David Goodis (1917-1967)
Il forme avec
Jim Thompson le duo le plus sombre et le plus méconnu du roman noir américain du XXe siècle.
*
Ignoré des Américains mais adulé par les lecteurs français.
Les histoires de
David Goodis ont toujours les mêmes: un homme au bout du rouleau est rattrapé par son passé.
La fatalité pèse sur lui et l'entraîne toujours plus loin dans l'alcool et la déchéance.
*
Le décor non plus ne change pas: une ruelle obscure, un bar pour paumés qui s'oublient dans l'alcool.
Pas de lumière du jour, pas d'espoir.
*
De
Sans espoir de retour à
Tirez sur le pianiste!, Goodis développe toujours le thème de l'homme seul qui tente d'échapper à la misère, à son existence marginale par le rêve et l'amour.
*
Mais le monde est vide de sens et c'est dans l'alcool qu'il finit par noyer ses illusions.
Son oeuvre est une métaphore de sa vie, celle d'un homme qui réussit un instant une carrière de journaliste, romancier et scénariste à Hollywood avant de tout perdre.
*
David Goodis a le don d'évoquer sans cesse des images.
Le cinéma s'en est volontiers emparé (Truffaut a réussi la plus belle adaptation avec
Tirez sur le pianiste) car il a le sens du détail, du geste révélateur, du dialogue et du rythme.
«Je n'écris pas de romans policiers mais, dans mes thèmes, il y a du mélodrame et de l'action», dit
David Goodis à
François Truffaut à l'occasion de leur unique rencontre en 1960 à New York.
*
La musique de Goodis est celle du jazz, comme une longue plainte, une note qu'il maintient longtemps.
«Ce qu'il écrit est étrange, dit de lui l'écrivain Marvin Albert. Il était fasciné par la mort, par la lente agonie des êtres et la sienne propre ou celle du pianiste... Ah, Goodis, un mélange d'amour fou et de tristesse désespérée et calme à la fois, une agonie lente et romantique. C'était un homme désespérément seul.» C.F.
- A lire:
La nuit tombe (Gallimard/Série Noire)
*
Courte biographie
GOODIS David (1917-1967)
Difficile de faire la part du vrai dans la légende Goodis. Est-il cet auteur "zéro", longtemps inconnu aux Etats-Unis, sauf peut-être pour les frasques (sa passion pour les grosses femmes noires, entre autres) et les masques derrière lesquels il se cache ?
*
Est-il au contraire cet auteur maudit (donc culte) dont la France s'entiche dès la fin des années 1940 ? Il faut attendre 1984 et la superbe enquête
Goodis, la vie en noir et blanc de
Philippe Garnier (N°2182 de la collection 10/18) pour commencer à percer le mystère Goodis.
*
David Loeb Goodis est né le 2 mars 1917 à Philadelphie.
Etudes sans trop d'histoires (à l'université de Temple, diplôme de journalisme).
La famille Goodis ne roule pas sur l'or, mais ne manque de rien.
Pour David, très tôt, une chose compte plus que tout : écrire.
*
Employé dans une agence de publicité, il parvient en 1938 à publier son premier roman :
Retour à la vie. Succès d'estime chez les critiques, mais bide commercial. Cet échec, sans aucun doute, l'affecte. Goodis se lance alors dans l'écriture mercenaire.
*
Il s'installe à New York. Pour de nombreux pulps, il vend des récits de sports, d'aventures, des westerns, des policiers et se spécialise dans les combats aériens de la première guerre mondiale. Un train d'enfer qui l'emmène à 1946. Année phare.
*
Le deuxième roman de Goodis,
Cauchemar (Dark passage), est acheté sur épreuves par le studio Warner pour 25 000 dollars. Pour la même somme, le Saturday Evening Post en assure la publication sous la forme d'un feuilleton. Jackpot pour Goodis.
D'autant que Dark Passage (Les Passagers de la nuit de Delmer Daves, avec
Lauren Bacall et Humphrey Bogart, 1947) lui ouvre les portes d'Hollywood où il est engagé comme scénariste.
*
A 29 ans à peine, Goodis est au zénith. La suite est pourtant l'histoire d'une longue dégringolade.
*
A la Warner, Goodis ne reste que deux ans, et ne laisse pas de grands souvenirs. Tout juste quelques participations sans gloire à quelques films sans succès.
*
Rentré à Philadelphie, Goodis écrit frénétiquement pour les livres de poche qui remplacent progressivement les pulps.
Goodis fournit :
Cassidy's Girl (1951),
La lune dans le caniveau (1953),
Sans espoir de retour (1954),
Descente aux enfers (1956).
*
Goodis vend, comme un forçat du roman de gare, et tant pis si la critique américaine, forcément, se détourne.
*
Reste la France, qui couvre sa prose (publiée dès 1949 dans la Série Blêmel'article) de louanges. La France aime les loosers de son univers, ses anti-héros.
*
François Truffaut adapte bientôt (1959)
Tirez sur le pianiste. Jean-Jacques Beinex (
La lune dans le caniveau, 1983), Gilles Béhat (
Rue Barbare, 1984)
François Girod (
Descente aux enfers, 1987) témoignent de cette fascination persistante.
*
Outre-Atlantique, Goodis fournit toujours ses éditeurs jusqu'en 1961 mais s'enfonce progressivement dans la déprime. La perte de son père (1963), de sa mère (1966), les difficultés de son frère cadet Herbert, souvent interné, affecte un Goodis très lié à sa famille. Il tombe malade fin 1966 et décède à l'hôpital le 7 janvier 1967, seul et dans l'indifférence générale.
- http://www.polars.org/rubrique9.html