AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Clément Rosset (218)


Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réelle. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – « tolérés » jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs. (...)
Toutefois, ces formes radicales de refus du réel restent marginales et relativement exceptionnelles. L’attitude la plus commune, face à la réalité déplaisante, est assez différente. Si le réel me gêne et si je désire m’en affranchir, je m’en débarrasserai d’une manière généralement plus souple, grâce à un mode de réception du regard qui se situe à mi-chemin entre l’admission et l’expulsion pure et simple : qui ne dit ni oui ni non à la chose perçue, ou plutôt lui dit à la fois oui et non. Oui à la chose perçue, non aux conséquences qui devraient normalement s’ensuivre. Cette autre manière d’en finir avec le réel ressemble à un raisonnement juste que viendrait couronner une conclusion aberrante : c’est une perception juste qui s’avère impuissante à faire
embrayer sur un comportement adapté à la perception. Je ne refuse pas de voir, et ne nie en rien le réel qui m’est montré. Mais ma complaisance s’arrête là. J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, je maintiens mon point de vue, persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu. Coexistent paradoxalement ma perception présente et mon point de vue antérieur. Il s’agit là moins d’une perception erronée que d’une perception inutile. (...)
Dans le cas de Boubourouche, le fait qu'Adèle ait dissimulé un amant et le fait qu'il soit cocu deviennent miraculeusement indépendants l'un de l'autre. Descartes dirait que l'illusion de Boubourouche consiste à prendre une "distinction formelle" pour une "distinction réelle" : Boubourouche est incapable de saisir la liaison essentielle qui unit dans le cogito, le "je pense" au "je suis", liaison modèle dont une des innombrables applications apprendrait à Boubourouche qu'il est impossible de distinguer réellement entre "ma femme me trompe" et "je suis cocu".
Commenter  J’apprécie          20
Cette manière moderne d’ignorer Nietzsche par le biais d’un commentaire enthousiaste soit du fait que Nietzsche ne pense pas, soit du fait qu’il pense dans le sillage d’une modernité post-hégélienne, équivaut évidemment à une fin de non-recevoir (…) Il y aurait sans doute à s’interroger sur les causes d’une telle fin de non-recevoir, qui persiste près d’un siècle après la mort de Nietzsche. La raison fondamentale de ce rejet me paraît résider en ceci que tout discours totalement affirmateur, comme l’est celui de Nietzsche ou comme le sont ceux de Lucrèce et de Spinoza, est et a toujours été reçu comme totalement inadmissible. Inadmissible non seulement aux yeux du plus grand nombre, comme l’insinuait Bataille dans son livre sur Nietzsche, mais aussi, et je dirais plus particulièrement, aux yeux du petit nombre de ceux qu’on appelle les "intellectuels" .
Commenter  J’apprécie          10
C.R : Pour nombre de penseurs, l’enjeu de la philosophie n’est pas de changer le monde, ni de l’interpréter, mais plutôt de partir en quête de la sagesse, du bonheur. Ainsi, philosopher, c’est rechercher une bonne entente entre la réalité et soi-même.
Commenter  J’apprécie          50
C. R. : Ma phrase est un peu elliptique, elle signifie surtout qu’il est inutile de chercher à se connaître soi-même, pour la bonne et simple raison que c’est impossible.
Commenter  J’apprécie          20
C.R : J’ai tendance à penser que l’allégresse est l’état premier, le plus profond chez n’importe quel être vivant ; en tout cas, il en va ainsi chez moi. Cependant, il arrive que l’allégresse soit le résultat d’une mélancolie surmontée.
Commenter  J’apprécie          30
C.R : Rassurons-nous, tout va mal : c’est l’une de mes devises préférées.
Commenter  J’apprécie          20
C.R : La force des religions découle de leur puissance de suggestion et des arrière-mondes qu’elles échafaudent.
Commenter  J’apprécie          10
C. R. : Oui, les religions ont à mon avis leur source implicite dans la fabuleuse propension des hommes à refuser la réalité.
Commenter  J’apprécie          10
Ce serait un moindre mal de mourir si l'on pouvait tenir pour assuré qu'on a du moins vécu.
Commenter  J’apprécie          90
La force invulnérable de la pensée de l'ailleurs et de l'autrement consiste paradoxalement en son impuissance à se définir elle-même: à préciser ce qu'elle désire et ce qu'elle veut. Si ce qui est ici et ainsi peut donner à redire, ce qui se recommande de l'ailleurs et de l'autrement n'offre en revanche guère de prise à une critique qui, n'ayant aucun objet précis à critiquer, fonctionne nécessairement à vide. C'est pourquoi un propos contestataire est toujours, et par définition, incontestable.
Commenter  J’apprécie          21
Toute la force de l'être humain consiste en ceci : savoir que l'on va vieillir, souffrir et mourir, et être heureux en assumant pleinement cette pensée. Seul celui qui accepte le caractère inéluctable de la mort, si bien qu'il n'y pense même plus, sera capable de s'ouvrir à la plénitude de la vie.

Quatrième entretien. Nietzsche ou l'extrême optimisme, p. 79-80
Commenter  J’apprécie          150
Quand on vous jette une pierre dessus, ce n'est pas une idéée de pierre qui s'écrase sur votre figure.

Premier entretien. Le réel finit toujours par prendre sa revanche, p. 28-29
Commenter  J’apprécie          80
Qui triche aux cartes triche en tout.

La réussite, p. 41
Commenter  J’apprécie          40
Comment tire plaisir et vanité d'exploits qu'on sait parfaitement être imaginaires ? Suffit-il qu'on vous croie pour qu'on se croie soi-même ? Étrange absurdité.

La réussite, p. 40
Commenter  J’apprécie          00
L’obstination de cette mouche est surprenante. En général, une mouche que l’on pourchasse finit tôt ou tard par s’en aller d’elle-même, ou par périr sous vos coups. Il est vraiment singulier que je ne parvienne pas à la mettre hors de combat, d’une manière ou d’une autre. C’est, je crois, la première fois que je me trouve sans défense devant une mouche. Et je suis d’autant plus agacé que, cette mouche mise à part, tout va le mieux du monde pour moi : cœur, argent et affaires, comme disent les faiseurs d’horoscope. Mais il y a cette mouche qui, à elle seule, gâte tout.

La mouche, p. 14
Commenter  J’apprécie          10
Nous sommes dans l’incapacité foncière de définir notre identité personnelle, quelque mal que nous nous donnions pour y parvenir. Nous connaissons des aspects de notre moi, mais pas sa totalité. Nous ne nous saisissons que comme un assemblage de perceptions disparates. Je sais si j’ai chaud ou froid, si je suis en colère ou joyeux, si telle pensée ou telle chansonnette me trotte dans la tête. Il y a une collection de sensations et d’idées qui se promènent en moi.
Commenter  J’apprécie          50
Le peuple grec était plutôt superstitieux, les temples attiraient nombre de pèlerins et de gogos prêts à délier leurs bourses pour entendre la parole de l’oracle. La promesse de se connaître soi-même était avant tout une bonne réclame. On se fait beaucoup d’idées nobles, aujourd’hui, sur la sagesse delphique, alors que la Pythie en transe vous livrait des paroles obscures, payées à prix d’or, censées contenir des informations codées sur votre futur : telle était la fameuse connaissance de soi des Grecs.
Commenter  J’apprécie          00
Vous savez, ces histoires qu’on lit parfois dans les journaux : un homme ment à ses proches en prétendant avoir réussi ses examens de médecine, puis il se fait passer pour un brillant chirurgien, alors qu’en réalité il n’en est rien. Cela se termine en général très mal, par la prison ou le suicide. Les gens qui vivent dans la dette ou dans l’imposture nourrissent ce type de pensée du double. Ils font comme si le réel n’existait pas. La politique de l’autruche est du même acabit. Vous connaissez cette superbe réplique dans En attendant Godot : « Mais alors, quoi faire ? demande Vladimir. – Ne faisons rien, c’est plus prudent », répond Estragon. De toute évidence, l’inaction est imprudente, car le réel finit par vous rattraper.
Commenter  J’apprécie          00
Les gens qui vivent dans la dette ou dans l’imposture nourrissent ce type de pensée du double. Ils font comme si le réel n’existait pas. La politique de l’autruche est du même acabit. Vous connaissez cette superbe réplique dans En attendant Godot : « Mais alors, quoi faire ? demande Vladimir. – Ne faisons rien, c’est plus prudent », répond Estragon. De toute évidence, l’inaction est imprudente, car le réel finit par vous rattraper.
Commenter  J’apprécie          00
Le double a un caractère évanescent, il est sans contenu, et pour autant il nimbe le réel, il nous le cache. Le double est une illusion de pensée et non une pensée illusoire.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Clément Rosset (527)Voir plus

Quiz Voir plus

Fantômes

Dans quelle pièce de W. Shakespeare le héros est confronté avec le spectre de son père ?

Le marchand de Venise
Richard II
Hamlet
Titus Andronicus

10 questions
125 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}