshabiller les arbres, annonçant la fin du temps de l'estive.
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La journée avait été belle, sereine, un soleil roux, doux, presque caressant avait couru sur les formes des montagnes, et elles lui semblaient plus hospitalières, soudain, teintées d'ambre et de rouille, dans la tiédeur de l'été indien.
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Il leva la tête vers le ciel. Et la lune lui apparut grosse, ronde, d'un rouge profond. L'éclipse totale.
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Ces vallées étroites, enforestées, où les montagnes, s'élevaient comme des remparts, enfermaient autant qu'elles protégeaient. Le refuge pouvait en un instant se convertir en prison.
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Le ciel donnait l'illusion d'être à portée de doigts, vaste toile sombre, et pourtant rien de plus impalpable que le cosmos, une immensité de matière, de vide, de temps.
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Gaspard avait peu à peu compris qu’être berger n’était pas réductible à un métier, il s’agissait d’une façon de vivre qui mobilisait des connaissances botaniques, topographiques, météorologiques, vétérinaires et un moral à toute épreuve.
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La vie de cabane relevait presque d'un manifeste de politique. La communauté des pâtres comptait d'ailleurs nombre de marginaux, d'anarchistes, de rêveurs que le refus de la sédentarité, une réticence à la dictature de la consommation avait poussés à prendre la montagne comme on prend la route.
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L'ours,c'est l'enfant de la montagne, un enfant encombrant, mais sans lui,elle est incomplète. Alors bien sûr, parfois il nous fatigue, ce gosse turbulent, mais on a le devoir de vivre avec.
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Le jour de leur rencontre, Alma s'était assise contre un arbre, elle avait ôté ses chaussures de marche, posé les jumelles ; elle grignotait un morceau de chocolat, s'apprêtant à repartir bredouille -- il fallait savoir renoncer --, quand elle avait entendu une pierre tomber. Un isard? Elle avait levé les yeux et, juste au-dessus d'elle, à quelques centaines de mètres, l'ourse jouait les équilibristes dans les éboulis. Indifférente à sa présence, l'animale retournait d'énormes pierres pour trouver insectes et charognes. Derrière elle, deux oursons duveteux, encore frêles, cavalaient, au risque de dévaler la pente à tout moment, entraînés par l'un des blocs que leur mère balançait sans ménagement. Le souffle court, Alma avait saisi sa paire de jumelles, incroyable de les voir comme ça. Son pouls s'était emballé, rester calme surtout, mais le bang bang se répercutait dans sa cage thoracique, et il lui semblait qu'on pouvait entendre son cœur battre dans toute la vallée, alors qu'elle braquait son attention sur l'ourse. Stature exceptionnelle, fourrure noire et ce collier de poils argent, c'était bien la doyenne, celle que l'on appelait parfois la Negra dans l'équipe. L'ourse avait jeté encore quelques pierres qui, dévalant, l'avaient fait sursauter. Puis l'animale l'avait fixée, et c'est comme si, à ce moment précis, Alma prenait la mesure de sa puissance, les cent kilos de muscles et de fourrure de l'ourse affamée par la diète hivernale, de la largeur de ses paumes, t'inquiète ma belle, je sais que je suis chez toi. L'ourse l'avait toisée de son promontoire, se dressant sur ses pattes arrière pour jauger une éventuelle menace grâce à son flair, avant de s'éloigner, sans hâte, escortée des deux petits, son corps épais se mouvant avec une exceptionnelle dextérité.
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