Citations de Daniel Arsand (127)
« Dans le vaste hall à l’odeur mêlée de papier d’Arménie, d’eau de Javel et de cire, éclairé par un lustre à l’ampleur disproportionnée et dont les huit branches de bronze subissaient d’incalculables pendeloques de cristal , il eut un soupir de bien- être, de soulagement , d’homme désormais livré à lui- même ,à ses songes et à la dévotion de l’âme du palais : Sa Mère.
Il était chez lui.
Un quinquagénaire enfantin et pathétique , au cerveau aussi fêlé que celui de sa génitrice » ,....
Un nouveau jour se pointe, une nouvelle nuit s’approche, il en oublie aussi le passage du temps, il oublie qu’il appartient à ce monde.
Elle frôla des arbustes, plongea dans cette ondoyante, dans cette crissante marée qu'est une fougeraie, reçut la fraîcheur de la plante, effleura, palpa plus loin la rugueuse et tiède torsion d'un tronc.
La souffrance comme la joie,par leurs excès meme,sont amenes a palir,disparaitre,s'eteindre.
Intouché, je suis plutôt par la plupart des êtres.
Coeur sec.
Ou fatigué.
Sauf pour un chat, sauf pour des livres.
Je suis vivant et j'ai mon fantôme en guise d'ombre
Avoir été torturé, incarcéré, interné pour des raisons politiques ou pour des trafics illicites n'avait rien de honteux. Mais c'était honte que d'avoir été triangle rose. On niait votre existence. Comment un pédé pouvait-il exister ? est-ce que ça doit exister ? il était sous-homme comme le Juif, et des Juifs le traitaient de tante, et criaient : Ne me touche pas ! Oui, c'était ainsi. L'humanité et de siècle en siècle.
Il se souvint des blessures qu'il avait eues là-bas, au front, dès le premier soir. Du sang qui coulait. Il avait du sang dans les veines. Il était un être humain. Il avait mal. Les êtres humains ont parfois mal. Souffrance, dit-on pour abréger. Description vague et parfaite.
Quand elle se sera lassée de semer la pagaille, d’être virée de plusieurs usines pour insubordination, elle deviendra brodeuse, puis veuve qui peut être un métier à part entière.
"Balthazar avait écrit à sa mère: Je serai accompagné. Je parie qu'à l'instant où vous le rencontrerez vous serez sous le charme de Sébastien Faure, mon ami. De toute façon, je vous ordonne de l'aimer.
Curieuse, sceptique, épouvantée, elle toise et scrute l'étranger.
C'est cela la merveille dont il m'avait parlé? se dit-elle.
Elle se dit encore: Ils ne sont pas amants, j'en mettrais ma main au feu. Mais ils s'aiment.
Anne de Créon entre en défaite.
Soyez le bienvenu à Créon, lance t-elle à Sébastien."
Krikor paraissait agité.
Il expliqua aussitôt la raison de son trouble.
Aghavnie, la fille de Blakian, le boucher, avait été enlevée par Yusuf, le plus jeune fils de Suleyman bey, l’intendant d’Ahmet bey, le propriétaire terrien si connu. Blakian s’est juré de couper les couilles du rapteur. Adana est en effervescence. Les Arméniens traitent les Turcs de débauchés et les Turcs répliquent en traitant les Arméniens de semeurs de chaos. Les communautés sont aujourd’hui à couteaux tirés. La colère gronde.
Elle se résorbera.
L’optimisme est parfois un péché, Atom. Ne sens-tu rien, orfèvre ? Ne sens-tu pas que l’air d’Adana est empoisonné ?
Exagération.
Lucidité.
Nous verrons, nous verrons, Krikor.
On dit qu’ils s’aiment. Bon, je dois m’en aller, Atom. Nous reprendrons notre discussion plus tard . A demain.
Le jour baisse, dit Atom. Ohran bey n’est pas venu chercher le bracelet qu’il destine à sa femme ?
Non, père.
Fermons l’atelier, Dzadour. J’ai mal à la tête.
Le regard que je portai alors sur lui allia compréhension et tendresse et je ne l’interrogeai plus avec mon ancienne agressivité, je ne lui posai plus de questions, mon silence épousa le sien, nous étions vraiment ensemble, père et fils, c’était doux. Ce ne sont que des milliers de jours après sa disparition qu’il me fut évident que je l’aimais, le respectais et que je m’avouais l’avoir mal aimé, ou du moins que je lui avais mal prouvé mon amour. Je protège en moi le souvenir d’un homme que par ma faute, par mes imbéciles reproches, j’ai peu connu et qui cependant ne m’est pas un étranger. Je suis né de lui.
Il croisait des passants, mais les passants, ici, en étaient ils encore? Se promener appartenait au langage des légendes. Sur leurs face s'était figé un impitoyable désespoir. Un masque devenu leur visage même. Leur désespoir, cependant, n'était pas le sien. Ils étaient maigres, sans avoir sa maigreur. Ils étaient autres. C'était eux qui étaient autres. Pourquoi ce devait être toujours à lui de l'être?
Même sans nous toucher, nous sommes encore des amants.
Il lui arrivait de m'enlacer. Corps écrasé de langueur contre ma poitrine, pattes de devant encadrant mon cou, joue collée à la mienne. En ces instants privilégiés j'égrenais ces petits mots d'amour bêtas que la plupart des amants échangent.
"Dieu! que c'est banal d'avoir des ennemis, et banals la naïveté, et la haine, et la petitesse d'esprit, et la lâcheté, et la jalousie, et la sournoiserie, et la trahison, et la mort, elle aussi, bien sûr, la mort qui va et qui vient, une grande marcheuse, et la folie, et la peur, et l'engouement. L'amour, lui, est beaucoup moins banal, moins que la mort en tout cas, mais la mort va et vient, elle est là, mais surgira, un événement clair, net et précis, sans fioriture, la mort n'est pas un roman."
Nous parlâmes de mes études qui m’emmerdaient, ce dont je tirais gloire ; de la liberté que m’accordaient mes chers parents, de mes parents. Paroles qui donnaient à l’intérêt que nous avions l’un pour l’autre une intensité impérative. Nos maillots moulaient ce qui nous excitait. Nous nous voulions nus. J’étais un jeune garçon. Je lui fis entendre que mon pucelage appartenait au passé.
Il niait alors le pouvoir de vengeance qu’engendrerait ma non-jouissance, il ignorait que la haine que j’aurais de lui aurait bien plus de puissance que la sienne, puisqu’il devait tout de même me haïr pour me soumettre ainsi à sa violence.
On gardait la pose de qui détient la vérité, on affichait parfois des opinions en contradiction bruyante avec nos convictions profondes, et ça ne nous gênait pas tant que cela. La pose nous rendait visibles. Les illusions, pis qu’une tumeur maligne.
Anémone ? Ne m'abandonnez pas.
Arum ? Ecoutez mon âme.
Iris ? Vous enchantez mes jours.
Jonquille ? Je vous désire.
Lilas ? Mon âme s'éveille pour vous.
Tulipe ? Je vous promets un amour sincère.
Oeillet ? Je suis votre esclave.
Primevère ? Aimons-nous l'espace d'un printemps.
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