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Critiques de Clara Dupont-Monod (1253)
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S'adapter

Bigre 4,31 sur 59 notes sur Babelio , il y a de quoi s'interroger . Ah ...Retenu , entre autres , parmi les finalistes du prix Landerneau ...plus aucune hésitation, il faut le lire celui ci .

Alors , les amis et amies , tenez - vous bien , le narrateur , ce sont des pierres , si , si , des pierres . Oui , ben comme moi , vous vous interrogez . Des pierres ? Oui , oui , des pierres . Oui , mais les pierres , ça parle pas ? Non mais , ça en voit passer du monde ....et , ça papote ...

Bon , je continue ...les pierres , elles vont nous parler de gens qui n'ont ni nom , ni prénom. Ah , ouais , ça se corse , notre affaire , vous pensez toujours que .....Je serais un ami de l'auteur , des fois , on ne se méfie jamais assez ? Non , moi , je pense que Clara est un beau prénom mais , Clara , elle n'a pas besoin de moi car , vraiment , elle écrit admirablement bien . C'est , comment dire ? poétique , aérien , subtil . Une écriture qui favorise les émotions, qui fait vibrer les sens ...Une très belle écriture , je me répète.....Oui , vous verrez bien quand vous aurez mon âge...

De quoi ça parle ? Eh , doucement , j'y viens . Une famille , normale , " banalement " heureuse " , un papa , une maman , un aîné, une cadette et , parachuté là , un petit dernier ....handicapé...condamné à court terme...Une révolution, un tsunami pour tous et toutes .....Papa ? Maman ? L'aîné ? La cadette? ouaahh , terrible ... Et puis ...un peu après, le " petit " dernier ....l'autre ...parfaitement " normal " lui , mais , tout de même , successeur de celui qu'il n'a jamais connu et ...ça craint , ça émeut, ça bouleverse ......

Un roman éblouissant , éclaboussant d'espoir et d'amour , un roman franchement touchant , d'une portée universelle , une porte ouverte sur la beauté de la vie .....Et les pierres pour témoins et ...narratrices .Les pierres ....Sûr, demain , si je trébuche , je demande " pardon " ( enfin , si je me suis fait mal , pas sûr, faut pas exagérer non plus ...)

C'est plus que beau et j'ai senti en moi vibrer de superbes émotions. Après, ce n'est que mon modeste avis . Je sais , je le dis à chaque fois et , le pire , c'est que je suis ...sincère. Vous me direz ..... Pour moi , c'est une rencontre ...que je n'attendais pas . Je ne peux que vous inviter à la partager .Ce roman , ça peut être toi , lui , nous , vous , eux , moi ...et c'est très beau , un rendez-vous , un appel à la réflexion....
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S'adapter

Rentrée littéraire 2021 #39



« S’ils se taisent, les pierres crieront. » Evangile selon Luc, 19 :40, nous dit l’exergue. Comme dans les contes, les murs peuvent parler, ils ont une bouche à travers la voix poétique des pierres d’une ancestrale maison cévenole. Ce sont elles qui racontent l’histoire de cette famille où nait un enfant lourdement handicapé, sans geste, sans regard, sans parole, voué à une courte vie. Elles racontent d’en bas la fratrie, comme un personnage principal, enveloppant immédiatement le lecteur.



Trois parties composent ce roman d’une délicatesse folle. D’abord l’ainé qui s’arroge le rôle de protecteur, épris d’un amour fou et fusionnel pour son petit frère ; puis la cadette, pleine de colère et de rage à voir l’équilibre familial brisé par l’arrivée de cet enfant inadapté. Le premier chapitre consacré à l’Ainé est inouï de délicatesse, accompagné par la superbe écriture de Clara Dupont-Monod, instinctive, presque animale à capter les mille reliefs d’un récit cristallin.



« L’aîné lui fredonnait des petites chansons. Car il comprit vite que l’ouïe, le seul sens qui fonctionnait, était un outil prodigieux. L’enfant ne pouvait ni voir ni saisir ni parler, mais il pouvait entendre. Par conséquent, l’aîné modula sa voix. Il lui chuchotait les nuances de vert que le paysage déployait sous ses yeux, le vert amande, le vif, le bronze, le tendre, le scintillant, le strié de jaune, le mat. Il froissait des branches de verveine séchée contre son oreille. C’était un bruit cisaillant qu’il contrebalançait par le clapotis d’une bassine d’eau. Parfois il nous déchaussait du mur de la cour pour nous lâcher de quelques centimètres afin que l’enfant perçoive l’impact sourd d’une pierre sur le sol. (…) Il n’avait jamais autant parlé à quelqu’un. Le monde était devenu une bulle sonore, changeante, où il était possible de tout traduire par le bruit et la voix. Un visage, une émotion, un passé avaient leur correspondance audible. Ainsi l’aîné racontait ce pays où les arbres poussent sur la pierre, peuplé de sangliers et de rapaces, ce pays qui se cabre et reprend ses droits chaque fois qu’un muret, un potager, un traversier étaient construits, imposant sa pente naturelle, sa végétation, ses animaux, exigeant par-dessus tout une humilité de l’homme. « C’est ton pays, disait-il, il faut que tu l’écoutes. » »



Tout est juste dans ce duo aîné / cadette pour dire l’ambivalence des attitudes face à un corps handicapé, comme le dégoût, la honte, la culpabilité qui envahissent la cadette. Clara Dupont-Monod le fait sans leçon de morale, ni bons sentiments gluants, juste au plus près des ressentis. Je tairai le personnage principal du dernier chapitre, tellement inattendu que la découverte de son identité provoque quelque chose de fort chez le lecteur. Ce n’est pas la partie qui m’a le plus fait vibrer mais elle est nécessaire pour propulser les deux premières vers la lumière.



La puissance émotionnelle que dégage ce roman m’a souvent submergée aux larmes. Pourtant, malgré la gravité et la tristesse du sujet, c’est bien cette lumière qui reste et fait entrevoir la souple capacité de l’être humain à s’adapter à un drame, ici grâce aux liens fraternels. Superbe et apaisant.

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S'adapter

Quelle douceur ! Quelle sensibilité ! Quel amour de la nature et des rapports humains !

Clara Dupont-Monod que j’écoute souvent sur France Inter, n’en est pas à son premier livre mais c’est la première fois que je la lis et elle m’a époustouflé.

Dès les premiers mots, j’ai été subjugué, envoûté par son écriture. Lorsque je veux noter une citation, je constate que c’est tout le livre qu’il faudrait citer, tellement c’est bien écrit, me plongeant au cœur de ces montagnes cévenoles que Clara Dupont-Monod semble vraiment bien connaître.

Avec ce Prix Femina 2021 amplement mérité, auquel s’ajoute le Prix Landerneau et maintenant le fameux Prix Goncourt des Lycéens, S’adapter est justement mis en valeur. J’ai pleinement savouré ma lecture au cœur de cette famille dont aucun prénom des personnes qui la composent n’est cité. L’autrice parle du père, de la mère, de l’aîné, de l’enfant, de la cadette, du dernier, de la grand-mère, des cousins, des nièces. Seul le compagnon portugais de la cadette a droit à son prénom : Sandro.

Ainsi, tour à tour, l’aîné, la cadette et le dernier sont au centre du récit et tout tourne autour de cet enfant handicapé, un beau bébé à la naissance mais qui, à trois mois, restait silencieux ou pleurait. Finalement, la mère ne peut que constater qu’il ne voit pas, avec ce test de l’orange déplacée devant son visage sans que ses yeux ne la suivent : « Cet être n’apprendrait rien et, de fait, c’est lui qui apprenait aux autres. »

Originalité du propos, ce sont les pierres de la cour ou des murs qui racontent ce qu’elles voient ou entendent. Peut-être est-ce que je m’y suis habitué mais c’est la première partie consacrée à l’aîné qui m’a le plus ému et captivé.

C’est l’aîné qui prend en charge l’enfant, s’en occupe d’une façon extraordinairement douce et attentionnée dès qu’il est à la maison. Il est le premier à constater que son petit frère entend, perçoit les odeurs et il fait tout pour élargir l’environnement de ce gosse incapable de se lever. Il lui arrive même, lorsqu’on lui demande quel métier il veut faire plus tard, de répondre : aîné ! C’est dans cette partie que Clara Dupont-Monod détaille le labyrinthe administratif dans lequel se débattent les parents pour tenter d’obtenir de l’aide. De sigles impossibles en formulaires incompréhensibles, tout est fait pour écœurer ceux qui souffrent et luttent afin de conserver un peu de dignité à leur enfant handicapé.

La sœur cadette, elle, n’apprécie pas du tout de voir son aîné se consacrer entièrement à son petit frère. Heureusement, il y a la grand-mère et ses copines du village qui lui apportent joie et distraction. Quand, enfin, son petit frère est accepté dans une institution tenue par des bonnes sœurs, c’est le soulagement car elle considère comme une injustice cet enfant qui a tout changé à la maison. Après une période très difficile, elle s’adapte, tient le cap, anime les conversations, s’informe, règle les problèmes et, le jour de l’enterrement du petit, mort à l’âge de dix ans, elle craque, retrouvant son aîné.

Enfin, la surprise vient quelques années après lorsque les parents annoncent qu’un petit dernier va voir le jour. L’aîné est déjà parti travailler en ville et la cadette étudie à Lisbonne. La grande question que se pose toute la famille est : sera-t-il normal ? Dès que le dernier grandit, commence alors une nouvelle époque pour cette famille blessée mais très courageuse. Le garçon prend soin de ses parents, regrette beaucoup de ne pas avoir connu l’enfant handicapé mais découvre la montage avec sa sœur lorsqu’elle revient pour les vacances alors qu’avec l’aîné la communication est plus difficile, jusqu’à ce que…

Au passage, Clara Dupont-Monod m’a fait découvrir les gloméris, ces myriapodes diplopodes, lointains cousins du mille pattes qui aiment se rouler en boule et vivre dans des endroits humides et sous l’écorce des arbres. Cette petite anecdote me permet de mettre en avant aussi le rapport à la nature de ce roman très familial, hymne à la dure vie cévenole, superbe réussite littéraire.


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S'adapter

Il arrive que les pierres aient un coeur, des oreilles et des yeux ; il est miraculeux qu'elles écrivent … et c'est le cas ici avec « S'adapter », ouvrage aussi bouleversant que remarquable. Un chef d'oeuvre à mes yeux.



Ces pierres observent une famille cévenole, dont un enfant est « inadapté », et réduit à un état quasi végétatif, et elles ont la curiosité et le talent de nous décrire la vie de l'ainé et de la cadette. Puis du dernier.



L'ainé s'investit totalement au service de son frère et ce dévouement le sépare de ses camarades de classe, l'isole et finit par le dé-sociabiliser progressivement.



La cadette s'écarte, voire fuit son frère en se plongeant dans le monde extérieur et en se réfugiant auprès de sa grand-mère.



L'enfant meurt dans sa dixième année, loin de sa famille, dans un établissement tenu par des religieuses.



Le dernier voit ensuite le jour, qui n'a évidemment pas connu « l'enfant » mais dont l'existence est marquée par le souvenir du disparu qui a traumatisé les parents jusqu'au jour où … « un blessé, une frondeuse, un inadapté et un sorcier. Joli travail. »



Avec pudeur, sensibilité et talent, Clara Dupont-Monod livre un court texte de cent soixante dix pages dont chacune mériterait citation. Peinture de la nature, de sa faune et de sa flore ; description des acteurs et du contexte (les fonctionnaires, les travailleurs sociaux, les religieuses) ; évocations de l'ainé, de la cadette, du dernier et, dans l'ombre, des parents et des voisins … chaque phrase nous projette dans ce drame et cette famille.



Fort apprécié par la communauté Babelio, ce titre figure dans la deuxième sélection du Goncourt, et j'espère que le jury le distinguera.



J'écoute depuis des années les chroniques de Clara Dupont-Monod sur Radio France, mais c'est la première fois que je la lis. Assurément pas la dernière !



Merci Madame pour ce livre émouvant qui contribue à ouvrir les yeux sur la réelle richesse des « inadaptés » et nous aide ainsi à nous adapter !



PS : sur le même sujet "Choisie pour l’éternité"
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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S'adapter

S’adapter, on le fait tous, car la vie n’est pas qu’un champs de roses, il faut s’acclimater, se fondre dans la masse, apprivoiser la différence.



Cette histoire, servie par une plume sensible et intelligente relate le parcours d’une famille en proie aux difficultés liées à l’arrivée d’un enfant différent, inadapté. Pour l’un c’est un privilège sans précédent d’aimer ce frère aveugle et figé, il apprend en l’observant la beauté du monde, il écoute les bruits du dehors, hume les parfums que l’enfant mutique peut saisir. Il se sent en osmose avec ce frère différent.

Pour la cadette, c’est différent, elle éprouve rejet et dégoût pour ce frère. Elle doit apprendre à s’armer, à trouver un refuge loin de cette famille qui s’émiette, qui se retient de pleurer, de crier à l’injustice.



Sans apitoiement, on se laisse surprendre par la justesse du propos, on s’émeut de voir combien la différence peut tantôt nourrir tantôt décharner ou encore rendre de marbre par protection.



La beauté du texte est un vibrant hommage aux êtres de l’ombre, aux familles qui tentent de rester debout malgré les épreuves.



J’ai été émue, touchée en plein cœur, soulagée de lire que la différence n’est pas que rejet mais source d’inspiration et de grandiloquence.



#Sadapter #NetGalleyFrance





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S'adapter

N’étant pas fan de romans historiques, je n’avais encore jamais rien lu de Clara Dupont-Monod. Comme elle s’attaque ici à une œuvre plus intime, relatant l’histoire d’une fratrie bouleversée par l’arrivée d’un enfant lourdement handicapé, j’ai profité de l’occasion pour combler cette lacune.



« S’adapter » nous emmène dans les Cévennes, en compagnie d’une famille dont le quotidien est mis à rude épreuve par l’arrivée d’un nouveau-né handicapé dont l’espérance de vie est de surcroît réduite à seulement quelques années. Paralysé, muet et aveugle, sa présence ne se limite cependant pas seulement à quelques bruits car il prend immédiatement beaucoup de place au sein de cette famille.



L’adaptation qui intéresse l’autrice n’est pas vraiment celle des parents, mais plutôt celle des autres enfants de la fratrie, constituant ainsi toute l’originalité du récit. Divisant son roman en trois parties distinctes, elle partage respectivement les points de vue de l’aîné, de la cadette et du petit dernier. L’aîné sacrifiera sa propre existence afin de protéger et d’accompagner au mieux ce petit frère qui demande beaucoup d’attention et de soins. La cadette, plus rebelle, oscillera entre dégoût, indifférence et haine vis-à-vis de cet être qui accapare l’attention de tous et lui vole son grand frère. Le dernier, né après la disparition de cet enfant différent, tentera de se faire une place dans l’ombre de ce frère certes disparu mais toujours omniprésent, tout en se demandant s’il serait né si l’autre n’était pas mort…



Sans dévoiler les noms des protagonistes et en donnant étrangement la parole aux pierres de la demeure familiale, Clara Dupont-Monod parvient à livrer trois portraits bouleversants de justesse et criants de vérité, tout en abordant les difficultés auxquelles se heurtent les familles d’enfants handicapés. Afin d’éviter les répétitions, le roman aurait pour ma part pu se limiter au récit poétique et tout bonnement bouleversant de l’aîné, même si l’ensemble permet d’alterner les points de vue tout en débordant d’amour familial.
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La Révolte

Difficile de trouver un personnage féminin plus éblouissant qu'Aliénor d'Aquitaine. Après Le Roi disait que j'étais le diable, centré sur ses années reine de France épouse de Louis VII, Clara Dupont-Monod poursuit son récit avec un portrait d'Aliénor plus ample, de reine d'Angleterre épouse d'Henri II Plantagênet à sa mort, transformant ce flamboyant personnage historique en personnage littéraire hautement romanesque. La révolte, c'est celle d'Aliénor contre Henri II : en 1173, à une cinquantaine d'années, elle convoque ses fils pour renverser leur père, levant une armée européenne à laquelle participe son ex-mari Louis VII. Un échec qui aura pour conséquence son emprisonnement durant quinze ans à Salisbury. Avant de rebondir.



Formidable défi pour le romancier que de faire revivre un personnage historique ! Tout en respectant la trame chronologique immuable tracée par les historiens, Clara Dupont-Monod se fait un festin des blancs laissés par l'Histoire, se nourrit des interstices pour faire ce qui est interdit aux historiens : les combler, supposer, inventer une psychologie aux personnages en se réjouissant de sa liberté de romancière. Elle le fait avec une belle fluidité et une accessibilité impeccable.



Pour entrer dans la vie d'Aliénor, elle choisit le point de vue de son fils préféré, avec le « je » de Richard Coeur de Lion, futur roi d'Angleterre, enterré à ses côtés dans la nécropole royale de l'abbaye de Fontevraud. C'est son regard d'enfant subjugué par sa mère, fou d'amour pour elle qui permet d'embrasser toute la complexité de la personnalité de sa mère. Lui seul pouvait poser un regard enveloppant sur cette figure rude et glacée, toujours aguets comme l'est une chasseresse se sentant proie. Lui seul lit de la tendresse dans des actes anodins. Lui seul voit que si cette femme-forteresse s'est autant éprise de poésie, c'est parce que la littérature lui offrait un répit. Richard Coeur de Lion est un superbe personnage pour lequel l'auteur imagine un conflit de loyauté entre son père et sa mère, affamé de guerres et de conquêtes ( très beaux passages sur les combats de la Troisième Croisade contre Saladin ) car c'est le seul moment où il peut se réconcilier avec son père en devenant un guerrier brutal et animal comme lui sur un champ de bataille.



La Révolte dresse le portrait d'une famille digne des Atrides ou d'une tragédie shakespearienne, mais au final très contemporaine tant la modernité retranscrite dans l'intimité de leurs sentiments et de leurs failles résonne, entre féminisme, trahisons, patriarcat, vengeances et passions en tout genre, réussissant à créer une très grande proximité entre les personnages et le lecteur. D'autant que la prose de Clara Dupont-Monod, sans chercher le médiévisme à tout crin, fait naitre la vie dans son cisèlement raffiné.



«  La colère de ma mère est d'une autre nature. Les trahisons l'ont grandie. D'élan, elle est devenue force. Elle a planté ses crocs si profond dans sa mémoire qu'elle est devenue caillou. La colère n'irrigue plus le corps, elle se concentre sur le coeur et sa fonction première : cogner pour respirer. Comme je voudrais avoir le même ! Elle fabrique des vengeances en forme d'honneur. Pour Aliénor, la haine est une colère qui vieillit bien. Et pourtant. A la voir ainsi, fureur splendide qui marche et écrase, me vient une grande tendresse. J'entends une très ancienne douleur. Les poètes disent que l'amour pour une personne s'adresse à ce qu'il y a de plus seul en elle. Je les crois parce que, en cet instant, je ne vois que ça, un être absolument seul depuis toujours, capable d'avancer sans soutien et résigné à ne plus en attendre. Alors, il faudrait s'agenouiller, approcher son visage du mien ; et, avec toute la douceur dont un guerrier dispose, l'interroger. Ma mère, quel est ce chagrin qui ne vous laisse pas en paix ? A quoi ressemblent-ils, ces espoirs qui ne resteront qu'eux-mêmes ? »
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S'adapter

« Un jour, dans une famille, est né un enfant inadapté. » Avec cette première phrase, le dernier roman de Clara Dupont-Monod, S'adapter, débute comme un conte. Puis il se poursuit comme un conte avec les pierres rousses de la cour de cette maison nichée dans les Cévennes. Ce sont elles qui vont témoigner, sans jugement, et faire le récit de la relation des trois autres enfants de la famille avec cet enfant différent, car, disent-elles « nous nous sommes attachées aux enfants ». Et la force viendra d'eux, d'une manière différente pour chacun.

Les premières pages sont particulièrement émouvantes, décrivant si justement le désarroi complet et la peur ressentis par les parents lorsqu'ils s'aperçoivent que leur bébé sera un nouveau-né pour toujours. Enfin pas tout à fait. Il pourrait pleurer ou exprimer son bien-être, mais pas plus.

Les enfants, l'aîné, 9 ans, et la cadette, 7 ans, comprennent que la belle innocence, c'est fini et « qu'ils seront seuls face aux débris de leur cocon ».

L'aîné de la fratrie, jusque-là plein d'assurance et veillant sur sa cadette, va alors se tourner vers l'enfant, s'abandonner et se perdre dans une relation totalement fusionnelle. Il fera l'objet de la première partie.

La cadette, quant à elle, en a voulu à l'enfant dès sa naissance et a compris qu'il aspirerait toutes les forces, celles de ses parents et de son frère aîné. La colère et le dégoût pour cet être qui a détruit l'équilibre de la famille vont alors s'implanter en elle.

Mais lorsqu'elle va voir le père devenir violent, la mère muette et l'aîné, déjà un fantôme, une force émerge d'elle. La deuxième partie lui est donc consacrée.

La dernière partie, elle, s'attache au dernier, ce garçon qui est né après le décès de l'enfant, à l'âge de 10 ans. Celui-ci, se sent parfois usurpateur, s'excusant silencieusement auprès de son frère d'avoir pris sa place, d'être né normal, de vivre alors qu'il est mort. Mais, bien qu'escorté de ce frère fantôme, c'est lui qui aura la charge de réparer et de réconcilier les histoires.

De multiples sentiments parcourent les personnages, et si les sentiments de révolte, de repli, de culpabilité, de renoncement se manifestent, la tendresse et l'amour illuminent cette histoire terriblement poignante.

Dans ce récit puissant, inspiré de sa propre histoire, Clara Dupont-Monod montre combien cette vie douce dans ce fabuleux cadre des Montagnes cévenoles où la nature est reine et où chaque membre de la fratrie trouvera un refuge, a été bouleversée et ébranlée quand le diagnostic est tombé. C'est avec beaucoup de sensibilité, d'émotion, de justesse et de pudeur qu'elle raconte comment ces enfants ont dû s'adapter devant ce petit être « inadapté », chacun ayant sa propre réaction face à cet enfant si fragile, se tournant vers un amour protecteur pour l'aîné, un refus et un déni pour la cadette et un besoin de réparer pour le dernier, chacun ayant trouvé la force et s'étant débrouillé comme il pouvait pour trouver sa place.

Le désarroi des parents lorsqu'ils sont confrontés avec le manque d'instituts, de maisons spécialisées, de transports équipés, leurs difficultés rencontrées auprès des services sociaux, montrent s'il en était besoin que peu de choses sont prévues pour les « différents ».

Cette épreuve très difficile, la naissance de ce petit être frêle, si fragile et inadapté qui a mis en péril la famille et aurait pu la faire exploser a au contraire révélé la force de chacun et les a finalement réunis.

S'adapter, témoignage très fort sur le rapport à la différence, un récit très intime, à la fois cruel et lumineux, empreint d'une extrême sensibilité a été couronné fort justement par le Prix Goncourt des lycéens, le Prix Femina et le Prix Landerneau des lecteurs 2021.

N'hésitez pas à vous plonger dans sa lecture, d'intenses moments de lecture vous attendent.


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S'adapter

S’adapter est un roman choral à trois voix, qui portent celle d’un frère, un enfant que le hasard a voulu différent, lourdement atteint dans son corps. On comprend le chemin de croix de la famille pour obtenir de l’aide, dans un monde obnubilé par une normalité qu’il définit arbitrairement. Mais là n’est pas le sujet du livre. C’est bien à la fratrie que l’on donne la parole.



L’ainé se met au diapason de ce frère « inadapté peut-être, mais qui d’autre avait le pouvoir d’enrichir autant? ». Il comprend mieux que quiconque les voies d’accès à cet enfant « qui ne pouvait ni saisir, ni parler, mais il pouvait entendre » . Il met tout en oeuvre alors pour pouvoir faire surgir sourire ou grognement de satisfaction, via cette sensibilité restreinte mais présente. Lorsque la famille obtient un placement dans une institution spécialisée, c’est un déchirement pour le jeune garçon, qui se voit dépossédé de ses aptitudes à procurer son frère la part de bonheur qu’il mérite.



Tout autre son de cloche pour la cadette, qui s’est réjouie un temps de l’arrivée du petit frère, jusqu’au moment où les doutes ont fait place aux certitudes. C’est sur le mode de la rébellion qu’elle hurle son désespoir, en ignorant l’enfant et en attirant l’attention sur elle-même.



Le dernier est né longtemps après la disparition de l’enfant. Et pourtant, ces années marquées par la présence lourde au quotidien ont laissé une empreinte indélébile sur la famille et ce qui n’est pas resté un secret reste un terrain à défricher pour comprendre.





Le récit est riche en émotions que l’autrice sait parfaitement transmettre grâce à une très belle écriture.

Loin d’être un pamphlet contre les insuffisances d’une société normative, c’est une déclaration d’amour à cet enfant pas comme les autres.



Le roman décline ainsi le panel des réactions, des adaptations auxquelles nous avons recours lorsque le chemin se complique d’obstacles imprévus et déroutants. C’est aussi un bel hommage à la différence.


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Le roi disait que j'étais diable

Moyen Âge ? Vous avez dit Moyen Âge ? Vous savez que c'est la formule magique pour me faire accourir, ventre à terre, nez dans la poussière (des grimoires) ! Et si, vous rajoutez à cela le nom de l'auteur, alors là, je ne réponds plus de rien ! En effet, je l'avais tellement appréciée dans La Passion selon Juette, que je me dis qu'il s'agit dune valeur sûre. Elle a le don pour transformer l'Histoire (avec un grand H), la sublimer, la raconter avec magnificence.



Après la sainte belge, Clara Dupont-Monod s'attaque ici à Aliénor d'Aquitaine. Une reine au doux prénom qui était pourtant "une main de fer dans un gant de velours". Cette Diane chasseresse était aussi ambitieuse que cultivée. Héritière du duché d'Aquitaine à la mort de son frère, elle entendait bien non seulement le conserver mais encore l'agrandir. Son mariage de raison avec le futur Louis VII montre à quel point l'ambition prenait le pas sur le côté personnel. Elle qui protégeait bec et ongles les troubadours et la fin'amor avait mis un voile noir sur son cœur. Et nous pouvons facilement le concevoir. Louis VII s'accorde avec Aliénor comme des porte-jarretelles siéraient à un cochon. Le pauvre homme ne vit que pour et par la foi.



La romancière fait bien ressortir, dans ce livre à deux voix, les différences flagrantes entre les deux personnages. D'un côté, le caractère affirmé et conquérant d'Aliénor est mis en relief par une narration dont le champ lexical rappelle souvent le combat. La future reine de France apparaît comme une maîtresse-femme. On sait qui porte la culotte dans le couple ! De l'autre, Louis ressemble au ravi de la crèche, un poète illuminé, habité par sa foi, dont la gentillesse n'a d'égal que la naïveté. Mais sous cette apparence se cache un homme torturé manipulé par ses sentiments et... par son épouse. Et même s'il s'agit ici d'un roman, d'une fiction, on peut tout de même apercevoir l'Histoire en filigrane derrière.



Si vous ne connaissez pas encore Clara Dupont-Monod, je ne peux que vous conseiller de vous ruer chez votre libraire ! J'ai lu ce livre éblouissant dans le cadre des Matchs de la rentrée Price Minister et je ne le regrette pas ! D'ailleurs, puisqu'on me demande de donner une note sur 5, vous avez bien compris que je lui donne la note maximale.
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S'adapter

Nous sommes dans les Cévennes, une région belle, un peu magique aussi, puisque les pierres y parlent. Seulement ce qu'elles racontent n'est pas très gai : un enfant est né lourdement handicapé, qui bien malgré lui prive ses parents et son aîné de l'insouciance, alors que sa cadette connaît les affres de la jalousie. Une famille bouleversée en somme, bouleversée en mal comme en bien.« À enfant hors norme, savoir hors norme […] Cet être n'apprendrait jamais rien et, de fait, c'est lui qui apprenait aux autres. »



Clara Dupont-Monod fait du pays cévenol des descriptions assez remarquables et ce qu'elle écrit sur l'arrivée d'un enfant handicapé peut vraiment émouvoir. Pourtant l'ennui a commencé à poindre à la page treize. Pour ne plus me lâcher jusqu'à la fin de ce roman pétri de bons sentiments. Trop c'est trop. Trop de descriptions et trop de pathos m'ont lassée et j'ai fini par force cette lecture commune. Mais ce n'est que mon avis bien sûr, d'autres ont été infiniment touchés par le récit de Clara Dupont-Monod.

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La Révolte

J’ai senti le souffle ensorceleur de l’épopée ; je me suis laissé enivré par la victoire, et j’ai goûté toute l’amertume de la défaite et de la désillusion ; j’ai vu Aliénor d’Aquitaine, flamboyante et superbe, vouloir devenir Roi, échouer, et devenir bien plus encore en entrant dans la légende par la grande porte ; j’ai vu son amour tripal pour sa terre d’Aquitaine ; je l’ai vu dire Non avec cette froide et inquiétante détermination qui ébranle ses pires ennemis ; ivres de rage et de haine, j’ai vu des géants se combattre et finir par mettre genou à terre ; j’ai vu Richard Cœur de Lion, homme des grandes tempêtes, guerrier impitoyable, redevenir petit enfant face au regard impérieux et tendre d’Aliénor, son insaisissable mère ; j’ai vu une femme plus protectrice qu’une louve quand il s’agit de protéger sa portée ; j’ai vu des Hommes courir après des rêves bien trop grands pour eux ; j’ai vu la terre gorgée du sang des combattants ; j’ai vu Richard Cœur de Lion accompagné de tant de fantômes, de regrets, couvert de tant de blessures, tout gagner, et puis tout perdre ; j’ai vu le roi de France Philippe II, futur Auguste, rafler la mise sur un champs de ruines ; j’ai vu enfin les troubadours, ces éternels rêveurs, s’emparer de cette histoire pleine de sang, de fureur et de trahisons pour l’ancrer dans la mémoire des hommes et lui faire traverser les siècles…

Quel beau roman.





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S'adapter

S'adapter, tout est dans le titre, s'adapter, aimer, s'aimer au sein d'une famille dans laquelle arrive un enfant pas comme les autres, dit "inadapté", atteint d'un handicap très lourd, puisqu'il ne dispose que de l'ouïe, du goût et du toucher dans un corps sans muscle qui ne se mettra jamais debout.



Au début, cette lecture me semblait très dure et puis, peu à peu, les pages conduisent le lecteur vers une émotion émerveillée devant les attitudes différentes des membres de la famille, vues à travers trois personnes : l'aîné, la cadette, le dernier.



Ce sont les pierres de la cour de la maison familiale, dans les Cévennes, qui sont les narratrices de ce vécu familial. Elles le font sans commisération, de manière très réaliste, s'en tenant aux actes des protagonistes. Chacun d'eux va s'adapter à sa manière à la situation. Ils donneront tous finalement de l'amour à l'enfant et c'est le parcours de la cadette qui m' a le plus pénétré, elle a besoin d'amour, fraternel mais son frère aîné est tout dévoué à l'enfant, familial et elle le trouve avec la grand-mère mais une grand-mère n'est pas éternelle, elle chemine à force de volonté et c'est en cela qu'elle est admirable.



Les pierres sont aussi capables d'évoquer la montagne cévenole, ses orages dévastateurs, ses arbres et ses ruisseaux, tous ces lieux où l'enfant trouvera sous la garde de l'aîné quelques instants de paix.



Le dernier, je fais le choix, comme d'autres, de n'en point parler, le lecteur doit le découvrir et percer avec lui le mystère douloureux vécu par la famille.



Ce livre est plus qu'admirable, il est écrit avec talent, en une construction originale, il va à l'essentiel, le dit avec délicatesse, il est un témoignage à lire et relire lorsque nos petites misères nous dépassent alors que l'on pourrait, bien plus aisément que cette famille, s'y adapter.
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S'adapter

Si je pouvais parler, je vous décrirais ces magnifiques montagnes qui m'entourent et me protègent, ces pierres, immuables, témoins de notre passé et de notre vie, la douceur de mes coussins, le moelleux de mon pyjama violet, les odeurs de cuisine, le jappement du chien, le grésillement des libellules, les nuances de vert, le roucoulement de la rivière, le frémissement du vent, mes grands yeux noirs.

Je vous parlerais de l'amour, de la tendresse, du dévouement, de la générosité de mon frère aîné. De l'ignorance, de la honte parfois, du combat, des trêves et des offensives, de la jalousie de ma sœur aînée. De ma présence, presque écrasante, malgré mon absence, dans le cœur et la vie du petit dernier.



Si je pouvais parler, je vous dirais la force et la fragilité de la vie, la puissance des sentiments, les lumières et les ombres de l'être humain, la sensibilité et la délicatesse des mots...



Si je pouvais parler, je vous dirais l'enfant inoubliable, unique, éternel que je suis et resterai...
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Le roi disait que j'étais diable

Le sixième roman de Clara Dupont-Monod mise sur les blancs de l’Histoire pour bâtir une légende, celle d’Aliénor d’Aquitaine.



Le roi disait que j’étais diable est l’affrontement volontairement binaire entre Aliénor d’Aquitaine et Louis le Jeune (Louis VII, roi de France de 1137 à 1180). L’auteur met alors en scène un face-à-face antinomique, simple et net : d’un côté, une jeune femme orgueilleuse, voire même franchement hautaine, qui se veut libérale, mais est foncièrement aristocratique, qui se veut ouverte mais est particulièrement élitiste, et qui revendique tout cela haut et fort ; de l’autre, un jeune roi en devenir, destiné au départ à la vie monacale et trop enclin à s’imaginer une vie amoureuse parfaite vis-à-vis de sa situation politique fragile. En alternant récit de l’un et récit de l’autre, l’auteur démontre le cruel manque de communications entre deux personnalités totalement opposées.

Quelques détails en feront, bien sûr, tiquer plus d’un, avec notamment des partis-pris intrigants concernant la personnalité d’Aliénor ou bien l’usage de quelques futurs toujours étonnants, et même gênants, quand nous parcourons dans un récit historique. Malgré cela, l’auteur précise en fin d’ouvrage son intention de conserver tout du long une part de fiction dans son récit très personnel. Pour être plus précis, cela passe par un grand intérêt pour la « psychologisation » des situations amoureuses et publiques : les personnages réfléchissent énormément à comment ils sont perçus par leur conjoint, ainsi que par leur entourage, peut-être même un peu trop (surtout chez Aliénor qui en fat parfois des caisses pour une broutille de notre point de vue, mais une affaire d’État pour elle). Ce parti-pris, agréable au demeurant, nous lance parfaitement dans le récit, car au niveau empathique c’est du tout bon ; en revanche, on finit peut-être par se lasser du processus une fois les cent premières pages passées. Pour autant, et c’est paradoxal, l’auteur crée une rupture finale avec la dernière longue intervention de Raymond d’Aquitaine, seigneur d’Antioche, l’oncle d’Aliénor, qui nous trace, un peu à la va-vite, ce qui constitue les derniers mois de vie conjugale entre les deux têtes couronnées.



Clara Dupont-Monod répond vraisemblablement à ses objectifs : peindre le portrait romanesque d’un personnage historique féminin controversé. Dans un récit qui pourrait se révéler parfaitement contemporain, elle appuie là où cela fait souvent très mal dans la vie de nombreux couples : le manque de communication et l’incompréhension mutuelle. En un seul roman, vous avez donc un récit historique romancé et une réflexion sur le maintien harmonieux du couple !



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La passion selon Juette

Lu juste après "Du Domaine des Murmures" de Carole Martinez, je peux dire que les deux se complètent. En effet, Juette est une jeune fille de treize ans que l'on marie contre son gré, au XIIe siècle, en Belgique. Mais cette jouvencelle ne supporte pas cette vie qu'on lui offre. Elle ne comprend pas pourquoi elle devrait souffrir ainsi dans sa chair, chaque soir, pour faire plaisir à son barbare d'époux. Elle donnera naissance à un premier enfant mort-né puis à un fils qu'elle se refuse même de regarder. Tout l’écœure. Elle se rend compte que même les hommes d'église sont des rustres qui pratiquent allègrement le péché de chair. Instruite, elle ne peut s'empêcher de se référer aux textes d'Hildegarde de Bingen, de Geoffroy de Monmouth ou aux légendes comme celles d'Uther Pandragon ou du Chevalier à la rose. Elle décide d'abandonner cette vie, au grand dam de sa famille et du Clergé. Je n'en raconte pas plus pour ne pas déflorer l'histoire.



Je le disais, les deux livres se complètent dans la mesure où ils montrent deux facettes différentes de jeunes filles refusant l'avenir que leurs parents leur tracent. J'ai lu tout aussi avidement celui-ci. La technique narrative est différente puisqu'il fait appel à eux voix : celle de Juette et celle d'Hugues de Florette, son ami prêtre, le seul homme à qui elle fera confiance.



Cette biographie romancée, largement inspirée par la vie de la Sainte belge, est écrite en toute simplicité et se lit aisément. Axée sur la psychologie des deux personnages, elle permet d'en savoir plus sur cette sainte mais également sur les mœurs de cette époque. Ce livre est d'une extraordinaire richesse.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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S'adapter

A la naissance de leur troisième enfant, les parents apprennent bientôt qu’une anomalie génétique le condamne à brève échéance, après quelques années d’une existence quasi végétative. Dans leur maison cévenole, la vie s’organise autour du séisme qui vient de creuser une faille invisible entre eux et leur entourage. Chaque membre de la famille « s’adapte » à sa manière. Le fils aîné se sent investi d’une responsabilité protectrice et, devenant l’ange gardien de l’enfant, sombre peu à peu avec lui. La cadette, toute à sa rage de voir l’énergie et la joie de vivre des siens littéralement siphonnées par ce petit frère, s’installe dans le rejet et le besoin de prendre le large. Enfin, le benjamin, né sur le tard, grandit dans l’ombre d’un fantôme et le souci de « réparer » ses parents.





Quand vous naît un enfant ou un frère handicapé, et même si pour vous rien ne sera jamais plus comme avant, la terre ne s’arrête pas de tourner. Désormais, il y a aura le monde ordinaire, qui continuera sans vous, et votre petit cercle, isolé parce qu’en rotation autour de son propre centre de gravité. Pour ses membres, c’est un complet recadrage qui marque la fin de l’insouciance et trace une frontière invisible avec les autres. Chacun assume avec les moyens du bord, et d’une façon chaque fois très personnelle, mais une constante perdure : l’amour pour cet enfant pas comme les autres.





Cet amour-là, avec ce qu’il apporte et ce qu’il coûte, irradie le texte, qui, raconté comme une tragédie grecque par les immémoriales pierres des Cévennes, sans prénoms, avec pour personnages centraux l’enfant, l’aîné, la cadette et le dernier, et en périphérie les parents et la grand-mère, prend la portée universelle d’une magnifique histoire d’humanité s’efforçant sans bruit de survivre à la fatalité. Ici, pas de tabous, ni de non-dits. Pas non plus de sentimentalisme, ni de pathos. Mais la narration sensible et délicate, impressionnante de vérité, des impacts et des réactions, en bref des bouleversements profonds au sein de la fratrie dans son face-à-face avec la différence, le handicap et la mort.





Clara Dupont-Monod pénètre à ce point son sujet et fait preuve d’une telle finesse psychologique que l’on ne peut douter de la part autobiographique de son récit. Magnifique et bouleversant dans l’évidence de sa sincérité sobre et pudique, ce livre très personnel impressionne par sa portée si manifestement universelle. Coup de coeur


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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S'adapter

Dans les maisons cévenoles, les pierres ont leur importance. Elles voient tout, savent tout… et nous racontent ici l’histoire de cette famille déstabilisée par l’arrivée d’un bébé handicapé. Celui-ci vivra dans cet écran de montagnes, à l’abri, sous leur protection et, surtout, sous la bienveillance de son frère aîné.



Clara Dupont-Monod, signe encore ici un livre magistral ! J’apprécie énormément la plume de cette romancière qui sait se renouveler et ne donne jamais le même schéma dans ses écrits. Avec « S’adapter », elle donne à réfléchir sur la différence, sur la famille, sur la fratrie. Connaissant un peu les Cévennes, j’ai pu reconnaître les traits de certaines personnes, la rudesse apparente qui les caractérise (apparente car, au fond, elles ont un coeur en or), certains paysages également. Je me suis coulée dans cette histoire comme la rivière dans son lit, j’ai vécu avec cette famille l’espace de ces pages…



Ce roman est un véritable coup de coeur !
Lien : https://promenadesculturelle..
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S'adapter

Quand un enfant différent, handicapé, nait dans une famille, c'est tout un équilibre qui est rompu. On pense toujours aux parents ; la littérature a souvent traité le sujet à travers leurs yeux, leur ressenti. Clara Dupont-Monod a pris le parti de le faire sous l'angle de vue, original, des enfants, qui ne sont ici jamais nommés autrement que par leur place dans la fratrie.

Il y a d'abord l'aîné, qui se sentira mis en responsabilité, celle de protéger l'enfant, au point d'en oublier sa sœur, de presque s'oublier lui-même.

Il y a ensuite la cadette, saisie par la colère à l'encontre de ce petit être qui la prive de l'attention de son frère et de ses parents.

Il y aura enfin le dernier, qui naîtra après, qui renouera le contact avec les uns et les autres tout en sentant peser sur lui le poids du souvenir de cet enfant différent

Et puis il y a l'omniprésence de la nature, de cette campagne cévenole qui sert d'écrin à ce drame familial.



Avec beaucoup de délicatesse, l'auteure traite dans ce court roman un sujet, le handicap, sans quasiment jamais en parler. Car si elle met l'enfant handicapé au centre de l'histoire, elle s'intéresse surtout aux conséquences sur la famille : le ressenti de la fratrie, les liens qu'ils vont, ou pas, créer ailleurs pour continuer à exister eux-mêmes (avec la grand-mère pour l'une, la nature pour l'autre, le travail avec le père pour le troisième).

Le narrateur, qui pourrait bien être la nature elle-même, nous décrit les vécus sous l'angle de vue de chacun des trois frères et sœur. Il le fait avec une sorte de recul, de détachement et de pudeur qui donnent encore plus de profondeur au texte.

Un roman "magnifique et lumineux" dit la quatrième de couverture. Je ne chercherai pas d'autre conclusion conclusion. Je suis tombé sous le charme...




Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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La Révolte

Aliénor et Henri, qui se détestaient cordialement, sont réunis pour l'éternité dans le même tombeau à l'abbaye de Fontevraud, cruelle ironie du sort pour celle qui fit la guerre à son royal mari !



C'était une époque intéressante où les rois d'Angleterre ne parlaient pas anglais, et c'est assez amusant de constater que l'Angleterre n'a finalement jamais été vraiment une ile, les rêves impériaux sont ancestraux. Petite chronique d'une autre mondialisation, on va très loin au pas des chevaux en cette fin de 12è siècle !



J'ai beaucoup aimé ce roman historique bien documenté, qui raconte cet épisode de notre histoire commune dans une très belle langue. Les personnages ont effectivement une excellente disposition pour la tragédie.



On se laisse emporter par la poésie du texte, la vérité des troubadours est aussi intéressante que celle sans cesse actualisée des historiens, vous ne trouvez pas ?



C'est Richard, le fils préféré d'Aliénor, qui raconte la révolte soigneusement couvée par sa mère par des années d'humiliations et organisée avec ses frères contre son père, désigné comme "le Plantagenêt". Quelle famille ! Un vrai drame shakespearien avant l'heure ! L'auteure fait de Richard un personnage torturé, explosif, cruel, en fuite, fasciné par l'Orient, loin de l'hagiographie de Walter Scott.



En creux se joue une dimension culturelle du pouvoir, entre la barbarie guerrière d'Henri impitoyable et répressif, et le raffinement d'un mode de vie nouveau, véhiculé par Aliénor, mécène d'artistes et importatrice des richesses de l'Orient, une autre manière d'agir sur le monde.



Ce portrait d'une femme de pouvoir et d'influence me plait beaucoup. Elle a "répudié" son premier mari, le roi de France, par calcul politique, à une époque où les princesses n'étaient que des terres et des ventres à échanger. Elle a fait apprendre à lire et écrire à ses filles. On lui doit de pouvoir lire encore nombre d'oeuvres littéraires mythiques. L'empire d'Henri, lui, s'est effondré.



Un livre dans les mains, la statue de son gisant montre une arme puissante, personne ne va le démentir sur Babelio.



















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