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Critiques de Colin Niel (887)
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Entre fauves



°°° Rentrée littéraire #13 °°°



L’intrigue se déroule en parallèle sur deux territoires : les Pyrénées avec les vallées d’Aspe et d’Ossau ; et le Nord-Ouest désertique de la Namibie, le Kaokoland. Deux territoires où les hommes cohabitent avec de grands prédateurs, l’ours et le lion. Tout part d’une photographie comme on en voit passer régulièrement sur les réseaux sociaux : une très jeune chasseresse posant avec le lion qu’elle vient d’abattre. Colin Niel va décortiquer l’avant / après qui entoure cette photographie, révélant ce qui se cache derrière.



Il prend beaucoup de soin à caractériser la psychologie de ces trois personnages principaux : Martin, garde du parc national des Pyrénées, personnage dont on devine très vite la radicalité, hanté par la crise de biodioversité et par la défaunation en cours, hanté par la mort de Cannelle, la dernière ourse de souche pyrénéenne, découvrir l’identité de la jeune femme de la photo devient une obsession; Apolline la jeune femme donc; et Kondjima, jeune Himba qui a vu son troupeau de chèvres décimé par un lion solitaire, il a une revanche à prendre. Si Martin et Kondjima sont assez linéaires et stéréotypés et agissent tels qu’on l’imagine, Apolline est de très loin le personnage le plus intéressant, le plus nuancé, très loin des clichés de la tireuse sans conscience à la gâchette facile. C’est d’elle qu’arrivent une grande partie des surprises scénaristiques.



La mise en scène alternant le double arc narratif pyrénéen et namibien, ainsi que les points de vue des personnages, est très habile. On sent que l’auteur sait où il va, dévoilant les destins de chacun très progressivement avec une part d’imprévisibilité très plaisante qui culmine dans les deux derniers chapitres lorsque le tempo s’accélère. Les coups de théâtre dramatiques arrivent au bon moment dans cette course à la chasse où la proie n’est pas forcément celle qu’on imagine, où l’homme retrouve sa par de bestialité. On est clairement dans le thriller avec au cœur les passions humaines et leur déchaînement, explorant ce que chacun a dans les tripes et jusqu’au bout on peut aller pour défendre ses valeurs.



Avec des thématiques fortes sur l’extinction de la faune, la pression humaine sur la nature, le changement climatique ( errance du lion solitaire dans le désert de Namibie est causé par la sécheresse qui a décimé les troupeaux d’oryx et le pousse à se rapprocher des troupeaux domestiques pour survivre ) et le sujet très clivant de la chasse, le risque était de tombé dans un manichéisme lourdaud. Même si le personnage de Martin est assez caricatural, même si on sent que la sympathie de l’auteur va du côté des anti-chasse, son récit prend la mesure de toute la complexité de la situation, avec notamment le contrepied de la Namibie où des populations rurales très pauvres cohabitent très difficilement avec les grands prédateurs.



Ce roman a beaucoup de qualités, il n’empêche qu'il ne m'a pas totalement emporté comme le formidable roman précédent de l’auteur, Comme des bêtes. J’ai moins ressenti la tension, sans doute car les personnages m’ont moins accroché. Et puis, j’ai été refroidi par un procédé qui, à titre très personnel, m’exaspère toujours : l’auteur fait parler le lion, se place dans la tête du lion. Il a beau le faire avec tout son talent d’écriture, avec parcimonie aussi, l’anthropomorphisme est inévitable et cela a dérangé ma lecture.

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Seules les bêtes

Magistral, rude, virtuose, original, intelligent, ultra-réaliste , social , rural, journalistique ,

Ne passez pas à coté de cet excellent roman policier français ....



Tout commence avec Alice, jeune assistante sociale , hyper efficace, dont le boulot consiste à vadrouiller dans la campagne , rendre visite aux agriculteurs , leur expliquer à quelles aides , ils ont droit , leur faire un brin de causette, eux qui sont si seuls , si isolés .

"Un agriculteur se suicide tous les 2 jours ".

Puis , il y a Joseph qui élève des brebis à qui il parle plus souvent qu'aux femmes , depuis que sa mère est morte . Seul, immensément seul et isolé ...

Et puis il y a Michel, le mari d'Alice ,

et puis, et puis, deux autres personnages ...

Cinq personnages , en cinq chapitres, vous donnent leurs versions, vous content leurs histoires qui aboutissent toutes au même fait : une femme a disparu .

Sur le Causse, en plein hiver , Evelyne , riche épouse de 48 ans, faisait de la randonnée, et les gendarmes n'ont retrouvé que sa voiture .



Arrivée là dans l'histoire , je me suis demandée pourquoi sur cette couverture rouge , les éditions du Rouergue avait mis un jeune homme black , "♫sapé comme jamais"...

Je n'ai pas fait confiance... J'étais bête .

"Seules les bêtes" , c'est l'histoire de cinq personnages et cinq secrets... Cinq solitudes aussi .

♫ "Elle court , elle court la maladie d'amour ", du plateau des causses , à Paris, de la campagne à ... chhhuut .

On ferait n'importe quoi pour ne plus être seuls , pour aimer , pour être aimé , c'est Colin Niel qui le raconte, chaque personnage ayant une voix , une façon de s'exprimer particulière .

Et c'est juste magistral et virtuose et ...

Tellement réaliste et poignant .







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Darwyne

Darwyne Massily, dix ans, est né avec une malformation des pieds. Il vit avec sa mère Yolanda dans un bidonville relégué entre deux mondes, d'un côté la ville qui le repousse sur ses hauteurs, de l'autre, la forêt amazonienne de Guyane dont il faut sans cesse refouler la pression expansionniste. Yolanda semble une mère exemplaire, digne et courageuse, et l'enfant lui voue une véritable adoration, troublée de loin en loin par une succession de beaux-pères qui ne s'éternisent jamais longtemps avant de disparaître sans préavis. Un jour, l'aide sociale à l'enfance est alertée anonymement sur la situation de Darwyne...





Frêle silhouette contrefaite et boitillante se tenant toujours à l'écart, le taciturne et sauvage Darwyne ne présente aucun signe visible de maltraitance, et, même si sa mère en parle étrangement « comme [d']un animal » à « redresser », Mathurine, l'éducatrice des services de protection de l'enfance, devrait en toute raison classer sans suite son dossier. Elle ne peut cependant s'y résoudre et, décidant d'apprivoiser l'enfant, elle entreprend de l'approcher au travers de leur passion commune : cette jungle amazonienne que leurs semblables combattent comme un ennemi monstrueux, menaçant et grouillant, toujours prêt à reprendre ses droits, mais que tous deux aiment explorer, fascinés par ce monde vivant d'une richesse infinie.





Peu à peu, au contact de cette forêt bruissante et enveloppante, qui, tel un organisme vivant, vibre et respire, s'incruste dans le moindre interstice pour mieux repousser à peine défrichée, et, selon le regard, se pare d'une merveilleuse fantasmagorie ou prend les allures d'une hydre dévoreuse, se précise, en même temps que se craquellent les masques des personnages et que se révèle leur vraie nature, un antagonisme fondamental, socle du roman. Tandis que l'on découvre la cruauté cachée sous les dehors bien lisses de la mère et que Darwyne apparaît transfiguré, épanoui et à son aise dans une jungle-refuge où, loin du mépris normatif des hommes, il a su développer d'incomparables talents, le combat entre les misérables habitants du bidonville et la luxuriante forêt appuyée par les éléments déchaînés se fait le symbole de l'opposition entre civilisation et sauvagerie, hommes et nature, la barbarie n'étant pas forcément là où l'on l'attendait le plus.





Habité par cette forêt amazonienne quasiment élevé au rang de personnage fantastique, Darwyne est un roman déconcertant et fascinant, et surtout, un magnifique appel à la réconciliation de l'homme avec son environnement. A tenter avec autant de présomptueuse inconséquence de domestiquer la planète, l'on en oublie la miraculeuse beauté de ses mystères et le bonheur de vivre en harmonie avec le monde.


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Entre fauves

Encore une fois , mon libraire a frappé et , encore une fois j'ai cèdé . Non , ce n'est pas ce que vous croyez , il ne ME frappe pas pour " acheter " un livre , non , il " frappe " là où ça fait mal , en plein coeur , au milieu du siège " des émotions ", en plein centre de ma curiosité et , ben oui ....et , comme à la fête foraine , c'est " à tous les coups l'on gagne ! "

Bon , passons à l'heure du jugement ( non , pas le dernier , ma PAL étant encore consistante , ce serait du gaspillage ...) .Et ben voilà, une fois encore je vais devoir le reconnaître , mon libraire est digne de confiance .

Colin Niel , je connais un peu , mais je dois reconnaître que le bougre a plusieurs cordes à son arc ( si , si , vous verrez ) .On s'attend à une explosion d'actions et le récit se déroule tout simplement dans les Pyrénées et une province de Namibie ...Rien de bien " violent " . En France , on fait la connaissance de Martin , un garde chasse connu pour ses interrogations sur la biodiversité, la conservation du monde animal , la réintroduction de l'ours ...Un peu trop zélé, il lui arrive de déplaire à nombre d'élus ou de chasseurs , un peu moins à cheval sur les principes....En Namibie , on fait la connaissance d'une belle jeune femme blonde, Apolline , " fifille adorée de son papa " qui vient de lui offrir un somptueux cadeau , " une chasse au lion " , rien que ça ..Le papa " gagne très bien sa vie ", on s'en doute , son épouse est décédée d'un cancer et rien n'est trop beau pour apaiser son chagrin , d'autant plus que c'est une championne de " tir à l'arc " , arme redoutable s'il en est . le challenge est osé, " prélever Charles , neutraliser ce lion " qui commet trop de méfaits dans les troupeaux des tribus autochtones .Enfin , dernier personnage " important " Kondjima , un jeune Homba qui rêve de tuer le lion , porter l'honneur de sa famille , et épouser la belle Karieterwa , une Hueya qui partage son amour mais ...ne lui est pas destinée.....Voilà .

C'est autour de ces personnages et de leurs motivations que va s'articuler le récit , " une bombe " déclenchée par la parution d'une photo d'Apolline et de son trophée sur les réseaux sociaux .....Une photo bien malheureuse prise avec un téléphone perdu ....Ajoutons des ruptures temporelles assez faciles à suivre...pour corser le tout ...

La caractéristique de ce roman est bien de nous diriger vers des sujets brûlants de l'actualité. Colin Niel tape en plein dans le mille , là où ça va faire mal , ou ça va faire grincer des dents , entre coutumes " ancestrales " et " activités de loisir " de touristes " aisés " , décriées et sources de conflit . Au moins , là , on se trouve plongé au coeur d'un problème complexe qui nous concerne tous dans la mesure où la planète.....hélas ..

Le début est assez lent , bien documenté, intéressant, bien écrit, facile à lire , donc , mais on souhaite toutefois , au bout d'un moment , une " accélération " qui tarde un peu , même si les descriptions et scènes de traque ne lassent pas . Et puis , enfin , à une bonne centaine de pages de la fin , basculement dans l'action ...Place aux " règlements de compte " . "Entrée des artistes ", laissons les " fauves entre eux " . Vous le savez , il n'y a pire prédateur que l'homme .... le dénouement sera - t -il à la hauteur ? Vous le saurez en lisant les 340 pages de ce qui est , pour moi , un excellent roman .Mais ....vous n'êtes pas obligés de me croire , ce n'est là , que mon modeste avis ....
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Seules les bêtes

Je découvre Colin Niel avec ce roman chorale et je dois dire que j'ai été impressionné.

Impressionné pour commencer par la faculté de l'auteur à nous faire entrer dans la tête de ses personnages, impressionné par ce talent à créer une intrigue addictive qui ne peut se dévoiler que par touches subtiles et enfin impressionné par le style, efficace et sans effets superflus.

Nous avons dans ce récit une belle variation sur le thème du "battement d'aile du papillon", ou comment la vie de gens simples peut basculer sans préavis de façon irrémédiable.

Il y a Alice, l'assistante sociale, Joseph, l'éleveur de brebis, Maribé, une jeune marginale instable, Michel, le mari d'Alice et éleveur de vaches et enfin Armand dont je ne dirai rien ici pour préserver un certain suspense.

Je suis admiratif quant au procédé qui consiste à vivre et revivre les situations vues et ressenties par les différents personnages qui se croisent, chacun ayant sa vision et sa vérité, chacun ayant ses intuitions vraies ou fausses. Un procédé efficace pour garantir une tension constante et maintenir le lecteur dans l'incertitude.

J'ai aimé ce scénario qui nous fait vivre en cinq chapitres courts les débats intérieurs des personnages, ils ont en commun d'être mal dans leur peau et en constat d'échecs. C'est peu de dire que l'auteur va nous captiver avec le destin de ses personnages.

Il y a aussi l'occasion de s'instruire sur la vie dans le monde rural, ici les Causses et le métier d'éleveur, des sentiments qui balancent entre attachement à ses racines et absence de perspectives d'avenir, la vision désenchantée d'un monde entre espoir et inertie.

Il y a ces réflexions pertinentes sur la vie de deux mondes, ceux d'ici et les autres, c'est fin, subtil et instructif.

Et il y a enfin la montagne belle et omniprésente, elle est remarquablement mise en valeur dans ce récit, exigeante et implacable.

Bien qu'ayant été frustré par la fin, j'ai été emballé par cette lecture que je recommande vivement.

Pour finir je vais parler de la couverture qui n'a cessé de m'intriguer tout au long de ma lecture, je me suis demandé s'il n'y avait pas d'erreur, réponse dans les derniers chapitres ;)
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Seules les bêtes

Salon du polar Bloody Fleury 2017, j'arrive dès l'ouverture.

Les auteurs invités ne sont pas encore installés.

Je fais donc un petit tour de repérage rapide des tables de dédicaces et me dirige vers le coin librairie en prévision des achats que j'ai prévu.

Mon choix est bien déterminé, mais je me suis laissé quelques libertés concernant certains auteurs.

Me voilà dans un moment d'hésitation...

Un homme approche et vient juste à côté de moi.

Je tourne la tête et... je crois le reconnaître. Il est bien en face des livres de l'auteur que je pense avoir reconnu, en tout cas.

"-Bonjour ! Vous pouvez me conseiller ?

- On se connait ?

- (Oh merde... si ça s'trouve c'est pô lui?!!!???... J'ai pô l'air con moi maintenant...)

Euhhhhhhhhh....

(gloups... j'dis quoi ?! Comment je me dépatouille ???? Helppppp !!!!)

euh...Vous êtes bien auteur ???

(sueur tout partout...Dis oui ! please...)

- Oui ! Oui ! Je suis bien Colin Niel !

- (oooooooh ! Que c'est bon de respirer !!!!!)

Ah ! Vous m'avez fait peur ! (Quand même, hein ! Quelle frayeur...)

Alors, je vous écoute... Parlez moi un peu de vos livres ?"



Voilà, c'est en gros comme ça que tout a débuté.

Comment je me suis retrouvée avec Seules les bêtes entre les mains.

J'ai été immédiatement séduite par ce qu'il m'en a dit.

J'avais vraiment hâte de pouvoir le débuter !



Ce qui m'attirait ?

Juste le fait que ce soit un roman choral. Noir qui plus est.

Tour à tour, plusieurs protagonistes nous exposent leur version de l'histoire.

Et à partir de là, les jeux étaient faits !

C'est vraiment un genre que j'adore.



Imaginez...

Une disparition, des montagnes, des sentiers de randonnées, quelques fermes isolées, un monde rural où la solitude prédomine, où les hommes n'ont que leurs bêtes pour seule compagnie, en plein hiver.

Imaginez...

5 personnes qui ont un lien avec cette disparition.

Chacune leur tour, elles exposent leur version de l'histoire.

Chacune avec son vocabulaire, sa culture, ses émotions, son environnement, sa situation personnelle, professionnelle, ses conditions, ses pensées, ses croyances et ses coutumes, sa singularité...

Chacune avec ses failles, sa détresse, ses faiblesses, ses blessures, ses combats...



Colin Niel a fait un travail remarquable sur ses personnages.

J'ai vraiment eu l'impression de les avoir en face de moi, d'être leur interlocutrice. Je les ai vu vivre. Ils étaient tous là, bien réels.

Ce coin de montagne sauvage, le causse, cette campagne isolée, ce monde agricole, cette vie solitaire parmi les bêtes, j'y étais. Avec toute la rudesse de l'hiver par dessus le marché !

Même quand l'auteur nous entraîne vers un autre continent, je m'y croyais.

Niel est très habile pour nous projeter sur les lieux de son intrigue, nous faire voyager, planter un cadre, un décor, tout cela sans en faire des pages. C'est ce qui est particulièrement plaisant et admirable.



Un roman qui m'a donc énormément plu !

Que je vous invite à découvrir à votre tour.

Une intrigue qui m'a tenue en haleine.

Des récits qui s'imbriquent les uns aux autres, pour en faire une histoire saisissante.

Une construction virtuose...

Alors, bien sûr, beaucoup de coïncidences peut-être... Mais dans la réalité, Il y a des choses bien plus tordues, parfois...

Et il n'est pas rare que le hasard fasse le bien...ou le mal.

La force du destin...



Monsieur Colin Niel, vous faites dorénavant parti des auteurs pour lesquels je suis avec intérêt les prochaines sorties.

En attendant, comme vous me l'avez conseillé, je lirai Obia. Ca me fera patienter...

Merci encore pour tout ces moments que nous avons partagé. J'aime les gens passionnés.
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Entre fauves

Martin, garde au parc national des Pyrénées, s'inquiète, depuis plus d'un an, de n'avoir aucune nouvelle ni repéré une quelconque trace de Cannellito, le seul ours en liberté dans les montagnes. Profondément anti-chasse, il fait également partie d'un groupe sur internet, Stop Hunting France. Celui-ci traque tout homme ou femme dont la passion est d'aller tuer des animaux dans des pays lointains et les livre en pâture à la vindicte populaire. La dernière photo mise en ligne montre une jeune femme blonde, tenant un arc de chasse à bout de bras, postée devant un énorme cadavre de lion, au cœur d'un paysage de savane africaine. Pour Martin, cela ressemble à un flagrant délit de meurtre. Le voilà plus que jamais déterminé à découvrir qui se cache derrière cette chasseuse...

Quelques jours auparavant, Apolline, pour ses vingt ans, reçoit en cadeau, de la part de son père, non pas seulement un arc de chasse mais aussi une photo d'un lion. LE lion qu'elle ira chasser sur les terres namibiennes...

En Namibie, Kondjima, jeune Himba, alors dans la montagne avec son père et leurs chèvres, assiste, impuissant, au massacre du troupeau par un lion. Le jeune garçon a alors une revanche à prendre...



Dans ce roman choral, Colin Niel donne vie et voix à quatre protagonistes, le lion Charles, Martin, Apolline et Kodjima. Quatre personnages parfaitement dépeints, que ce soit leurs peurs, leur courage ou leurs faiblesses, et aux motivations pour le moins opposées bien qu'ayant toutes un rapport avec la chasse. Si cette dernière, qu'elle soit fondée ou non, est au cœur du roman, l'auteur interroge également sur le rapport de l'homme avec la nature, aussi bien en Afrique qu'en France. L'auteur entrecroise habilement son récit entre montagnes pyrénéennes et plaines namibiennes, entre proie et chasseur, entre locaux africains et touristes avides de trophées, entre lion et ours. Il pose également un regard neutre sur les motivations de chacun que le lecteur pourra appréhender. Magistralement mené, profondément humain, ce roman noir captive de bout en bout, de par sa force, sa singularité et sa plume acérée...
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Seules les bêtes

Une randonneuse disparaît, mystérieusement avalée par le causse, là où ne subsistent plus que quelques fermiers isolés, seuls avec leurs bêtes dans une vie de labeur ingrat qu’ils sont les derniers à n’avoir pas fuie. L’enquête piétine. Pourtant, plusieurs personnes qui se savent liées à l’affaire en sont à tirer discrètement leurs conclusions personnelles, à la lumière de leurs secrets respectifs. Il leur manque toutefois la pièce principale du puzzle, cachée bien loin de leur bout de terre oublié.





Au village, où superstitions et vieilles histoires ne demandent qu’à revivre, les langues vont bon train, mais ceux qui savent, ou croient savoir, se taisent. Ils sont cinq, suffisamment embarrassés pour n’avoir aucune envie de s’épancher auprès des gendarmes, à connaître chacun un aspect de la tragédie sans pouvoir tout s’expliquer. A travers leurs récits, qui, un à un, nous font pénétrer au coeur de leurs propres drames à défaut d’élucider tout de suite celui de la disparition, revient, en lancinant leitmotiv, une effroyable solitude, vécue au sein de couples bancals, ou, le plus souvent, au seul contact de leurs bêtes par ces fermiers veufs ou restés célibataires, accrochés comme les derniers des Mohicans à une terre désormais si peu nourricière qu’elles les usent jusqu’à la corde de la pendaison, s’ils ne finissent pas un jour par partir à leur tour. Alors, avant que cet isolement ne les terrasse tout à fait de désespoir et de folie, tous tentent de faire face à leur façon, cherchant l’amour et l’affection là où ils le peuvent, ou bien là où certains les emmènent…





Habilement construit autour de personnages campés en profondeur, le récit fait aisément oublier une ou deux improbabilités pour nous emporter au bout de la curiosité, vers un dénouement plein de surprises et non dénué d’humour. Si la tension ne faiblit jamais, rendant le texte addictif de bout en bout, ce sont la qualité des portraits et la restitution du désespoir de ces petits agriculteurs, écrasés de travail et de solitude pour survivre à peine, avant la très ironique description de l’exploitation de cette détresse par d’autres plus misérables encore, profitant autant qu’ils peuvent de leur emprise jetée par-dessus les continents, qui sortent définitivement du lot ce roman choral noir, quasi sociologique.





Une histoire que n’aurait sans doute pas reniée Franck Bouysse, et qui, du coup, m’a volé mon coup de coeur, tant je m’y suis prise de nostalgie pour la plume de cet autre auteur. Pourtant, dans un style très différent, celle de Colin Niel brille agréablement de justesse et de malice.


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Seules les bêtes

Évelyne Ducat, femme d'un notable du coin parti faire fortune à la capitale et revenu s'installer au pays, a mystérieusement disparu. Au village, cela en fait causer plus d'un. Certains vont même jusqu'à supposer que c'est la tourmente, ce vent d'hiver qui se déchaîne parfois sur les montagnes, qui l'a emportée, comme autrefois. En cette mi-janvier, alors que l'hiver s'est rudement installé, c'est le lendemain de la disparition de cette femme qu'Alice a appris la nouvelle par son amie et collègue, Éliane, assistante sociale elle aussi qui apporte son aide aux paysans du coin. Une nouvelle qui ne l'ébranle guère, Alice étant plutôt soucieuse aujourd'hui du comportement de Joseph. Celui-ci, éleveur de brebis habitant dans un hameau, tout là-haut, dans une grande maison caussenarde, dépressif et isolé depuis la mort de sa mère, est devenu son amant. À force de visites régulières, elle en est tombée amoureuse mais aujourd'hui il ne veut plus d'elle. Alice est bien loin de s'imaginer que ce dernier peut être impliqué dans cette disparition dont on parle à la télé....



Une femme disparaît et c'est la vie de plusieurs personnes qui va s'en trouver bouleversée, depuis le cœur de ce village jusqu'en Afrique. Colin Niel tisse sa toile autour de cette disparition et, tel le vent, glacial, s'engouffre dans les tréfonds de l'âme humaine et saisit le cœur des hommes pour les dévoiler. Notamment ces cinq personnes qui se savent directement ou indirectement lié à cette étrange disparition et qui, tour à tour vont prendre la parole et se mettre à nu. Des amours cachés, des rancoeurs, des jalousies, des désillusions, des rêves ou encore des chagrins. Toutes ont un secret, pour certains inavouables. L'auteur se glisse parfaitement dans tous ces personnages, écorchés et fouillés, changeant l'intonation et le phrasé, créant ainsi l'illusion. Il dépeint méticuleusement les décors, que ce soit ces terres du causse, arides et ingrates, ces montagnes écrasantes ou ce village africain aux mille croyances.

Un roman choral saisissant, habilement construit et mené, une intrigue vertigineuse et cinq voix inoubliables.
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Les hamacs de carton

Fraichement débarqué de la métropole, le capitaine André Anato, de la Section de Recherche, retrouve ses terres natales, en Guyane, qu'il a quitté enfant. D'origine Ndjuka, une des trois communautés de Noirs-Marrons, il espère renouer avec les siens. Mais, pour l'heure, c'est la découverte de trois cadavres, une maman et ses deux enfants, qui occupe ses pensées. Comment une famille entière, qui vivait à l'écart du village, a-t-elle pu s'effacer en une nuit ? Les circonstances de la mort sont floues, pas de sang, pas de violence. Et c'est avec le lieutenant Vacaresse qui restera sur place, à Wetisoula, qu'Anato, qui lui retournera à Cayenne, va mener son enquête. Une autre affaire en cours, le meurtre d'une jeune fille assassinée d'un coup de couteau dans les rues de Kourou, serait-elle liée ?



Colin Niel, qui a vécu quelques années en Guyane, nous emmène sur ces terres, le long du fleuve Maroni. Une mère et ses deux enfants décédés dans d'étranges circonstances, une jeune fille assassinée, une femme que l'on retrouvera bientôt au fond d'un ravin. Autant d'enquêtes dont devront s'occuper le capitaine Anato et les lieutenants Vacaresse et Girbal. Outre ces affaires policières, c'est tout un territoire méconnu et peu exploité dans ce genre de littérature, avec ses croyances, ses rites et son histoire, que l'auteur nous dépeint. Nous sommes plongés au cœur du quotidien des Noirs-Marrons, notamment la communauté des Ndjukas. À travers cette enquête, l'on découvre leurs histoires d'identité et de territoire, leurs problèmes économiques et la difficile cohabitation entre communautés. Ce roman, à la fois policier et social, se révèle original et nous plonge dans une ambiance dépaysante et un brin envoûtante.
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Darwyne

Un petit bijou de roman noir , trés noir écrit par un auteur de talent qu'il est bien inutile de présenter .

Lui , c'est Darwyne , jeune garçon de dix ans au handicap si particulier qu'il en deviendra un atout...ou un inconvénient selon le point de vue .Sa mère , c'est Yolanda , belle à en tomber , attirant les hommes , tous ensorcelés ,et semblant les"jeter" aussi vite . Tous disparus brutalement .La preuve ? Johnson , c'est le huitième à céder à ses charmes , à renoncer à toute activité avec les autres habitants infortunés du bidonville de Bois Sec , hameau ou plutôt ilôt de misère coincé entre la ville et la forêt amazonienne ...Il y a ces trois personnages et Mathurine , une éducatrice de la protection de l'enfance , une personne complexe , en mal d'enfant et chargée de savoir ce qui pourrait bien porter préjudice à Darwyne . Sa mère ? Ses beaux - pères ?

Tâche ardue .Rien . Rien . Et si la forêt venait mettre son " grain de sel " dans toutes ces interrogations ? Et si les animaux ...?

Il faut dire qu'elle est fascinante cette forêt , profonde , mystérieuse mais ...personne ne'ose s'y aventurer , alors ?

L'histoire est addictive , racontée avec talent , le rythme va crescendo jusqu'à un final aussi inattendu que proche du fantastique.

Un régal pour les amateurs du genre et , sans doute aussi pour tous ceux qui aiment pénétrer dans des forêts aussi obscures que l'âme humaine .

Le gamin , il s'appelle Darwyne . Je vous dis ça comme ça , ça m'est passé par la tête ....

Allez , les amis et amies , l'histoire vous plairait bien ? Moi , j'en suis ressorti indemne et je n'ai pas envie de tenter le diable en y retournant avec vous . Pourtant , Yolanda , c'est mieux que le petit tailleur qui"en avait eu 7 d'un coup ", vous vous souvenez ? . Elle , c'est 8 à la suite .... Et tous ...disparus ...

Alors bon courage et à bientôt .On se retrouve dès que possible .... si possible !

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Darwyne

Magnifique ...

( et j'ai envie d'ajouter : comme tous les romans de Colin Niel...)



Parce qu'à partir d'un fait “banal”, en Guyanne , une énième "enquête" d'une employée de la Protection à l'Enfance, (cette fois-ci , à propos d'un signalement anonyme effectué sept mois plus tôt ), Colin Niel dépasse son sujet . Il en fait quelque chose de plus grand, quelque chose d'infini, de presque magique et pour cela , il est aidé par trois personnages ultra charismatiques du point de vue littéraire



Tout d'abord , Darwyne, un garçon de dix ans dont la vie est loin d'être un long fleuve tranquille.

Cet enfant habite sur le flanc d'une colline, dans un carbet (une sorte de cabane faite de bric et de broc), dans un bidonville où sont rassemblés tous les miséreux, envahie par la végétation . Et comme il faut bien réparer l'habitation, il faut bien repousser cette forêt , Darwyne, subit la présence de beau-père 1, beau-père 2... jusqu'au n° 8 ; qui tous “arrivent comme par magie et disparaissent aussi vite ”qu'ils sont rentrés dans la vie du garçon et sa mère. Sa mère qu'il aime à la folie, et dont il voudrait bien être aimé en retour.



Et puis , il y a Mathurine, assistante sociale qui doit enquêter pour savoir si elle peut laisser Darwyne dans cet environement -là, avec ce dernier beau-père, le "number 8" . Mais l'enfant ne lui facilite pas la tache. Il n'est pas facile, il ne communique pas avec les gens, n'a pas d'amis à l'école. Son refuge, c'est la forêt amazonienne dont il connait chaque bruissement, et ça tombe bien, parce que Mathurine, la forêt , c'est sa passion, aussi.

Respect. d'un côté, fascination, de l'autre, Darwyne va livrer de lui-même , un peu plus qu'il n'aurait voulu...



C'est une histoire formidable que nous conte Colin Niel, étrange et si originale, inspirée d'une "créature forestière et magique bien connue des peuples d'Amazonie, Maskilili". On est entre enquête "policière", roman noir, magie et genre fantastique.



La forêt, territoire méconnu est un décor immense, elle est aussi perçue par le lecteur, comme le troisième " personnage" de part sa présence envahissante et inquiétante. Un décor qui avance "gloutonnement" , qui envahit, qui donne asile, qui dissimule, qui protège, qui avale, qui recrache...



Le lecteur découvre des personnages , mais aussi des conditions de vie : la débrouille, un territoire méconnu qui n'a livré qu'une partie de ses trésors (faune et flore), un métier (protection de l'enfance) qui manque de “bras”.



Elle est passionnante cette assistante sociale généreuse, elle prend des risques à aller et venir tôt le matin, dans la nuit, à poser des questions sur des disparus, des gens qui n'ont peut-être pas envie qu'on s'intéresse à eux de trop près...

Elle est touchante, cette Mathurine, à vouloir un enfant alors qu'on lui dit qu'elle est trop vieille .

Elle est formidable dans son approche, dans son “apprivoisement ” de Darwyne.



Et quand s'affiche le mot FIN, on espère que tout ce petit monde va s'en sortir, quel que soit ce qu'on entend par là...Parce qu'une fois terminé, son livre, Colin Niel vous aura fait voir les choses autrement, le bien et le mal différemment , Colin Niel vous aura retourné le cerveau ! Ça fait cet effet-là, la forêt amazonienne, à moins que ce ne soit le petit Darwyne, dix ans qui voulait tellement être aimé. Quel personnage !



Un coup de coeur...
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Entre fauves

Un garde pyrénéen qui (bien sûr) déteste les chasseurs. Une jeune tireuse à l'arc qui aime passionnément son (riche) papa et la chasse. Deux personnages dont l'antagonisme de classe et de valeurs amène une réflexion intéressante sur la chasse et le rapport de l'homme à la nature. Toutefois, une réflexion rendue un peu agaçante par l'anthropomorphisme — Charles, le lion, pense — et quelques clichés auxquels s'ajoute une impression de déjà vu avec Animal de Sandrine Collette.



Néanmoins Colin Niel nous embarque dans deux traques impressionnantes. Et dans sa volonté d'éviter le manichéisme, pendant tout son récit regarde des deux camps. Ainsi les anti chasse tel Martin le garde ne sont pas exempts d'excès et les défenseurs des animaux, comme les ours réintroduits dans les Pyrénées accusés par les bergers de tuer leurs bêtes, voient leurs arguments invalidés en Afrique alors qu'un lion namibien tue chèvres et vaches et menace à terme les populations. La vie des hommes, plus précieuse que celle des fauves, justifie évidemment l'élimination des animaux tueurs.



Pour ce qui est du militantisme en faveur du respect de la nature on ne peut que suivre Colin Niel surtout quand, d'une écriture fluide avec une vraie tension allant crescendo, il nous immerge dans une nature pyrénéenne et namibienne magnifique.



« Cannelle, c'était la dernière ourse de souche purement pyrénéenne, la mère de Cannellito, qu'elle avait eu avec Néré, un mâle slovène réintroduit qui depuis avait quitté le Béarn pour les Pyrénées centrales. L'histoire de sa mort, je la connaissais comme tout le monde dans la vallée, comme les collègues. Ils étaient six. Six chasseurs de sangliers »

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Darwyne

Darwyne Massily vit seul avec sa mère, Yolanda, qu'il aime par-dessus tout, dans un minuscule carbet accolé à la jungle, sur les hauteurs de la colline de Bois Sec. Seuls tous les deux quand les beaux-pères, qui se succèdent, ne finissent pas disparaître sans même dire au revoir. En ce dimanche, de retour chez eux après la messe, en voyant la quantité de blaff cuisiné, le jeune garçon devine déjà que tout va à nouveau recommencer. Aussi n'est-il pas surpris d'entendre le portail crisser et de voir apparaître la silhouette d'un homme. Il sait que ce Jhonson, le beau-père huit, va venir habiter avec eux...



Mathurine est éducatrice spécialisée à la protection de l'enfance. Quand elle n'est pas en charge des nombreux dossiers qui trainent sur son bureau, elle n'aime rien moins que de se balader en pleine forêt. Aujourd'hui, elle s'empare d'un nouveau dossier : Darwyne Massily. Il y a 7 mois déjà, un appel anonyme a été passé au 119. Sans être précis, l'homme en ligne affirmait que quelque chose n'allait pas là-bas. Ses courriers ne recevant aucune réponse, ni ses tentatives d'appel, Mathurine décide de se rendre à Bois Sec. Mais le garçon est insaisissable et peu loquace...





Colin Niel délaisse, cette fois, la Guyane et nous embarque quasiment en pleine forêt amazonienne... Une forêt que Darwyne, 10 ans, a presque fait sienne tant il y évolue avec assurance et calme, lui, l'enfant boitillant à cause de ses pieds qui rentrent, lui, dont tout le monde aime à se moquer. Outre la forêt, le garçon voue un amour inconsidérable, éperdu à sa mère, Yolanda. Une femme droite, rigide, courageuse qui peine à aimer son fils. Elle qui, pourtant, n'en manque pas tant les beaux-pères se succèdent dans leur minuscule carbet. L'arrivée de Mathurine, cette femme dynamique et grande marcheuse, qui tente par tous les moyens d'enfanter, va bouleverser cet équilibre précaire. Ce roman, aussi envoûtant qu'inquiétant parfois, nous plonge dans une atmosphère étrange, un brin fantasmagorique où les hommes et la nature cohabitent. Si l'immensité de la forêt amazonienne, véritable personnage à part entière, nous enveloppe de par son omniprésence, son foisonnement et ses mystères, celui de Darwyne, ce garçon si étrange et particulier, nous touche et nous émeut autant qu'il semble fasciner Mathurine. Un roman aussi fascinant que déroutant, d'autant que l'épilogue, malgré quelques indices voilés, nous cueille par surprise...
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Seules les bêtes

Dans Seules les bêtes, écrit par Colin Niel, le début de l'histoire ressemble à une chronique de faits divers presque ordinaire. Une femme, Evelyne Ducat, a disparu, on retrouve sa voiture abandonnée, en pleine campagne, au départ d'un sentier de randonnée. Tiens, me direz-vous, encore un polar. Ça y ressemble en effet de très près, et pourtant j'ai trouvé ce roman totalement atypique et bien éloigné des codes du genre.

Nous sommes dans une région de basse montagne, quelque part dans un des causses du Massif Central. Nous n'en saurons pas plus sur le lieu.

Cinq personnages en quête de sens, vont intervenir, l'un après l'autre et construire le récit comme un puzzle, chacun apportant son histoire, sa musique, sa petite pierre à l'édifice, ses doutes et donc forcément les nôtres aussi au fur et à mesure que le récit se déroule, se noue et se dénoue.

C'est une polyphonie à cinq voix qui se répondent. Ce sont des voix différentes, sans doute dissonantes et au bout du récit qui nous mène presque au bord d'un abime, non plus en plein causse mais vers un tout autre vertige, celui au plus profond de l'âme humaine, nous entendons en effet une chorale, c'est-à-dire quelque chose d'harmonieux, même si la douleur s'y mêle.

Les histoires se croisent, c'est comme un écheveau à démêler entre les pages qui défilent sous nos doigts ahuris.

Ici donc ce sont les causses, une France rurale, oubliée, dont on parle de temps en temps pour dire la misère sociale, les faillites des exploitations agricoles, la dépression, l'alcoolisme, les suicides des paysans. On en parle de temps en temps au hasard d'un reportage dans un magazine, à la radio ou à la télévision, l'investigation d'un journaliste, on s'émeut ; pour beaucoup d'entre nous, nous venons de ce milieu rural par le biais de nos aïeux proches ou lointains. Ici par chez moi en Bretagne, dans certains lieux, c'est un lien encore très fort avec le passé de chacun d'entre nous.

On en parle, on s'émeut et puis on oublie...

C'est habilement construit, on comprend au fur et à mesure du récit quelques petits détails dont on n'y avait pas prêté attention au départ, comme l'écho d'une pierre qu'on a jeté au fond d'un puits, rien que pour voir, rien que pour entendre et qui revient à la surface de l'onde longtemps après, tranquillement, inexorablement.

Ce sont des plateaux avec quelques bêtes qui pâturent, le paysage est à la fois rude et sublime dans son immensité. Les quelques fermes qui y subsistent sont occupées par des hommes qui y vivent le plus souvent seuls ou bien parfois il y a encore la présence d'un parent, une mère le plus souvent lorsqu'il n'y a plus qu'un seul parent. Allez savoir pourquoi...

Bien sûr il y a l'intrigue, mais on l'oublierait presque tant ses cinq voix sont désespérées. Elles se croisent, s'évitent au début et puis finissent par faire écho l'une à l'autre, s'entrechoquer. Ici il est question d'amour, de solitude, d'isolement, de fragilité, de dépression, de désespoir... Le ciel paraît brusquement bien lourd pour porter les rêves abîmés de celles et ceux qui tendent les bras une dernière fois vers cette clarté éphémère. Ce vertige est au fond de chaque personnage et les fait vaciller à chaque instant plus près encore du vide sidéral.

Colin Niel ne ménage pas notre sérénité. Nous sommes tout le temps happé par ce récit haletant et inventif.

La fin est déconcertante, poignante aussi, nous ramène à la misère sociale.

C'est le premier livre que je lis de Colin Niel. Je l'ai découvert à la faveur de la sélection du prix Cezam 2018. J'aime beaucoup ce prix car il met en lumière de petites maisons d'édition qui ne sont pas toujours médiatisées et c'est très bien ainsi, mais elles ont justement besoin de nos mains, de nos yeux pour vivre, et de nos mots pour transmettre à d'autres lecteurs, inconnus ou fraternels, l'envie de découvrir quelques pépites merveilleuses et insolites.
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Entre fauves

Une fois encore, Colin Niel nous transporte ailleurs...

Une fois encore, il étaye ses propos par une documentation riche et je ressors de cette lecture, plus instruite .

( Plus instruite sur un sujet qui au départ, ne m'intéresse pas, à savoir la chasse ).

Seulement voilà, j'ai entendu Monsieur Niel à la radio, expliquer qu'avant de commencer ce livre, il a passé du temps avec des professionnel des parcs nationaux , avec des anti-chasse et aussi... avec une chasseuse de gros animaux. Une de celles qui vont claquer du pognon, en Afrique pour assouvir je ne sais quelle pulsion meurtrière en abattant un lion, ou autre animal magnifique en voie de disparition...

Et il en parlait tellement calmement , et il a dit qu'il avait essayé de ne pas prendre parti en temps qu'écrivain, en concentrant sur le personnage tous les défauts du monde , que je me suis demandée comment il avait réussi ... du coup j'ai eu envie de lire ce roman ( que de toute façon j'aurai lu, vu que depuis "Seules les bêtes", je tiens cet auteur en grande estime, et que je lis tout...).



Et Colin Niel continue d'explorer les mêmes maux, les mêmes méandres de l'âme humaine, le même effet domino...

Il nous parle de nous, habitants des pays riches , et de l'effet dévastateur que peuvent avoir nos décisions, nos "hobbies", notre confort, notre richesse, sur le reste du monde , en l' occurrence , l'Afrique. Et comment parfois, ça nous "pète" à la gueule...



- Parce qu'elle vient d'une famille riche , parce que son papounet d'amour l'aime à la folie, et qu'il est persuadé qu'elle est la meilleure chasseuse du monde , Apolline se voit offrir pour ses 20 ans, un billet d'avion pour la Namibie et un lion qui va avec...

Tel un vulgaire sac à main, Apolline, aura comme cadeau d'anniversaire, le droit , l'immense honneur et privilège de tuer un lion !

[ Oui, vous avez bien lu...Si mes souvenirs sont exacts, c'est 50 000 €, plus pour un éléphant...].

- Parce qu'il est garde-forestier dans les Pyrénées, un peu revenu de tout, et surtout de la façon dont les politiques gèrent l'écologie, Martin est inscrit sur un site anti-chasse , et voit passer la photo d'Apolline devant son trophée mort, sur les réseaux sociaux. La chasse à la chasseuse n'a pas commencé, personne n'arrive à trouver son identité. Mais Martin n'a rien à perdre, Martin est à bout...

- Parce que le lion a tué quatre-vingt-treize chèvres de son berger, de père et les a, ainsi, condamné à la pauvreté. Parce que cela le ferait bien voir du père de sa dulcinée. Pour toutes ces raisons, le jeune Kondjima, aimerait tuer CE lion , et pas que cet honneur revienne à la française très riche qui vient d'arriver, et qui a toute une équipe à son service pour l'aider à pister le lion.

Les riches et les pauvres. Les puissants et ceux qui ne sont rien. Ceux qui ne pèsent pas lourds dans la balance des décisions, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs.

Le chaud et le froid. L'Afrique et les Pyrénées...

Les chasseurs qui tuent par plaisir et caprice et ceux pour qui, c'est une question de survie .

Les politiques, les écologistes , les chasseurs, les anti-chasse, et la façon dont tout ce petit monde cohabite, entre en interaction, se déteste, ou est forcé de coopérer...

Et l'effet domino.

Colin Niel est très fort en démonstration de l'effet domino. Un virtuose...

Et une fois encore, son livre, m'a touchée en plein coeur...♫ Bang Bang...♫

Apolline , je la déteste...
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Sur le ciel effondré

.

Série Guyanaise ...Tome quatre ... clap !

.

Impossible de ranger ce livre sans venir partager ce grand moment de lecture .

Les trois tomes précédents m'ont beaucoup plu , surtout " Obia" qui m'a subjuguée et , ... même ressenti pour " Sur le ciel effondré " !



D'abord , un mot pour l'ensemble . L'oeuvre met en scène les différentes ethnies guyanaises , et , autour de thèmes divers , se trament des intrigues , des drames , des scandales politiques , écologiques . Mais , toujours au premier plan surgit la misère sociale d'un territoire français rongé par des profits mafieux et la criminalité .

Et , ce récit met l'accent sur un fléau : le suicide des jeunes , désespérés par l'absence d'avenir .



Les populations se concentrent sur la côte atlantique et c'est à Cayenne qu'est basée la brigade du capitaine Anato .

Mais cette fois , les enquêtes vont le conduire au coeur même de la forêt amazonienne , vers Maripasoula dans le Haut-Maroni.



A quelques jours de pirogue survivent des villages d'amérindiens , fervents défenseurs de la nature originelle , toujours empreints de leurs croyances ancestrales mais , leur terre est gorgée d'or ...

Voici donc le nerf de la guerre : l'orpaillage , clandestin ...ou non !



L'occasion est donnée pour s'infiltrer dans la jungle avec Anato qui d'ailleurs peut s'appuyer sur une adjudante aussi atypique que méritante .

A nouveau , le travail d'investigation de l'équipe se fait au côté des ndjukas, wayanas ou alukus sur les bords du Maroni ou au coeur des bidonvilles .



Un récit d'une richesse inouïe qui mêle thriller , ethnologie , aventure , histoire le tout ponctué de temps à autre par un humour savoureux , de moments de tendresse , d'amour et de pureté.



J'ai lu les trois premiers volumes dans le désordre sans problème mais , je dois dire que cette fois , j'ai apprécié d'avoir "Obia " en tête , même si ce n'est pas la suite .

Bien sûr , on retrouve la même trame et son héros principal , Anato . Mais , c'est sa personnalité qui donne vraiment du sens à l'ensemble et sa présentation est plus fouillée dans " Obia ".



Encore une fois , je salue l'immense travail d'investigation de l'auteur qui sait si bien allier divertissement et information . Il nous livre quelques secrets de ce lointain territoire français pour mieux le connaître malgré sa complexité .



Passionnant .

Cinq cents pages qui se dégustent et j'en redemande !



Toujours au sommet , Monsieur Niel ...



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Les hamacs de carton

Le commissaire Anato arrive de la métropole pour prendre un poste en Guyane. Originaire de la région, son retour n'est pas étranger à sa quête identitaire. Mais à peine débarqué, l'heure n'est pas à l'introspection, il a cinq morts dont celles deux enfants à élucider. Enquêtant sur les rives du Maroni, où sont encore bien vivantes les coutumes des Noirs-Marrons — sorcellerie, rituels funéraires, culte des ancêtres — et loin du fleuve, parmi les autres communautés guyanaises et les immigrés brésiliens, surinamiens, Haïtiens, dominicains, il va devoir dépatouiller le vrai du faux.



Roman policier, roman social aussi, Les hamacs de carton nous plonge dans un monde complexe. Les problèmes économiques, la cohabitation des différentes ethnies et nationalités, l'administration de la métropole qui applique les lois de la République sans nuances, sont parmi les nombreuses difficultés rencontrées par les Guyanais. Dans une ambiance envoûtante (même si l'écriture est parfois naïve), un contexte parfaitement restitué par Colin Niel qui sait de quoi il parle puisqu'il a vécu en Guyane. Une belle découverte.



Challenge MULTI-DÉFIS 2018

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Sur le ciel effondré

" Atterrissage immédiat du vol X , en provenance de Guyane... ".



C'est un peu comme cela que je me sens ce matin, après avoir refermé les pages de ce roman majestueux ...

Dépaysée, la tête pleine d'images fantastiques, riche de mille anecdotes, l'impression de revenir de très loin....

Quatrième tome d'une série mettant en scène quelques gendarmes : des blancs mutés en Guyane et puis deux " noir-marron" ( l'adjudante Angélique Blakaman, défigurée dans une attentat où sa conduite lui a valu une décoration, et puis le capitaine Anato, qu'on ne présente plus ).

Un adolescent Wayana qui disparaît, un infirmier français tué lors d'un cambriolage, des orpailleurs, des croyances ancestrales qui reculent face à l'évangélisation et la politique pratiquée par la si lointaine Métropole .

Et puis, et puis , la nature à perte de vue...

La nature qui s'étale à l'infini, la nature vierge de toute trace humaine, la nature qui vous coupe le souffle...

Et puis la violence des hommes dans cet endroit du monde où afflue tant de gens venus d'ailleurs.

Et puis la mondialisation, la "modernité"...

L'identité d'un peuple peu à peu rongée par le " progrès"...

Tant de choses qui nous sont racontées par le si talentueux, Colin Niel., comme un reportage sur la Guyane servi par une histoire policière , doublée d'une plume magnifique.

Richesse de la documentation . Sérieux . Des enquêtes qui tiennent la route, des personnages travaillés et charismatiques, qui se débattent entre deux cultures, deux loyautés...



En trois bouquins , Colin Niel est devenu un de mes auteurs préférés .

Ne passez pas à côté de ce voyage en première classe...

( PS: commencez par le 1° tome : " Les hamacs de carton" )



Challenge Mauvais Genres
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Darwyne

Si ce roman ne manque pas de qualités je ressors néanmoins de cette lecture avec un avis partagé. Je m’attendais à un roman policier pur jus or ce n’est pas le cas, c’est un roman noir certes, mais davantage social que policier à mon goût, il ne prend une tournure policière qu’à la toute fin.



Il y a peu de suspense et de surprises dans ce roman d’atmosphère à l’ambiance dérangeante comportant des scènes parfois sordides.



Pour ce qui est de l’histoire on suit l’enquête sociale menée par une éducatrice spécialisée Mathurine après que la situation préoccupante d’un enfant de 10 ans, Darwyne, a été signalée par un appel anonyme. L’enfant vit avec sa mère dans un bidonville jouxtant la forêt amazonienne. Voûté, solitaire, la démarche claudicante en raison d’une malformation du pied, cet enfant sauvage fait tout pour se faire oublier.

Dans le cloaque où il réside avec sa mère, un « carbet » minuscule et insalubre, l’étrange Darwyne a du mal à faire sa place d’autant qu’un défilé de « beaux-pères » entame sa relation avec sa mère Yolanda qui le compare à un animal et s’acharne à le « redresser » « pour son bien ». L’enquête mènera Mathurine au fin fond de la forêt d’Amazonie mais aussi de la noirceur humaine…

Malgré un début prometteur, même si certains passages sont très beaux et les messages sous-jacents intéressants, j’ai trouvé le récit un peu poussif, gangrené par des redondances et des personnages selon moi trop caricaturaux pour être tout à fait crédibles.



Reste à saluer les descriptions marquantes de cette immense et luxuriante jungle, tantôt protectrice, tantôt menaçante, qui fourmille de vie et semble avoir une âme.

Mais aussi l’osmose entre l’écosystème forestier amazonien et Darwyne en connexion avec plusieurs espèces donnant lieu à de très beaux paragraphes surtout dans les derniers chapitres.

Enfin et surtout plus d’un lecteur sera touché par cet enfant hors norme, peu gâté par la vie mais digne et combatif.
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