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Critiques de Dermot Bolger (144)
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Illustration de couverture:photographie de Friedrich Adolf Paneth ( détail) 1925 National Media Museum.



Ce n'est en fait pas un roman, mais le récit-romancé, mais tout récit n'est-il pas romancé- d'une histoire familiale, celle de Sheila Fitzgerald, née Goold Verschoyle. Dans la post-face, Dermot Bolger explique qu'il a rencontré pour la première fois Sheila Fitzgerald en 1977, elle vivait dans une petite caravane, près de son ancienne maison transformée en refuge pour animaux. C'est en 1992 , alors qu'elle avait presque 90 ans, qu'elle lui a raconté l'histoire de cette famille irlandaise . Et que c'est à partir de ce récit , que ce livre a été écrit.



"La fiction ne peut jamais dire toute la vérité, cependant elle peut sans doute dire des vérités altérées et tout aussi importantes. Les biographies et même les autobiographies ne peuvent pas non plus révéler toute la vérité. Nous voyons invariablement notre vie à travers le prisme de la version de la réalité que nous avons construite à partir d'un choix de souvenirs, de sorte que notre passé finit par être composé non pas à partir de ce qui est arrivé mais à partir de ce que nous nous souvenons nous être arrivé..."



Issus de fantassins hollandais qui bâtirent leur fortune en louant des taudis à Dublin, détail que la légende familiale a pris soin d'effacer, les Goold Verschoyle coulent, en cette année 1915, des jours paisibles dans le Donegal, loin des révoltes qui commencent à naître à Dublin. Comme chaque été, c'est dans le cadre enchanteur de Manor House qu'amis, cousins et voisins se retrouvent autour de cette famille respectée, aimante, décrite dans cette scène idyllique de pique nique au bord de mer, scène à laquelle se raccrocheront tous les enfants dans les drames de leurs vies individuelles. Le paradis définitivement perdu...



En effet, tout va se gâter. Ce monde s'apprête à disparaître dans le fracas du premier conflit mondial et les déchirements d'une guerre civile sanglante. Passionnante est d'ailleurs la peinture que Bolger fait de cette classe aristocratique protestante dépossédée du pouvoir après l'établissement de l'Etat libre (1921) et qui, chaque jour davantage, se sent étrangère dans son propre pays.

Les Goold Verschoyle finiront, comme tant d'autres, par s'exiler en Angleterre. Ils laisseront derrière eux, à l'orée de l'âge adulte, des enfants avides d'aventures et d'idéaux. Staline et les goulags, la guerre d'Espagne , ces enfants irlandais se lanceront dans de grandes utopies , et deux n'en reviendront pas.



Grande fresque familiale et historique que Dermot Bolger s'est décidé à écrire après avoir lu que Sheila Fitzgerald admirait les artistes qui avaient le courage de s'emparer de la réalité et de la transformer en quelque chose de nouveau.



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Une illusion passagère

Ce roman est huit clos d’une nuit dans une chambre d’hôtel, Martin fonctionnaire irlandais est en voyage officiel à Pékin. La délégation est partie pour l’ambassade, Martin préfère rester seul dans sa chambre d’hôtel. Il fait le point sur son pays et sa situation personnelle.

Son pays a fait faillite, il ne se fait pas d’illusion sur son rôle politique, on lui a même proposé de prendre une retraite anticipé, du côté familiale, ce n’est pas très brillant non plus, ses trois filles ont grandi et n’ont plus besoin vraiment de lui, sa femme Rachel à la retraite depuis un an vit mal le vide crée par l’absence de travail. Depuis quelques années, ils font chambre à part, ne se touchent plus, elle va même lui proposer de s’inscrire sur un site spécialisé d’Internet

« Honnêtement, si tu le faisais, je ne verrais rien à y redire, Martin. Je sais que ce ne serait qu'une histoire de sexe, et le sexe ne m'intéresse plus. Je ne voudrais pas me montrer égoïste. Il n'y a aucune raison pour que tu ne prennes pas de plaisir. Nous sommes adultes ».

Pour tromper sa solitude, il décide de faire quelques longueurs, en revenant vers le hall, il passe devant un salon de massage, des jeunes hôtesses aux sourires irrésistibles, il remonte dans sa chambre boit encore un verre et se décide à appeler la réception et demande une masseuse.

Cette partie du roman raconte la relation entre Martin et la masseuse même s’ils ont du mal à communiquer par manque de compréhension du langage, une relation s’installe entre eux, Martin comprend qu’elle vit seule avec sa fille de huit ans, que le père est parti. Le massage le détend, il se sent bien, il prend un réel plaisir du contact des mains qu’il ne connaissait plus. La masseuse lui propose une seconde d’heure qu’il accepte. Martin se pose des questions, peut-il aller plus loin avec elle ? Est-il capable de tromper Rachel ? Cette partie du roman est pleine de délicatesse, les sentiments très bien décrits, c’est tout simplement beau.

Dermot Bolger nous offre encore un très beau texte sur les hésitations et le désarroi d’un homme faisant le bilan de sa vie.

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Une illusion passagère

Pour mon premier Dermot Bolger, je me suis attaquée à un petit roman, presque une nouvelle avec ses 120 pages bien tassées. Mais cela a eu l’avantage de me propulser directement dans le monde de l’écrivain irlandais, et d’apprécier pleinement une plume condensée, poétique, puissante.



La trame est assez simple : Martin est un haut fonctionnaire qui accompagne son ministre référent – en réalité un simple sous-secrétaire – dans un voyage diplomatique en Chine. Un blanc dans son programme lui permet de reprendre son souffle dans le tumulte des dîners, réunions et conciliabules à huis clos. A la manière du film Lost in Translation, il connaît alors un sentiment de désorientation totale, se demandant ce qu’il fait là, qui il est vraiment.



« Martin se sentait un imposteur. Il n’était en réalité qu’un fonctionnaire relativement insignifiant : un homme de confiance, agréable, doué pour les relations humaines et doué pour les chiffres. Mais on ne l’avait envoyé ici que pour faire exactement la même chose que ces filles incroyablement minces au sourire parfait qui se pressaient derrière les portes vitrées du hall de l’hôtel : construire le décor de la scène et, par sa soumission effacée, laisser croire à l’importance de l’autre. »





Dans un long monologue intérieur, il décortique son rapport dérisoire au pouvoir, la désillusion de ses idéaux, et l’hypocrisie des politiques en général.



Puis insensiblement, ses réflexions s’orientent vers sa vie de couple et la relation avec sa femme après plus de 30 ans de mariage. De la même manière que pour sa carrière, il mesure le grand écart entre les premières années d’amour et le jour où sa femme lui déclare qu’ils feront chambre à part : « c’est juste que je t’aime différemment, sans toute cette intensité adolescente. L’amour change forcément quand nous changeons. Je veux dire qu’est arrivé à la magie qui émanait de toi au début de notre mariage, à la façon dont tu arrivais toujours à me faire rire ? Sans vouloir

te blesser, Martin, qu’est-ce qui t’a rendu si ennuyeux ? »

Il prend alors conscience de plusieurs vérités importantes, qui le déchargent d’une grande part de culpabilité - « Je suis devenu ennuyeux le jour où tu as décidé que j’étais ennuyeux. » mais qui ne le rendent pas plus heureux.

Retournant au présent, il se décide à faire venir de la compagnie sous la forme d’une masseuse chinoise.

« Il ne s’était pas senti comme quelqu’un d’insignifiant, ni comme un imposteur : il avait été l’objet de l’attention et de la gentillesse sincères de quelqu’un d’autre. »

Mais tout ne se passe pas vraiment comme prévu, et prouve qu’il n’y a pas de solution miracle à un mal être général installé depuis des années …



On ne peut s’empêcher d’avoir le cœur serré face au désarroi de Martin, un gars intelligent et simple qui souffre du mal du siècle, confronté à l’individualisme, le manque de chaleur humaine, l’hypocrisie des rapports entre les hommes. Dermot Bolger ne nous apprend rien, il ne révolutionne pas non plus la littérature, mais il fait son devoir d’écrivain : nous faire réfléchir sur ce qui nous semble évident mais ne l’est pas tant que ça ; nous montrer qu’il n’est jamais vraiment trop tard, mais que pour se sauver, il faut avoir conscience de sa propre évolution à tout instant, c’est-à-dire lever la tête du guidon et faire le point régulièrement, pour ne pas se laisser engluer dans le quotidien.



Pour conclure donc, un roman bref mais intense et très intéressant.
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Les critiques lues sur Babélio sont intéressantes et elles donnent souvent l'envie de découvrir le livre chroniqué. Malheureusement comme on ne peut pas tout lire il faut faire des choix 😥. C'est ainsi que j'ai choisi "toute la famille sur la jetée du Paradis"...Une très belle découverte !



L'histoire qui nous est racontée est inspirée d'une histoire réelle. L'auteur Dermot Bolger a rencontré Sheila Fitzgeral ( le personnage d'Eva dans le roman). Elle avait près de quatre-vingt dix ans lorsqu'elle lui a raconté l'histoire de sa famille.



Le roman se déroule d'août 1915 à septembre 1946.

- Irlande : Les Goold Verschoyle sont des aristocrates protestants. Le couple a cinq enfants, trois garçons et deux filles. L'auteur choisit trois d'entre eux pour nous raconter leur histoire.

- Eva, rêveuse aimant la nature et le dessin, épousera Freddie Fitzgerald. Mariage pas très heureux. deux enfants et des problèmes financiers.

- Art, fasciné par la révolution russe, embrassera le communisme. Parti en Russie il y travaillera, se mariera. De retour en Irlande sur ordre du NKVD il n'aura de cesse de vouloir convaincre les ouvriers irlandais de choisir le communisme s'attirant plus de difficultés (fasciste, IRA, gouvernement) que de résultats. Fidèle à son engagement il ne remettra jamais en cause les choix de Staline.

- Brendam, admirateur de son frère, opte aussi pour le communisme. Après un séjour à Moscou, retour à Londres comme agent de liaison au NKVD, guerre d'Espagne, puis trahi direction le goulag.



L'histoire de cette famille s'insère dans la grande Histoire :

- celle de l’Irlande. Les évènements 1916 insurrection de Pâques, 1921 le traité de Londres, la guerre civile (1922/1923), la très grande pauvreté des Irlandais catholiques, l’emprise de certains prêtres catholiques sur leurs ouailles.

- Celle de l'Europe les deux guerres mondiales (mort de jeunes irlandais partis se battre en France (1915) le Blitz..),

- la Révolutions russe et ses conséquences (Lénine, Staline, propagande, goulag),

- la guerre d'Espagne.



Malgré leurs choix de vie différents les Goold Verschoyle resteront liés par le souvenir de leur enfance heureuse "sur la jetée du Paradis", auprès de leurs parents, cousins et amis.
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Ensemble séparés

Ensemble séparés, le dernier roman traduit de l'irlandais Dermot Bolger, possède des allures d'étude de moeurs matrimoniale avec ses trois personnages principaux au bord de la crise de nerfs : Chris et Alice, son épouse, et Ronan, voisin le plus proche, "meilleur ami" de Chris et premier amour d'Alice. Trois caractères dissemblables : timoré pour l'un, dépressif pour elle, arrogant pour le dernier. Ceci pour les traits apparents car la richesse du roman vient en grande partie de sa profondeur psychologique. Le livre s'attarde sur chacun d'eux à tour de rôle, relatant tout aussi bien leurs réactions aux événements en cours (traumatisants) que leur passé, souvent source de frustrations et marqué par un drame (pour Chris et Alice). Plus brièvement, Sophie, leur fille, intervient également et Bolger utilise pour une fois le "Je" comme pour montrer que celle-ci, qui a également un secret, est la seule à ne pas se mentir et à préférer la vérité aux compromis(ssions). Au-delà de ses personnages, que l'auteur ne ménage pas, Ensemble séparés trace le portrait d'un pays (en 2007) qui n'a plus rien à voir avec l'image traditionnel de l'Irlande, enivré par le capitalisme, au paroxysme de la bulle spéculative immobilière. Au bord du précipice, ni plus ni moins. En fin stratège, Dermot Bolger conduit son roman de main de maître, avec un tempo plutôt lent dans sa première partie, qui s'accélère ensuite dans un rythme de thriller jusqu'à son étonnant dénouement. Outre ses protagonistes irlandais, le livre réussit aussi une évocation saisissante de l'émigration avec notamment l'épouse philippine de Ronan et plusieurs ouvriers dont l'histoire de l'un d'eux, venu d'ex-Yougoslavie, est terrible. Et dire que le livre ne semblait être rien d'autre qu'un récit d'un mariage qui part à vau-l'eau ! Quelle densité dans la trame du roman et quelle rouerie d'écrivain chez Bolger pour nous emporter sur des territoires bien plus étendus.
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Le sort en est jeté

Joey vit seul avec sa mère et son goût pour la musique, héritage de son père décédé. Ce dernier, à la recherche du son parfait n'a jamais réussi à enregistrer d'album.



Le jeune homme va devenir l'ami de Shane, un lycéen populaire à qui tout réussi mais qui pourtant semble souffrir d'une grand solitude.



Aisling est la troisième pièce du puzzle de l'histoire. Anciennement amoureuse de Shane, elle s'en méfie depuis qu'ils ont ensemble vécu une étrange aventure après laquelle le garçon n'a plus jamais été le même.



A la manière d'aimants, les personnages vont tout à la fois s'attirer et se repousser dans un même élan, créant une danse étrange, vive et lente à la fois, dans laquelle le lecteur doit, sans pouvoir tout à fait prendre parti, tenter de comprendre les scènes, comme si elles étaient décrites de l'autre côté d'un immense feu.



Les éléments, l'eau et le feu, seront aussi constitutifs de l'histoire avec au final un récit qui prend l'allure d'un' fable. Sommes nous responsables de nos choix ? Que sommes nous prêts à donner afin de voir réaliser notre voeu le plus cher ? Un livre qui intrigue...




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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Après l'éblouissement de Une arche de lumière impossible de ne pas avoir envie de lire le premier volet de la vie d'Eva. Il y a 13 ans d'écart entre la publication de chacun des volets qui forment un superbe diptyque, à la fois riches en éclairage sur le 20ème siècle et tendus d'une subtile émotion. Une arche de lumière débutait en 1949 au mitan de la vie d'Eva qui, à l'aube de la cinquantaine décidait de conquérir sa liberté et de vivre enfin selon ses aspirations. Toute la famille sur la jetée du Paradis raconte les jeunes années et le parcours d'Eva ainsi que celui de sa famille, les Goold Verschoyle depuis leur manoir du Donegal et partout où les événements les portent. Deux guerres mondiales, les guerres civiles sur fond d'affrontements idéologiques entre fascisme et communisme. Ce qui ressemble beaucoup au bonheur, ces années d'enfance, d'adolescence et d'insouciance, chacun des cinq membres de la fratrie s'en souviendra à chaque étape cruciale de sa vie. Les rires et les pique-niques sur la jetée, la force de l'océan, l'intensité des moments partagés. Maud et Eva, les deux aînées se marient à quelques mois d'intervalle et c'est le coup d'envoi de l'éloignement. Art, le cadet d'Eva, l'héritier de la famille est depuis l'adolescence captivé par les doctrines communistes prônées par leur voisin, ancien militaire sur le front de l'Est en 1917 et le benjamin, Brendan suivra ses traces. Pendant de longues années, sans nouvelles de lui après qu'il ait rejoint l'Espagne pour se battre contre les fascistes, chaque membre de la famille n'aura de cesse d'élucider le mystère de sa disparition. Dans sa nouvelle maison du comté de Mayo transformée en relais de chasse, Eva devenue Fitzgerald et mère de deux enfants espère aussi voir apparaître son frère au détour d'une allée. En attendant elle gère un mari pas très capable, une propriété qui tombe en ruine, la précarité. Ses rêves artistiques se sont fracassés sur le mur de la réalité conjugale... Mais elle trouve du réconfort dans la lecture, la proximité avec la nature, la compagnie de ses enfants, l'amitié de la jeune Maureen et de certains hôtes payants. Elle apprend, Eva. Chaque rencontre l'enrichit, on voit déjà se développer l'attention qu'elle portera aux autres tout le reste de sa vie, la femme protectrice et attentive que l'on verra évoluer dans Une arche de lumière.



Dans ce roman, Dermot Bolger travaille une matière foisonnante et parfois complexe lorsqu'il s'agit d'explorer les méandres des idéologies politiques sur un terrain explosif. C'est extrêmement instructif, les idéaux d'Art et Brendan ne sont pas ménagés. Mais ce qui emporte définitivement le morceau c'est ce fil qui relie chaque membre de cette famille à ces instants sur la jetée du Paradis, le nom qu'ils ont donné à ce lieu qui demeure à jamais dans leurs mémoires. Malgré l'éloignement. Malgré les affrontements. L'auteur tisse son roman autour de ce fil avec une émouvante justesse et conclut dans un dernier chapitre époustouflant de beauté, un feu d'artifice d'émotions.



Avec ce diptyque, Dermot Bolger nous offre une formidable traversée du 20ème siècle avec pour guide une héroïne exceptionnelle et inspirante. Que la littérature peut être belle !
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Une arche de lumière

"Quoi que la vie te réserve, promets-moi de te battre bec et ongles pour le droit au bonheur".



Cette demande a l'air simple, pourtant dans une société où l'on se préoccupe surtout de son statut elle a de quoi surprendre. Cette phrase prononcée par sa mère le jour de son mariage, Eva ne l'oubliera jamais. Elle la confortera dans ses choix, lui fera relancer la marche avant lorsqu'elle se trouvera temporairement enlisée, lui permettra de construire sa vie en suivant son instinct. Qu'est-ce que le bonheur ? Éternelle question à laquelle chacun répondra de façon très personnelle. Pour Eva, le bonheur a un rapport étroit avec la liberté. Et sa recherche de liberté va l'amener à faire puis assumer des choix qui la mettront en marge de la société pendant une bonne partie de sa vie. Dès le moment où, en 1949, à 46 ans elle convainc son mari de la laisser partir. Elle quitte la demeure cossue des Fitzgerald pour une petite maison à Dublin où elle s'installe avec ses deux enfants déjà grands et prêts à faire leur vie de leur côté. Elle ouvre une école d'art pour les enfants, persuadée que laisser s'exprimer la créativité est le premier pas vers la construction de soi. Elle ne sait pas encore à cette époque qu'elle n'est qu'au milieu de sa vie, que de terribles chagrins l'attendent. Mais aussi des rencontres. En Irlande, en Espagne, au Maroc, dans les îles britanniques et même au Kenya où vit sa fille, mariée à un propriétaire terrien. Partout où ses envies la portent. Une vie sobre, débarrassée de vaines possession, axée sur le rapport aux autres, sur l'engagement pour les causes qui lui tiennent à cœur, sur une certaine spiritualité à mille lieues des murs fermés des églises. Jusqu'à sa (presque) dernière demeure, une roulotte qui lui permet de se poser quelque temps et de repartir, défendant farouchement son indépendance et sa liberté, et que sa petite fille baptisera "l'arche", nom prédestiné.



Une arche de lumière traverse la seconde moitié du 20ème siècle aux côtés d'une héroïne formidablement attachante sur fond de conflit irlandais, de décolonisation et de luttes pour toutes les émancipations qu'il s'agisse de l'apartheid en Afrique du Sud, du droit des femmes ou de ceux des homosexuels. Eva s'intéresse au vivant, à la personnalité de chacun, mère attentionnée et inquiète, grand-mère éblouie, oreille attentive et réconfortante pour celles et ceux qui se donnent la peine de dépasser les convenances. Prête à renoncer à son dernier rêve, s'installer au Costa Rica pour ne pas abandonner son vieux chien.



Cela faisait bien longtemps qu'un roman ne m'avait autant émue. Peut-être parce qu'il interroge tellement le sens de la vie, sans effets spéciaux, à l'aune de sentiments palpables. Sans doute aussi parce que Dermot Bolger s'inspire d'une femme qu'il a réellement rencontrée comme il le raconte dans une très belle postface. Dans un monde où nous faisons face à de plus en plus d'injonctions parfois contradictoires, où la pression de l'image et de la consommation n'ont jamais été aussi fortes, où le bruit se fait assourdissant, ce personnage déterminé à suivre sa voie, à assumer une sorte de décroissance en se contentant du minimum vital et surtout à savourer les instants d'un bonheur très simple est tellement inspirant.



Il y aurait encore beaucoup à dire. Pourtant, ce qui me semble le plus important c'est de souligner la beauté poignante qui se dégage de ce roman à l'image de ces quelques mots que Francis, le fils d'Eva adresse à sa mère dans une lettre : "Aujourd'hui, pendant que j'en dégageais un (arbre), j'ai compris ce que toi et moi nous devons faire de nos vies : éclaircir autour de nous un espace suffisant pour pouvoir y respirer et simplement vivre notre vie, en restant nous-mêmes."



Le plus beau roman que j'aie eu sous les yeux depuis un bout de temps.
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Une arche de lumière

Babelio Masse Critique épisode je ne sais plus combien tant notre collaboration est ancienne. Et bon millésime cette fois avec le dernier roman de Dermot Bolger Une arche de lumière. Cet auteur irlandais est l'un des meilleurs contemporains, mais j'en dis autant de Colum McCann, Joseph O'Connor ou Donal Ryan. Années cinquante, Eva est l'héroïne irlandaise, épouse de Freddie, mais qui ne partage pas les idées conservatrices de son mari. Eva reprend sa liberté. Et se consacrera à sa vie personnelle, ce n'est cependant pas un roman que je définirais comme féministe, c'est bien mieux que cela. Francis, le fils d'Eva et Freddie, est homosexuel. En ce temps là, pas facile. Leur fille Hazel, très indépendante, aura besoin de deux mariages pour comprendre sa solitude.



On suit Eva du comté de Mayo au Maroc, en passant par l'Espagne et le Kenya qui s'éveille à l'indépendance. C'est un très beau personnage romanesque, un peu inadapté que ce soit à l'Irlande rétrograde (oui, ma chère Irlande a longtemps privilégié l'obscuroté), ou au monde en général. Mais surtout Eva a vraiment existé et Dermot Bolger l'a bien connue. J'ai aimé cette dame mûre, vieillissante, très âgée et son énergie à vivre au mieux avec ses convictions, qui parvient à ne jamais s'arroger le droit de donner des leçons. Une vie jalonnée de drames terribles, trois horreurs successives. Mais Eva est une vivante, une opiniatre qui tout au long de son existence, a privilégié sa liberté tout en empathies, difddrentes, avec Franciset Hazel.



On sent l'importance qu'a eue dans la vie de Bolger Stella, le modèle qui lui a inspiré le personnage d'Eva. C'est très émouvant et pour tout dire on envie cette relation. Relation déjà évoquée dans Toute la famille sur la jetée du Paradis, que publia l'auteur en 2008, la famille Goold Verschoyle, dont Stella (Eva) est le membre le plus attachant. Les 460 pages d'Une arche de lumière, c'est une odyssée, un voyage "vital" avec ses tristesses infinies, ses moments de joie simple, surtout les rapports d'Eva avec les jeunes générations, sans flatterie ni démagogie. Et la grande complexité des fils qui unissent les êtres humains.



Merci à Babelio, qui m'a parfois éloigné de mes conforts littéraires, et c'est très bien ainsi. Et aux Editions Joelle Losfeld.
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Une seconde vie

Difficile de donner mon avis sur ce livre. J'ai vraiment le sentiment d'avoir lu deux parties radicalement différentes.

Le début a été laborieux, la compréhension difficile. Les allers-retours dans le temps choisis par l'auteur m'ont demandé de réels efforts de concentration. La fatigue aidant, j'ai failli refermer ce roman à plusieurs reprises (et c'est rare !)

Et puis, j'ai persisté, toujours curieuse de connaître le dénouement.

(Ca me perdra ! hihihi).

Et j'ai bien fait !

Le rythme s'est emballé. La quête de Sean Blake est petit à petit devenue mienne. Ce n'est pas mon histoire, mais sa recherche d'identité a rejoint mon intimité, mes nombreuses questions sur ma vie, mon passé, ma famille, mon essence.

J'ai ressenti dans mon corps, dans mon âme, les émotions de cet homme sur le chemin de son Histoire. Troublée par le mystère, émue par les rencontres (celles qui ont eu lieu et celles qui ont manqué), touchée par l'amour inconditionnel des siens, fatiguée des non-dits, révoltée de la sacro-sainte respectabilité de l'époque, j'étais au diapason, totalement happée par les mots de l'auteur, imperméable aux agitations des fêtes de fin d'année actuelles.

En refermant ce livre, le silence s'est imposé. Quelques longues minutes. J'ai pris le chemin du retour, une bonne respiration, et je me suis replongée dans ma vie bruyante et trépidante. Difficilement.
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Le ruisseau de cristal

L'irlandais Dermot Bolger n'est pas un écrivain facile. Et Le Ruisseau de cristal (The Woman's Daughter en V.O), roman dont la première partie a été publiée en 1987 (Sous le titre : Le ventre de l'ange en France) puis étoffée par son auteur 5 ans plus tard, est sans nul doute plus rude encore que ce que l'on avait pu lire de lui jusqu'ici. Première raison : les thèmes abordés. Bolger est le chantre de personnages assez souvent issus de la classe ouvrière dont l'aliénation sociale provient aussi bien de leur condition que de leur inadaptation à leur temps. Comme si le bonheur leur était inaccessible, à eux qui vivent dans les quartiers les plus pauvres de Dublin ou dans ses faubourgs. Inceste, alcoolisme, maltraitance, ... des existences comme des chemins de croix. Deuxième raison : la construction du livre, constitué de trois récits, le deuxième comportant en son sein une histoire se déroulant à une autre époque et ressemblant à une sorte de rêve surgi de nulle part. A travers ses différentes intrigues reliées confusément par un ruisseau qui s'écoule au milieu du paysage, Bolger s'attache à décrire des solitudes infinies, des cadres familiaux dévastés par des désirs interdits et des vies détruites dès la jeunesse. Sombre tableau d'une grande puissance stylistique mais où la noirceur de destins sans avenir se révèle extrêmement éprouvante.
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Je m'attendais à un roman léger, un saga familiale comme on en voit souvent et bien je me trompais et j'ai très vite été mis au parfum avec les premières pages. On y découvre une famille décimée par les événements historiques de l'époque (un des fils est en route pour le goulag, l'autre est interné dans un camps de l'IRA). Et puis ensuite on fait un bond de 30 ans en arrière et l'on apprend a connaitre cette famille bourgeoise vivant dans le nord de l'Irlande.

L'écriture de Dermot BOLGER est très belle, les faits historiques sont très bien relatés mais ce roman reste très noir et très sombre.
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Une seconde vie

Après avoir été déclaré cliniquement mort à la suite d’une grave collision, Sean Blake, narrateur de cette histoire, revient à la vie avec une obsession : partir à la recherche de ses racines. Enfant adopté, il est à présent désireux de connaître la vérité sur sa mère biologique et la rencontrer, sans savoir s’il sera repoussé ou fêté. Et c’est avec colère, acharnement, désespoir, souffrance qu’il va courir après cette vie volée.



A travers le passé de cet homme, on découvre le passé d’un pays où les préjugés soigneusement entretenus par l’Eglise sont une source d’oppression. Sean Blake découvre la détresse de jeunes irlandaises qui n’avaient pas d’autre choix que d’abandonner leur bébé né hors mariage. Ces femmes à qui on a claqué la porte chaque fois qu’elles tentaient d’entrer en contact avec leur enfant ou d’obtenir des renseignements sur lui. Celles qui avaient trop honte ou trop peur pour en parler à quiconque.



Le vécu de Lizzy, la mère de Sean, nous est également raconté. Pas de description binaire où bons et mauvais seraient catalogués. Le constat est plus nuancé et, des religieuses aux parents adoptifs, des filles-mères à la population silencieuse, on prend conscience que, entre dévotion religieuse et culte de la respectabilité, les secrets de famille étaient bien gardés et sortir de son rôle se révélait très difficile. Les adoptions étaient monnaie courante et la plupart des gens, à leur manière, pensait agir pour le bien de tous.



Le mystique se mélange à l’histoire avec les visions du narrateur, notamment l’image redondante d’un visage qui le hante, celui qu’il a eu dans une existence antérieure.



J’ai beaucoup apprécié l’écriture de Dermot Bolger et j’ai suivi la quête de Sean Blake avec intérêt. Un livre à lire, autant pour sa trame narrative que son intérêt historique.
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Maud, Eva, Art, Thomas et Brendan sont les cinq enfants du couple Goold Verschoyle, habitant Manor House, dans le petit village de Dunkineely en Irlande. Dans cette famille protestante, l'auteur a choisi de suivre plus particulièrement le devenir de trois des enfants, Eva artiste et rêveuse, Art l'aîné des garçons et donc l'héritier de Manor House et Brendan le petit dernier qui adore et admire son frère aîné au delà de tout. L'histoire débute en 1915 et on se rend vite compte qu'une très belle enfance et des parents attentifs et aimants n'ont pas empêché la survenue de problèmes : les garçons, Art en tête, sont devenus de fervents communistes. A une époque où la misère était très profonde en Irlande, un certain nombre de gens ont cru que le marxisme était "amour et bienveillance" et Art pensera toute sa vie que le communisme pourrait venir en aide aux enfants affamés et sans chaussures ... Les filles de la famille Goold Verschoyle se marient et Art part vivre en Russie ; Eva a sans doute laissé partir le grand amour de sa vie et épouse Freddie dont elle essaiera d'être une bonne compagne. La force de l'auteur est de suivre la famille durant toute cette période très troublée allant de 1915 à 1946 ( la grande guerre et ses terribles conséquences, la guerre civile irlandaise (1922 /1923) qui opposa les indépendantistes irlandais entre eux, la guerre d'Espagne où se rendra Brendan, la deuxième guerre mondiale), de lier en quelque sorte la petite et la grande histoire; il y a en particulier une dénonciation terrible du communisme et de toute tentation extrémiste, à travers les mésaventures de Art et de Brendan.



Malgré leur destin plutôt tragique, les enfants Goold Verschoyle gardent tout au fond de leur coeur le souvenir de leurs étés d'enfance, des pique-nique et des baignades à la jetée du Paradis ; et c'est ce qui les aidera à traverser l'enfer de la première moitié du XXème siècle.



Dermot Bolger a réussi un livre superbe, fascinant, extrêmement prenant et formidablement intéressant sur le plan historique; loin d'être un nième livre sur l'Irlande, il s'agit ici d'une histoire "presque" vraie, construite à partir de ce que lui a raconté de sa vie et de celle de sa famille, une certaine Sheila Fitzgerald devenue Eva dans le livre. Les personnages, les lieux sont attachants et la belle écriture sublime une histoire magnifique.
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Une illusion passagère

Dermot Bolger est un écrivain irlandais dont j'avais beaucoup aimé le précédent roman publié en France , "une seconde vie", roman ambitieux et ample, sur la société irlandaise, ses secrets tout cela sous fond d'accident de voiture et de recherche de maternité (voir ma chronique ici même)



Pour son nouveau roman, publié en cette rentrée littéraire, toujours chez Joelle Losfeld, Bolger est plus modeste et dans le fond et dans la forme, puisqu'il opte pour du récit très court ,entre la nouvelle et le roman, et qui va déroule dans un espace temps très limité (une soirée et une nuit d’hôtel), dans dans le huis clos d'une chambre d'hôtel de Luxe en Chine.,



Un haut fonctionnaire, Martin, diplomate un peu usé, revit les bons et mauvais moments de sa vie conjugale et familiale. Une remise en cause, voire une auto-critique profonde se produit loin de ses repères, dans cet hôtel où sa rencontre avec une masseuse va être le catalyseur de cette auto analyse. Un roman qui peut se voir comme un long monologue intérieur profond et au fond de l'air assez dépressif, mais dont le charme est évident, grâce au talent incontestable de l'écrivain qui réussit parfaitement à nous faire ressentir les déchirements intérieurs de cet être touchant malgré lui.



La rencontre sentimentale, entre Martin et cette masseuse chinoise, à des années lumières de son monde à lui, pourrait frustrer le lecteur par son manque de passion, et sa vraie brieveté, mais en même, ce refus du sensationalisme et de l'attendu, est également un des atouts indéniables de cette belle Illusion Passagère qui laisse un plaisir durable à la fin de la lecture.
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Une seconde vie

La recherche de la mère suite à une adoption. l'Irlande les non dit. Les traditions les secrets de famille, l'église, tout ceci s'entremele sur deux époques aujourd'hui et il y a 40 ans. Un roman réussi tout en nuance, un tour de force dans l'écriture qui nous propulsé dans l'histoire mais ce n'est pas une lecture si facile que ça. Un ouvrage de qualité.
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Un roman envoûtant, un roman fascinant : ce sont les premiers mots qui me viennent après l'avoir refermé. Je découvre ici Dermot Bolger, écrivain irlandais protestant, par ce gros pavé de plus de 650 pages écrit serré. Quel régal !



Eva, Brendan, Maud, Art et Thomas sont les cinq enfants de la famille Goold Verschoyle qui vit à Manor House, grande propriété ancestrale. Les Goold Verschoyle sont protestants et cette maison représente la fortune amassée par leurs aïeux, qui ont spolié les terres aux Irlandais de "souche", les catholiques. Seulement, cette famille, à commencer par "Père" et "Mère" ne sont pas comme tous les autres protestants d'Irlande : ils ont un complexe par rapport au passé. Ils cherchent donc à réhabiliter leur nom par la générosité et l'ouverture d'esprit. Tout de suite, on les aime, mais on les trouve aussi un peu naïfs...



Leurs meilleurs amis s'appellent les Ffrench (avec 2 F) et ils sont communistes. Mr French décide un jour d'aller faire un séjour en Union soviétique, vivre dans un kolkhose. Seulement voilà, il est perçu là-bas comme un capitaliste pété de fric (ce qu'il est, pour le fric). Victime de préjugés de la part des communistes russes, la vie qui lui sera faite sera tout sauf idyllique. Il rentrera dans le Donegal sans toutefois révéler la vérité. Ce qui est bien dommage, car son idéal communiste va déteindre sur l'aîné des garçons Goold Verschoyle, Art, mais aussi sur le petit dernier de la famille, Brendan, qui n'a d'yeux que pour son frère. Eva, quant à elle, paraît bien plus conventionnelle, même si elle est artiste dans l'âme et surtout grande rêveuse. Quant à Maud et Thomas, si le lecteur sait qu'ils existent, ils sont quasiment absents du roman, retenus en Afrique du Sud à cause de leur nom.



Les Goold Verschoyle ont tout pour être heureux : leur magnifique demeure mais surtout un environnement digne du Paradis avec la jetée sur la mer qui se trouve à Dunkineely, où il fait bon plonger dans les vagues. La forêt, qui entoure la proriété, qui est le meilleur des refuges pour artiste en herbe. Seulement, cette famille a un souci d'identité : en Irlande, parce que protestant et donc non irlandais de "souche" de par l'histoire du pays, ils sont considérés comme des étrangers et surtout des intrus par les catholiques qui sont pauvres. C'est donc, en quelque sorte pour se faire une place respectable dans la société irlandaise que Art et Brendan vont se convertir au communisme, suite aux éloges faites par Mr Ffrench. La redistribution des richesses et la solidarité envers les plus pauvres sera leur cheval de bataille. Un programme ambitieux et utopique ! Mais nos héros sont des romantiques jusqu'au bout des ongles et c'est ce qui va les détruire, surtout lorsqu'en plus l'Histoire s'en mêle pour les transformer en pantins...



Le lecteur suit la vie de cette famille de 1915 à 1946 et va traverser avec eux l'Enfer de l'Histoire, en espérant retrouver le Paradis du début du livre !

Les personnages sont à la fois attachants et agaçants, surtout Art ! Il veut tellement arriver à son idéal sociétal qu'il oublie de penser par lui-même, bien trop endoctriné par le stalinisme qu'il a appris par son séjour en Union soviétique. On a même envie de lui coller des claques, parce que nous, lecteur, nous savons ce qui est arrivé à son petit frère Brendan (je ne peux le révèler sous peine de "spoiler" mais c'est vraiment terrible !). Il va se retrouver pieds et poings liés.

J'ai beaucoup plus apprécié le personnage d'Eva : aussi romantique que ses frères, mais dans un autre genre: c'est l'éternelle jeune fille, qui, même mariée et mère de famille, se retourne sans arrêt sur son enfance et son premier amour qu'elle a laissé filer... Mariée à Freddie Fitzerald (nom d'origine anglo-normande), un protestant caricatural, elle parviendra tout de même à se concocter un petit paradis, fragile comme une bulle de savon.



Ensuite, Eva est celle qui délivre les fantômes. Parce que oui, ce roman a un côté gothique ! Et ça ce fut une vraie bonne grosse surprise littéraire ! Les grandes demeures de Manor House et Glanmire House se transforment en ruines, au fur et à mesure que l'on avance dans l'intrigue. Mais surtout, l'ancienne cave à vins transformé en chambre de Manor House est habité par un fantôme qui demande qu'on le délivre ! Dermot Bolger m'a soufflée par cette touche d'originalité !



Reste un style magistral, à la fois simple et poétique, qui vous fait voyager loin ! On ne s'ennuie pas un seul instant, les rebondissements vont bon train. Dermot Bolger règle son compte à toutes les doctrines et comportements extrêmistes, que ce soient ceux de l'IRA, des fascistes ou des soviets - même si je l'ai trouvé dur avec l'IRA !!



Ce roman est tiré d'une histoire vraie...
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Le sort en est jeté

Septembre 2009, Joey, 16 ans et 8 jours, fait sa rentrée à Stradbrook College, son nouveau lycée, après avoir été victime de harcèlement dans le précédent. C'est un adolescent fragilisé et pas très à l'aise dans ses baskets qui pénètre dans la classe, bien décidé à se fondre dans la masse, à devenir le plus invisible possible. Pourtant, il ne pourra éviter la rencontre avec le magnétique Shane O'Driscoll, nouvel élève qui arrive le même jour que lui. Et c'est aussi sans compter pour son attirance vers Aisling, la belle fille aux cheveux noirs presque bleus.



Joey a perdu son père quand il était encore bébé. Musicien perfectionniste, il cherchait le son qui le rendrait immortel. Mais il se tue dans un accident de voiture devant les ruines du Hellfire Club, où autrefois des joueurs débauchés se saoûlaient de whisky de contrebande adouci au beurre fondu, en portant un toast à la santé du diable... Ce lieu traîne également une légende sulfureuse (que je ne vous raconterai pas mais qui vous fiche des frissons).

1932 : Thomas découvre le jazz . Pour le père O'Connor c'est la musique du diable parce que c'est une musique qui vole les âmes. A cette évocation, le médecin de Thomas éclate de rire et lui explique ce qu'est un changeling : une créature maléfique ni morte ni vivante que les mauvais esprits déposent dans un berceau, à la place d'un bébé...



Et puis il y a cette maison en ruine, que tout le monde pense inhabitée...



Nous sommes en Irlande, à Blackrock et ses environs, à quelques encablures de Dublin. Dans un contexte très contemporain et réaliste. Pourtant Dermot Bolger tricote un récit qui vous fera plonger, de manière vertigineuse dans un autre univers. Celui du fantastique mais néanmoins tout en semant le doute dans votre conscience de lecteur. En tout cas, tout au long de ce récit qui se partage entre les années 30 et 2009, de manière non chronologique, je me suis vraiment posé des questions et demandé comment l'écrivain allait arriver à retomber sur ses pieds.



Joey, Shane et Aisling ont comme point commun d'être fragilisé par la vie à un moment clé de leur existence. Ce sont également des êtres solitaires, timides et sauvages qui ont du mal à nouer des contacts avec les autres. Même chose pour Thomas. Leur histoire respective est dévoilée au fur et à mesure, de manière fragmentée. Elles résonnent comme des échos vertigineux, comme un sortilège dont on ne peut se défaire. C'est du moins ce qu'on essaie de leur faire croire. Mais justement, qui est vraiment Thomas ? Qui est vraiment Shane ? Qui ment ? Qui tire les ficelles de la manipulation ? Qui sera assez fort pour s'en sortir et devenir libre ? "Parfois, il faut partir loin de chez soi pour découvrir qui l'on est vraiment. Il y a très longtemps, quelqu'un m'a dit qu'en chacun de nous se cachent plusieurs personnalités, des bonnes et des mauvaises, qui attendent l'occasion de se manifester."



Un suspense intenable va vous mettre la tête à l'envers avant de vous la retourner à l'endroit. La solution se trouve dans les toutes dernières pages du roman, tout en laissant votre part d'imaginaire faire un choix.



Un beau roman sur l'identité, les âmes errantes qui se cherchent. Un roman qui sonde les psychés adolescentes de manière incroyable mais aussi un sacré thriller à la fois fantastique et psychologique qui révèle l'étendue du talent de Dermot Bolger.

Un livre différent de ceux que j'ai lus de lui jusqu'à présent (mais on retrouve son goût pour le fantastique et le gothique, comme dans Toute la famille sur la jetée du Paradis). Son premier roman "ado/jeune adulte" mais qui pour moi dépasse largement cette catégorie.



Avis aux amateurs de frissons et de littérature irlandaise : quel que soit votre âge, vous allez adorer ! Je le classe "1er coup de coeur 2015".
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Le ruisseau de cristal

Dermot Bolger n’est pas un auteur facile à aborder. Ses récits ancrés dans la classe ouvrière irlandaise, sont souvent assombris par les violences infantiles, l’alcool, la perte violente de parents. La frontière avec l’au-delà, l’imaginaire n’est jamais loin.

Ce roman est particulièrement complexe parce qu’il a été écrit en plusieurs étapes. Dermot Bolger a écrit la première partie en 1987 et l’a complétée avec deux autres parties cinq ans plus tard.

Sandra a perdu sa mère alors qu’elle avait huit ans. Elle est élevée par son père dans une maison de cité proche du cimetière et du ruisseau. La maison n’est pas grande, elle doit dormir dans le même lit que son frère. A l’école chrétienne, elle est éduquée à la badine.

Une vie sinistre qui lui fait accepter la tendresse particulière de son frère, même si elle sait que c’est mal. Jusqu’à se retrouver seule avec cette maison et une enfant que l’on devine, fruit des amours incestueuses, cloîtrées jusqu’à la mort.

La seconde partie est particulièrement difficile à suivre puisqu’elle alterne deux histoires en des temps différents.

Une histoire actuelle d’un jeune bibliothécaire d’une famille ouvrière des années 70 amoureux de Joanie, jeune femme libérée, mystérieuse, perturbée par la méchanceté de sa grand-mère et la connaissance du drame survenu dans une des anciennes maisons de la cité.

» Elle avait l’air d’en avoir déjà plus vu dans la vie que le reste d’entre nous. Et pourtant, il y avait en elle quelques traits enfantins, la façon dont elle se vantait constamment des succès de sa famille, celle dont elle marchait, comme si les yeux de tous les hommes présents n’avaient pas pu se détacher d’elle.«



Puis, au XIXe siècle, celle d’un précepteur, Johnny, lui aussi issu d’une famille pauvre mais éduqué par un intellectuel voisin, amoureux d’une servante, Bridget, jeune fille hantée par des visions de fantômes dans sa chambre.

« Les vieilles d’ici disent qu’un enfant des fées est venu et lui a volé son âme, mais bon, encore faut-il y croire.«



La troisième partie reprend l’idylle entre un Johnny (oui encore un, celui qui a découvert l’enfant cloîtrée dans la maison de la cité) et Joannie. Cette partie assez énigmatique elle aussi reprend toutefois quelques liens comme le personnage de Turlough, un vieil ermite sensible aux âmes du passé, les lieux et maison des drames.

» Et j’ai compris que ce ne sont pas les fantômes du passé que nous devrions craindre, mais ceux qui ne sont pas encore nés, dont on n’a pas encore rêvé, ceux à venir, hors de notre contrôle ou de notre compréhension, qui se souviendront ou bien qui oublieront, qui nous pardonneront ou qui nous condamneront.«



Par ce livre, Dermot Bolger montre comment les drames de nos voisins peuvent envahir les consciences des faibles. Chaque génération porte successivement les errances des fantômes proches de nos vies. Et dans cette société ouvrière de l’Irlande, les drames sont fréquents.
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Une seconde vie

'aime beaucoup les romanciers irlandais, de Jennifer Jonhston à Keith Rigdway en passant par Joseph O Connor. Ils ont une capacité à tisser des mélodrames remplis de mystère où l'on sent affleurer les fantomes et les secrets de L'Irlande du passé, avec souvent le poids de la religion en toile de fond.



Parmi ces auteurs, je ne connaissais jusqu'à présent que de nom le romancier poète dramaturge Dermot Bolger , pourtant reconnu immense auteur dans son pays natal. Bolger avait déjà écrit en 1993 une première version de ce roman, une seconde vie, et il a tenu, (il l'explique les raisons dans une préface très émouvante) en rédditer une nouvelle version quelque peu aménagée éditée chez Joëlle Losfeld.



Une seconde vie a pour toile de fond un thème qui m'avait beaucoup marqué dans une autre oeuvre, mais cinématographique celle ci, celle du film de Peter Mullan « Magdalene sisters ». Dans ce roman, on retrouve ainsi, avec la même émotion, l'histoire de ces adolescentes irlandaises brisées et humiliées, dont le malheur se répercuta sur les générations suivantes. Les jeunes irlandaises, qui avaient le malheur de tomber enceinte, étaient envoyées dans des couvents loin des regards des voisins. Les pauvres filles étaient maltraitées et devaient travailler dur malgré leur état.



L'une de ses filles a du se séparer de son enfant à la nassaince, et c'est cet enfant, Sean Blake, dont on va suivre le cheminement intérie et sa quête pour retrouver sa mère . Ce n'est qu'àprès avoir été déclaré cliniquement mort à la suite d'une grave collision ( le tout début du livre) , ce photographe quadragénaire marié et père d'un petit garçon remet en question son existence - présent et passé -, s'éloigne de sa femme et part en quête de ses racines: adopté alors qu'il était nourrisson, il n'a jamais cherché jusque-là à connaître sa véritable mère, et savoir qui elle était lui paraît soudain vital.



Une seconde vie est l'histoire, quasi psychanalytique, de la recherche d'un double passé enfoui: passé d'un homme et passé d'un pays. L'accident à la suite duquel il a connu un instant la mort est pour le héros comme un électrochoc: les souvenirs de l'amour de ses parents adoptifs ne lui suffisent plus, ni la tendresse impuissante de sa femme, à qui il n'a jamais dit qu'il était un enfant adopté, et à laquelle il sait qu'il ne parviendra pas à le dire tant que lui-même n'aura pas appris la vérité sur sa naissance. Cette seconde vie qui lui a été donnée doit avoir un sens : la quête de son identité.



Le livre a donc une matière riche et dense, et si toutes les pistes ne sont pas forcément toutes exploitées comme on aimerait, Dermot Bolger explore les liens de filiation dans son dernier livre avec beaucoup de justesse et d’émotion.



Un roman émouvant, parfois même bouleversant et qui raconte une Irlande dure où le poids d’une société respectable et d’une église intransigeante brisent la vie des jeunes filles devenues filles-mères. Le livre essaie de résoudre la question de savoir en quoi nos origines nous définissent lorsqu’on a été abandonné ?, et les réponses qu'il apporte sont plutot pertinentes.



Et au cours de ses recherches, Sean découvre une Irlande enfouie qu'il ne connaissait pas, une Irlande dans laquelle les superstitions, les préjugés soigneusement entretenus pas l'Église sont restés, jusque dans les années 1960, une source d'oppression. Toute la société irlandaise est touchée : cela se ressent tant dans les recherches qu’effectuent Sean que dans sa propre histoire personnelle qui se construit peu à peu et rattrape les ombres du passé.



Bref, un bien beau livre et encore une belle illustration de la grande santé des romanciers irlandais.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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