Citations de Dominique Marny (90)
il s'était attiré la sympathie de nombreux pêcheurs de lune, cette poétique appellation qui désignait les brocanteurs.
Ariane gara sa voiture le long du quai Jeanne-d’Arc, ouvrit son coffre, prit son sac de voyage, puis entra à l’hôtel de la Boule-d’Or, où elle avait réservé une chambre.
— Je vous donne la 11. Avec vue sur la Vienne, lui annonça la réceptionniste.
Munie de sa clé, Ariane gagna le premier étage. Ayant quitté Paris à sept heures, elle se serait volontiers assoupie sur le grand lit. Elle regarda sa montre. Il ne lui restait que vingt minutes pour rejoindre l’agent immobilier.
"Annabelle avait l'impression que, chez ces gens, tout tournait autour des échanges et de l'épate. On n'agissait qu'en fonction des regards extérieurs. Etait-il si difficile d'exister par soi-même ?"
« C’était , sans doute, ces instants que Vladimir avait surpris .
L’oubli de ce qui l’entourait , le retour vers les souvenirs heureux ou malheureux .
Avait - il été ému parce que les séparations, la peur, la faim, la pauvreté, l’impression de ne compter pour rien ni personne ne lui étaient pas inconnues ? »
« Le son du canon ponctuait des journées où il se démenait avec ses confrères pour soigner des hommes qui rentreraient chez eux mutilés…..
En s’arrêtant devant un champ planté de croix , il s’était interrogé sur l’absurdité des faits .
Comment des mères , ayant élevé avec amour et abnégation leurs fils, pouvaient - elles les laisser partir vers une mort quasi inévitable sans devenir folles ? » …
« Quand on se prend à hésiter entre deux plages, l’une d’elles est toujours Biarritz .
SACHA GUITRY .
Clarissa arriva en fin d’après-midi à l’hôtel puis se reposa dans sa chambre où tournaient les pales du ventilateur. Avant de se préparer, elle but un thé sur son balcon.
Le ciel commençait de s’obscurcir au-dessus des trois grands triangles de pierre qui, à la lisière du désert, témoignaient de la grandeur des rois dont ils avaient abrité les dépouilles dans le secret des chambres mortuaires.
Rose frissonna. Comment parvenait-il à garder son sang-froid alors qu’elle se sentait en miettes ? comment était-il capable d’évoquer un futur où elle ne pourrait pas se raccrocher à l’espoir d’un prochain rendez-vous ? Tout devenait âpre, difficile, injuste.
On met en place et on agrafe un à un les bijoux :
elle resplendit comme une nuit constellée d'étoiles,
comme un large fleuve piqué d'oiseaux blanc,
un grand jasmin éclaboussé de fleurs.
On la revêt de soie blanche,
on lui met dans la main un miroir,
rond et argenté comme la lune d'automne.
Et voici qu'elle fait penser au rivage
de l'aube des temps...
Elle avait été trop longtemps naïve en pensant que les sentiments avaient une part d’immuabilité. Rien n’était écrit dans une relation. À l’impondérable s’ajoutaient les tracas de toutes sortes qui créaient les malentendus, égaraient, détruisaient.
Certains signe me donnent la certitude que la peinture moderne trouvera ici et bientôt son public. Travaille, mon vieux Carlier. Du reste... je me chargerai.
Pour Louis, s’acheter une maison ne relevait pas d’un caprice. A bientôt trente-six ans, il voulait se créer des racines. Dans les tranchées, ses souvenirs de Dinard l’avaient aidé à résister au froid, à la vermine et aux tirs ennemis. Lorsqu’il se sentait proche du désespoir, il fermait les yeux et se bouchait les oreilles. Alors, le soleil le réchauffait, le roulement des vagues le berçait, les lanternes des bateaux éclairaient sa nuit. A son retour dans la vie civile, il lui avait fallu parer au plus pressé : reprendre l’affaire familiale qui tournait au ralenti, renouer avec une vie sociale. Son père était mort en 1920 et, trois ans plus tard, sa mère l’avait rejoint au cimetière. Le besoin de savoir qu’une demeure l’attendait, quelque part, s’était imposé.
Un jour, j’ai rencontré un type qui m’a trouvée à son goût. J’avais seize ans. Lui, vingt-huit. Il m’a fait poser comme modèle à la Grande Chaumière. Quand la guerre a éclaté, il est parti pour le front et n’en est pas revenu. Un sculpteur m’a remarquée. On a vécu plusieurs années ensemble. Ce n’était pas le grand amour, mais on s’entendait… Jusqu’à ce qu’il…
La guerre et ses conséquences avaient fini de distendre leurs liens. Alice refusait de vivre cette indifférence à l’autre. Nourrie de romans, elle voulait être passionnément aimée et désirée.
Sur un ton sans chaleur, elle prit des nouvelles de sa fille qui s’en tint à de courtes réponses. Il en avait toujours été ainsi. Au plus loin que remontaient les souvenirs, aucun moment de tendresse partagée ne se dessinait. Durant ses jeunes années, Alice avait hérité de gouvernantes chargées de la dresser. Il n’existait pas d’autre terme pour définir l’éducation bornée qu’on lui avait dispensée. Pendant la guerre, elle avait touché le fond de la solitude et de la tristesse. Dans le silence de nuits sans sommeil, elle priait pour qu’il n’arrivât rien à son père. Au creux de son lit, protégée par les draps et les couvertures, elle imaginait son retour. Le choc fut terrible quand il revint et qu’elle comprit combien sa mère aurait préféré le veuvage plutôt que la compagnie d’un homme qu’elle ne reconnaissait pas. Depuis, ils vivaient chacun dans leur monde, ne communiquant que pour le strict nécessaire.
Ayant récemment obtenu son permis de conduire, elle n’était pas une championne du volant. Ses vacances lui fourniraient l’occasion de se perfectionner, d’autant que son parrain avait la gentillesse de lui prêter son véhicule. Ce matin, tout lui semblait parfait : les nuages qui s’effilochaient dans un ciel bleu, la brise venue du large, le vol des mouettes. Une sensation de liberté l’envahissait. Etait-ce l’approche de la majorité ? Dans trois semaines, Alice aurait vingt et un ans !
La poésie, c'est réinventer le monde dans lequel on vit.
Voici une jolie histoire d’amour, qui se passe dans le décor superbe d’une maison pleine de charme, sur les bords de l’Indre. Les personnages principaux sont attachants, une ancienne danseuse devenue chorégraphe, et un grand reporter. On se laisse porter par leur amour grandissant, et par tous les autres personnages, tous charmants. On termine le livre apaisé, et heureux, avec le sentiment d’avoir passé quelques jours de vacances dans un joli jardin avec des amis.
Le peintre n'ignore rien de ce passé flatteur. Ce qui ne l'empêche pas de se sentir mille fois supérieur.
(...)
Subrepticement, il va la convaincre de moins se consacrer à la photographie et de renouer avec la peinture. Une discipline où il pourra, sans aucune difficulté, la rabaisser.
Elle s'imagine déjà abîmée par leur relation, mais marcher sur des crêtes n'est pas exempt de risques. De toute façon, elle n'a plus le choix. L'amour l'embrase. (p.134)