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Critiques de Dino Buzzati (674)
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Le Désert des Tartares

Je l'ai déjà écrit quelque part : il y a lire des livres et il y a lire de la littérature. Bien sûr, je conçois, je comprends qu'on puisse ne pas aimer ce livre : j'admets même carrément que l'on puisse détester ce qu'il contient, mais il me paraît difficile de mettre en doute la qualité proprement littéraire du roman de Dino Buzzati.



D'un point de vue qualitatif, le Désert des Tartares est un triple concentré de talent : des dialogues écrits impeccablement, un savoir-faire narratif et stylistique concernant l'écoulement du temps, le sentiment ambigu d'attente et d'angoisse que je trouve absolument remarquables. Selon moi, de la très haute orfèvrerie.



Si vous raffolez des scenarii dynamiques où tout explose à chaque page, des enquêtes époustouflantes d'un limier d'exception, du monde des elfes luttant contre des monstres hideux dans un Moyen-âge fantasmé, alors oui, là, force est de constater que vous risquez de vous y ennuyer.



Car le Désert des Tartares, qu'est-ce dans le fond ? Selon moi, une parabole froide (au sens d'un récit allégorique et non en son sens religieux). Et quelle parabole ? Aaaaah ! c'est tout le roman, ça, et ne comptez pas sur moi pour vous le dévoiler entièrement, mais l'on peut tout de même avancer qu'il y est question du sens de la vie, n'est-ce pas ?



Sous des airs anodins, c'est puissant ce qu'il soulève, là, l'ami Buzzati, ça vous remue la carcasse, ça vous labouraille les entrailles. Que symbolise, finalement, cet inaccessible autant qu'inutile fort Bastiani ? Je pense — et ça n'engage que moi, nulle vérité à chercher là-dedans, juste un très subjectif ressenti —, je pense, donc, que le fort Bastiani représente toutes les chimères que l'on se forge consciencieusement durant toute notre vie et qui nous éloignent, justement, de ce que c'est même que la vie.



J'entends par là « le bonheur », « le grand amour », « la réussite », « la reconnaissance », « la retraite », « la carrière », ou que sais-je, enfin vous voyez, ce genre de choses, toutes assez absurdes, n'est-ce pas, dès qu'on prend la peine d'y réfléchir et de les considérer attentivement ne serait-ce que quelques minutes à l'heure de faire son choix entre le boursin et le tartare.



Par exemple, quand on est jeune, c'est-à-dire fin de l'adolescence, début de l'âge adulte, j'en vois beaucoup — et moi la première j'étais comme ça —, qui souhaitent, qui espèrent confusément, comme à travers un nuage, cet état aux contours flous que l'on nomme « être heureux(se) ». Mais qu'est-ce que ça veut dire « être heureuse » ? Pourtant on attend ce moment, on le rêve, on part en quête, et… et l'on est aussi risibles que tous ceux qui, autrefois, cherchaient très sérieusement et très méticuleusement le saint Graal…



L'actualité me pousse à choisir l'exemple de « la retraite ». Combien de fois ai-je entendu la fameuse rengaine : « je fais ça POUR ma retraite » ou « je ferai ça QUAND je serai en retraite ». Quelle ineptie ! La vie, c'est ici et maintenant ! Dans quel état serez-vous quand vous y serez en retraite (a fortiori si l'âge légal pour y prétendre continue de croître) ? Irez-vous même seulement jusque-là ? Rien n'est moins sûr, et pourtant, pourtant, chaque jour, certain(e)s oublient de vivre pour cet idéal hypothétique et scabreux, oubliant, par exemple, que trente ans plus tard, leur corps ne leur permettra plus de jouir comme ils l'imaginaient de cet idéal de pacotille. Mieux, j'accepte de faire une croix sur toutes les plus belles années de ma vie PARCE QUE la retraite après. C'est très chrétien comme conception, très crétin, dans le fond, ça nous dit : « Chiez-en sur la terre, et vous jouissez ultérieurement du Paradis après votre mort fièrement et noblement acquise. » Et si c'était seulement un oubli de vivre, au sens de ce que le mot vivre signifie vraiment ?



« La carrière », « la réussite »… tous ces songes creux, ces fariboles… tous les Steve Jobs de la Terre, qui ont bien réussi… leur cancer ! Et bien, voyez, il est ainsi notre Giovanni Drogo du Désert des Tartares : il ne vit pas l'instant, il vit dans l'attente, dans l'espoir d'un futur hypothétique et grandiose.



(À cet égard, je me permets une minuscule remarque sur le fait qu'en espagnol, les verbes attendre et espérer sont les mêmes : j'espère mon bus… j'attends réussir mon examen… Vous voyez c'est une nuance intéressante. Contrairement à l'espagnol, le français distingue ce qui est presque sûr — attendre — de ce qui n'est qu'hypothétique — espérer. Pourtant, pendant très longtemps, je n'ai jamais regardé ces deux verbes et les deux horizons qu'ils contiennent comme de simples variations de degré de probabilité mais bien comme des notions très différentes. Au moins, notre ami Macron aura-t-il restauré la délicate ambiguïté des termes : avant les gens attendaient leur retraite, maintenant… ils l'espèrent !)



Giovanni Drogo arrive donc, jeune et fringant, au fort Bastiani, une relique des temps ancestraux où défendre une frontière signifiait plus ou moins quelque chose. Il se dit qu'il ne va pas moisir ici, que ça n'est que provisoire : quatre mois, c'est vite passé… Un provisoire qui dure, qui dure, ça n'évoque rien chez vous ? Qui parmi nous n'a jamais dit, « c'est provisoire, je ferai ça plus tard ou je le changerai après » et puis… 10 ans, 15 ans plus tard, la chose en question est toujours là, l'urgence de s'y consacrer s'éloignant presque à mesure que le temps avance.



Et si c'était autre chose encore ? du registre de la peur de vivre, quasiment ? L'angoisse du prisonnier à son dernier jour, quitter un monde réglé et rébarbatif mais que l'on connaît pour un monde potentiellement plus stimulant mais inconnu. Pourquoi certains militaires prolongent-ils leur contrat ? Pourquoi certains refusent-ils d'aller en retraite justement, après avoir passé toute leur vie dans un travail via lequel ils se définissaient ? Pourquoi sauter le pas du ron-ron de notre existence est-il parfois si compliqué ? Voilà ce que questionne le Désert des Tartares.



Pourquoi, enfin, cherchons-nous parfois à nous convaincre que « nous n'avons pas fait tout ça pour rien », qu'il suffit d'attendre encore un tout petit peu, de donner encore un dernier petit coup de collier et que nous serons enfin payés de retour. Et donc, fatalement, on continue interminablement la danse au lieu de passer sagement ce que l'on a perdu au bilan des pertes et profits. C'est un processus psychologique connu sous le nom d'Erreur des coûts irrécupérables (Sunk cost fallacy en bon français dans le texte) qui est au coeur du fabuleux roman d'Horace McCoy On achève bien les chevaux et dont j'ai déjà parlé à propos des livres qui nous déplaisent et qu'on continue pourtant jusqu'au bout (du type Confiteor de Jaume Cabré en ce qui me concerne).



La transition est ainsi toute naturelle avec cette fameuse erreur des coûts irrécupérables, qui, dans de rares cas s'avère cependant payante. Je l'avais évoquée à propos du roman de Julien Gracq, le Rivage des Syrtes. Dire qu'il y a un lien entre le Rivage des Syrtes et le Désert des Tartares est une évidence, le français étant quasiment une réécriture de l'italien… en moins bien, malheureusement. En effet, combien plus laborieuse, combien plus foireuse et mal sentie, combien plus poussive et laxative chez Gracq quand c'est tellement, tellement bien réalisé, bien maîtrisé chez Buzzati ! Mais voilà, n'est pas Buzzati qui veut, et l'on a beau s'appeler Gracq, il y a des fois où la plume cracq, où les phrases demeurent en vracq et où une bonne cure de fénugracq s'impose pour rétablir notre transit. En somme, si vous hésitez entre les deux, j'aurais tendance à vous conseiller légèrement, du genre 300.000 contre 1, la lecture de Buzzati au détriment de Gracq.



Pour cette raison et pour toutes celles que je n'aurais su exprimer ou déceler au travers du désert de cette contribution, lisez, si le coeur vous en dit, cette magistrale pièce de littérature que nous offrit en 1940 Dino Buzzati et que porta à l'écran un autre grand esthète italien en la personne de Valerio Zurlini (voir P. S.). Cependant, gardez à l'esprit qu'une fois encore, toute la furieuse subjectivité exprimée dans cet avis n'est que mienne et ne signifie, en Tartarie comme ici, pas grand-chose.



P. S. : pour celles ou ceux qui auraient vu la magnifique adaptation cinématographique, il ne vous aura pas échappé qu'elle fut tournée dans l'incroyable forteresse iranienne de Bam, quelques années avant la révolution de 1979. Personnellement, je trouve ce château fantastique, j'aurais adoré le visiter, or…

… la nature en a décidé autrement, et bam ! le grand tremblement de terre de 2003 a presque totalement détruit la forteresse de Bam. Seuls les remparts extérieurs ont à peu près résisté. Quel dommage pour ce patrimoine d'exception !
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Le Désert des Tartares

Je viens de finir ce roman et j'ai le merveilleux sentiment d'avoir lu un authentique chef d’œuvre. Ce Désert des Tartares m'a accompagné et hanté par son pessimisme et son côté torturé, puis la fin du livre m'a rassuré tout comme cet aphorisme célèbre de Nietzsche " Tout choix est un renoncement".



L'histoire est simple : Drogo jeune officier est affecté à un fort non loin du Désert des Tartares, les jours se suivent et se ressemblent, puis deviennent des années etc... (je m'arrête là car sinon je dévoile tout le roman)



Ce qui m'a frappé (entre autre chose) c'est la maîtrise du récit sur le plan temporel.



Les personnages sont magnifiques et Drogo pourrait être un cousin germain de Bardamu (la révolte en moins).



Mais le personnage clé du roman est fait de pierres, de chemin de rondes, de redoutes c'est le fort Bastiani : il parle, il chante, il change et pourtant il est immuable ; sûrement un lointain cousin de l'abbaye du nom de la rose.



Certains passages rappellent les plus belles heures de "la grande peur dans la montagne". (le ruissellement de l'eau sur les rochers, la course des nuages..)



Les militaires sont déterminés et en même temps plein de doutes ; ici il n'est pas question d'actes héroïques, de sabre au clair, de champs de bataille, le combat est intérieur et il se livre seul.



C'est un roman épuré, plein d'aphorismes magnifiques et d'une fantastique sensibilité.





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Le Désert des Tartares

Ce roman n'en est pas un, c'est un long et magnifique poème. Enfin, c'est ce que j'ai ressenti car Giovanni est universel, il est moi, il est lui, il est elle, il est vous (et tout ceux qui le veulent... hum, je sors). Il incarne nos envies, nos regrets, nos errances, le condensé d'une vie qui pourrait être la nôtre tant nous prenons un plaisir pervers à gaspiller - par un éventail extrêmement fourni (pour ça les idées ne manquent jamais) - ce précieux temps qui s'égrène et s'échappe comme le sable de la plage de nos vacances glisse entre nos orteils insouciants.

Un bémol pour moi cependant, j'ai déjà consacré beaucoup de temps ;-) à ces questions et beaucoup médité sur "Mignonne, allons voir si la rose" et autres "Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer" et depuis j'essaie plutôt de garder à l'esprit cette citation de Sénèque qui aurait peut-être pu aider Giovanni : "La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie".

Au final je dois avouer que même si je n'ai pas forcément envie de ressasser ces thèmes un peu plombants, c'est bien autre chose que de les aborder avec Dino Buzzati car voilà, c'est trop bien écrit, trop maîtrisé, trop impressionnant, trop bluffant pour laisser indifférent et je dois avouer que j'ai pris un grand plaisir à le lire. Aucun doute, ce roman est une œuvre magistrale.
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Le K

Ville, solitude, indifférence, violence. Mais petit coin de paradis.

Gloire, pouvoir, orgueil. Mais envie. Mais oubli et indifférence après la mort.

Amour, mais jalousie.

Pureté de l’enfance, espoir de la jeunesse, mais jeunesse qui écrase impitoyablement les vieux.

Amis, le sel de la vie. Amour d’une mère. Mais remords d’avoir été égoïste.

Faute, culpabilité, dette, mais réparation.

Vie et mort.

Enfer.



Il y a des nouvelles qui broient, qui tuent. Mais il y a celles qui enfantent une onde pure.

Il y a des nouvelles qui entrainent dans un gouffre obscur. Mais il y a celles qui chantent parmi les anges.

Incapable de résumer ce recueil de vie, je ne peux que jeter les quelques mots qui sortent de moi après cette lecture.

Dino Buzatti m’a littéralement entrainée dans une spirale de réflexion, jusqu’aux racines mêmes de la vie. Vie quotidienne, vie universelle, mais vie profondément humaine. Et pour obtenir cela, il a recours au conte fantastique, à la science-fiction, à la fable, à la fantaisie loufoque, ou tout simplement à la réalité telle qu’elle est – et là, il me touche et me fait vibrer encore davantage - .



Une façon d’écrire claire, fulgurante.

Un sens profond de la nature humaine. Je me suis sentie explorée, fouillée.



Ce recueil de 50 nouvelles n’a pas fini de se propager en moi. C’est une sensation bizarre et merveilleuse.

Je me tais, je fais silence. Et j’accueille le Monde.

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Le Désert des Tartares

On a souvent comparé le style de Buzzati à celui de Kafka. Pourtant, il existe bien une différence entre les deux. Certes, l'absurde apparaît chez l'un comme chez l'autre. Cependant, là où Kafka enferme ses personnages sans vraiment leur laisser de marge de manoeuvre, Buzzati leur laisse le choix. Et c'est bien ce qui arrive ici à ce jeune militaire, Giovanni Drogo. Affecté au fort Bastiani, Drogo découvre qu'il est loin de tout. Face à l'édifice, se trouve une vaste étendue appelée "le désert des Tartares", lieu où est censé se trouver l'ennemi. Mais le règlement très codifié du fort ne lui plaît guère, pas plus que l'isolement. Drogo cherche à partir de cette espèce de forteresse...



Roman de l'attente, roman de l'absurde, Le Désert des Tartares est, sans conteste, un véritable chef-d'oeuvre. On tourne les pages frénétiquement et cela m'a fait le même effet que lorsque j'ai lu pour la première fois du Beckett. On aime ou on n'aime pas, mais il faut avouer que ces auteurs n'ont pas leur pareil pour placer le lecteur dans une position d'attente.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le Désert des Tartares

Un jeune homme plein d'enthousiasme part rejoindre un fort où il a été affecté. Or ce lieu est désert, une vraie prison des ambitions, un lieu d'attente et d'inaction, de vie sans âme! Il faut sortir de là à tout prix et revenir à sa vie de jeune homme, avec les amis et les filles... Mais une fois de retour à sa ville (pendant un congé) tout a changé; même la tendresse de sa mère, tout le monde s'est habitué à son absence! Voilà un vrai coup! Il revient alors à son château pour y rester, car les Tartares viendront un jour, il le sait, il croit à ce mythe curieux et nourrit sa croyance; et ce jour là, il aura sa chance pour se battre, pour montrer son courage, pour montrer que sa vie n'a pas été une perte!



Buzzati avec une maîtrise exceptionnelle de sa chronologie, nous fait vivre cette fuite du temps dans la monotonie et l'attente. Le héros attend et le lecteur aussi, ils pressentent un malheur, une erreur, une méprise, mais ils aspirent à l'arrivée de quelque chose d'extraordinaire! Ils vivent dans la déception, le malaise et l'illusion, puis dans la désillusion amère et la révolte!



Un roman émouvant, excellente leçon sur la vanité de l'existence! La mort est plus forte! L'attente n'est qu'un divertissement, la guerre n'aura pas lieu car la vraie guerre c'est celle de l'homme contre la mort et la fuite du temps, contre la solitude... Le Désert des Tartares est un choc, un roman assommant! Un roman qui nous transporte mystérieusement dès la première page.
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Le Désert des Tartares

J’ai profité de la proposition du challenge solidaire pour me plonger dans un classique que je n’avais pas lu. Je suis à présent heureuse de l’avoir lue bien que je me sois sentie mitigée durant une bonne moitié de cette œuvre. Le sujet ne me passionnait pas, le milieu militaire ne faisant pas partie de mes sujets favoris, mais pourquoi pas ? Certains passages m’ont paru longs, très longs, toutefois, l’écriture de Dino Buzzati est si fluide que je l’ai lu comme on lit un conte. Et c’est en grande partie cette agréable narration qui m’a permis d’aller au bout de l’histoire.



Je me suis ensuite aperçue que le sujet, cette histoire d’un jeune officier envoyé au fort Bastiani, en bordure de désert, est à reléguer au second plan et que le choix du sujet permettait d’aborder de grands thèmes philosophiques.



Le héros, Giovanni Drogo commence sa carrière militaire, il est envoyé dans ce fort, long est le chemin, une route vers une sorte de naissance qui gomme sa vie antérieure, la vie facile d’un citadin bien que les classes lui aient parues bien difficiles. Puis il arrive dans un lieu austère et saisissant, un lieu qui renferme ses secrets et ses mystères, un fort énigmatique dont on peut probablement sortir un jour pour s’ouvrir à la vie ou un lieu dans lequel l’on reste pour devenir un héros… Mais la vie est courte…



Ce roman, c’est l’histoire de chacun de nous, c’est le grand thème de la fuite du temps, celui de l’attente et des questions que l’on est amené à se poser au bout du chemin : qu’ai-je fait de ma vie ?



J’aurais donc pu refermer ce roman qui ne m’aurait laissé alors, que peu de souvenir, mais ce ne fut pas le cas. Même dans mes moments de doute, je ne pouvais arrêter ma lecture tout en ignorant ce qui me fascinait dans cet écrit. Je l’ai compris à la fin. On nourrit de grands espoirs, dans le cas de Drogo, l’espoir d’exercer ses fonctions de soldat : l’arrivée de la guerre et le combat, et chez nous autres humains, l’espoir d’une vie remplie, de plaisir, de plénitude, espoir qui peut laisser place à bien des regrets.



C’est en frissonnant à présent que j’écoute la chanson de Brel : Zangra. J’ignorais que cette chanson était inspirée du roman. J’ai beaucoup appris grâce à cet écrit philosophique que je recommande !
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Le K

J'ai lu ce livre au collège, en tant que lecture imposée, mais je m'en souviens très bien car, bien que moi, j'adorais lire, mes camarades de classe, eux, ne partageaient pas tous la même passion que moi. Et pourtant, ce livre leur a plu, à tel point que ce n'était pas un calvaire pour eux que d'avoir à le lire...bien au contraire.

Je suis d'accord avec la plupart des critiques qui ont déjà été faites sur ce livre, aussi ne vais-je pas répéter une fois encore ce qui a déjà été dit.



A travers des différentes nouvelles, qui ne se ressemblent en rien, il y en a pour tous les goûts, passant du réalisme au fantastique...quoi de mieux pour faire découvrir la lecture aux ados sans pour autant leur infliger un pavé de cinq-cents pages d'un coup ? Ici, ils peuvent voguer selon leur bon loisir, sauter une nouvelle si leur titre ne leur plaît pas et y revenir par la suite, sans pour autant perdre le fil de l'histoire. A découvrir et à faire découvrir !
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Un amour

L’amour quiet, l’amour doux, l’amour bienveillant, l’amour débonnaire, l’amour apaisé, est-ce encore de l’amour ?...

Pour Antonio Dorigo, architecte milanais de 49 ans, l’amour qui entre dans sa vie avec la brutalité d’un coup de vent claquant une porte, est comparable à une vilaine maladie qui taraude l’esprit et broie le corps avec la puissance et le déchaînement d’un concasseur de pierres.

Ce jour-là, il avait simplement décroché son téléphone et joint Mme Ermelina pour lui réserver une de ses filles. Rien que de très banal, un bourgeois payant pour un peu de bon temps avec une prostituée, dans une maison propre, discrète…

« C’était une matinée quelconque d’une quelconque journée ». Jusqu’à ce qu’il la rencontre, elle, Laïde, la jeune fille sélectionnée spécialement pour lui par Mme Ermelina. Quelques rencontres et voilà Dorigo ferré, harponné, pris au piège comme un moucheron dans une toile d’araignée par cette jeune fille qui n’est pas même exceptionnelle au lit !

Laïde, qui se dit danseuse à la Scala, Laïde et son petit minois spirituel, sa beauté vive, l’élégance naturelle de ses manières enfantines que laissent percer les origines plébéiennes, Laïde menteuse effrontée, gamine mutine, perverse et manipulatrice, qui incarne tout ce que lui, le bourgeois bien établi, n’est pas : le parfum de l’interdit, la soif de l’aventure, l’anticonformisme des gens de basse extraction, la révolte, la rage de vivre, l’indépendance.

Brusquement, Dorigo saisit ce qu’il s’était jusqu’ici refusé d’admettre : Laïde est entrée en lui par tous les pores de sa peau, elle a pénétré son cerveau et « le lui desséchait, le lui mangeait ». Dès lors, épris d’amour, contaminé, atteint jusque dans son âme des douloureux symptômes du sentiment amoureux, Dorigo, comme un malade à l’agonie, voit son existence totalement chavirer, « une force inconnue jusqu’alors l’éloigne peu à peu de ce qui jusqu’ici était sa vie ».



Laïde, consciente du pouvoir qu’elle exerce sur lui, le mène par le bout du nez. Défi, provocations, mensonges, tromperies, cachotteries…plus Dorigo s’interroge, plus elle lui glisse entre les mains et plus il souffre.

Les questionnements, les affres de la jalousie, les suppositions, les doutes, la méfiance…les symptômes du mal qui le rongent lui font perdre la raison, le laissant pantelant tout au bord de sa vie d’homme mûr, bien près de basculer.

Car ce n’est pas de Laïde la catin dont Dorigo s’est entièrement épris, mais de celle qu’elle cache derrière le masque de la prostituée, l’autre Laïde, la petite fille du peuple, insoumise, spontanée, fougueuse, violente, irréfléchie, la Laïde vivante, si vivante…Car en l’emprisonnant dans cet amour trompeur qui le plonge chaque jour un peu plus dans l’enfer de la passion, Laïde va également lui faire prendre conscience d’une chose essentielle : l’amour, tout malheureux qu’il soit, est une puissance brute qui défie la mort. « Oui l'amour lui avait fait oublier que la mort existait. Pendant presque deux ans il n'y avait même pas pensé une seule fois, cela lui semblait une légende, lui qui justement en avait toujours ressenti l'obsession dans son sang. Telle était la force de l'amour."



L’amour…une chose bien triste au fond, une maladie mentale avec laquelle Dino Buzzati, délaissant le registre surréaliste et métaphysique qui avait fait son succès avec des chefs-d’œuvre tels « Le désert des tartares » ou « Le K », bâtit un roman magistral qu’il mène en virtuose avec la seule puissance de ses mots.

Un bourgeois épris d’une fille de joie : le sujet peut sembler banal à première vue, mais c’est sans compter sur le génie de Buzzati qui le traite d’une façon totalement nouvelle en le portant à son point d’incandescence dans une analyse psychologique d’une rare intensité et en s’ingéniant à nous ouvrir en grand les portes de l’esprit de son personnage.

Et ce n’est pas une visite non, c’est une perquisition ! Creusant comme une pelleteuse évidant la terre, l’auteur fouille, dissèque, sondant l’homme amoureux au plus profond de sa conscience et de son cœur, vrille son cerveau et le perfore pour nous en faire explorer les moindres replis, les plus infimes circonvolutions, les plus petits soubresauts et tressaillements. Les résonnances autobiographiques sont manifestes ; Dorigo / Buzzati, c’est un peu du même homme, c’est un peu de chaque être humain en proie au mal d’amour.



Ce petit phénomène de la littérature italienne n’a pas eu le succès qu’il méritait lors de sa parution en 1963. Trop neuf, trop vrai, trop cru pour cette époque où mêler amour et prostitution relevait encore du tabou.

Pourtant, le récit haletant de Dorigo, conscient jusqu’à l’exacerbation de sa situation d’homme perdu, est une véritable prouesse narrative et d’une totale modernité stylistique. Peu ou pas de ponctuation, des redites, des hésitations soulignent à chaque phrase l’ampleur monomaniaque du délire amoureux.

Mettre à nu les maux par les mots, décrire les tourments, les impulsions, les émotions épouvantables que l’on peut ressentir lorsque l’amour entre par effraction dans votre vie et saccage consciencieusement l’intérieur de votre être…Buzzati tient son sujet à bout de bras sur plus de 300 pages et le résultat et un pur bijou d’écriture, d’une beauté brute et d’un impact ravageur.

Encore un chef-d’œuvre pour il signore Buzzati !

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Le Désert des Tartares

Le Désert des Tartares, roman du journaliste et écrivain italien Dino Buzzati, est considéré comme un chef-d'oeuvre universel. Publié en 1940, l'ouvrage est un conte philosophique, structuré autour du parcours d'un personnage, dénommé Giovanni Drogo, dans un pays et en un temps indéfinis. De facture classique, la narration est entrecoupée de commentaires et même d'exhortations adressées au personnage principal, lorsque celui-ci se retrouve à la croisée de chemins.



Sorti frais émoulu de l'Académie militaire avec le grade de lieutenant, Giovanni Drogo rêve d'une carrière rythmée par des actes de bravoure et des faits d'armes glorieux. Pour son premier poste, il est affecté à la garnison du fort Bastiani, une vieille place forte éloignée dans les montagnes, à la frontière d'un mystérieux royaume du Nord, au bord d'une immense plaine aride et empierrée s'étendant à perte de vue. Un désert d'où l'on dit qu'un jour surgiront des envahisseurs : des Tartares, si l'on en croit d'anciennes légendes mythiques ; on aurait pu dire des Martiens ou des Extraterrestres.



Le fort est une vieille bâtisse, peu accueillante, peu confortable, peu fonctionnelle, totalement isolée dans des paysages minéraux, sauvages, ravinés, dont les confins disparaissent sous les brumes. le formalisme militaire est empesé, les rapports hiérarchiques convenus. Déçu, Drogo envisage de demander sa mutation en ville, mais il se laisse convaincre d'effectuer une période de quatre mois, à l'issue de laquelle il sera libre de partir.



Des rumeurs font miroiter l'imminence de circonstances exceptionnelles – l’offensive de l'ennemi ne saurait tarder ! – susceptibles d'apporter grandeur et noblesse aux destinées des soldats présents. Alors Drogo décidera de rester au fort au-delà des quatre mois, au-delà de quatre années et bien plus encore. Comme la plupart des militaires en poste, il persistera à se nourrir de l'espoir, de l'attente chimérique d'un événement annoncé qui ne survient pas, qui pourrait survenir ou ne jamais survenir, et qui surviendra peut-être juste quand on ne l'attendra plus…



Mais l'attente de l'événement pourrait n'être qu'un prétexte, la justification d'un choix inconscient et moins noble, auquel nous risquons tous d'être confrontés : l'accommodement à la médiocrité. le confort du fort est précaire, mais les petits désagréments quotidiens finissent par tisser une intimité monotone et rassurante dans laquelle chacun aime à se blottir. Il en est de même pour les rituels militaires, contraignants, mais auxquels leur tonalité et leur échelonnement prévisibles confèrent un ronronnement familier. le caractère protocolaire des rituels conforte aussi le sentiment d'être intégré à un système initiatique flatteur. L'estime montrée par les inférieurs et qu'on voue à ses supérieurs compense celle que l'on n'est pas certain d'avoir pour soi-même.



Autour du fort, malgré leurs reliefs lunaires, leurs horizons insondables et leur immobilité embrumée, les paysages finissent par revêtir un aspect onirique surréel et fantastique, que les hommes de la garnison tiennent pour un privilège dont ils ont le sentiment d'être les bénéficiaires exclusifs.



Drogo parviendra-t-il à se libérer du sortilège du fort Bastiani et de son désert des Tartares ? Il pourrait chercher une affectation en ville, où il fonderait une famille. Mais englué au fort par les routines et les vanités, il est persuadé d'être toujours le maître de son destin. Il croit avoir le temps, mais il perd la notion de ce temps qui fuit dans la ronde inexorable du soleil, des heures, des saisons, des générations. Un jour, il pourrait soudain se rendre compte avec angoisse qu'il est trop tard.



L'attente de la guerre contre l'ennemi invisible est un thème commun avec le Rivage des Syrtes. Mais la comparaison s'arrête là. A l'opposé de l'écriture de Julien Gracq, le Désert des Tartares fait l'objet d'une prose sobre, épurée, conforme au précepte de Dino Buzzati : « l'efficacité d'une histoire fantastique est liée à l'emploi de mots et de paroles les plus simples et les plus concrets possible ».



Pour ma part, c'est à La Montagne magique de Thomas Mann et au parcours d'Hans Castorp que m'a fait penser l'espèce de paralysie à laquelle se condamne Drogo.


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Le Désert des Tartares

Comment un roman dont le personnage principal est le temps qui passe et l'ennui qui s'en dégage, pourrait susciter la ferveur des lecteurs ? Mystère de la littérature. Il n'en reste pas moins que le désert des Tartares demeure une oeuvre immense dont les influences, qui vont de Zangra de Brel au Trône de fer, tissent des ramifications sans fins. Au cours du roman, on est aspiré par cette vacuité qui peuple le récit et qui paradoxalement lui donne son sens. L'existence est vaine et pourtant sans cette vanité elle ne serait rien.

Et quand on s'en rend compte, quand le personnage s'en rend compte, sa réaction est autant inattendue que sublime.

Un chef d’œuvre impérissable, oui mais qui ne doit pas faire oublier les nouvelles de Buzzati, peut-être moins puissantes, mais tout aussi saisissantes, comme autant de variations sur un thème, ce thème obsédant de la fuite du temps et de son (non)sens.
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Le Désert des Tartares

A mon humble avis ,il est difficile de parler de ce roman sans spoiler , ce que je m'efforce de ne jamais faire et que je ne ferais pas ici , donc .

C'est un texte assez fabuleux, modérément long et dense sur l'ascèse et la maitrise du néant et sur la néantisation . C'est aussi des pages sur le fonctionnement du choix en tant que processus de sauvegarde individuelle et même peut-être également un texte sur l'addiction et l'attachement ?

Un jeune soldat commence sa carrière dans un fort sur la frontière nord , à la lisière d'un désert , appelé le désert des tartares qui appartient au royaume du nord .

Une frontière avec une sorte de vide d'où rien ne vient jamais et ce depuis toujours . Mais une frontière reste une frontière et comme on ne sait jamais , il faut la garder et la confirmer , pour en faire une réalité et c'est peut-être à cela que sert que ce fort et sa garnison formatée par l'attente et par l'univers de ce roman montagneux et isolé.

Le lecteur accompagne la jeune recrue dans l'apparent vide du temps qui passe et il observe comment les pressions se manifestent sur ce jeune homme avec autant de tact que de ménagement . Avec aussi de la détermination , tous ces traits ont contribués à forger son caractère et sa soumission ou son adaptation ? La première fois que J'ai lu ce roman je me suis dit : c'est un récit sur l'attente et maintenant je me dit toujours cela , mais en ajoutant à la thématique de ces pages la problématique du choix et de la double contrainte.



Ce texte est un chef d'oeuvre sur le fond de par son insondable subtilité . Il l'est aussi grâce à sa légèreté et grâce à des images qui sont aussi systématiquement ou presque , des reflets imagés de l'univers intérieur des personnages et qui colorent leur vie intime , tout en étant l'écho des réalités tangibles qui font la réalité matérielle de cet univers . Ces images en disent tellement sur le rapport entre l'aspect de la réalité et l'idée que l'on s'en fait , ou que les personnages s'en font . Ces images sont comme une sorte de langage et de dialectique souvent intérieure et dans le non-dit .Elles portent à l'unisson sur les réalités factuelles , sur les actions et les processus décisionnels conscients ou non des personnages et sur la compréhension du lecteur.



Un beau texte qui est plus parlant que mon commentaire alambiqué , alors qu'il transporte le lecteur dans un univers touchant, évocateur, subtil ,qui est tout sauf mièvre ou dilatoire . Un univers où faussement le temps ne semble pas passer et où l'ennui est absent de l'expérience du lecteur.

Deux mots qui font un ressentis bizarre : les noms italiens couplés à une géographie fictionnelle très circonstanciée , donne une tonalité encore plus improbable à cet univers de fiction qui est un superbe cadre métaphysique , sans appartenir à l'Italie et aux Alpes.

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Le K

Excellent recueil de nouvelles, qui satisfera tous les goûts. Certaines sont orientées fantastique (pacte avec le diable, don d’ubiquité, …), les autres sont plus classiques. Mais toutes marquent par leur symbolique profonde et la force des sentiments qu’elles provoquent. Les murmures de la jalousie, la jeunesse qui s’enfuit alors qu’on pensait la tenir fermement entre les mains, l’amour qui rend esclave, Buzzati parvient à les capturer en un récit de quelques pages.



Il n’y a aucune excuse pour passer à côté de ce recueil ! Les nouvelles peuvent se lire en cinq minutes dans le métro ou dans une salle d’attente. Et qui oserait les préférer à un vieux numéro de Paris-Match ?
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Le K

Le K est le premier recueil de nouvelles de Buzzati que j'ai lu après avoir dévoré le désert des Tartares.

On y trouve d'emblée, à travers de nombreuses nouvelles toutes différentes, l'univers de Dino Buzzati.

Cet univers où le réel côtoie de près le rêve et l'irréel est rempli des angoisses qui taraudaient l'auteur. La nouvelle titre illustre ainsi la prise de conscience tardive d'un homme qui finit par se rendre compte qu'il est passé toute sa vie à côté de l'essentiel.

On passe d'une nouvelle à l'autre avec beaucoup de plaisir et le K donne envie de découvrir encore davantage Buzzati.
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Nous sommes au regret de...

Ce livre est un feu d'artifice Buzzati, avec ses tableaux et ses moments forts!

Tous les paysages, personnages, rêves et thèmes de l'immense auteur se retrouvent dans cette amphore extraordinaire.

Des voyages, des fulgurances, des prémonitions... Dino Buzzati est partout, puisqu'il a tant écrit qu'il na jamais cessé d'écrire!

C'est à la démesure d'un livre impossible à résumer.

Lisez-le, voyagez dans Nous sommes au regret de... Abandonnez-le, reprenez-le, mais lisez-le!

C'est ce feu d'artifice, ce bouquet sans pareil, qui clôt l'année de lectures

d'Horus Fonck.



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Le Désert des Tartares

Un résumé est dispensable, et, préférant l'analyse et le ressenti je n'en suis de toute façon pas très adepte.

Roman quasi philosophique de l'absurde, marinant dans la comtemplation de l'inutile et du vain.

Je l'ai relu quelques décennies après la découverte, avec un peu d'appréhension, la crainte de la liquéfaction du souvenir d'une grande œuvre fantasmée à l'aune de sa réalité.

Je l'ai tout autant apprécié, voire plus, la maturité permettant d'appréhender la lecture débarrassée du carcan du "il faut avoir lu", et qui permet de ne plus estimer l'intérêt d'une œuvre quelle qu'elle soit qu'à sa propre échelle.

le stade du roman dépassé, nous naviguons haut dans la littérature. L'écriture dense ne permet pas une lecture rapide, chaque page se tourne lentement, induisant l'impression d'un livre plus volumineux que sa réalité.

L'œuvre, méthodiquement, met l'Homme face à sa propre nature humaine rugueuse, face à une Nature hostile et revêche, face à lui même, et à ses préjugés et obligations sociétales créées de toute pièce, permettant à sa facette stoïcienne et contemplative de s'épanouir.



Qu'on l'aime ou pas, il faut reconnaitre les qualités intrinsèques d'écriture de ce que l'on peut qualifier de chef-d'œuvre ( mais qui abuse des parenthèses à mon goût).
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Le Désert des Tartares

Voici un roman étrange, très particulier, hors normes presque. L'action se passe à une période indéterminée, dans un endroit imaginaire. Le livre traite de la fuite du temps, mais aussi de l'ennui, de la solitude, du travail routinier, mais aussi de l'espoir qui fait que l'on accepte l'attente et qu'on espère un autre lendemain. Dino Buzzati y pointe aussi du doigt la lourdeur de l'administration, des tâches répétitives, et dévoilent les rivalités, les mesquineries, l'opportunisme. Il y fait un portrait sans concession de l'homme qui pense à sa carrière prêt à tout pour cela. Drogo, personnage principal de ce roman, être un peu trop naïf et honnête, est victime de ce système. L'action se déroule dans le fort Bastiani, les journées sont monotones, il n'y a que peu d'action dans ce livre, qui est plutôt une introspection, mais cependant la lecture n'est pas ennuyeuse du tout, même plaisante. Et ce roman de Buzzati est un très bon livre qui a bien rapidement trouvé sa place dans les grands classiques du XXe siècle. Belle découverte.
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Le Désert des Tartares

Giovanni Drogo, fraîchement sorti de l’académie militaire qui forme les officiers reçoit son affectation : la citadelle de Bastiani, dernier rempart avant la frontière d’un territoire ennemi ; au milieu de nulle part, si tant est que le désert puisse être nulle part…

Le désert des Tartares , premier roman de Dino Buzzati est l’histoire d’une attente. Celle de l’hypothétique attaque de l’Ennemi. L’officier Drogo est là, il veille… L’ennemi est là, lui aussi, tout près …et Drogo le sait …Même sans le voir, il le sent, il l’attend … il est prêt, il ne pourra pas lui échapper…Et Drogo se couvrira de gloire en le repoussant.



Chacun selon son vécu pourra trouver matière à interprétation, dans la filiation de Kafka, de Camus, voire de Sartre…"Le Désert des Tartares", un roman pesant, puissant, oppressant qui traite de la solitude de l'Homme traversant le désert de sa vie, du sens (ou du non-sens) de celle-ci, de l'obsédante fuite du temps … Bref, un chef d’œuvre mondialement reconnu comme tel.



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Barnabo des montagnes

Il y a en effet, dans Barnabo des montagnes, les prémices et le ferment de l'universel Désert des Tartares.

Buzzati ressent déjà le temps, la mort et la destinée dans ce premier roman déjà quasi-magistral. Buzzati hypnotise déjà son lecteur avec son personnage-titre habité par la montagne... Cette montagne qui constitue sa raison de vivre avec ce que cela comporte de honte, de renoncement et de retour.

Il y a, dans la très belle fin du roman, cette douce raison (fatalité?) qui inspire au héros un geste d'une rare noblesse. À quoi bon la vengeance, si celle-ci vient gâter une plénitude retrouvée?

Barnabo des montagnes, premier roman de Dino Buzzati, a de quoi rendre heureux tous lecteur babéliote ou non.

Et, c'est bon.
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La Fameuse Invasion de la Sicile par les ours

Grande avait été ma surprise en voyant que ce livre de mon enfance allait être adapté en dessin animé. Le résultat s’est révélé un petit chef d’œuvre, développant un univers graphique et une esthétique propre, inspiré des illustrations d’origine mais où le réalisateur avait ajouté sa propre vision. Un exemple de ce que peut être le dessin animé dans son meilleur, quand il va dans l’artistique au lieu de se contenter de produire une bouillie infâme dont les gamins se bourrent comme s’il s’agissait de saloperies sucrées aux édulcorants. Bien entendu, ce fut un bide total. Il n’y a plus de place pour l’art des artisans en France, ça coûte cher et ça ne divertit pas assez.



Révoltés par la perfidie des hommes, les ours envahissent leur royaume et entreprennent de les « relever », mais ce sont eux qui se laissent corrompre par l’ambition et les plaisirs faciles. Renonçant à leurs richesses et la place qu’ils s’étaient faite auprès des hommes, ils regagnent leurs montagnes.



Comme on le voit, c’est donc un petit compte philosophique à usage des enfants sur le danger de céder aux tentations qu’offre la société, sur les vertus d’une vie simple et proche de la nature. Pourquoi l’ours ? A cause de son rôle mythique, peut-être. L’histoire de la femme vivant parmi les ours et enfantant un être mi-homme mi-ours est presque universelle. A cause de son aspect anthropomorphe, probablement. Pour renverser le péjoratif « ours mal léché », peut être également. Et pourquoi la Sicile ? Seul l’auteur le sait ! Une métaphore entre les ours et ‘l’expédition des mille’ de Garibaldi, peut-être.



C’est la saison des madeleines ; il en pleut sur Babelio. En voici une de plus, si vous avez des enfants pensez-y.
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