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Citations de Daniel Arsand (127)


Des prénoms dans un calendrier. Un calendrier comme une fosse à ciel ouvert. Buchenwald, forêt de hêtres. Klaus continuait à aimer les arbres.
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Maman ; depuis longtemps, ça ne valait plus réellement le coup de prononcer ce mot, il ne se l'avouait que maintenant. Il était mort et ne l'était pas, mais quelqu'un d'autre, quelqu'un qu'elle ne prendrait pas le temps de percer à jour. Il était face à elle, elle se réjouissait de son retour, et le lui reprochait à la fois, elle ne dépassait jamais ce qu'elle voyait, et elle ne voyait que ce qu'elle voulait voir, quelqu'un de banal, de dérisoire, et pourtant la mère de Klaus, sa mère, ma mère. Elle n'avait pas prévu ce retour. Comment ne pas nourrir de rancune a l'égard de Klaus? Il compliquait leur existence. Il revenait, comme ça, on était heureux et on le croyait mort. Elle en avait marre de cette peur édifiée par la guerre. Elle s'assit à son tour. Être à une encablure de paume d'un revenant la pétrifiait, la transfigurait, lui donnait froid. Elle s'enhardit, elle regagnait son rôle de mère, elle recouvrir la main de son enfant, pour l'éternité et quelques secondes, d'où un tumulte en elle, des ailes vrombissaient autour d'elle. Main d'homme, rêche. Il avait dû travailler dur. Ces os et cette corne. Tu as dû travailler dur.
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Il avait dix-neuf ans à son arrivée dans la boue et la poussière et les morts de Buchenwald. Sa jeunesse pantelante. Et sa jeunesse qui depuis son arrivée à Paris jouait au phénix. Mais que serait demain? On venait de l'agresser, de le frapper, de le haïr. Son numéro qui zigzaguait dans tout son corps, incandescent, mille-pattes, scorpions, 5395, son matricule, un kapo le lui rotait chaque matin à la face, ça te portera chance, putain de tante, paragraphe 175 et numéro 5395, et aujourd'hui sale Allemand dans Paris, et là-bas sale tante, une seule violence, mais la sexuelle plus folle encore, racisme sexuel, le mieux partagé au monde, femmes et pédés dans le même sac.
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Dieu était invisible, au contraire de ses saints et archanges, statues qui exhibaient une musculature flatteuses et appétissante et dont la chair, pensais-je devait avoir plus de saveur que l'hostie...

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Fouailler dans les des destins imaginaires m'accordait une autorité réelle et m'offrait la possibilité de m'extraire de cette houle de morts qui s'amplifiait sans cesse.
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On ne m'avait pas dit que le désir ne conduit pas nécessairement au plaisir.
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L’autre – un hypothétique partenaire et un ancrage à deux dans un quotidien – m’a toujours paru de trop. Gosse, j’avais déjà cette sensation, même vis-à-vis de mes parents. Leur tendresse m’étouffait. Toute présence trop marquée à mes côtés me lassait. J’avais le besoin fou d’un espace que moi seul occuperais. L’autre, quel qu’il soit, quelle que soit notre relation, nos liens, finissait par me paraître une entrave à ma vie. Je préfère donc ma solitude.
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Des hommes enlevaient des garçons, enlevaient des filles dont on découvrait la charogne des jours plus tard. Les journaux étalaient en première page ce genre de crimes. La peur se rappela à moi, me barbouilla de moiteur. Le souffle me manquait. Mais je ne pris pas mes jambes à mon cou. Je pensai à Marc et refusai que son souvenir pourrisse la nouvelle occasion qui m’était donnée d’aimer.
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J’avais aimé. J’avais été forcé. Je n’oublierais rien. Le visage de Marc s’estompa. Son corps perdit forme. Mes rêves mêmes ne le croisèrent plus. Je ne regrettai pas sa beauté. Ne subsista de lui que la brutalité avec laquelle il m’avait soumis à sa volonté. C’est là, en moi, jusqu’à ce jour, tandis que j’écris.   Mon inscription à l’école libre, puis mon immersion dans la routine des cours ne provoquèrent pas de fracture avec le quotidien du lycée.
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Sa beauté, constatais-je, s’était même affirmée. Je continuais à le désirer. Je le désirais et je désirais le posséder. Je n’étais pas né pour l’indifférence. Il continuait ainsi à m’être supérieur, à me lier à lui. Ce qui m’épargna une dangereuse et stérile fixation, ce furent les autres garçons évoluant dans la cour du lycée.
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Ainsi je me débrouillai pour que mon corps me soit invisible. Quelles furent alors mes pensées ? Qu’ai-je projeté sur l’avenir ? Une vengeance ? Un suicide ? Ai-je minimisé l’acte ou l’ai-je élargi jusqu’à l’effroi, la rage, le désespoir ?
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Je n’étais plus sa chose, semblait-il. Il me considérait maintenant avec un calme ému. Je m’étais rhabillé dans un boudoir, et c’est dans une salle de bains que je me redéshabillais. J’enjambais la baignoire. Il observait ma nudité, mon entière nudité, et je rougissais comme jamais et j’aurais voulu que ma nudité soit une hache. Il me rejoignit.
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Je me taisais. Je me tairais. Je me suis tu. Je de­­vins ce qu’il s’imaginait que j’étais : chose à pren­dre, bloc de silence, chose à renvoyer dans ses pénates, et ne fais plus chier. Je finis par promettre que je ne dirais rien. Je me tairais, parce que je n’aurais pas le courage de parler de mon corps et de son corps à lui et de ce à quoi celui-ci avait obligé celui-là. C’est bien, t’es un brave gars, merci, je t’aime bien.
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J’avais la certitude qu’avant moi il avait eu d’autres proies. De ses charmes, de son autorité il connaissait toutes les ressources, l’influence et la rouerie, toute la puissance. Il se connaissait assez bien lui-même, supposai-je. Il n’a pas d’âme, me dirais-je un jour proche. C’était l’ultime époque où quelques individus attribuaient encore une âme à leur prochain.   Il me bâillonna de sa paume. On puait la sueur. Corps devenus sueur. Nos sueurs s’étaient mêlées. Brusquement je sentis son sexe contre mon cul, sa poussée en moi, je hurlais, il me disait, crie, c’est bon de crier, mon chéri, les petites putes crient, les fils à maman crient, il me prenait, il avait ôté sa paume de ma bouche, crie, crie, ne te gêne pas, il n’y a personne pour t’entendre, la fameuse tante du dessus n’existe pas, espèce de naïf. Il entrait plus profond en moi, je ruais pour me dessouder de lui, le désarçonner, la douleur m’insufflant l’énergie de l’abréger, j’étais une victime, j’étais une définition sans nuance, il me possédait, il aimait ça, il aimait mon affolement et ma douleur, mes tortillements de ver, ça faisait mal, j’allais croire que tous les sexes font mal, sont source de douleur, expriment la volonté de faire mal.
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Il m’immobilisait. Il ne m’embrasserait plus. Je cédai. Je touchai son sexe. C’était ce que j’avais voulu, non ? C’était ce qu’il voulait, non ? Oui, mais pas sous l’empire d’une violence qui le galvanisait. Me désirait-il encore vraiment ? Y avait-il encore du désir là-dedans ? Il ne m’aimait pas. Non, il ne m’aimait pas. Une de ses jambes recouvrait la mienne. Tu ne sers à rien.
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C’était cela caresser. Avec une inflexible douceur. Sa bouche bientôt fut à mon cou, lécheuse, aspirant ma peau, ma chair, tout ce qui m’appartenait. Il m’embrassait. C’était cela, embrasser. Non, protesta-t-il, quand je m’écartai de lui ou tentai de. Il s’empara de ma main et la porta à sa cuisse. Comme ça, me dit-il. Et plus haut. Je ne poursuivis pas la progression lorsqu’il relâcha sa pression, ce qui le mit en rogne.
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J’étais empoté et je fus ridicule. Je me cognai à un guéridon. Je me retrouvai confus et hors de moi. On ne désire pas les patauds. Je n’avais plus d’avenir avec Marc. Ce rendez-vous tournait à l’épreuve. Je m’empêtrais de honte. Je détestais cette honte. Je me sentais aussi très moche. Tu as peur ? Il eut un petit rire de fauve triste. Il n’y a pas à avoir peur. Je lui répondis par un rire bête. Tu t’es fait mal ?
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C’était quoi, la décence ? Que savais-je encore des mots ? Je truffais mon vocabulaire de tant de mots ronflants qui n’avaient aucun écho en moi. J’étais trop jeune et trop inexpérimenté et j’avais eu une enfance heureuse, du moins protégée, qu’aucun gouffre ne creusait, n’évidait de sa densité, qu’aucun malheur n’avait réduite en lambeaux, alors comment aurais-je su que la plupart des mots sont pétris de nuit ? J’eus peut-être une pensée pour la vieille dame que désormais je négligeais. Ses volets étaient clos. Voici l’immeuble des D. Et si Marc me posait un lapin ? J’entrai dans le hall. Au fond verdissait un jardin. À ma droite, une montée d’escalier au bas de laquelle il se tenait. Prodigieux découpage sur décor de pierre. Tendu, pensais-je, mais sans secret – et là, c’est ce que je pense aujourd’hui. Un garçon de cristal. Coupant. Précieux.
Viens.
Il ne me serra pas la main. Il fit demi-tour et nous montâmes. Tout l’immeuble appartenait à son père, me dit-il, plastronnant. Au troisième étage logeait une de ses tantes, sourde et gâteuse. Ce qui était peut-être faux, mais il la voulait personnage, il voulait avoir quelque chose à raconter. On louait le rez-de-chaussée à un architecte qui prenait souvent des vacances. Nous étions, d’une certaine manière, seuls, car les sourds ont si peu de réalité, les gâteux à peine plus. Depuis longtemps sa tante ne se hasardait plus jusqu’à leur pallier. Disait-il la vérité ? Marc ne pouvait que dire la vérité.
 
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Mes parents ne s’aperçurent sans doute de rien, j’avais une vie, j’étais tout bêtement leur enfant, un fils, leur créature, leur amour, mon chéri, rien n’aurait su fausser l’image qu’ils avaient de moi, et je ne pouvais et n’avais pas le droit de me révéler différent de cette image, je devais y coller, m’y confondre, y disparaître même.  
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Le désir que ce garçon avait à l’évidence de moi rencontrait le mien, palpable. J’acceptais ce désir, je me perdais en lui, je m’y noyais, je me sentais me dissoudre, avoir de moins en moins de consistance, et pourtant ma chair exprimait vie et chaleur, tandis que le corps du garçon se dressait devant moi et c’était, avais-je l’impression, le premier corps que je contemplais si franchement, avec violence. J’existais devant lui et pour lui. Je devinais qu’il exigerait beaucoup de moi.
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