Valère Novarina à props de
L'opérette imaginaireInterview en plateau de l'écrivain et metteur en scène franco-suisse
Valère NOVARINA par Philippe LEFAIT, à propos de sa pièce "
L'opérette imaginaire". Interventions de
Max ROUQUETTE,
Claude JEANCOLAS et Stanislas NORDEY. Ils évoquent la conceptualisation des langages qui permettent l'expression et la
communication d'un artiste vers son public. Extraits de la pièce au Théâtre Bastille...
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Manet aimait à rappeler la réponse de Courbet à Daubigny qui le félicitait sur un paysage marin : "Ce n'est pas une étude de la mer, dit-il, cela représente une heure. C'est ce que les gens ne comprennent pas suffisamment, on ne peint pas un paysage, une vue de la mer, un personnage, on peint l'impression d'une heure de la journée".
"On avait appris, vaguement, par les révélations de la presse, que dans un certain café des Batignolles, un groupe d'hommes se réunissait autour de Manet. Or, pour le public, il ne pouvait se dire et se préparer dans de telles réunions que des choses bizarres. Les Batignolles avaient d'ailleurs paru aux Parisiens, de la ville en bas, un lieu fort bien adapté à pareille société, car habiter ou fréquenter ce quartier entraînait presque une idée de ridicule et donnait matière aux plaisanteries. Le tableau de Fantin venant représenter Manet et son groupe dans un Atelier aux Batignolles offrait au public et aux journalistes le qualificatif qu'ils attendaient en quelque sorte et qui répondait tout juste à leurs idées".
Avec le recul du temps, nous savons où sont arrivés ces jeunes peintres des Batignolles et quelle modernité ils ont engendrée : un rejet de l'artifice, de l'imaginé inauthentique - mensonge donc - pour une réalité vue, une autonomie de la peinture qui n'a plus besoin de sujet particulier pour être soi, une liberté d'expression, de nouvelles perspectives, de nouveaux cadrages, de nouvelles techniques, un travail vif qui traduit l'acte de création qui signe la personnalité de l'artiste dans ce non-fini de premier jet, une volonté de communiquer l'essentiel d'une sensibilité à l'autre sans le passage obligé du raisonnement ou de la culture comme habitude, une revalorisation du rôle et du sens de la couleur...
Les ombres ne sont pas noires ; aucune ombre n'est noire. Elle a toujours une couleur. La nature ne connaît que les couleurs... Le blanc et le noir ne sont pas des couleurs.
Pour bien marquer leur différence, les nouveaux peintres choisirent d'inverser la hiérarchie officielle des thèmes de la peinture : en tête arrivait la peinture d'histoire, ses dieux, ses héros, ses princes, puis le portrait en gloire et la peinture dite "de genre", petites scènes de la vie ordinaire, enfin au dernier rang, et méprisé, le paysage. On prima le paysage, on rejeta l'histoire, n'avait d'intérêt désormais que la vie qu'on voyait autour de soi.
Chaque maître de la peinture, chaque école avait son café, lieu de rendez-vous de ses fidèles. Dans cette seconde moitié du siècle la vie intellectuelle s'exprimait en toute liberté dans les cafés. Le café était pour les artistes lieu d'échanges, d'exaltations mutuelles, de diffusion des idées, hors de la sphère privée, l'atelier, à l'écart de l'institution publique que ces peintres fuyaient.
Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien ; la plupart des beaux portraits qui nous restent des temps antérieurs sont revêtus des costumes de leur époque. Ils sont parfaitement harmonieux, parce que le costume, la coiffure et même le geste, le regard et le sourire (chaque époque a son port, son regard et son sourire) forment un tout d'une complète vitalité.
Elle n'était pas au Guerbois car ce n'était pas digne pour une femme de la bonne société de s'exhiber dans les cafés, plus encore dans ce quartier populaire, populeux même des Batignolles, mais Berthe Morisot faisait partie du groupe. Elle rencontrait les Guerbois dans leurs ateliers ou les soirées plus raffinées, comme le jeudi soir chez Madame Manet mère.
Libre et amoureux de la nature, Rimbaud au cours de ces promenades sauvages invente ses plus doux poèmes, classiques, sans heurts, heureux.
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !