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Citations de Colin Thibert (95)


"Dans une situation identique à la sienne, un Japonnais se serait évidemment fait hara-kiri. Etant d'origine bourguignonne, M. Lagrange espérait trouver une solutions moins radicale."
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– Les grands artistes sont toujours incompris ! Dans dix ans, dans vingt ans, ma petite, tu verras à quel point ma peinture était en avance !
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(Les premières pages du livre)
UN ÉPAIS COUSSIN DE BRUME stagne au fond du vallon. Les mélèzes suintent, le sol est détrempé, le jour peine à se lever. Au premier étage de la ferme d’Abram Bourquin, un volet s’ouvre en grinçant. Apparaissent une jambe, une seconde, puis le corps entier d’un jeune homme qui porte des souliers à boucle, des bas, une culotte et une veste de bonne coupe. Un gilet brodé, or et magenta, apporte une note vive dans un tableau presque uniformément gris. Son visage est encadré par une abondante chevelure brune, sa peau mate, ses cils aussi longs que ceux d’une fille. Il s’assoit sur l’appui de la fenêtre, prêt à se laisser choir, une toise et demie plus bas, dans l’épaisse couche de fumier qui tapisse le sol. Deux bras viennent alors ceindre son torse. Deux bras aussi blancs que dodus, ceux de Rosalie, la fille unique d’Abram Bourquin. Ployant le cou, qu’il a long et gracieux, le garçon roule à la belle une ultime et savante galoche avant de sauter, d’un bond leste, dans la cour. Rosalie incline le buste – découvrant généreusement sa gorge dans le mouvement –, et, du bout des doigts, lui envoie une pluie de baisers.
– Reviens-moi vite, mon chéri !
Le chéri emporte avec lui cette vision exquise. Il se hâte. Le sentier qu’il suit est incertain, ses élégants souliers glissent dans la boue, prennent l’eau. « À l’orée du bois, lui a précisé Rosalie, tu tomberas sur le chemin, tu prends à main gauche, tu seras à Neuchâtel en une heure. » La pauvre fille ne pouvait se douter que son père, armé de sa fourche et d’une sainte colère, se tiendrait en embuscade, attendant le séducteur de pied ferme.
Abram Bourquin est un homme aussi austère, aussi rugueux que cette terre truffée de cailloux à laquelle il arrache, jour après jour, sa subsistance. Il pratique une religion sans nuances et sans fioritures. La Bible lui tient lieu de viatique pour son voyage terrestre. Il abhorre le péché et craint Dieu dont il se réjouit, néanmoins, d’intégrer le royaume. Il y est attendu à bras ouverts, mais n’anticipons pas.
Dans l’immédiat, Abram Bourquin lance un échantillon profus d’anathèmes et de malédictions, agitant sa fourche comme Poséidon son trident. Le spectacle serait comique si le bonhomme n’était pas résolu à clouer le godelureau au tronc du premier résineux venu, et à punir sa pécheresse de fille comme il convient : « On fera sortir la jeune femme à l’entrée de la maison de son père ; elle sera lapidée par les gens de la ville, et elle mourra, parce qu’elle a commis une infamie en se prostituant dans la maison de son père. Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi. » (Deutéronome, 22:21) À moins qu’il ne décide de la livrer aux flammes : « Environ trois mois après, on vint dire à Juda : Tamar, ta belle-fille, s’est prostituée, et même la voilà enceinte à la suite de sa prostitution. Et Juda dit : Faites-la sortir, et qu’elle soit brûlée. » (Genèse, 38:24)
– Monsieur ! Monsieur ! plaide le jeune homme, sautillant de gauche et de droite pour esquiver les dents de l’instrument avec lequel l’autre s’efforce de l’embrocher. De grâce !
Mais rien ni personne ne saurait fléchir la détermination de Bourquin qui entend faire honneur à son prénom. L’amant de sa fille est, par chance, souple et vif. Et comme il connaît le Livre aussi bien que son adversaire, il lance :
– Souvenez-vous que « la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu ! » (Jacques, 1:19-20)
– Comment oses-tu ?! répète Bourquin, outré de voir le débauché lui rendre, en quelque sorte, la monnaie de sa pièce.
– « L’homme qui aura couché avec elle donnera au père de la jeune fille cinquante sicles d’argent ; et, parce qu’il l’a déshonorée, il la prendra pour femme, et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra » (Deutéronome, 22:29), poursuit le suborneur. Je l’épouserai ! Je vous le promets !
Ce mensonge patent déchaîne la fureur d’Abram Bourquin qui réplique en poussant une sorte de mugissement :
– « Écarte de ta bouche la fausseté, Éloigne de tes lèvres les détours. » (Proverbes, 4:24)
– Entre personnes de bonne volonté, l’on peut toujours s’entendre, insiste le jeune homme. Mon père possède quelque bien, il vous dédommagera.
– « Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse ! » (Jérémie, 9:23), réplique Abram. Les dents de l’instrument griffent la veste, y causant une longue déchirure. Bourquin ajoute pour faire bon poids :
– « Tu ne recevras point de présent ; car les présents aveuglent ceux qui ont les yeux ouverts et corrompent les paroles des justes. » (Exode, 23:8)
Lancée d’un bras qu’anime un juste courroux, la fourche se plante alors en vibrant dans un épicéa, libérant une averse de gouttelettes. Tandis qu’Abram s’efforce de récupérer son arme fichée dans l’écorce, le jeune homme se résout à exhiber la sienne : un pistolet moins gros qu’une tabatière, un joujou, dans lequel il introduit, d’une main tremblante, la poudre et une balle de plomb qu’il tasse fébrilement avec l’écouvillon. Abram, dans l’intervalle, est parvenu à récupérer l’instrument dont il menace à nouveau le suborneur.
– « Ils répondirent : il mérite la mort ! » (Matthieu, 26:66), hurle-t-il.
Il découvre alors, braqué sur lui, le pistolet. Le jeune homme a relevé le chien, saupoudré le bassinet d’une pincée de poudre noire.
– Reculez ou je tire ! menace-t-il.
Face à cette arme miniature, à ce freluquet habillé comme une gravure de mode qui doit peser moitié moins que lui et qui prétend l’intimider, l’ombre d’un sourire éclaire le visage sévère et barbu du paysan-prophète. Si ce n’était péché, il rirait. Au lieu de quoi, il brandit sa fourche. Le jeune homme appuie sur la détente. Une détonation sèche, le coup part ; considérant l’humidité ambiante, on pourrait presque parler de miracle. La balle frappe Bourquin entre les deux yeux. Il fronce les sourcils, comme s’il cherchait dans sa mémoire un verset de circonstance, n’en trouve pas, vacille et s’effondre.
– Monsieur ? Oh ! Monsieur Bourquin ? Monsieur ?
Alexandre-Joseph Martinet-Dubied a gagné ce pistolet à l’issue d’une partie de piquet, il ne s’en était encore jamais servi ; qui plus est, il n’a jamais tué qui que ce soit, il manque donc singulièrement de pratique. Circonspect, il se penche sur le gros homme inerte. Se peut-il que la vie soit vraiment en train de s’échapper par ce trou minuscule qui saigne à peine ? Il y aurait là, sans doute, matière à philosopher, mais la situation ne s’y prête guère. Alexandre-Joseph s’éloigne à grandes enjambées du lieu de son crime, l’esprit en tumulte. Quoique pauvre, Bourquin est honorablement connu ; sa mort brutale va en choquer plus d’un, une enquête sera diligentée. Qui sait si le jeune homme n’a pas été aperçu se glissant, au crépuscule, dans la ferme des Bourquin. Qui sait si Rosalie, sous le coup de la peur ou du chagrin, ne le trahira pas ? Je suis dans de très sales draps ! frissonne Alexandre-Joseph, conscient que sa réputation de noceur va lui nuire et que ni l’argent, ni la notoriété de son père ne le sauveront de la prison, voire du gibet. Trébuchant et glissant dans le sentier bourbeux, il tente d’élaborer un plan de conduite.

2
L’IMPRIMERIE MARTINET-DUBIED est installée dans les anciens locaux d’un vigneron, faubourg de l’hôpital. Les presses ont remplacé les foudres, l’odeur de l’encre a supplanté, progressivement, celle des moûts. Les volumes imprimés sont reliés sur place et mis en caisses avant d’être acheminés en France par des chemins détournés, car Louis Martinet-Dubied publie, pour l’essentiel, une littérature subversive, de ces brûlots politiques qui, tôt ou tard, finiront par mettre le feu aux poudres dans la France voisine. La ville de Neuchâtel est sous l’autorité du roi de Prusse qui ferme benoîtement les yeux parce que cette activité lui rapporte des taxes ; et puis, dans la mesure où ça contrarie le roi de France, il serait dommage de s’en priver. Frédéric II se contente d’interdire que l’on appose le nom de la ville au frontispice de ces ouvrages séditieux, il a une réputation à tenir.
Louis Martinet-Dubied n’est pas seulement imprimeur. Il exploite des vignobles, il a créé une fabrique d’indiennes, il a investi des fonds dans diverses affaires bancaires et siège au Petit Conseil, c’est dire l’importance du personnage. Depuis la mort de son épouse, sa vie est exclusivement consacrée au travail, il ne débande jamais, il aura tout le temps de se reposer une fois au paradis. En gestionnaire avisé, Louis a d’ailleurs planifié l’avenir : Pierre-Louis et Claude-Henri, les aînés, dirigeront les entreprises, on cherchera de solides partis pour Jeanne et Agathe, quant à Alexandre-Joseph, le petit dernier, il le verrait bien dans la finance, à Paris, ou à Londres. Mais jusqu’à présent, le garçon a déçu les attentes de son père : au contraire de ses frères, blonds et sanguins comme lui, il a hérité de la beauté brune et délicate de feue sa mère, de son tempérament imprévisible. Là où les deux aînés tracent droit leur sillon, comme les bœufs dont ils ont la patience et la lourdeur, Alexandre-Joseph papillonne. Imperméable à la crainte du Jugement qu’on lui a pourtant inculquée depuis sa plus tendre enfance, il n’en fait qu’à sa tête et il apparaît que cette tête est aussi légère que ses mœurs. Le gamin ne pense qu’à s’amuser, à courir les jupons, dans un pays où plane encore l’ombre des réformateurs. « Il est impossible qu’il n’arrive pas des scandales ; mais malheur à celui par qui ils arrivent ! » (Luc 17:1) Un jour ou l’autre, a prédit Louis, ça lui attirera des ennuis. Ce jour est arrivé.
Alexandre-Joseph comptait regagner ses appartements en toute discrétion pour remettre un peu d’ordre dans sa tenue autant que dans ses idées. C’est raté. À peine a-t-il gravi quelques marches de l’escalier que son père se dresse devant lui :
– D’où viens-tu ? Qu’est-il arrivé à tes vêtements ?
Le jeune homme rougit, c’est sa faiblesse. Ce qui ne l’empêche pas de mentir :
– J’herborisais, papa. (La maison Martinet-Dubied vient de
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[...] Étrange personnage qui signe une œuvre inavouable de ses propres initiales et use d’un pseudonyme pour vendre sa peinture.
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[...] Avec quelques amis, nous nous intéressons aux travaux de Paracelse. À nos yeux, il est l’égal d’un Avicenne ou d’un Averroès.
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Cette fois, le doute n’est plus permis, Torrentius est bien l’auteur de ces images scandaleuses. Étrange personnage qui signe une œuvre inavouable de ses propres initiales et use d’un pseudonyme pour vendre sa peinture. La psychanalyse aurait sans doute long à dire sur la question, mais au contraire du capitalisme qui fait, avec la Compagnie hollandaise des Indes orientales, des débuts très prometteurs, elle n’a pas encore été inventée.
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Torrentius n'a jamais rencontré Velsaert et Velsaert ne le connaît que de réputation. L'antipathie entre les deux hommes est immédiate et rédhibitoire. C'est la rencontre du sanguin et du bilieux, de l'expansif et du constipé, du lion et du rat d'égout, monsieur de La Fontaine aurait pu en faire une fable, mais il n'est âgé que de six ans lorsqu'a lieu, à Haarlem, cette première audition où chacun déteste à l'instant ce qu'il perçoit de l'autre. Les bijoux voyants du peintre, les couleurs éclatantes de son pourpoint, la dentelle sophistiquée de sa fraise, ses cheveux longs et sa coiffure apprêtée épouvantent Velsaert autant qu'elles le révulsent. Ce n'est pas une question de bon ou de mauvais goût, c'est un rejet viscéral. Dans le monde étriqué de Velsaert, la couleur est péché, l'abondance condamnable. Torrentius, de son côté, ne manque pas d'observer le teint maladif du bailli, la nuance ivoire de la sclérotique, les pellicules qui poudrent à frimas le noir usé de son habit, ses lèvres pincées sur ses dents grises, son masque sévère. Cet homme a-t-il jamais ri de bon cœur une fois dans sa vie ? il est permis d'en douter.
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Pour Valsaert, Torrentius est devenu, au fil des jours, la bête noire, l'homme à abattre. Avec patience, il tisse la toile dans laquelle il espère que le chatoyant papillon viendra s'engluer un jour. Assisté du jeune Ruyssler, lourd et dévoué comme un cheval de trait, et doté d'aussi peu de cervelle, le bailli collecte les plaintes, recueille les témoignages à charge.
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Barbe et moustache sont peignées avec soin. À ses oreilles brillent des diamants, à ses doigts une émeraude, une améthyste, et plusieurs grenats sertis dans d'épais anneaux d'or. Il porte, sur un pourpoint de satin bicolore réhaussé de fils argentés, une fraise remarquable, moyen terme entre le modèle espagnol classique et celle que l'on appelle à confusion pour n'être point empesée. Brigby, vêtu lui-même d'un ensemble qui mélange subtilement le parme et l'orange brûlé se sent, face à cette apparition, tel un moineau à côté d'un paon.
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Torrentius n’a jamais rencontré Velsaert et Velsaert ne le connaît que de réputation. L’antipathie entre les deux hommes est immédiate et rédhibitoire. C’est la rencontre du sanguin et du bilieux, de l’expansif et du constipé, du lion et du rat d’égout…
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Repus et satisfaits, il s’en faut de peu qu’ils ne lui tapent sur le ventre ou sur les cuisses. Les trognes luisent, les dents brillent entre les lèvres grasses, on allume les pipes, on claque les fesses de la servante venue débarrasser.
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"Mattéo pleure toujours mais je pédale de toutes mes forces
Je veux m'éloigner le plus possible de ce village ou les enfants ne semblent pas mesurer la gravité de la situation : que feront-ils une fois qu'ils auront mangé tout ce qui reste dans la boulangerie ? Et si l'un d'entre eux est blessé par une arme à feu, comment le soigneront-ils ? Passé l'euphorie du "tout est permis", que vont-ils devenir?".
Emma et Sarah, 4C, collège Henri Fabre, 2017-2018.
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"Je suis enceinte, Steven !
- Enceinte comment ?
- Il y a un bébé dans mon ventre !
- Ouais, ouais ! Je sais ce que c'est !
- C'est tout l'effet que ça te fait ?
- Ben ... c'est toi l'enceinte ! Pas moi !
- Bon dieu, Steven !"
Yann, 4C, collège Henri Fabre, Vitrolles, 2017-2018.
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Je partis tout droit vers le nord ...
vers une nouvelle vie ...
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- Tu remarques pas? Ça sent le sapin !
- C'est le cas de le dire!
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- Tu n'étais pas obligé de me raconter ça...
- Tu me dis la vérité, je te dis la vérité. C'est comme ça entre compadres.
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Il y avait bien une petite ville, piquée au milieu de la plaine. Une ville si moche que personne n'avait jugé utile de lui donner un nom...
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(- J'aurais jamais dû lui faire confiance ! Un indien ! Il doit être loin, à l'heure qu'il est...)

- Je t'avais dit de m'attendre ! Les indiens n'ont qu'une parole, pas comme les blancs...
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- Finalement, un traité de paix a été signé.
- A t'entendre, on dirait que tu le regrettes ?...
- Un traité, c'est juste un bout de papier...
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Père de cinq enfants, Foscarello fut néanmoins mobilisé. Il fut fusillé pour haute trahison après que la censure eut intercepté une lettre écrite à sa femme. Il y disait : « Si on te raconte que je suis mort en héros, n’en crois pas un mot ! Ici, nous crevons tous, la trouille au ventre, la rage au cœur et la merde au cul ! »
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